B. UNE RÉFORME QUI N'EST PAS NON PLUS JUSTIFIÉE PAR DES CONTRAINTES EXTERIEURES
1. La question de l'interférence avec le dossier de l'élargissement a été réglée
Le chevauchement, à l'automne 2002, des calendriers des négociations d'adhésion d'une part, du rendez-vous à mi-parcours de la PAC, d'autre part, a conduit certains Etats membres à exiger une réforme importante de la PAC afin de permettre le financement de l'élargissement , en particulier de son volet agricole
L'accord de Bruxelles d'octobre 2002 sur la maîtrise des dépenses de la PAC entre 2006 et 2013 a cependant permis de délier les deux dossiers. Le principe du plafonnement des dépenses du premier pilier rend, en effet, possible l'élargissement sans entraîner une explosion du budget de la PAC .
Les prochaines perspectives budgétaires, qui seront définies d'ici 2005, devront tenir compte de cet accord.
Enfin, si une modification des règles de la PAC s'imposera pour procéder à la redistribution découlant du plafonnement des crédits agricoles entre les 25 Etats membres à compter de 2006, rien n'impose qu'elle soit décidée dans la précipitation , de surcroît avant que les nouveaux Etats, principaux intéressés, n'aient rejoint l'Union européenne.
2. Il n'est pas souhaitable de réformer la PAC avant la conclusion des négociations à l'OMC
Dans la communication qu'elle a présentée en juillet 2002, comme dans l'exposé des motifs des propositions réglementaires publiées en janvier 2003, la Commission européenne met l'accent sur le fait que l'adoption de cette réforme l'aiderait à mieux défendre la PAC devant l'Organisation mondiale du commerce.
Cet argument est notamment invoqué à l'appui de la proposition de découplage total des aides , dans la mesure où le nouveau paiement unique à l'exploitation pourrait être classé dans la boîte verte :
« Le découplage permettra à l'Union européenne d'utiliser au maximum sa marge de négociation pour faire valoir au niveau de l'OMC ses objectifs tels que les préoccupations d'ordre autre que commercial. C'est pourquoi les propositions concernant le découplage pourraient s'avérer un levier essentiel pour préserver au mieux les intérêts du modèle agricole européen au cours des négociations » . 6 ( * )
La mission d'information considère qu' il serait tout à fait hasardeux de procéder à une réforme de grande ampleur de la PAC avant que les négociations à l'OMC aient abouti , ce qui est prévu, dans le meilleur des cas, pour la fin 2004.
Il faut, tout d'abord, rappeler que le mandat délivré par les Etats membres à la Commission européenne pour les négociations commerciales dans le domaine agricole fait référence à la PAC telle que définie en 1999 .
Il est, en outre, complètement illusoire de croire que la réalisation d'efforts préalables peut constituer un signe de bonne volonté de l'Union européenne, susceptible de générer une dynamique positive de concessions de la part de nos partenaires commerciaux. Ceux-ci seraient sûrement enclins à penser que cette réforme ne nous a rien coûté et maintiendraient leurs exigences.
Par ailleurs, l'attitude des Etats-Unis , qui ont adopté une nouvelle loi agricole doublant les soutiens alloués à leurs agriculteurs quelques mois après le lancement du processus de Doha, devrait nous garder de tout angélisme en matière de négociations commerciales internationales .
Enfin, rien ne garantit qu'en cas de rapport de force défavorable, l'accord finalement atteint ne rendrait pas nécessaire une nouvelle réforme de la PAC. C'est notamment ce qui s'est produit lors du cycle de l'Uruguay, alors qu'une réforme de la PAC venait d'être adoptée. Comme M. Jean-Michel Bastian, vice-président de la FNSEA l'a exprimé sans détours lors de son audition par la mission d'information du Sénat : « Réformer avant l'OMC nous expose à payer deux fois ».
* 6 Exposé des motifs des propositions réglementaires, COM (2003) 23 final, Commission européenne, 21 janvier 2003.