2. Des facteurs explicatifs multiples
a) Une rentabilité insuffisante
La production ovine française apparaît, tout d'abord, comme une activité insuffisamment rentable, compte au regard de la concurrence internationale. Les charges de structures y sont plus importantes que dans des pays aux vastes espaces comme la Nouvelle-Zélande, alors que les importations compétitives d'ovins tirent les prix à la baisse.
En terme de revenu, l'élevage ovin fait, depuis longtemps, figure de parent pauvre de l'agriculture française.
De ce point de vue, l'avenir de la filière ovine en France dépendra, en grande partie, du comportement des pouvoirs publics à l'égard des importations, qui contribuent largement à rendre non rentable cette production.
b) Eleveur ovin : un métier difficile et techniquement délicat
L'insuffisante attractivité du métier d'éleveur ovin tient également aux conditions de travail difficiles qu'il impose .
Il requiert, en effet, une grande disponibilité, notamment pour assurer le « gardiennage », et des compétences techniques qui ne s'improvisent pas.
A cet égard, il semble que les formations dispensées dans ce domaine soient encore insuffisantes.
c) Un secteur mal pris en compte par la PAC
Malgré l'existence d'une organisation commune de marché ovine (OCM) depuis 1980, le traitement réservé par les politiques communautaires à l'élevage ovin témoigne d'un intérêt tout relatif.
Ainsi, cette OCM n'a pas été prise en compte lors des dernières grandes réforme de la PAC en 1992 et 1999 , qui ont pourtant eu des implications importantes sur l'évolution du secteur ovin.
La réforme de 1992 a , en effet, conduit à l'augmentation du différentiel entre les primes données aux surfaces en herbe et les primes aux céréales, au profit de ces dernières, ce qui a incité à l'agrandissement des exploitations céréalières au détriment des installations en élevage ovin. Cet effet a été particulièrement marqué dans les régions intermédiaires, comme l'ont expliqué les représentants de l'Alliance pastorale aux membres de la mission d'information qui se sont rendus à Poitiers, à l'invitation du Conseil régional de Poitou-Charentes.
En outre, la filière ovine souffre de l'absence de parité avec la production bovine en matière de primes. A titre d'exemple, l'élevage ovin n'ouvre pas droit au complément extensif, alors qu'il a, comme l'élevage bovin allaitant, une vocation agri-environnementale, en produisant une viande de qualité et en mettant en valeur des espaces herbagers.
Cette exclusion apparaît d'autant plus injuste que les ovins présents sur une exploitation mixte (ovins/bovins) sont depuis 1999 pris en compte dans le calcul du taux de chargement utilisé pour le versement du complément extensif. Par ailleurs, la baisse des prix de la viande bovine décidée en 1999 pèse aussi sur la compétitivité de la viande ovine produite dans l'Union européenne.
Enfin, l'OCM ovine a fait l'objet de mesures restrictives tendant, par exemple, à réduire le montant de la prime compensatrice ovine (PCO) ou à mettre en place des références pour réduire le nombre de primes octroyées, qui ont contribué à freiner le développement de cette production.
d) Une production insuffisamment organisée
La faiblesse de l'organisation économique au sein de la filière ovine constitue également un frein au développement de cette production.
En premier lieu, ce secteur souffre d'une certaine atomisation de la production. En élevage allaitant, les troupeaux sont à la fois nombreux et de faible taille, et n'offrent bien souvent pas une capacité de production suffisante pour nouer des relations contractuelles stables avec l'aval. En outre, la forte saisonnalité de l'élevage ovin et donc sa difficulté à mettre des agneaux sur le marché toute l'année ne sont pas satisfaisantes pour l'industrie des viandes. Il conviendrait de mieux prendre en compte les attentes de l'aval en matière de régularité d'approvisionnement .
Enfin, ce secteur est peu structuré en organisations de producteurs . S'agissant, par exemple de la production d'agneaux, la France ne compte que 77 groupements de producteurs, rassemblant 14.000 adhérents et représentant 50 % de l'ensemble de la production .
e) Le poids récent des contraintes sanitaires
Enfin, le renforcement récent des mesures sanitaires liées à la politique de lutte contre la tremblante, impose de nouvelles contraintes à la filière ovine, ainsi qu'à la filière caprine.
A la suite de la deuxième crise dite de la « vache folle », en 2000/2001, et compte tenu du risque que certains cas de tremblante dissimulent une forme ovine de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), il a été décidé, en partie sous l'impulsion de l'Union européenne, de mettre en oeuvre un plan d'éradication de la tremblante.
Ce plan comporte, tout d'abord, la réalisation de tests de dépistage aléatoires, portant pour 2002, sur 100.000 animaux.
Il prévoit également l'imposition de mesures 22 ( * ) de police sanitaire dans les troupeaux où un cas de tremblante a été diagnostiqué.
Dans les troupeaux d'ovins seraient éliminés les animaux sensibles à la maladie. Les animaux génétiquement résistants à la tremblante seraient ainsi conservés en vue de servir à la reconstitution d'un cheptel entièrement résistant, avec l'appui d'un programme d'amélioration génétique des races.
Pour les caprins, en revanche, la totalité du troupeau concerné par un cas de tremblante serait éliminée, dès lors qu'il n'existe pas de possibilité de résistance génétique à cette maladie.
Cette perspective d'abattage total, qui n'est encore qu'à l'état de projet, inquiète la profession et risque de décourager les vocations. La Fédération nationale des éleveurs de chèvres (FNEC) insiste sur la faiblesse des fondements scientifiques d'une telle décision qui, pour chaque élevage touché, réduirait à néant un patrimoine génétique et des années de travail.
En outre, dans les deux cas, les indemnisations envisagées ne sont pas à la hauteur.
Par ailleurs, comme les bovins, les ovins et caprins abattus sont soumis à l'obligation de retrait des matériels à risque spécifié (MRS), c'est-à-dire les tissus les plus exposés en cas de développement de la maladie, qui doivent, de ce fait être éliminés de la chaîne alimentaire : tête, rate, et pour les ovins de plus de six mois, moelle épinière.
Il importe que ces mesures sanitaires fassent l'objet d'une harmonisation au plan européen, afin que les ovins importés soient produits dans des conditions semblables à celles des ovins élevés en France , non seulement pour des raisons de sécurité sanitaire, mais également pour ne pas générer de distorsions de concurrence au détriment des éleveurs français.
Enfin, il est prévu que ces mesures sanitaires s'accompagnent d'un renforcement du dispositif d'identification des ovins et des caprins. A cet égard, votre rapporteur souhaite que le décret en préparation, attendu depuis plus d'un an, soit publié dans les meilleurs délais.
Toutes ces mesures constituent une source de préoccupation et de contrainte pour la filière ovine et caprine. A long terme, elles apportent toutefois aux consommateurs une garantie sur la sécurité sanitaire des produits issus de ces troupeaux, sur laquelle il serait opportun de promouvoir une communication adaptée.
* 22 Arrêté du 20 mars 2002 relatif à la police sanitaire en matière de tremblante