B. UNE ÉVOLUTION À DEUX VITESSES DE LA RECHERCHE PUBLIQUE : LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE RECHERCHE PRIVILÉGIÉS PAR RAPPORT AUX UNIVERSITÉS

Les composantes de la recherche civile dans les administrations

En 2000, la dépense intérieure de R&D des administrations civiles s'élève à 10.8 milliards d'euros (soit 93 % du total de la dépense intérieure des administrations civiles et militaires). On peut distinguer parmi les administrations civiles trois domaines ou secteurs institutionnels : les organismes publics de recherche et les services ministériels, l'enseignement supérieur (universités, grandes écoles) et les associations et fondations (ISBL) ; ils assurent respectivement environ 60 %, 36 % et 4 % de la recherche des administrations civiles.

Entre 1997 et 2000, les effectifs de la R&D des administrations civiles sont passés de 132 274 à 141 684 individus, et les dépenses intérieures ont évolué de 10,76 à plus de 11,6 milliards d'euros.

Reste que, au sein des administrations civiles, la recherche des établissements publics est largement mieux dotée en moyens financiers et humains que la recherche universitaire (Tableau 7.12).

Si les effectifs de l'enseignement supérieur étaient en 1997 plus élevés que ceux des établissements publics, la tendance s'est inversée ces dernières années. Mais au-delà du différentiel d'effectifs entre ces deux composantes, l'enveloppe budgétaire affectée à la recherche des établissements publics a toujours été beaucoup plus élevée que celle de la recherche universitaire.

Tableau 7.12 - La recherche dans les administrations publiques en 1997 et 2000

Administrations

Dépenses intérieures

(millions d'euros)

Effectif total de R&D

Chercheurs et Ingénieurs de Recherche boursiers

1997

2000

1997

2000

1997

2000

EPST *, EPIC **, EPA ***
et services ministériels

5 961

6 461

55 496

73 669

27 961

39 035

Enseignement supérieur

2 942

3 928

69 528

61 318

50 040

45 276

Institutions sans but lucratif

381

439

7 250

6 697

3 554

3 398

Total administrations civiles

9 284

10 828

132 274

141 684

81 555

87 709

Défense

1 479

777

19 544

3 771

3 049

 

Total administrations

10 763

11 605

141 818

145 455

84 604

87 709

* EPST (Etablissements publics à caractère scientifique et technologique) : INRA, CEMAGREF, INRETS, CNRS, INSERM, INED, ORSTOM.

** EPIC (Etablissements publics à caractère industriel et commercial) : CEA, ADEME, IFREMER, IFRTP, CIRAD, CNES, ANVAR, BRGM, CSTB, LNE.

*** EPA (Etablissements publics d'aménagement)

Source : MJENR

1. La recherche universitaire : une concentration essentiellement en Ile-de-France et dans les plus grandes métropoles

L'organisation de la recherche universitaire

La recherche universitaire s'entend comme la recherche conduite dans les 165 établissements d'enseignement supérieur soit 85 universités, quatre écoles normales supérieures, cinq écoles françaises à l'étranger (Madrid, Rome, Athènes, Le Caire, l'Extrême-Orient) des grands établissements (Muséum national d'Histoire naturelle, Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales, Ecole pratique des hautes études) et bon nombre d'écoles d'ingénieurs qui ont développé depuis 15 ans une activité de recherche.

Au début de l'année 2002, 3 322 équipes de recherche rassemblent 42 200 enseignants-chercheurs et 15 000 chercheurs. Parmi elles, 1 850 équipes purement universitaires fédèrent plus de 20 000 enseignants-chercheurs et 2 000 chercheurs.



Dans les universités, la recherche s'organise de la façon suivante :

• Les équipes associées à des organismes publiques sont des structures reconnues par un organisme de recherche et bénéficiant d'un contrat d'association avec lui. Elles constituent d'ailleurs depuis longtemps le mode de soutien à la recherche publique le plus utilisé pour des organismes comme le CNRS.

les équipes d'accueil sont des équipes de recherche non liées à des organismes et qui investissent fortement dans l'accueil et la formation des doctorants.

Les jeunes équipes se constituent autour de la notion, essentielle pour la recherche, de prise de risque scientifique sur un thème nouveau. Elles sont le capital risque de la recherche publique.

Des contrats quadriennaux lient par ailleurs l'Etat et chaque établissement supérieur et fixent pour 4 ans le montant annuel des crédits des équipes de recherche (247 millions d'euros par exemple en 1999).

La recherche est inégalement développée dans les établissements d'enseignement supérieur et n'est qu'en partie liée à la taille des universités et au nombre des étudiants . Cette inégalité est d'abord le résultat de l'histoire et reflète la concentration des chercheurs dans un petit nombre de sites. Elle témoigne de la difficulté à structurer la recherche pour des établissements jeunes ou de petite taille.

Si Paris l'emporte de loin mais néanmoins un peu moins que pour l'ensemble de la recherche, les anciennes universités de l'Est et du Midi sont proportionnellement plus actives en publications et en doctorats. Les universités de l'Ouest et du Nord, souvent plus jeunes, restent, quant à elles, en retrait dans ces domaines.

Au final, 24 universités accueillent la moitié des enseignants-chercheurs et chercheurs des équipes reconnues (principalement en Ile-de-France, ainsi qu'en Rhône-Alpes, PACA et Midi-Pyrénées) et 73 établissements seulement, dont 18 universités, rassemblent 10 % des forces en recherche.

Avec une dépense de 3 928 millions d'euros en 2000, l'activité de recherche dans l'enseignement supérieur représente 36,3 % de la recherche publique civile. L'essentiel des ressources est assuré à 81 % (75 % en 1997) par des dotations budgétaires directes de l'Etat, complétées par des ressources extérieures s'élevant à 16 % (20.8 % en 1997) de leur budget total.

La recherche universitaire comptabilise plus de 60 000 enseignants-chercheurs regroupés en 3 300 équipes qui font l'objet d'une accréditation nationale après évaluation. On distingue généralement trois grandes catégories d'équipes universitaires : 44 % sont associées à des organismes publiques (CNRS, INSERM, INRA, CEA ...), 46 % des équipes d'accueil et 10 % de « jeunes équipes ».

Les filières scientifiques sont les mieux dotées en financements. Il est cependant intéressant de noter la bonne progression des sciences humaines et sociales, passées de 16 % en 1988 à 23 % en 1999.

En 1998, plus de 25 500 étudiants ont obtenu un DEA et 10 582 ont soutenu une thèse. L'Etat accorde en effet 3 800 allocations de recherche chaque année et pour 3 ans (soit 267 millions d'euros ou 1 750 million de francs). Il a, par ailleurs, financé en 1999 des dispositifs particuliers associant les entreprises à la formation des jeunes par la recherche à hauteur de 47,7 millions d'euros.

2. La recherche des établissements publics : vers un processus de délocalisation

Les établissements publics de recherche

• Services de recherche des ministères et des universités,

• Etablissements publics à caractère scientifique (CNRS, INSERM, INRA, ...),

• Laboratoires de recherche des établissements publics industriels et commerciaux (CEA, CNES, IFREMER, ....).
Entre 1987 et 1999, la région Ile-de-France a bénéficié d'un doublement de ses effectifs de chercheurs du secteur public, alors que dans le même temps, le chiffre national a été multiplié par trois. La contribution de la région-capitale dans l'ensemble du territoire a ainsi chuté de 52.8 % à 35.6 % (Tableau 7.13).

Tableau 7.13 - Chercheurs du secteur public en Ile-de-France

 

1987

1999

effectif

%

effectif

%

Ile-de-France

14 827

52,8

29317

35,6

France

28 084

100,0

82 390

100,0

Source : Ministère de la Recherche

Dans ce cadre, le Bassin parisien hors Ile-de-France s'est révélé incapable d'attirer de nouveaux effectifs ; il est resté le parent pauvre ne recevant que 6 % des nouveaux chercheurs (58 personnes) et 76 autres agents (20 % des nouveaux emplois de ce genre), Ainsi la politique volontariste du CNRS pendant sept ans s'est traduite par une réduction forte en Ile-de-France qui a essentiellement profité aux régions du sud de la France.

Malgré la persistance d'une polarisation au profit de la région francilienne (40.2 % de la Dépense intérieure de recherche et de développement), les années 1990 ont traduit une atténuation de son poids au sein de l'ensemble national . Les mesures de déconcentration des organismes publics ainsi que l'essaimage des établissements universitaires sur le territoire ont contribué à une répartition plus homogène de la recherche dans les régions.

En 2000, la région francilienne représente 30.4 % des dépenses nationales des universités, soit un chiffre inférieur aux 43.7 % et 44.6 % relevés respectivement pour les EPIC (Etablissements publics à caractère industriel et commercial) et les EPST (Etablissements publics à caractère scientifique et technologique, dont 47 % au CNRS).

La situation actuelle est le résultat d'une politique volontariste de délocalisation d'une partie des forces de recherche, au profit de l'ensemble des autres régions françaises. Ainsi, entre 1991 et 1997, l'Ile-de-France a perdu 491 chercheurs (8,7 % de ses effectifs) et 998 personnels autres (13,6 % de l'effectif). Toutefois la redistribution est restée très inégale : les cinq régions méridionales (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc, PACA et Rhône-Alpes) ont bénéficié de 70 % des emplois nouveaux ; la France périphérique de l'Ouest, de l'Est et du Nord a reçu 24 % des nouveaux chercheurs mais seulement 10 % des autres agents.

L'exemple le plus significatif de délocalisation concerne le CNRS qui a réussi à hisser Rhône-Alpes au même niveau que l'Ile-de-France. D'autres établissements publics ont choisi un processus de délocalisation. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), qui bien qu'il soit encore très concentré en Ile-de-France, a fait récemment un effort de redistribution qui privilégie le sud et le sud-est.

Si l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a son siège à Paris, seul un tiers de ses chercheurs se trouvent en région Ile-de-France. Le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) et le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES) présentent des polarisations géographiques fortes, très liées à des décentralisations qui ont commencé dès 1954 pour le CEA avec la création du centre de Grenoble, et vingt ans plus tard pour le CNES au profit de Toulouse. Le CEA s'est déplacé vers le sud, grâce aux installations nucléaires proches du Rhône (Cadarache, Marcoule).

Au final, il semble que le CNRS réalise son programme de décentralisation en fonction des potentialités universitaires régionales, alors que les autres organismes d'Etat établissent une logique spécifique de localisation.

3. La recherche en entreprise : au-delà de la polarisation parisienne, une présence significative au niveau des principaux bassins d'emplois

Les entreprises françaises participent moins qu'ailleurs en Europe (Allemagne) et dans le monde (Japon) à l'effort de recherche national et ont tendance à compter davantage sur les aides de l'Etat pour les y encourager.

Il s'agit là d'un véritable fait culturel, pérennisé par un système de formation qui sépare universités et grandes écoles, même si des rapprochements significatifs ont été réalisés depuis vingt ans.

Si les laboratoires centraux des entreprises se trouvent massivement en Ile-de-France, à proximité des sièges sociaux des firmes, des services compétents de l'Etat et des écoles d'ingénieurs les plus prestigieuses, la politique de décentralisation menée par le gouvernement dans les années 80 a conduit à une redistribution spatiale de la recherche et plus particulièrement industrielle. Le bassin lyonnais en premier plan, la région PACA mais aussi Midi-Pyrénées sont de loin les régions qui ont le plus profité de ce processus de localisation, les régions industrielles septentrionales étant peu voire sous-dotées.

• Une forte concentration selon la taille et l'activité des entreprises
Les quatre principales branches en recherche et développement 30( * ) en France représentent 50 % de la DIRDE en 2000 contre à peine 47 % en 1992. Toutefois, ce sont les activités de service comme l'ingénierie et études techniques, « transports et télécoms » et de manière moindre les services informatiques qui ont en volume le plus progressé.

Concernant les activités industrielles, les évolutions sont relativement proches d'un secteur à l'autre (équipements de communication, caoutchouc et plastiques, industrie pharmaceutique, industrie automobile) oscillant entre + 36 à + 50 % sauf pour l'industrie aéronautique et l'industrie informatique qui enregistrent respectivement une baisse de - 35 % et - 52 %.

Près de 113 entreprises comptent dans leurs rangs plus de 100 chercheurs. Elles représentent ainsi : les deux tiers des dépenses intérieures de recherche, près de 60 % des chercheurs, 86 % des financements publics. Les 13 premiers groupes français dans la recherche représentent à eux seuls la moitié des dépenses de recherche des entreprises.

Si les effectifs en recherche et développement sont en constante hausse depuis 1992 (81 000 chercheurs soit une progression de 7,5 %), ce sont les secteurs de l'automobile et des équipements en communication qui ont le plus recruté (respectivement + 1 700 et + 1 100 chercheurs).
• Un développement de la recherche au sein des PME-PMI
Les PME-PMI, contribuent en France à 21,1 % des recherches conduites dans les entreprises et 80 % de celles-ci relèvent de 10 branches industrielles dont les principales sont par ordre d'importance les équipements de communication, la pharmacie, la construction automobile puis la construction aéronautique et spatiale.

Si pendant longtemps les PME-PMI étaient plus soucieuses d'améliorer leur productivité par l'achat de nouveaux équipements par exemple, elles sont dorénavant de plus en plus à porter un plus grand intérêt à la recherche.
La loi sur l'innovation et la recherche de 1999 : une première mesure en faveur du développement de la recherche en France
La loi sur l'innovation et la recherche du 12 juillet 1999 a pour ambition de favoriser, par un ensemble de dispositions, le transfert de technologies de la recherche publique vers l'économie et la création d'entreprises innovantes. L'articulation des recherches avec les activités industrielles s'effectue, en effet, en France moins facilement que dans d'autres pays industrialisés, alors que le pays dispose d'importantes capacités en matière scientifique et technologique.

A présent, le transfert de technologie est conditionné par le rapprochement de la recherche publique vis-à-vis du monde économique.

Cette orientation va dans le même sens que la politique menée par les pays les plus avancés (Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, Suède, Finlande, Suisse), pour lesquels la recherche est devenue le moteur de la compétitivité et de la croissance.

L'idée est d'établir, en France, une véritable synergie entre la recherche publique et la recherche en entreprise afin de gommer les disparités régionales que l'on observe dans ce domaine.

Typologie des régions selon leur dotation en recherche (publique et privée) 31( * )

• La région Ile-de-France représente là encore un poids exceptionnel du fait de sa large dotation en établissements publics et grandes firmes. Les crédits alloués à la recherche proviennent quasiment intégralement de l'Etat.

• Les régions voisines au bassin parisien sont par contre de loin les moins bien dotées et ne bénéficient que de très peu de financements européens. Il s'agit essentiellement de la recherche universitaire.

• Les régions PACA et Rhône-Alpes arrivent en seconde position dans le classement général des dotations régionales en recherche. La recherche en entreprise est largement inférieure à celle observée en région Ile-de-France mais les grands organismes de recherche y sont bien représentés et les financements régionaux réels. La région languedocienne est relativement proche de ses deux régions voisines à l'est avec néanmoins plus de financements européens et moins de financements régionaux, et encore moins de recherche dans les firmes.

• Les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Lorraine représentent une sorte de moyenne, avec d'assez bons financements régionaux, et plus de recherche en université que dans les grands qui sont toutefois présents.

• Les autres régions sont vraiment sous-dotées et ne profitent pas pour autant d'enveloppe budgétaire significative pour pallier à l'insuffisance de la recherche.

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