2. Le paradoxe de l'allemand
Alors que le « dialogue » franco-allemand suppose des besoins de compréhension mutuelle accrus, l'enseignement de la langue de notre principal partenaire connaît une chute aussi régulière que préoccupante.
a) Une connaissance réciproque qui s'effrite...
Force
est de constater, d'année en année que
les jeunes
Français et Allemands sont de moins en moins nombreux à
étudier la langue du partenaire
, et, par suite, sont dans
l'incapacité de se détacher d'une vision
stéréotypée du pays voisin : plus de 50 % des jeunes
Français n'associent aucune idée au mot Allemagne...
Ainsi le Français résiste difficilement Outre-Rhin, alors que
l'anglais s'impose en première langue : parmi les 20 %
d'élèves concernés par l'apprentissage précoce en
2000, seuls 3 % ont appris le français ; le nombre
d'élèves de second cycle apprenant notre langue a diminué
de 12 % entre 1990 et 1995, alors que celui des anglicistes a
augmenté de 6 % ; mais le français reste encore bien
établi en LV2 : 43 % des lycéens apprenaient le
français en 2000-2001 (96 % l'anglais, 26 % le latin, et seuls
3,9 % l'espagnol, 3,4 % le russe et 1,1 % l'italien), même
si seul un élève sur cinq environ suit des cours de
français sans rupture jusqu'à l'Abitur.
En France, l'allemand semble en passe de devenir une langue rare
et
sinistrée dans les établissements français : ses effectifs
sont passés en 2002 sous la barre symbolique du million
d'élèves. Si plus de 14 % des élèves
l'étudiaient en première langue dans les années 70,
ils ne sont plus qu'un peu plus de 8 % actuellement ; la chute est
encore plus spectaculaire en deuxième langue : de 36 % des
élèves en 1970 à 20 % en 1995 et 13,5 % en
2001 ; l'allemand connaît le même sort en LV3, passant de
18 %
jusqu'en 1990 à
7,4 % en 1999.
b) Une situation paradoxale
Si les
« 1 001 raisons d'apprendre l'allemand »
répertoriées par M. Alexandre Wattin dans un récent
ouvrage pourraient légitimement être déclinées pour
bien des autres langues, force est de reconnaître que le déclin de
l'enseignement de l'allemand en France prend une résonance
spécifique, et apparaît aussi préoccupante que
paradoxale :
- en raison des attentes et des besoins du monde économique ;
- rappelons en outre que, d'une part, l'allemand est la première
langue en Europe : un habitant de l'Union européenne sur quatre est
germanophone de naissance (devant le français, l'anglais et l'italien,
langues maternelles de 16 % d'européens et l'espagnol, 10 %)
et que, d'autre part, avec l'élargissement de l'Union européenne
vers les pays de l'Est, le poids européen de l'allemand va se renforcer
(dans 8 pays d'Europe centrale concernés, l'allemand représente
environ la moitié des langues enseignées) ;
- en raison de la
qualité de la coopération
éducative franco-allemande
et du succès des dispositifs
pédagogiques particuliers mis en place (délivrance
simultanée du baccalauréat et de l'Abitur, lycées
franco-allemands...). Les possibilités d'échanges scolaires (il
existe environ 4 000 appariements d'établissements) sont plus
développées qu'avec tout autre pays, mais ces atouts ne sont pas
suffisamment valorisés pour rendre l'image de la langue plus attractive.
A ce titre, la création de
l'Office franco-allemand pour la
jeunesse
(OFAJ) le 5 juillet 1963, chargé d'apporter un soutien
financier, pédagogique et linguistique aux échanges de jeunes,
apparaît comme l'une des principales réussites du Traité de
l'Elysée en matière de coopération linguistique :
- 200 000 échanges sont organisés chaque année,
la moitié dans le cadre scolaire, en partenariat avec l'Education
nationale, l'autre moitié lors de rencontres thématiques, autant
d'occasions d'intégrer la langue autour d'un intérêt commun
dans un contexte extrascolaire (par exemple lors d'animations sportives
encadrées par des animateurs titulaires d'une formation
bilingue
30
(
*
)
) ; ces
échanges se développent dans l'enseignement professionnel (30 000
par an en moyenne), malgré la faiblesse de l'allemand dans ces
filières ;
- depuis 1999, le
programme Voltaire
propose des séjours de
longue durée (6 mois) à des élèves de seconde, sur
le principe d'un tandem entre élèves français et
allemands ; 400 jeunes sont actuellement concernés chaque
année, ce qui reste encore trop restreint, faute de moyens
supplémentaires.
Il est essentiel d'appuyer et de diffuser ces initiatives, pour multiplier les
contacts entre jeunes et améliorer chez eux la connaissance du pays
partenaire.
Une mission interparlementaire a été créée en
septembre 2003 afin de définir de nouvelles orientations pour l'OFAJ, en
particulier en vue de recentrer ses activités sur l'acquisition de
compétences linguistiques et la valorisation de la langue du pays
partenaire.
* 30 Un double diplôme du BAFA et de son équivalent allemand est en train de se mettre en place, mais des problèmes de reconnaissance entravent encore le développement de telles pratiques, pour les alpinistes par exemple. Il pourrait être fait appel à des étudiants Erasmus par exemple pour encadrer ces rencontres...