M. Jean-Claude Larrivoire, journaliste
Je crois savoir que pour Étienne Mougeotte les régulations s'assimilent de plus en plus à des contraintes, contraintes de plus en plus lourdes...
M. Étienne Mougeotte, vice-président de TF1, directeur général de l'antenne
Je vois
comme un clin d'oeil le fait que ce colloque se termine sur la question des
régulations, alors que ce matin-même le Conseil des ministres
débattait de la question des simplifications administratives...
Un responsable de chaîne de télévision opère selon
une série de contraintes : les goûts du public et leurs
évolutions, la recherche et l'organisation des talents dans tous les
domaines de programmes et enfin la réglementation et le contrôle
du CSA.
Après seize ans de privatisation de TF1, la question est de savoir si
cette réglementation et son application sont toujours adaptées
aux buts poursuivis, dans la mesure où, au cours de cette
décennie, nous avons connu une véritable inflation
législative et réglementaire.
Cette régulation exercée par le biais du CSA est parfaitement
légitime dans un certain nombre de domaines où elle a d'ailleurs
fort bien réussi, comme ceux du pluralisme politique et de la
déontologie de l'information, où les progrès ont
été considérables.
Des progrès très significatifs sont à enregistrer aussi
sur les questions de protection de l'enfance et de l'adolescence. La
signalétique a très largement été
améliorée, elle est un garde-fou en même temps qu'un appel
à la responsabilisation, de nous-mêmes et des parents.
De très importantes avancées aussi sont à enregistrer dans
le domaine de la lutte contre la publicité clandestine, ceci grâce
aux vigilances conjuguées du CSA et des chaînes.
Enfin, les règles et la régulation ont joué un rôle
très positif dans le domaine de la création
cinématographique et audiovisuelle. L'obligation faite aux chaînes
d'investir chaque année un pourcentage de leur chiffre d'affaires net
dans la création a contribué à créer un pôle
de production fort et très professionnel.
Je ne revendique donc nullement la liberté du renard dans le
poulailler... mais nous sommes arrivés en France à un point
absolument invraisemblable.
Ayons par exemple l'honnêteté de dire que le cinéma
traverse de vraies difficultés. Pour preuve, remarquons que l'audience
des films français à la télévision diminue de
manière régulière. Les grandes chaînes diffusent
moins de films en
prime-time
qu'elles ne l'ont fait par le passé.
La situation est étonnante : les mêmes qui critiquent la
dépendance du cinéma à l'égard de la
télévision ne cessent de réclamer l'augmentation des
obligations à la charge des diffuseurs. Ce n'est pas en
« chargeant le baudet » que le cinéma se portera
mieux, d'autres solutions sont certainement à envisager.
Autre exemple : celui de la création audiovisuelle. Nous sommes
là dans un domaine totalement fantasmagorique ! Le décret du
9 juillet 2001 a tellement voulu entrer dans le détail de la
relation entre producteurs et diffuseurs que la règle en devient
incompréhensible. On peut dire aujourd'hui qu'il n'y plus aucune place
pour la liberté contractuelle. Aucune place pour la liberté de
prix, ni pour la liberté de la chose -que des esprits aussi fins
discutent pour savoir si Pop Star est une oeuvre audiovisuelle ou non me
paraît extravagant ! Quel temps perdu ! Aucune liberté
non plus concernant la personne : la définition du producteur
indépendant est tellement complexe que deux ans après le
décret, les conditions d'interprétation de cette
définition ne sont toujours pas établies !
Le résultat immédiat est que l'on produit de moins en moins de
films et de plus en plus de séries. Cette réduction du champ de
la création ne me paraît pas correspondre aux objectifs du
législateur.
Le dispositif anti-concentration appelle lui aussi des simplifications
indispensables. Les grands pays d'Europe ont engagé un processus de
simplification de ce dispositif pour l'adapter à l'évolution des
acteurs mondiaux de l'audiovisuel et des enjeux. La France, quant à
elle, en reste à ses 49 % ! À 49 %, c'est bien,
à 51 %, ça ne l'est plus ! Quelle est la
différence ? Que l'on m'explique ! Que l'on en finisse avec
ces seuils qui n'ont aujourd'hui plus de sens.
Enfin, la réglementation doit très vite évoluer sur la
question de la publicité. La France est le seul pays au monde où
existent des « secteurs interdits » de publicité,
autres que ceux qui touchent à la Santé publique, bien
évidemment. La règle européenne doit s'appliquer,
simplement.
Pour notre régulation, l'heure est à la simplification, à
la clarification, à l'adaptation et à l'application de la
règle européenne commune.