CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES
CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE
I.
CONSTATS :
Sur le pré-rapport
Méconnaissance de l'évolution mondiale de la consommation de
drogues dans les pays développés :
- absence de chiffres : tous les pays sont concernés et connaissent
une augmentation de la consommation.
- des chiffres importants ne sont pas communiqués, par exemple pour les
Pays-Bas, la consommation avant et après la dépénalisation
ainsi que ceux relatifs au suivi sanitaire de la population
- les chiffres confirment-ils ou infirment-ils quil n'y a pas de lien entre les
politiques publiques (libérales ou répressives) et les niveaux de
consommation du cannabis (OFDT) ?
Sur la commission : qui est orientée
- un titre qui fait de « la lutte » l'unique solution
envisagée comme réponse à la consommation des drogues et
qui annonce l'esprit de la démarche adoptée par la commission
plus fondée sur l'accusation. Ainsi, l'ancienne présidente de la
MILDT s'est retrouvée face à un véritable
réquisitoire.
- concentration sur le cannabis (et non pas sur la totalité des drogues
illicites), vu comme un « fléau social et un facteur
criminogène ». Le titre de la commission aurait pu être
au début : la lutte contre le cannabis. Il y a eu une inflexion par
la suite.
Sur le choix des personnes interrogées
- les experts choisis dans la première partie des travaux de la
commission, particulièrement des toxicologues, se sont
succédé pour corroborer cette vision alarmiste du cannabis comme
facteur puissant de délinquance
- ensuite, un rééquilibrage partiel s'est opéré
avec les auditions de sociologues, d'avocats, de médecins.
Sur les trois axes d'étude qui ont dirigé la commission
• L'étude sur l'évolution des politiques publiques de
lutte contre la toxicomanie a abouti à ce constat
:
- la politique de réduction des risques symbolisée par le livret
« savoir plus, pour risquer moins » aurait incité
à la consommation. N'aurait-il pas fallu « savoir plus, pour
ne pas se droguer du tout » ? a été une
interrogation persistante.
- or, deux ministres ont mis en exergue le mérite d'une telle
démarche :
Luc Ferry a montré d'une part le courage à ne pas nier les
faits, d'autre part a rappelé que l'interdit renforce souvent l'aspect
majeur de la tentation
Jean-François Mattei s'est efforcé d'expliquer le rôle
primordial joué par la politique de réduction des risques dans la
diminution du nombre de personnes atteintes du VIH.
• Sur la définition des drogues et leurs effets sur la
santé des consommateurs :
Il n'y a pas de drogues douces ! Mais on conserve la séparation
entre drogues illicites et drogues licites. Le champ de la commission reste
strictement limité aux drogues illicites alors que de nombreux experts
n'établissent pas de frontière et soulignent la
dangerosité de l'alcool responsable de 10% des décès.
• Sur la définition d'une politique nationale, forte, claire et
cohérente :
Politique de « rupture » de Nicolas Sarkozy : la
répression
II - DES OPINIONS CONTRADICTOIRES :
1 - Les intervenants ont des approches très différentes, voire
opposées.
2 - Les responsables politiques expriment des opinions différentes.
1 - Plus qu'un problème de police, la drogue est aussi un
problème de santé publique : cf. audition de
Jean-François Mattei
- subutex et méthadone :
La substitution par subutex est plus maniable que celle par la méthadone.
La transmission du VIH a été ralentie. Le VIH est nul chez les
toxicomanes de moins de 30 ans.
Mais face au détournement de subutex, il est nécessaire de
prendre des mesures pour contrôler ce phénomène. Les
drogués aux opiacés (héroïne, morphine) se
réinsèrent socialement. Disparition de la mortalité par
overdose
- nécessité du maintien de l'interdiction contre le cannabis
sachant que l'on n'autoriserait pas le tabac aujourd'hui, en raison de sa
nocivité connue.
2 - « le problème ne se situe pas au niveau de la
loi » Dominique PERBEN
Harmonisation de la politique pénale
• Nécessité : - d'une cohérence dans
l'application de la loi sur le terrain
- d'un suivi et d'un bilan sur cette harmonisation
• Pour combattre les instigateurs de trafics, le projet de loi sur la
grande criminalité offre des réponses
Le problème ne se pose pas au niveau de la loi
, car la
difficulté réside déjà dans la distinction à
établir entre consommateur et trafiquant. Or, on n'est jamais simple
consommateur longtemps, on échange, on revend à ses copains... on
rentre dans le trafic.
On ne peut donc pas accentuer les conséquences d'une distinction (les
seuils), car la distinction n'est pas réelle.
3 - Le cadre législatif doit être rénové :
« une politique de rupture » envisagée par Nicolas
Sarkozy
Le cadre législatif doit être rénové car
l'application actuelle de la loi s'exerce de manière molle,
marquée par une forte baisse des sanctions.
• il n'y a pas de drogues douces
• il ne faut pas organiser l'usage des drogues
• il faut une connaissance fine du terrain (or, les maires ne disposent
pas d'informations)
• il faut mettre en place une panoplie de sanctions adaptées :
TIG, confiscation du scooter,...
III - LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
64 propositions !, ce serait considérer que rien n'a été
fait en la matière, ce qui est contredit par les professionnels et
même de nombreux politiques.
C'est essentiellement le cannabis qui est visé par ces propositions. Il
faut tarir la source (Maroc pour une large part) et empêcher la vente.
Nous sommes pour agir dans ce sens.
Les mesures de police envisagées sont pour certaines tout à fait
excessives comme celle visant à permettre aux Maires de décider
par arrêté d'un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.
Il faut souligner le caractère positif de la réunion de la
commission d'enquête qui s'est tenue le 27 mai pour examen du rapport.
Une clarification s'est opérée entre ces propositions qui ne sont
pas d'égale importance. L'accent doit être mis sur la
prévention, l'éducation, la formation, ce qui va dans le bon sens.
IV - CONTRE-PROPOSITIONS :
1 - Tarir la source : une tâche difficile
L'Afghanistan est redevenu premier producteur du pavot, depuis la chute des
talibans : 3 500 t en 2002 pour 500 000 récoltants sur une
population totale de 16 millions d'habitants, 20% du PIB.
On sait combien il est difficile d'arrêter ces caravanes qui empruntent
les anciennes routes de la soie, celles ouvertes par Marco Polo et qui se
nourrissent aujourd'hui de la corruption et de la pauvreté.
Ainsi, les mafias génèrent-elles des bénéfices
colossaux réinvestis grâce au blanchiment via des banques et des
sociétés écrans, et alimentent souvent le terrorisme.
Existe-il d'ailleurs une véritable volonté de lutter efficacement
contre les paradis fiscaux où l'argent de la drogue est blanchi ?
Oui, il faut lutter contre ces mafias, à travers une réponse
policière et judiciaire, mais c'est avant tout une réponse
à cette pauvreté qu'il faudra trouver, si l'on veut
éteindre durablement le trafic.
Paradoxalement, l'interdit rend ce marché très attrayant, ainsi
le gramme de cannabis est au même prix que le gramme d'or. La tâche
est donc difficile.
2 - Contre la dépénalisation
Remarque : la politique qui se dessine actuellement rejoint l'esprit de la
dépénalisation puisque :
- l'usager ne serait plus condamné à une peine de prison, mais
à des sanctions moins sévères (report de l'examen du
permis de conduire, confiscation du scooter...)
- or, la dépénalisation est une disposition dangereuse, car
incohérente : d'un côté, elle affaiblit l'interdit
moral qui pèse sur les consommateurs, mais de l'autre elle
réprime les revendeurs.
Or, l'offre n'existe pas sans la demande. Ainsi, on laisse subsister un trafic
alimenté par la consommation. Le problème n'est donc absolument
pas réglé.
3 - Aider les associations d'aide aux usagers de drogues et pas seulement
les C.S.S.T.
En reconnaissant leur rôle et en leur versant les subventions qui leur
sont indispensables pour poursuivre leur tâche.
Conclusion :
Il faut renforcer la prévention, la formation, l'éducation,
améliorer la connaissance des dangers qui ne se limitent pas aux drogues
illicites. Les drogues licites ont été arbitrairement exclues de
ces débats.
Il semble que le développement des centres de soins apporte des
solutions positives pour les usagers présentant une forte
dépendance, mais est-il réaliste d'appliquer l'injonction de
soins aux millions potentiels d'usagers de cannabis ?
Par contre, certaines mesures ultra répressives paraissent totalement
inadaptées aux problèmes posés. Il en est ainsi de
l'interdiction relative à la sortie des enfants de moins de 13 ans non
accompagnés la nuit. D'autres, dont on a entendu parler
récemment, sont vexatoires comme la confiscation du scooter, le report
de l'examen du permis de conduire. Il semble d'ailleurs que sur ce point les
ministres concernés aient à s'accorder entre eux.
CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE
RÉPUBLICAIN
ET
CITOYEN
PREAMBULE
Lors des débats du 12 décembre 2002 relatifs à la
constitution d'une commission d'enquête sur la politique nationale de
lutte contre les drogues illicites, le groupe communiste républicain et
citoyen avait exprimé son objection résolue à
« une démarche qui pourrait être politique et
idéologique sans aucun socle scientifique sérieux ». Il
avait également souligné l'absolue nécessité de
placer la démarche engagée dans le prolongement de la politique
novatrice menée par la mission interministérielle de lutte contre
les drogues et la toxicomanie (la MILDT), laquelle dépassant l'approche
purement répressive, avait su développer une action pragmatique
fondée sur la prévention et la gestion des risques.
C'est dans cette optique que les sénateurs communistes avait
préconisé l'élargissement du champ de la commission
à toutes les substances addictives (tabac, alcool, médicaments)
et la défense d'une politique résolue en matière de
prévention et d'accès aux soins. C'est porteur de cette position
qu'ils ont travaillé activement aux travaux de la commission
d'enquête.
Les différentes auditions réalisées au sein de cette
commission ont d'ailleurs confirmé la légitimité d'une
telle approche et particulièrement souligné le fait que l'arsenal
législatif et répressif français était le plus
important d'Europe et que la punition pénale de l'usager avait, dans le
passé, montré toutes ses limites.
Par contre, une véritable politique alliant information,
prévention, prise en charge des toxico-dépendants
s'avérerait absolument nécessaire. Cette politique, tous l'ont
souligné, ne pourra être réellement effective qu'à
condition que lui soit alloué des budgets décents et implique un
engagement de tous les ministères concernés bien au-delà
de l'action policière et judiciaire.
Dans sa première version, le rapport de la commission d'enquête ne
reflétait pas, loin s'en faut, toute la richesse de ces auditions :
loin de l'approche préconisée et à rebours de toutes les
évolutions européennes, le rapport se situait, au contraire, dans
le droit fil des politiques sécuritaires menées depuis un an par
le gouvernement.
Toute la première partie des quatre-vingt propositions de la commission
mettait en avant la répression
« systématique » et renforçait la vision de
l'usager-délinquant : acceptation très large du trafic de
stupéfiants, peine de prison maintenue en cas de récidive,
développement des procédures expéditives et
désincarnées, valorisation des procédures
policières occultes, etc...
Pire encore, les Maires devenaient les vecteurs principaux d'une action
policière renforcée au prix d'une municipalisation de la police
nationale. Par comparaison, l'action préconisée en matière
de lutte contre le trafic, apparaissait insuffisante : insuffisante quant
à la question du blanchiment des capitaux sans évocation de la
taxation des produits financiers, insuffisante encore du point de vue de la
coopération abordée uniquement sous l'angle d'une collaboration
policière au lieu d'être une politique en direction et en
partenariat avec les pays en voie de développement.
Les sénateurs communistes ne pouvaient s'inscrire dans cette logique. En
leur nom, le sénateur Roland MUZEAU a fait part de ses objections en
commission. Il a notamment appelé à mettre l'accent sur la
nécessité d'une grande loi de santé publique qui mette au
rang des priorités nationales l'information, la prévention des
conduites à risque, l'éducation ainsi que l'accès aux
soins et le soutien des acteurs de terrain. Il a demandé la suppression
d'un certain nombre de dispositions telles celles relatives au pouvoir des
Maires, aux procédures simplifiées et à certains pouvoirs
d'enquête.
Suite aux discussions auxquelles ces suggestions ont conduites et parce que la
position initiale de la commission d'enquête n'était pas tenable,
on doit noter, de façon positive, l'évolution qui se dessine dans
la seconde version du rapport : le volet préventif devient ainsi
prioritaire et l'on doit s'en féliciter, le volet répressif
étant, pour sa part, allégé pour être
recentré sur la lutte contre les trafics et la prise en charge sanitaire
des usagers.
Néanmoins, les sénateurs communistes tiennent à noter les
insuffisances et réaffirmer leurs positions sur les points
suivants :
Le renforcement de la politique interministérielle (MILDT) concernant
un très large périmètre de compétences et de
propositions sur l'ensemble des pratiques addictives et substances psycho
actives (licites et illicites). Qu'il soit pris appui sur les progrès
constitués par le décret du 15/09/99.
Le développement et la pérennisation des moyens financiers de la
mission interministérielle à hauteur de son accroissement et
qu'immédiatement, les réductions budgétaires
constatées soient annulées.
Le refus de la focalisation sur le seul cannabis.
Le refus de la pseudo alternative
dépénalisation-légalisation.
L'amplification une démarche de prévention et de santé
publique par l'adoption d'une grande loi qui mette au rang des priorités
nationales l'information, la prévention des conduites à risque,
l'éducation et l'accès aux soins.
La suppression de l'emprisonnement pour simple usage de drogue, quel que soit
le produit consommé.
Au plan national et international, l'action résolue et
coordonnée contre les trafics, le blanchiment et les pratiques
mafieuses, mais aussi une véritable politique de coopération avec
les pays en voie de développement.
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