C. DES ENJEUX NÉGLIGÉS
1. Les langues, un « passeport pour l'emploi » : l'anglais n'est pas suffisant...
a) La diversification, un atout dans le domaine économique
Si la
maîtrise des langues est devenue indispensable pour tout citoyen dans une
économie mondialisée et un espace européen sans
frontière, la stratégie de diversification des profils
linguistiques est tout aussi déterminante pour pouvoir profiter de
toutes les possibilités offertes par le marché du travail: en
effet, «
si l'on achète fort bien en anglais, on vend
beaucoup mieux dans la langue du client
»...Il n'y a pas de
contradiction entre « économisme » et
plurilinguisme, même si l'anglais fait office de code primaire des
échanges : comme le clame le rapport de la commission Nuffield au
Royaume-Uni,
l'anglais n'est pas suffisant
.
Désormais érigées en critère de sélection
à l'embauche par les entreprises, les langues doivent être
considérées comme
un atout à mettre en valeur sur un
CV
. Toutefois, l'enjeu de l'apprentissage de plusieurs langues
étrangères dans une perspective professionnelle n'est pas
perçu : 64 % des gens n'ayant aucune compétence
linguistique estiment que l'apprentissage d'une langue étrangère
ne leur offrirait pas de meilleures perspectives d'emploi, et seuls 23 %
des personnes souhaitant apprendre une langue pensent que cette connaissance
serait utile à leur carrière
29
(
*
)
.
De plus, les besoins réels de l'économie ne sont donc pas
suffisamment pris en compte dans le choix de cursus scolaires de langues :
les tendances du marché échappent bien souvent aux
familles
, alors même que, si 93 % des parents d'enfants de moins
de 20 ans pensent qu'il est important qu'ils apprennent des langues
vivantes, c'est en premier lieu pour améliorer leur avenir
professionnel...
b) L'économie française manque de linguistes : des besoins insatisfaits
En
l'absence d'information des familles sur les besoins de l'économie, la
formation en langues étrangères des jeunes Français n'est
pas adaptée aux besoins exprimés sur le marché de
l'emploi :
- la maîtrise de l'anglais, incontournable, ne fait plus la
différence entre les candidats à l'embauche ; or tout le
monde n'a pas conscience que connaître cette langue constitue aujourd'hui
le «
minimum minimorum
»...
- quant à l'espagnol, l'offre dépasse de loin les besoins du
marché : une recherche effectuée le 11 avril 2002 sur le
site anpe.fr prenant les langues pour mot-clé donne 3 307 offres
demandant l'anglais en tête, 803 offres l'allemand, 258 l'espagnol et 250
l'italien ;
- face à cela, le
manque de germanistes
est
négligé par le système scolaire : l'Allemagne est
notre premier partenaire commercial : 50 % des échanges
commerciaux de la France s'effectuent avec l'Allemagne, 2 400 entreprises
françaises sont implantées outre-Rhin, et les échanges
franco-allemands font travailler directement 350 000 personnes en
France ; chaque année, la France est la destination touristique de
12 millions d'Allemands ; aussi, sur le marché de l'emploi,
l'allemand est actuellement la deuxième langue la plus
recherchée, et ces besoins restent en partie insatisfaits : la
Chambre de commerce franco-allemande estime à près de 4 000
le nombre de postes de cadres parlant allemand restant non pourvus... ;
- de même, la place de l'italien dans les enseignements n'est pas
à la hauteur des besoins de contact avec notre deuxième
partenaire commercial ;
- enfin, d'autres perspectives de gagner des parts de marché
nouvelles se ferment à nos entreprises, dans des secteurs de pointe
notamment, car sont négligées des langues comme le chinois, le
japonais ou les langues nordiques... ; soulignons juste que la Chine,
récemment entrée à l'OMC, est le 1
er
marché potentiel du monde, et que les entreprises
étrangères qui y sont implantées exigent de plus en plus
aujourd'hui la maîtrise du mandarin en plus de celle de l'anglais...
REPARTITION DES LANGUES UTILISEES POUR L'EXPORTATION
* 29 sondage Eurobaromètre, « Les Européens et les langues », 2001.