LES DEMANDES D'AUTRES ADMINISTRATIONS : DES ACTIVITÉS RÉCURRENTES TRAITÉES COMME DES ÉVÈNEMENTS IMPRÉVUS

Les éléments observés sur le terrain

Des responsables locaux des forces de sécurité parfois supplantés par des impératifs de service posés par une autorité « concurrente »

Comme toutes les administrations, les responsables des commissariats et des gendarmeries sont sollicités chaque jour par leurs collègues des autres services déconcentrés ou décentralisés. Un phénomène répété et cependant perçu comme dérogatoire au coeur de métier : « nous sommes le seul service public avec les pompiers et le service des urgences des hôpitaux à être disponible 24h/24 et 7 jours sur 7. Quand tous les autres sont fermés, c'est à nous qu'on fait appel . » Dès lors, toute demande émanant d'une autre administration est souvent vécue comme non légitime. Pourtant, les chefs de service estiment qu'ils ont une obligation à répondre à ces demandes, a fortiori lorsqu'elles émanent de la Préfecture.

L'intervention d'une autorité extérieure provoque parfois une forme de rivalité entre responsables qui est diversement ressentie par les commissaires ou les commandants de brigade. Pour certains, la disponibilité de cette force démontre le caractère incontournable de la gestion de la sécurité dans le département. Pour d'autres, il faut y voir un palliatif « trop facile » à la défection d'un certain nombre de services publics.

Exemple : selon un commandant de groupement, « la gendarmerie est devenue une plate-forme d'information pour la plupart des services publics du département, elle fournit des informations de terrain, notamment en matière de statistiques ».

A l'inverse, certains chefs de service s'interrogent sur la légitimité de quelques demandes qui leur parviennent. Dans ce cas, ils s'en assurent auprès de leurs collègues ou de l'administration centrale par exemple.

Exemple : un commandant de compagnie doit communiquer au sous-préfet une liste de citoyens qu'il juge dignes de figurer sur la liste des jurés de Cour d'Assises. Il a donc lancé une petite enquête pour savoir si ce type de demande entre dans le cadre de ses attributions.

Une note de procédure pour simplifier le travail

A ce titre, un des responsables de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale a rédigé une note portant sur « l'exécution des tâches non strictement liées à la mission de sécurité » (cf. annexe). Cette note recense les missions qui peuvent être demandées par d'autres administrations et qui sont « abusivement exécutées par les militaires de la gendarmerie » . Aussi définit-elle « les conditions d'application des mission » .

La liste présente :

§ la procédure de ramassage des plis électoraux,

§ l'acheminement de plis, documents et pièces à la demande des autorités administratives ou judiciaires,

§ les notifications diverses au profit des juridictions,

§ la certification de l'attestation d'accueil,

§ l'exécution des « soit-transmis » des Officiers du Ministère Public relatifs au non-paiement des amendes forfaitaires,

§ l'information des familles des personnes décédées dans un accident de la route,

§ le concours sur le terrain au profit de services ou d'organismes chargés d'enquête auprès des automobilistes.

Cette liste n'est pas exhaustive de ce qui a pu être entendu dans les unités visitées.

La question des transfèrements et de la garde des détenus malades

Elle constitue un motif de discussion récurrent dans les deux forces de sécurité. Le service de la justice consistant en des activités de garde et d'accompagnement de détenus demeure très difficile à intégrer dans la gestion du service.

Les responsables d'unité sont prévenus très peu de temps à l'avance pour une activité pourtant classé prioritaire. Plusieurs unités ont fait état des transfèrements qui ne donnent pas lieu à audition par le magistrat pour des motifs divers (pièces manquant au dossier, avocat ayant obtenu un report d'audience, substitut retenu par une autre affaire, etc...).

Exemple : une des brigades de gendarmerie visitées est située à proximité d'un centre de détention pour les longues peines. L'escorte d'un des 600 détenus dits « sensibles » mobilise 2 à 3 gendarmes pour une durée dépassant parfois une journée. Toutefois, il n'est pas rare que le commandant de brigade soit avisé d'une telle mission dans un délai moyen de 48 heures. Dans certains cas, il est même nécessaire de garder un détenu le dimanche, jour de fermeture de la prison. Les locaux ne sont évidemment pas adaptés au séjour d'individus surveillés qui mobilisent par ailleurs un gendarme en permanence. Ces situations, difficiles et risquées sur le plan de la sécurité, coïncident avec la réduction des gendarmes disponibles à la brigade, mais aussi des magistrats en mesure de recevoir les présentations en plein week-end.

Exemple : l'activité judiciaire est très importante dans la ville d'un des commissariats visités. Cette ville possède, entre autres, un Tribunal de Grande Instance, une Cour d'Appel, ainsi qu'une maison d'arrêt. Les transfèrements sont fréquents et le commissaire a dû créer une unité spécialisée à plein temps pour cette activité.

L'audition des individus interpellés par les gardes de l'Office National des Forêts

Ces personnes doivent en fait être entendus une seconde fois par les policiers ou les gendarmes car les gardes de l'ONF ne sont pas officiers de police judiciaire. Les agents ont l'impression de refaire un travail qui a déjà été effectué et dont ils ne sont pas, de surcroît, à l'origine.

De telles demandes sont, bien entendu, chronophages et rendent la planification de l'activité difficile et aléatoire.

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