M. Jean-Claude Larrivoire, journaliste
Monsieur Clémenceau, je crois qu'au sein de votre groupe les consignes aux chaînes sont précises, mis à part pour CNN : pas de sexe et pas de violence, n'est-ce pas ?
M. Éric Clémenceau, président de Turner Broadcasting
En
Europe, Turner broadcasting est un acteur de taille moyenne, partie du groupe
AOL-Time-Warner, dans lequel la télévision représente un
poids assez faible, surtout aux États-Unis. Le secteur n'est cependant
pas négligeable : c'est un secteur de liberté, de choix et
de création.
Un groupe international ne peut pas se permettre d'être absent d'Europe,
donc d'Allemagne, de Grande-Bretagne et de France.
Il a été question de facilité, de recherche de profit, de
quotas, etc. Mais avant tout nous sommes des saltimbanques. Nous
évoluons dans un univers très concurrentiel qui rencontre bien
des difficultés à être bénéficiaire. Je
rappelle que la diffusion par câble et satellite en France est assez
faible, ce qui peut expliquer la difficulté d'y développer de
nouveaux programmes.
La question de l'impact des images sur les publics, et notamment sur les
enfants, a toujours été au centre de nos préoccupations.
Ainsi, sur TCM, le film le plus érotique doit être
« Autant en emporte le vent », le plus violent doit
être « Ben Hur »...
Plaisanterie à part, Turner existe pour informer et divertir, deux
fonctions sensiblement différentes que nous tentons d'assurer avec CNN
d'un côté et Cartoon de l'autre.
Concernant l'information, la télévision est pour nous un
élément incontournable de la presse : on ne peut plus
échapper à l'image aujourd'hui. Une étude
européenne étudie les comportements médiatiques des
20 % de foyers les plus fortunés. Celle-ci montre que 43 % des
foyers en France sont intéressés par les informations
internationales et que pour cela ils se tournent d'abord vers la
télévision nationale, puis internationale. Les chaînes
internationales ont bien entendu une audience plus faible, mais au niveau
mondial elles ont un véritable impact. Un groupe comme CNN peut joindre
un milliard d'individus à tout moment, dans 200 pays, ceci
via
15 chaînes, et 900 chaînes affiliées, en neuf
langues différentes et des journalistes de 50 nationalités. C'est
dire l'impact que nous pouvons avoir sur des gens très différents
selon les groupes de pays, les groupes linguistiques, etc. On ne propose pas un
CNN américain 24 heures sur 24 !
J'ai par ailleurs une bonne nouvelle en provenance des États-Unis :
si la télé-réalité existe, elle s'essouffle, et de
grandes créations se développent ! Il est possible de faire
du bon qui marche !
Autre réponse aux interventions précédentes : CNN
n'est pas percluse de dettes, ce qui est aussi une bonne nouvelle !
Concernant son impact, notons que nous joignons, en Europe, chaque mois plus de
40 % des leaders.
Pour exister, les informations doivent être internationales, mais proches
des téléspectateurs. Il s'agit d'être à la fois
différent et compréhensible.
Concernant les enfants, nous savons que 50 % du temps qu'ils consacrent
à la télévision l'est, pour les chaînes enfants du
câble et du satellite, lorsqu'ils ont ce choix. Cela correspond donc
à un besoin des enfants eux-mêmes, mais aussi des parents qui
doivent en ce cas engager leur propre responsabilité vis-à-vis de
leurs enfants. Ceci constitue encore une bonne nouvelle,
concrétisée par la belle réussite de chaînes comme
Canal J.
Notre chaîne Cartoon Network touche 60 pays dans le monde.
L'idée est qu'elle soit drôle, loufoque, étonnante, mais
jamais méchante... même si dans la vraie vie les méchants
gagnent parfois !
Des études paneuropéennes nous ont montré la
diversité des publics en Europe, mais aussi des points de convergence.
En France et en Grande-Bretagne, les parents proscrivent la
télévision à leurs enfants après 19 heures, ce
qui n'est pas le cas par exemple aux Pays-Bas, en Espagne ou au Danemark,
où elle est proscrite avant neuf heures du matin, et toute la
matinée en Suède et en Pologne.
Le contrôle par les parents est différent selon le lieu où
se trouve le poste de télévision. En France et en Espagne,
28 % des enfants disposent d'un poste dans leur chambre, ils sont
50 % dans ce cas en Grande-Bretagne, au Danemark ou en Italie.
Les Suédois et Danois refusent les programmes qui font peur, les
Polonais et Espagnols tous les programmes non destinés aux enfants. Aux
Pays-Bas, en France, en Grande-Bretagne et en Italie, les programmes violents
sont complètement bannis. Tous les parents en Europe rejettent les
langages violents et grossiers.
Même si nous ne sommes pas du service public, même en étant
américains, même si nous voulons que nos chaînes marchent,
nous avons aussi une éthique.
Grâce à la thématisation des chaînes,
parallèlement à la nécessité pour les parents de
s'impliquer plus dans le choix de leurs enfants, nous avons de beaux jours
devant nous.