2. Des résultats incontestables en termes de santé publique
a) La réduction des décès par overdose
Outre la
diminution des nuisances liées à la consommation de drogue et
à des violence qui y sont associées,
la politique de
réduction des risques a permis une indéniable amélioration
de l'état sanitaire de la population toxicomane
. L'effet le plus
visible des traitements de substitution a d'abord été la
diminution sensible du nombre de décès par overdose
, ainsi
que l'a souligné M. Jean-François Mattei, lors de son
audition :
« Probable conséquence du
développement important de la substitution, les surdoses mortelles ont
chuté de 75 % entre 1995 et 1999. Elles sont actuellement
stabilisées aux alentours de 120 par an ».
Dans le même sens, M. Jean-Pierre Lhomme s'est également
félicité des résultats de cette politique devant la
commission :
« Les impacts de traitements de
substitution se mesures à la réalité des chiffres. On note
à cet égard que le
nombre d'overdoses a diminué de
84 % entre 1995 et 2001
. »
b) Une action à poursuivre contre la transmission du VIH et surtout de l'hépatite C
La politique de réduction des risques a enregistré des résultats positifs en ce qui concerne l'infection par le VIH.
NOUVEAUX CAS DE SIDA DÉCLARÉS CHEZ LES USAGERS
DE
DROGUES
ENTRE 1992 ET 2002
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000* |
2001* |
2002* |
1 493 |
1 376 |
1 317 |
962 |
423 |
346 |
326 |
244 |
231 |
166 |
*
Données redressées Source : DGS
On notera ainsi que la prévalence de l'infection par le VIH chez les
usagers de drogue par injection, prise en charge pour la première fois
par un CSST en 1999, n'était plus que de 13 %. Ce résultat a
été obtenu, d'une part, grâce aux actions de
réduction des risques qui ont permis aux toxicomanes de se procurer
facilement un matériel stérilisé en limitant les
échanges de seringues, et, d'autre part, grâce aux traitements de
substitution qui ont permis de réduire de manière importante la
consommation par voie intraveineuse.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille
et des personnes handicapées, a ainsi indiqué à la
commission :
«
La transmission du VIH parmi les
toxicomanes s'est considérablement ralentie.
La prévalence a
été divisée par deux entre 1998 et 2002, passant de 40
à 20 %. Plus encourageante encore, une enquête très
récente vient de retrouver une prévalence nulle chez les jeunes
toxicomanes de moins de 30 ans. C'est donc une preuve éclatante de
l'efficacité de la politique qui a été choisie et
conduite. »
La commission observe, en revanche, que les résultats sont beaucoup plus
mitigés pour l'hépatite C (VHC). Toutes les études
montrent en effet que la prévalence du VHC reste élevée
parmi les usagers de drogues (entre 50 et 73 %). L'étude la plus
récente, bien que circonscrite à la ville de Marseille, situe la
prévalence biologique du VHC à 72,6 %, alors que la
prévalence du VIH y est de 20 %.
M. Jean-François Mattei en est convenu devant la
commission :
« Il faut améliorer la
prévention de l'hépatite C. La réduction des risques si
efficace sur le VIH vient se heurter à ce virus, dix fois plus
contagieux et qui survit mieux sur le matériel d'infection.
L'hépatite C infecte encore 40 % des toxicomanes de moins de
30 ans, c'est beaucoup trop. Un renforcement des actions de
prévention en direction des usagers de drogues est prévu en 2003.
(...) Contrairement au VIH, le traitement de personnes infectées par
l'hépatite C reste encore insuffisant, en raison des
réticences des patients. Il faut, et c'est un point sur lequel mon
ministère va s'appliquer, veiller à une meilleure coordination
entre le dépistage et la prise en charge thérapeutique dans le
cadre des réseaux de soins toxicomanie
ville-hôpital. »
Le dispositif actuel de prévention et de soins pour
l'hépatite C apparaît ainsi très insuffisant dans le
cas des usagers de drogues par voie intraveineuse.
Les données
fournies par le dispositif de surveillance épidémiologique pour
l'hépatite C permettent de connaître depuis 2000 la proportion de
toxicomanes parmi les personnes dépistées et prises en charge
pour hépatite : en 2001, les usagers de drogue
représentaient 36 % des nouvelles personnes dépistées
au VHC. Le nombre de nouveaux cas de contamination au VHC chez les usagers de
drogue par injection se situe chaque année entre 2.700 et 4.400
d'après les derniers travaux de l'Institut national de veille sanitaire
(INVS).
c) Un contrôle sanitaire et social accru des toxicomanes
La
politique de réduction des risques a également permis de
développer un contrôle sanitaire et social plus efficace des
consommateurs de drogues.
M. François Hervé, président de l'Association
nationale des intervenants en toxicomanie (ANIT), a ainsi indiqué, lors
de son audition:
« Ce sont en fait des structures de
première ligne qui ont montré leur capacité à aller
au-devant des plus exclus et constituent une passerelle vers le soin. Ces
structures doivent sortir de leur précarité actuelle pour
être reconnues et pleinement intégrées dans le
système de soins ».
Les programmes d'échange de seringues permettent d'engager un travail
d'éducation sanitaire et donc de prise en charge de leur santé
par les toxicomanes
, comme l'a indiqué M. Jean-Pierre Lhomme
à la commission :
« S'il devient évident
et naturel de se protéger contre les virus et les bactéries,
cette responsabilisation est opérante et il devient alors plus
envisageable de se soucier des effets nocifs des produits ou des drogues que
l'on consomme et de s'interroger sur son fonctionnement addictif. (...) Cette
prise en compte de son corps chez l'usager de drogues est opérante et
productive en termes d'entrée dans le soin non seulement sur le plan
somatique mais également sur le plan de la toxicomanie. (...) C'est
l'intérêt de prendre les gens où ils en sont, dès le
début, et même avant, et de procéder de cette
manière en leur proposant des modalités d'entrée dans le
soin à la mesure de leur intentionnalité de soins. Si on ne
propose que la prévention primaire et, de l'autre côté, le
sevrage, il est vrai que l'on rate des choses. »
Il a été indiqué à la commission que 42 % des
personnes prises en charge dans le cadre des bus méthadone de
Médecins du monde engagent pour la première fois par ce biais une
démarche de soins. En prenant en compte la dépendance des
usagers, la politique de réduction des risques permet en effet d'entrer
en contact avec les plus marginalisés et les plus vulnérables et
de leur proposer une offre adaptée de soins et de réinsertion.
La politique de substitution, par son mode d'accès organisé et
sécurisé au produit, permet aux intéressés de
retrouver d'autres motivations que celle de la seule recherche, de reprendre
peu à peu une activité sociale et d'engager une démarche
de réinsertion. On notera à cet égard que seulement
4 % des usagers pris en charge par les dispositifs de soins sont
actuellement sans logement, ce qui constitue un point positif compte tenu de la
marginalisation fréquente des toxicomanes.
Cependant, ces progrès non négligeables enregistrés dans
la situation sanitaire et sociale des toxicomanes ne doivent pas occulter les
dérives et les conséquences négatives d'une politique de
substitution qui doit nécessairement s'articuler avec une politique de
prévention primaire et de sevrage.