III. LES INFRASTRUCTURES CULTURELLES
L'image de la France dans le monde tient aussi à sa dimension culturelle. A cet égard, « ce n'est pas seulement le patrimoine culturel qui est regardé comme un atout de notre pays mais la vitalité culturelle de la France, sa modernité, sa diversité [...], ses évènements [...], sa vocation d'accueil de tant d'écrivains et d'artistes qui ont trouvé chez nous un refuge ou une consécration. Les étrangers qui viennent en France ne sont pas seulement des touristes de passage mais de plus en plus des « résidents secondaires », surtout européens, pour qui, précisément, la qualité de vie en France comporte une dimension culturelle, y compris en milieu rural ». 32( * )
A. UNE DIFFUSION DES ÉQUIPEMENTS CULTURELS SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL
Bien des efforts ont été réalisés au cours des 30 dernières années, en matière d'équipements culturels, qu'il s'agisse de la restauration ou de l'animation du patrimoine monumental, de la rénovation des musées ou de la construction de nouveaux musées et centres d'art, de la modernisation ou de la création de salles de spectacles (des opéras aux Zéniths).
1. Un développement des activités culturelles sur l'ensemble du territoire national
La
formule bien connue « Paris et le désert
français » s'est longtemps appliquée à la vie
culturelle
. C'est pour y remédier que l'action des pouvoirs publics
a tendu à créer sur tout le territoire des pôles de culture
vivante.
Centres dramatiques, maisons de la culture, orchestres symphoniques, maisons
d'opéra et de danse, musées nouveaux et rénovés,
centres culturels de rencontre ou encore autres festivals ont
métamorphosé le paysage culturel français. Des
expositions, des créations théâtrales ou lyriques dans des
villes comme Lyon, Nancy, Strasbourg, Nantes, Toulouse, Bordeaux ou Marseille
sont désormais des événements de portée nationale,
voire internationale. Plus encore, Cannes est reconnue pour le cinéma,
Avignon pour le théâtre
3(
*
)5
.
Les vingt dernières années ont été
caractérisées par un développement et un renouveau des
équipements culturels, mouvement auquel ont vivement participé
les collectivités territoriales.
« Les
travaux d'ouverture ou de modernisation de musées
entrepris autour d'institutions prestigieuses, comme le Musée national
d'art moderne du Centre Georges Pompidou, le Musée Picasso, le
Musée d'Orsay ou le Grand Louvre, ont contribué à
transformer l'image même du musée dans l'esprit du public.
Ils ont aussi entraîné une prise de conscience des élus
locaux. C'est ainsi que plus de 500 chantiers de construction ou de
rénovation s'ouvrent entre 1972 et 1996, dans presque tous les
départements (Figure 7.9). Les régions déjà bien
équipées sont les premières à en profiter :
c'est le cas de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de Rhône-Alpes, de
Midi-Pyrénées, de la Bourgogne, ou de l'Alsace. L'Ile-de-France
représente 7 % du total national avec une quarantaine de chantiers
dont plusieurs faisaient toutefois partie d'opérations
d'envergure »
33(
*
)
.
« En ce qui concerne les bibliothèques, l'Etat
,
après les lois de décentralisation de 1986,
a
considéré comme essentiel d'inciter et d'aider les
collectivités territoriales à se doter d'outils performants en
matière de lecture »
3(
*
)6
.
« Dans plusieurs grandes villes (Aix-en-Provence, Amiens, Nancy,
Saint-Etienne, Rennes, Toulouse, Troyes ...), cette politique a permis la mise
à niveau de structures vétustes et inadaptées. Elle a
aussi débouché sur de nombreuses constructions et, dans un souci
d'insertion et d'aménagement de l'espace, sur l'implantation d'annexes
dans certains quartiers périphériques »
3(
*
)6
(Figure 7.10).
Un certain nombre de ville moyennes ont aussi à leur actif de belles
réalisations, comme Arles, Brive-la-Gaillarde, Evreux,
Issy-les-Moulineaux, Valenciennes, etc .
Enfin, de nombreuses créations de bibliothèques ont
également profité aux petites communes : près du
quart des surfaces construites dans les « grandes
opérations » (celles excédants 1 000 m²) ont
bénéficié à des communes de moins de 20 000
habitants.
2. Une intervention croissante des territoires dans le domaine culturel
Pour
qui observe depuis plus de trente ans le paysage culturel français, le
changement majeur est certainement la prise de conscience par les
collectivités territoriales du fait que la culture, sous ses divers
aspects, est moins une charge qu'un atout de développement
.
On ne s'expliquerait pas autrement que nombre de villes consacrent entre 10 et
15 % de leur budget (et parfois plus) à la culture sous toutes ses
formes. Elles bénéficient souvent, de ce fait, d'une vie
culturelle active, fondée sur une mise en valeur intelligente du
patrimoine et sur des évènements de qualité attirant selon
les cas, un public motivé et donc restreint ou le grand public de masse.
L'attrait culturel d'une ville ou d'une région a des conséquences
évidentes sur les commerces de toute nature et sur l'emploi mais aussi
sur la qualité de la vie.
Figure
7.9 - Les musées crées et rénovés de 1972 à
1996
Figure 7.10 - Les constructions extensions et aménagements
des
bibliothèques municipales de 1986 à 1995
« Les régions ont vite compris que l'action
culturelle était pour elles un facteur d'identification, d'attraction et
de rayonnement [...]. N'ayant pas contrairement aux villes et, dans certains
cas, aux départements, de patrimoine monumental propre, elles ont
souvent apporté un concours décisif à la restauration et
à la mise en valeur de grands monuments : ainsi l'abbaye de
Fontevraud, la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, ou, plus
récemment, le Quartier Henri IV du Palais de Fontainebleau
destiné à la résidence d'un centre d'excellence de musique
de chambre »
34(
*
)
.
« Les départements interviennent inégalement dans le
domaine culturel. Certains d'entre eux ont un patrimoine monumental, comme le
Doubs, propriétaire de la Saline royale d'Arc-en-Senans, devenue centre
culturel de rencontre ; mais il est fréquent qu'ils concourent
à la restauration et à l'animation culturelle de monuments
appartenant à l'Etat (le Gard pour la Chartreuse de
Villeneuve-lès-Avignon) ou même à une fondation (le Val
d'Oise pour Royaumont). Nombreux sont les départements qui ont
créé un office départemental d'action culturelle qui
subventionne des activités de création ou de
diffusion »
3(
*
)7
.
« Ce sont évidemment les villes qui ont le plus de
responsabilités dans le domaine culturel, compte tenu de l'importance de
leur patrimoine monumental, de leurs responsabilités légales dans
les domaines de l'éducation artistique (écoles d'art), des
bibliothèques et des musées. C'est là surtout que s'est
opérée, depuis une trentaine d'années, une mutation de
grande ampleur, les municipalités ayant compris l'enjeu de la culture en
termes de rayonnement, de qualité de vie, et de prospérité
[...]. A partir d'équipements dont l'Etat les a dotées, ou
d'évènements artistiques dont elles ont eu l'initiative, bien des
villes ont développé une activité permanente qui leur
confère une image originale et une capacité d'attraction
nationale, voire internationale. C'est le cas par exemple de la bande
dessinée à Angoulême, de la francophonie à Limoges
et à la Rochelle, des cultures celtiques à Lorient, de la
photographie à Toulouse et à Arles, de l'Art nouveau du
début du XX
e
siècle à Nancy, du
théâtre de rue à Aurillac, du mime à
Périgueux, des cultures de la mer à Rochefort, de l'architecture
à Orléans »
3(
*
)7
.
Quelques exemples de manifestations culturelles dans les villes :
Secteurs sauvegardés
: Sarlat, Colmar, Lyon, Bordeaux
Construction de bibliothèques et de
médiathèques
: Orléans, Limoges, Rennes, Reims,
Poitiers
Réhabilitation de lieux industriels ou de service
désaffectés
: le Magasin à Grenoble, la Halle aux
grains à Toulouse, la Vieille Charité à Marseille, l'Usine
LU à Nantes, l'Arsenal à Metz, le Consortium à Dijon,
l'entrepôt Lainé à Bordeaux
Création de salles de concerts
: Lyon, Dijon, Montpellier
Construction de nouveaux musées
: Strasbourg, Nice, Le Havre
Rénovation en profondeur de musées
: Lyon, Dijon,
Lille, Nancy
3. Une mobilité croissante des acteurs de la vie culturelle (orchestres, troupes de théâtre ou de danse, ensembles choraux, etc.)
Il est
remarquable de constater une mobilité croissante des acteurs de la vie
culturelle. Qu'il s'agisse des orchestres, des troupes de théâtre
ou de danse, des ensembles choraux, leur circulation à
l'intérieur d'une région, voire au delà , à la
rencontre de nouveaux publics, est de plus en plus fréquente sans parler
des tournées à l'étranger qui ont donné à
des orchestres comme les Orchestres nationaux de Lille et de Lyon, l'Orchestre
du capitole de Toulouse ou encore l'ensemble baroque de Limoges une
consécration internationale.
Au-delà de cet aspect événementiel,
la vie culturelle
du territoire se structure de plus en plus en
« réseaux »
par l'organisation de relais, de
coopérations entre institutions, où les « scènes
internationales » notamment jouent un rôle très
important d'accueil, du Quartz de Brest à la Filature de Mulhouse.
Le maillage du territoire s'améliore grâce à la propagation
de l'offre culturelle qui tend à se structurer par types
d'équipements dotés de fonctions territoriales spécifiques
(desserte de proximité, diffusion en milieu rural, rayonnement
régional).
Reste que l'aménagement culturel du territoire présente une
structure contrastée montrant une offre culturelle irriguant largement
le territoire sans pour autant résorber les grands
déséquilibres structurels contraints par des facteurs
démographiques, économiques, sociaux ou historiques.