2. La recherche épidémiologique
Dans le contexte de la téléphonie mobile, l'étude sur des populations des corrélations entre exposition aux champs électromagnétiques et affections doit être différenciée entre les maladies graves et rares (cancer en particulier), et les symptômes subjectifs (céphalées, troubles du sommeil, etc.). L'approche épidémiologique est en effet différente suivant les cas. Il faut distinguer également entre l'exposition aux téléphones mobiles et celle due aux stations de base (qui est actuellement la source principale des craintes).
a) Cancer
Téléphones mobiles
Plusieurs études épidémiologiques ont été
réalisées avec de sérieuses limitations, mais
l'étude internationale Interphone qui est en cours devrait pallier ces
faiblesses. Il n'est donc pas opportun de démarrer de nouvelles
études avant de connaître les résultats de cette
étude, d'autant plus que les modifications des signaux (UMTS) et des
terminaux rendront sans doute nécessaires dans l'avenir des recherches
adaptées aux technologies émergentes.
Stations de base
Les données disponibles ne donnent aucune indication de l'existence d'un
risque de cancer attribuable aux stations de base. Aucune des méthodes
épidémiologiques disponibles ne permet d'aborder
sérieusement le problème en raison, principalement, du nombre
élevé d'autres facteurs pouvant déclencher ou aggraver le
cancer. Schüz et Mann ont précisé les difficultés qui
rendent impraticables de telles études
(54(
*
))
. En Angleterre, le groupe de Preece a
lancé une étude de faisabilité qui n'a pas jusqu'à
présent donné de résultats utiles
(55(
*
))
. Il n'est donc pas scientifiquement
raisonnable aujourd'hui de lancer de telles études.
b) Symptômes subjectifs
Téléphones mobiles
- des études épidémiologiques
Jusqu'à présent, une seule étude a été
réalisée en Scandinavie. Il s'agissait d'une étude
cas-témoins qui portait sur la comparaison entre
téléphones analogiques et numériques. L'évaluation
était faite à l'aide de questionnaires.
Les études de cohorte sont mieux adaptées à l'étude
des symptômes subjectifs, car elles permettent de prendre en compte
l'évolution des technologies et de l'usage des téléphones
(les études prospectives de cohorte consistent à suivre des
sujets depuis l'exposition aux facteurs de risque jusqu'à la survenue de
la maladie). Les effets subjectifs ressentis le sont fréquemment et
rapidement. Il pourrait donc ne pas être nécessaire de mettre en
place des cohortes de très grande taille, et des résultats
fiables pourraient être obtenus assez rapidement si l'évaluation
de l'exposition est faite grâce aux outils développés pour
le programme Interphone.
On peut aussi s'appuyer sur des cohortes prospectives existantes pour y greffer
des études spécifiques sur les effets des
téléphones mobiles (migraines par exemple).
Par ailleurs, les groupes fragiles doivent faire l'objet d'études
spécifiques, de même que les personnes très exposées
en milieu professionnel. C'est pourquoi, ainsi que le préconisait le
rapport rendu à la D.G.S. : « A côté
d'études en population générale, il serait judicieux de
proposer des études concernant notamment les enfants, les adolescents,
les sujets migraineux, ainsi que des études dans des entreprises ou des
professions choisies de façon adéquate ».
- un dispositif de surveillance épidémiologique
peut
être envisagé afin de :
- mieux caractériser le phénomène ou des troubles
subjectifs ;
- mesurer et surveiller l'évolution au cours du temps de l'importance
de ce problème ;
- formuler des hypothèses étio-pathogéniques.
La première étape pourrait être la mise en place d'une
enquête descriptive basée sur un recueil actif des
événements auto-déclarés auprès des
utilisateurs de téléphones mobiles. Pratiquement, les personnes
souffrant d'un symptôme subjectif pourraient téléphoner
à un numéro vert, décrire leurs malaises et
répondre à un questionnaire épidémiologique simple.
Sans prétendre fournir des résultats statistiquement
significatifs, cette enquête permettrait de mieux caractériser ce
phénomène qualitativement et d'identifier éventuellement
des groupes particuliers d'utilisateurs auprès desquels des
études épidémiologiques de type analytique (enquête
cas-témoins) pourraient être secondairement menées, ou pour
lesquels une surveillance ciblée pourrait être mise en place.
Stations de base
En ce qui concerne les stations de base, les études
épidémiologiques sont bien plus difficiles à
réaliser, en particulier à cause du niveau très faible de
l'exposition. Néanmoins, il s'agit actuellement de la source principale
des craintes.
-
-
Ø Pour prendre en compte ces craintes, des propositions de recherche ont
été faites et en particulier le projet Hermes
présenté au 5ème PCRD (qualité de la vie). Ce
projet, qui portait sur l'exposition de la population européenne aux
champs des stations de base, incluait une étude de faisabilité
sur une enquête épidémiologique, de type à
préciser. Ce projet était soutenu par l'OMS mais n'a pas
été retenu en avril 2002 par la Commission Européenne.
Ø EUREKA
Un nouveau projet va être présenté non plus au niveau de l'Union européenne, mais dans le cadre d'Eurêka (European research coordination agency), l'Agence de coordination pour la recherche, qui regroupe des pays de l'Union européenne et des pays européens n'appartenant pas à l'UE.
Il concerne l'évaluation du niveau d'exposition et comporte deux volets :
- la demande d'évaluation du niveau d'exposition aux ondes électromagnétiques allant croissant, des protocoles de mesures ont été développés dans certains pays européens. Ceux-ci ne sont pas forcément cohérents : il est essentiel de les harmoniser et de développer les études scientifiques permettant de déterminer les meilleurs méthodes d'évaluation, mais aussi d'aborder la mesure des niveaux d'exposition liés à la technologie UMTS ;
- le second objectif du projet est l'évaluation du niveau d'exposition des personnes. Celui-ci étant variable selon les situations, il est important d'analyser la faisabilité d'une classification de ces situations pour statuer, dans un second temps, sur la faisabilité d'un classement par niveau d'exposition.
Ce projet va être présenté en 2003 et la France doit le soutenir.
Ø Pour répondre à la demande sociale et entreprendre de telles études épidémiologiques (ou la possibilité de leur réalisation), une étude de faisabilité pourrait être réalisée en France.
Plusieurs phases devront être abordées :
- Définition du type d'étude (les études de type cohorte étant sans doute les mieux adaptées),
- Analyse approfondie des biais et facteurs de confusion (en particulier de l'influence des facteurs psychosomatiques),
- Conception et validation d'un dosimètre individuel permettant d'estimer le niveau d'exposition d'une personne aux deux gammes de fréquence considérées (FM-TV et GSM), de manière à valider les évaluations des niveaux d'exposition qui seront faites à l'aide de questionnaires. Un dosimètre individuel donne la possibilité de prendre en compte le niveau d'exposition d'une personne pendant un laps de temps précis, quels que soient ses déplacements et ses types d'activité.