M. Jean-Claude Larrivoire, journaliste
Nous abordons la question de la régulation en ce qui concerne les producteurs et diffuseurs : est-elle très contraignante ?
M. David Kessler, directeur général du Centre national de la cinématographie (CNC)
La
régulation est par nature une contrainte. Sous le terme
« régulation » se trouvent plusieurs
« couches » correspondant à des
réalités différentes.
- La couche législative fixe le cadre dans lequel interviennent les
organes administratifs.
- La couche réglementaire est fixée par le Gouvernement, à
travers l'ensemble des textes qu'il élabore.
- La couche de régulation proprement dite est sans doute celle qui a
connu le plus de difficultés à s'implanter dans notre pays, parce
qu'elle correspond moins à nos traditions juridiques.
Le Centre national de la cinématographie, qui a aussi pour mission
d'aider la production audiovisuelle, est évidemment
intéressé par la réglementation du secteur, puisque d'une
part le secteur audiovisuel, par des mécanismes de taxation, va
contribuer à la constitution du compte de soutien à l'industrie
de programmes, et d'autre part se voit fixer un certain nombre d'obligations
réglementaires ou conventionnelles par le CSA.
Ce système, même s'il est jugé contraignant, a
prouvé son efficacité en permettant de maintenir une production
cinématographique abondante et de créer et valoriser une
production audiovisuelle française souvent
leader
aujourd'hui en
termes d'audience.
Un double défi se présente concernant la question de la
réglementation.
Il s'agit de faire face à la multiplicité des chaînes et
des supports, comme cela a déjà été
évoqué, ce qui oblige la réglementation à
s'affiner, afin de toucher chacun des supports selon ses
spécificités. Le défi est donc d'assurer un niveau minimum
d'obligations de manière à ce qu'il n'y ait pas
inégalité entre les chaînes historiques, sur lesquelles
pèserait un ensemble d'obligations, et des chaînes nouvelles, qui
y échapperaient, mais ceci en même temps sans empêcher les
formules nouvelles d'exister et de se développer.
Un exemple illustre parfaitement cette question à laquelle sont
confrontés les régulateurs. Il y a un an, une polémique a
vu le jour : fallait-il considérer l'émission Pop Star comme
une oeuvre audiovisuelle ? Cela concernait le CSA, pour voir si une
chaîne remplit ses obligations en matière de programmes, et le CNC
pour savoir si une oeuvre doit ou non bénéficier du soutien du
compte à l'industrie de programmes. Les deux organismes ont
considéré qu'il fallait classer ce produit dans les oeuvres
audiovisuelles, les tribunaux statueront.
Cet exemple illustre bien la difficulté que présente
l'évolution des programmes, de leurs natures et de leurs
« formats ». Il nous faut être attentifs à ce
que les objectifs du législateur, qui sont de favoriser des programmes
« de stock », c'est-à-dire qui ont vocation
patrimoniale, soient respectés, mais en même temps de prendre en
compte le fait qu'apparaissent des formats nouveaux qui appellent des
réflexions nouvelles.
Il s'agit de faire face au déferlement d'images en maintenant des
principes qui permettent d'aider la production cinématographique et
audiovisuelle, tout en laissant aux opérateurs les possibilités
d'exister.