8. Audition de M. Christian Dubreuil, directeur des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi au ministère de l'agriculture et de la pêche, accompagné de M. Jean-Claude Tarty, chef de bureau de la montagne et du pastoralisme (15 mai 2002)
M.
Jean-Paul Amoudry -
Bonjour, et merci d'être présent pour
cette mission commune d'information sur la montagne. Je suis le rapporteur de
cette mission, à laquelle travaille activement Monsieur Jean Boyer, qui
est à mes côtés, ainsi que Monsieur Pierre Jarlier,
Secrétaire Général de l'ANEM. Nous avons parfois
constaté, en cette période printanière, l'absence de
certains de nos représentants, liée à une période
de vacances, mais également au contexte de travaux en tout genre, tels
que ceux de la commission des affaires économiques, qui se tiendront
dans quelques instants. Mais je laisse la parole à notre
Président, qui vient d'arriver.
M. Jacques Blanc -
Je souhaite simplement la bienvenue aux
représentants de la mission commune sur la montagne, et je vous demande,
Monsieur le Rapporteur, de poursuivre ce que vous avez si bien commencé,
en saluant les personnes qui nous font l'honneur de répondre à
notre invitation.
M. Jean-Paul Amoudry -
Merci Monsieur le Président. Monsieur
Dubreuil, si vous le voulez bien, après nous avoir rappelé vos
qualités, nous allons vous entendre sur la base de la grille de
questions que nous vous avons communiquée. Nos collègues pourront
demander des précisions et des éclaircissements au cours de votre
présentation. Je vous remercie encore pour votre contribution.
M. Christian Dubreuil -
Monsieur le Rapporteur de la mission
d'information, Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de bien vouloir
m'auditionner dans le cadre de vos travaux. Je suis Christian Dubreuil,
Directeur des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi depuis
janvier 1998 au ministère désormais dénommé de
l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et
en charge de la politique agricole de la montagne. Je suis accompagné de
Monsieur Jean-Claude Tarty, qui est chef du bureau de la montagne et du
pastoralisme dans ma direction. Je vous propose, à partir de vos douze
questions, qui m'ont été communiquées fin avril, de
survoler les réponses afin d'éviter un exposé trop long,
tout en vous indiquant que je vous remettrai une réponse écrite
permettant de vous aider dans la rédaction de votre rapport, qui sera
remis à l'automne. Par ailleurs, je tiens à votre disposition
tout document que vous souhaiteriez vous voir communiquer, permettant
d'évaluer la politique agricole de la montagne.
Je vous propose de partir de votre première question, qui est
certainement la plus pertinente et la plus accrocheuse :
« est-ce que l'agriculture de montagne de demain est une agriculture
économique, s'appuyant sur la production d'un certain nombre de produits
agricoles, ou une agriculture que nos concitoyens, la puissance publique,
décident d'aider, en contrepartie de son rôle
environnemental ? » Il s'agit donc de la question de
l'économique versus l'environnemental. Le sentiment du Ministère
de l'Agriculture est que cette approche binaire doit être
dépassée, dans le sens où l'agriculture est une
activité économique qui doit trouver sa
rémunération sur le marché, à travers la
valorisation de ses produits. Pour ce qui est de la montagne, comme d'ailleurs
pour l'agriculture en général, nous constatons que l'avenir est
désormais à la production de produits de qualité,
identifiés, à la traçabilité assurée, et
issus de territoires dont l'image peut être valorisée. En effet,
les consommateurs souhaitent bénéficier de produits de
qualité, dont la sécurité est parfaitement assurée,
mais qui ont des qualités gustatives et d'apparence, et qui
s'identifient bien à une origine géographique. Or, pour proposer
ces produits de qualité, la montagne dispose d'atouts incontestables,
à travers ses modes de production, ses modes de commercialisation, ses
signes de qualité, mais également l'aspect environnemental et la
qualité du territoire où ils sont produits, ces deux aspects
étant tout à fait liés. Pour utiliser une formule que j'ai
connue lorsque j'étais directeur de cabinet du préfet de l'Ain,
je citerais M. Blanc, restaurateur à Vonnas, ville dans laquelle une
polémique avait éclaté concernant la présence d'un
site d'enfouissement des déchets nucléaires en Bresse. En effet,
ce dernier disait : « on n'attire pas les touristes avec une
poubelle dans sa vitrine ». Ainsi, la qualité environnementale
de la production agricole fait partie de cette qualité globale. Je pense
que nos concitoyens sont prêts à soutenir leur agriculture de
montagne à la fois parce qu'elle produit des produits de qualité
et parce qu'elle joue un rôle fondamental dans le maintien de paysages,
dans une action sur l'environnement, qu'elle respecte, et qui, finalement, fait
partie intrinsèque de la qualité du produit. Lorsque nous
parlerons du contrat territorial d'exploitation, prévu par la loi
d'orientation agricole, nous verrons qu'une telle loi nous permet
d'établir un lien entre l'économique et l'environnemental dans un
soutien global à l'agriculture. Cela permet de prouver qu'il existe bien
un lien entre l'économique et l'environnemental et que nous n'avons pas
intérêt à les séparer, car il s'agit d'une voie de
légitimation des aides de soutien à l'agriculture, et notamment
à l'agriculture de montagne.
Dans la seconde question que vous avez formulée, le seul terme que je
récuserais est celui de « modèle d'une agriculture
autonome ». M'adressant à vous, sénateurs de montagne,
je peux dire qu'
a fortiori
en montagne, l'agriculture ne peut pas se
penser comme autonome, c'est-à-dire comme une activité unique ne
prenant pas en compte les autres activités de ses espaces ruraux. En
effet, vous connaissez mieux que moi les liens qui existent entre
l'activité agricole, qui est fondamentale dans le maintien de ces
espaces, l'activité touristique, qui s'appuie sur cette activité
agricole, et les différents services rendus à la
société. Il s'agit bien d'une agriculture dans son espace rural
d'une part et dans le lien avec les villes importantes qui se trouvent dans les
zones de montagne d'autre part. Dans ce sens, je pense que le nouveau ministre,
qui est un montagnard, a souhaité ajouter le terme
d' « affaires rurales » au nom du ministère de
l'Agriculture et de la Pêche pour bien rappeler non seulement que les
agriculteurs sont des acteurs essentiels du monde rural mais également
que le monde rural doit être pris en compte dans sa globalité.
Pour résumer ce premier point, je ferai un lien entre, d'une part,
produit de qualité, qui est l'avenir de l'agriculture de montagne, et
respect de l'environnement, ces deux aspects suscitant des soutiens
légitimes de la part de la puissance publique, et, d'autre part, une
agriculture qui se pense bien comme élément essentiel de la
montagne, mais qui se vit aussi en lien avec les autres acteurs du monde rural.
Cela permet de faire le lien avec la question posée concernant les aides
aux agriculteurs de montagne : « les agriculteurs sont-ils
suffisamment aidés, les rapports d'évaluation ayant montré
dans le passé que les revenus des agriculteurs de montagne
étaient plus faibles que ceux de la moyenne nationale ? »
Il est certain que les aides à l'agriculture, notamment les aides dites
du premier pilier de la PAC, à savoir les aides directes, qui ont
appuyé l'agriculture moderne et exportatrice en France, ont soutenu et
continuent à soutenir toute une série de filières de
production qui, pour certaines, sont peu représentées dans
l'agriculture de montagne. Il est exact que ces très volumineux soutiens
accordés aux céréales et aux
oléoprotéagineux concernent très marginalement
l'agriculture de montagne. En revanche, l'agriculture de montagne est
aidée par les aides animales, avec des majorations, notamment sur la
prime au maintien du troupeau des vaches allaitantes, mais peu sur les aides
surfaces aux grandes cultures, au titre du premier pilier sur les aides aux
productions animales, notamment pour la production de viande bovine. Par
ailleurs, pour les aides du deuxième pilier de la PAC, qui sont en voie
d'augmentation depuis les accords de Berlin de 1999, certaines de ces aides
sont ciblées sur des soutiens à la montagne, notamment pour les
soutiens à la compensation du handicap. D'autre part, ces aides
sont certainement beaucoup plus mobilisables par l'agriculture de montagne.
Les différences de revenus perdurent. Je vous donnerai, dans les
documents en annexe de ma présentation, des éléments
chiffrés qui montrent que, d'après les études
réalisées en 2000, ce différentiel demeure,
même s'il s'est probablement réduit par rapport aux indications du
rapport d'évaluation de 1998. Il semblerait que les écarts de
revenus disponibles soient de 16 % pour la montagne et la haute montagne
par rapport à la moyenne nationale, et de 19 % par rapport aux
agriculteurs de plaine. Je poursuivrai en évoquant l'évolution de
la PAC, qui n'est pas encore totalement décidée puisque des
discussions vont prochainement avoir lieu, notamment le 10 juillet, date
à laquelle le Commissaire Fischler envisage de dévoiler les
propositions de la commission pour l'évolution de la PAC au titre de la
révision à mi-parcours. Ces propositions seront discutées
lors du conseil européen de fin juillet. Or, dans les évolutions
en cours nous observons une tendance à favoriser le deuxième
pilier de la PAC, mais également à envisager des transferts entre
le premier et le deuxième pilier. Ce transfert peut se faire à
travers la modulation des aides directes. Il s'agit, dans ce cas, non pas de la
modulation facultative actuelle à la française mais de la
modulation générale et probablement obligatoire à laquelle
pense la Commission Européenne. Il peut se faire à travers la
dégressivité des aides directes. Je pense que l'agriculture de
montagne a beaucoup à gagner d'une augmentation des soutiens du
deuxième pilier de la PAC mais également d'un transfert de
soutiens du premier au deuxième pilier de la PAC, notamment à
travers un instrument, qui est l'un des outils privilégiés de la
politique agricole de la montagne : la politique de compensation des
handicaps naturels. Je souhaite vous en dire quelques mots car il s'agit
d'un soutien financier important. Cette aide a été
inventée par la France dans les années 70 comme ceci est
souvent le cas en matière européenne. Il est important de le
rappeler, car le rôle de la France doit rester important dans l'avenir,
en tant que première puissance agricole européenne. En effet, la
France doit être pionnière dans le domaine des idées et des
propositions, et votre commission va y contribuer, pour entraîner nos
amis européens, d'autant plus que nous sommes l'un des principaux pays
montagnards, même si, par bonheur, d'autres pays de l'Union
Européenne sont également concernés par ces
problèmes comme l'Espagne, l'Italie ou l'Autriche. En revanche, nos
partenaires de l'Europe du Nord sont beaucoup moins concernés par les
problèmes de la montagne. Ainsi, l'idée de compensation des
handicaps naturels est une idée française, qui a
été reprise au plan européen, et qui figure de nouveau
dans le règlement développement rural de 1999, et qui a
été aménagée durant ces dernières
années.
Je souhaiterais faire le point avec vous sur la réforme des ICHN, comme
je l'ai fait auprès du groupe politique agricole de la montagne, qui se
réunit mensuellement depuis janvier 1999, que je préside, et qui
regroupe l'ANEM, l'Administration centrale et déconcentrée de
l'Etat, les commissariats de massifs et les organisations professionnelles
agricoles. L'indemnité compensatoire des handicaps naturels a
été maintenue en 1999. Cette indemnité a été
modifiée et nous sommes ainsi passés d'un soutien à la
tête de bétail à un soutien à l'hectare. Je pense
qu'il s'agit d'une bonne idée dans le sens où le soutien à
la tête de bétail pouvait laisser penser que ce soutien
était corrélé au volume de production. Or, je pense qu'un
soutien à la surface garantit mieux que ce type de soutien sera
durablement compris dans la boite « verte » des
négociations internationales. Ainsi, ce choix réaffirme mieux le
fait qu'il s'agit d'un soutien découplé de la production et donc
totalement protégé dans le cadre des négociations de
l'Organisation Mondiale du Commerce. D'autre part, l'affirmation selon laquelle
ces soutiens devaient être accordés si les agriculteurs
respectaient les bonnes pratiques agricoles habituelles est importante. La
France a obtenu qu'en montagne on parte, par principe, du postulat
suivant : les bonnes pratiques agricoles habituelles sont
respectées. Il ne s'agit pas d'une novation majeure mais de
l'affirmation d'un principe assez utile. Par ailleurs, il s'agit d'un soutien
exprimé à travers un moyen simple puisque sont
présumés respecter ces règles les agriculteurs qui ont un
chargement, à savoir des animaux sur des hectares, qui évite
à la fois le sous-pâturage et le sur-pâturage. Ces mesures
ont suscité des débats et des inquiétudes, mais ont
finalement été mises en oeuvre, et le bilan qui en a
été tiré, dans le cadre d'une analyse objective,
réalisée par l'Institut d'Agriculture
Méditerranéenne, et que je suis prêt à vous
communiquer, a montré qu'avec cette réforme, les grands
équilibres avaient été maintenus. En effet, 80 % des
soutiens vont à la montagne contre 20 % pour les zones
défavorisées et de piémont. Le nombre d'exclus est
très minime : 1,4 %. Enfin, 70 % des éleveurs ont
un soutien financier en augmentation. Les quelques difficultés
concernant les éleveurs en piémont laitier devraient être
réglées durant l'année 2002, et l'on cherchera à
mieux soutenir les élevages ovins. D'autre part, la puissance publique a
décidé d'augmenter les soutiens financiers à l'agriculture
de montagne de 18 millions d'euros en 2000, de
47 millions d'euros en 2001 et il est prévu, pour cette
année, une augmentation de 30 millions d'euros. Je
précise qu'il s'agit d'un engagement pris par le précédent
gouvernement en octobre dernier et il est très souhaitable que l'actuel
gouvernement confirme cet engagement pour la campagne ICHN, puisque les
agriculteurs déposent actuellement leurs dossiers et doivent être
payés de leurs indemnités en septembre et octobre prochain.
Ainsi, si cette réforme des ICHN a suscité des
difficultés, elle permet, selon moi, de conforter la politique de
compensation du handicap et de centrer les soutiens sur la montagne. Il s'agit
en outre d'un moyen privilégié de soutenir l'agriculture de
montagne. Ces aides sont cofinancées par l'Union Européenne.
Ainsi, si je souhaitais résumer à l'extrême ma
pensée sur ce point, je dirais que l'un des moyens très simples
pour aider l'agriculture de montagne consisterait à augmenter les
ICHN.
Je poursuivrai en parlant plus brièvement d'un autre mode de soutien par
lequel l'agriculture de montagne peut être confortée : la
mise en oeuvre, par la loi d'orientation agricole de juillet 1999, du contrat
territorial d'exploitation.
M. Jean-Paul Amoudry -
Excusez-moi de vous interrompre, mais je
souhaiterais avoir une précision. Vous avez parlé de l'engagement
du gouvernement d'augmenter de 30 millions d'euros pour 2002
l'enveloppe des ICHN. S'agit-il simplement de la part de l'Etat
français, et avez-vous en tête le montant affecté par
Bruxelles en parallèle ? En effet, il existe un lien entre l'effort
de l'Etat et l'engagement de l'Union Européenne.
M. Christian Dubreuil -
Il existe en effet un lien automatique entre les
deux puisque l'ICHN est co-financé à 50 % par l'Union
Européenne. Ainsi, compte tenu du cofinancement global que nous apporte
l'Union Européenne, puisque nous sommes autorisés à
mobiliser plus de 760 millions d'euros en moyenne, par an, de
cofinancement européen, lorsque la France augmente les ICHN, le
cofinancement européen est automatique. Or l'engagement pris à
l'automne dernier était d'augmenter les ICHN de 200 millions de
francs, soit 30 millions d'euros, cette somme comprenant la part
européenne pour 15 millions d'euros.
M. Jean-Claude Tarty -
En effet, il s'agit de
100 millions de francs pour l'Etat français et de
100 millions de francs pour l'Union Européenne. Ce
cofinancement à 50/50 est automatique.
M. Jacques Blanc -
Les classements en zone de montagne sont très
importants pour les personnes et pour les collectivités. Or, nous
assistons, dans certains lieux, à des situations paradoxales, car les
zones amont peuvent ne pas être classées en zone de montagne alors
que l'aval bénéficie d'un tel classement. Nous avons tous en
tête des exemples précis dans ce sens. Or, existe-t-il des
perspectives de révision de ces classements, non pas à la baisse,
bien évidemment, mais à la hausse. En effet, ce que nous avons
appris sur les coefficients de pente et d'altitude est souvent contredit par de
tels exemples. En effet, certaines communes de montagne, plus basses que
d'autres en altitude, sont classées en zone de montagne alors que
d'autres communes plus élevées en altitude ne le sont pas, ce qui
heurte le bon sens. Nous avons beau arguer du fait que les coefficients
d'altitude doivent être recoupés avec les coefficients de pente,
nous ne sommes pas entendus sur le terrain. Or avons-nous une chance à
saisir dans ce cadre et la commission serait-elle bien inspirée en
proposant quelque chose pour faire avancer ce problème, tout en ayant le
souci des collectivités, qui sont sans doute mieux traitées
lorsqu'elles sont en zone de montagne que lorsqu'elles n'y sont pas. Cette
question concerne, bien entendu, la basse et la moyenne montagne, et non pas la
haute montagne.
M. Christian Dubreuil -
Je vais vous présenter une carte, que je
vous remettrai, reprenant l'état actuel du classement des zones
défavorisées en France, qui comporte les zones de haute montagne,
les zones de montagne, les zones de piémont, et les zones
défavorisées. Il s'agit d'une construction progressive puisque la
France a inventé la compensation du handicap dans les
années 70 et a donc délimité ses propres zonages. Or,
lorsque cette aide a été reprise au niveau européen, la
France a demandé que ces zonages des années 70 soient repris
tels quels. Ensuite, ils ont été consolidés à
travers des critères objectifs d'altitude et de pente. Si nous observons
cette carte, certaines incohérences apparaissent. Néanmoins,
comme pour toutes les belles oeuvres anciennes, nous nous posons toujours la
question de savoir s'il existe plus ou moins d'inconvénients
à les retoucher. Ainsi, nous constatons que le classement en zone
défavorisée de tout le Sud Ouest a consisté à
considérer, dans les années 70, que l'agriculture du Gers ou
celle de la Dordogne, deux départements se trouvant intégralement
en zone défavorisée, étaient défavorisés en
termes de revenus. Trente ans plus tard, il serait beaucoup plus difficile de
démontrer que l'agriculture du Gers souffre d'un déficit
économique. Or, les élus et les agriculteurs sont très
attachés à ce type de soutien. Tout le zonage a fait l'objet
d'une construction par étapes, d'où un certain nombre
d'incohérences. Mais ce zonage est évolutif. Ainsi,
l'année dernière, nous avons pu faire élargir la zone
montagne au Morvan, après 25 ans d'étude de ce dossier. En
effet, les élus de ce secteur souhaitaient voir reconnaître et
élargir cette zone, qu'ils estimaient être un massif
spécifique qui n'était pas le Massif Central. Les changements de
zone sont donc possibles. Mais le problème avec l'Union
Européenne est le suivant : lorsqu'il lui est demandé de
rajouter de nouvelles zones de montagne, elle souhaite que d'autres zones
soient retirées de ce classement, dans un souci d'équilibre.
Auquel cas, nous répondons toujours que nous ne pouvons rien retirer.
Cette révision du zonage est donc possible, mais elle doit être
réalisée prudemment. Néanmoins, certains dossiers peuvent
être présentés. Ainsi, l'année dernière, nous
avons reclassé une partie du Morvan et quelques communes en
Isère, en Corse, dans l'Aude et les Pyrénées orientales.
Dans le projet de cette année, nous avons prévu quelques
reclassements de l'Isère, dans le Rhône et pour quelques communes
des Pyrénées, mais cela renvoie à des questions
financières. En effet, si nous étendons le zonage, il faut que la
puissance publique affecte les crédits nécessaires.
M. Auguste Cazalet -
Vous ne parviendrez jamais à satisfaire tout
le monde. Je suis moi-même Sénateur des
Pyrénées-Atlantiques. Or, je constate que la question de
l'altitude ne veut rien dire, exceptée dans la haute montagne. En effet,
dans certaines régions, des exploitations agricoles très belles
sont situées en altitude et ne sont pas confrontées à des
handicaps trop importants, et, en basse altitude, certaines exploitations
agricoles requièrent beaucoup de courage pour y travailler avec des
tracteurs. Or cette inégalité entraîne la colère des
agriculteurs, qui ne comprennent pas que certaines communes soient
classées en zone de montagne alors que la leur ne l'est pas, mais qu'ils
sont encore contraints de travailler avec des traîneaux et des boeufs.
Vous aurez donc toujours affaire à des contestations, d'un
côté ou de l'autre, et les élus en savent quelque chose.
Ainsi, dans ma commune, les élus se font interpeller à ce sujet.
En outre, durant chaque période électorale, et ce pour tous les
bords, chacun promet qu'il fera classer les communes concernées en zone
de montagne, mais ceci n'est jamais fait. Nous ne parviendrons donc jamais
à satisfaire tout le monde.
Par ailleurs, je souhaiterais connaître la position des organisations
agricoles au sujet de l'ICHN. En effet, les aides sont octroyées
à la surface agricole. Néanmoins, en zone de montagne, il n'est
pas toujours facile d'avoir de grosses exploitations. Ainsi, si les
éleveurs se débrouillent bien, ils parviennent à vivre en
montagne en se faisant livrer des fourrages sur place pour pouvoir y demeurer.
Or, dans les zones où se trouvent les belles exploitations, les gens
quittent l'agriculture alors qu'en montagne, certains agriculteurs luttent pour
rester sur place, malgré les difficultés. A cela s'ajoute le
problème des esquives, qui leur permettent de conserver sur place les
vaches ou les moutons durant l'été. Ainsi, en termes de
chargement par hectare, certaines petites exploitations ont un chargement
très important car les agriculteurs laissent les bêtes
enfermées tout l'hiver et font arriver sur place du maïs doux et
des fourrages, ce qui permet de maintenir la vie en montagne. Dans ce cadre, je
souhaitais vous poser une question : les bergers sans terre
bénéficient-ils des aides en montagne ? En effet, autrefois,
ils ne les touchaient pas.
M. Jean Boyer -
Je souhaite vous poser, Monsieur Dubreuil, une question
d'ordre général. Nous entendons parler d'une part des primes
compensatrices et d'autre part des primes compensatoires. Pour être
logique, doit-on dire « primes compensatrices des
handicaps » ou « primes compensatoires des
handicaps » ? Par ailleurs, ma question porte sur les primes
à la montagne haute, puisque l'on dit, depuis deux ou trois ans, prime
à la montagne haute et non plus prime à la haute montagne. Je
suis l'un des élus de Haute-Loire. Or, la référence, pour
le classement en haute montagne, est la mairie de la commune. Toutefois, les
mairies se trouvent dans les vallées et les agriculteurs sont
très contrariés de voir que la référence est la
mairie, puisque les terres de culture sont sur le plateau. Or le fait que la
mairie se trouve en dessous de l'altitude définie pour les zones de
montagne haute, qui est de 1 050 mètres, les pénalise.
Ainsi, dans mon département, une pétition a été
signée par les habitants de 11 communes, dont la mairie se trouve
dans la vallée, et dont les trois quarts des zones cultivées se
trouvent au-dessus de la référence prescrite. Dans ce cadre,
comment pouvons-nous envisager une adaptation de cette référence
à la réalité ?
M. Christian Dubreuil -
En reprenant la perspective du classement de
zone de votre rapport, je pense qu'avec les organisations professionnelles
agricoles, un certain consensus a été trouvé pour dire
qu'il ne fallait pas ouvrir la boîte de Pandore. En effet, ce classement
est important pour la France et il y a peut-être plus de risque à
le réexaminer qu'à le maintenir. Le débat consistant
à comparer les situations entre elles est sans fin. Néanmoins, le
rapport peut rappeler qu'année après année, il est
possible de reclasser quelques petites zones qui ont le sentiment d'avoir
été maltraitées. Je vous propose cette solution car je
pense qu'il serait dangereux, pour l'agriculture de montagne française,
de revoir le zonage général, mais que nous pouvons
néanmoins procéder à des adaptations chaque année.
Pour ce qui est des aides octroyées à la surface, votre question
est de savoir si ces aides sont plus bénéfiques à
l'agriculture de montagne. Je parlerai en ce sens sous le contrôle du
sénateur Amoudry, qui connaît très bien ces questions. Je
pense que, potentiellement, il s'agit d'un excellent moyen de soutien
supplémentaire à l'agriculture de montagne. En effet, il fait
état de la déprise qu'il faut combattre et de la
nécessité d'entretenir, voire de reconquérir des terres.
Ce soutien à la surface peut permettre aux agriculteurs, d'une part
d'engager des surfaces supplémentaires et d'avoir potentiellement des
soutiens plus élevés, et, d'autre part, de mieux
rémunérer tous les espaces pastoraux, les estives, les alpages,
utilisés tant dans les Pyrénées que dans les Alpes. Ainsi,
cette reforme des ICHN est positive, bien qu'elle n'ait pas produit
immédiatement les effets escomptés, puisque, lorsqu'elle s'est
mise en place, les animaux et les hectares des agriculteurs ont
été basculés d'un système à l'autre.
Toutefois, vous connaissez tous la capacité d'adaptation des
agriculteurs, ce fameux bon sens paysan. Ainsi, aujourd'hui, le soutien
étant à la surface, des surfaces complémentaires vont
pouvoir être engagées, notamment les terres des groupements
pastoraux, qui pourraient être mieux soutenues. Je pense donc que ce
changement de critère pourrait être plus favorable, tant dans le
domaine des ICHN, qui, d'après les textes, sont des
« indemnités compensatoires » et non pas
compensatrices des handicaps naturels, que dans le second domaine, que sont les
soutiens agro-environnementaux, qu'ils soient inscrits dans ou hors des
contrats territoriaux d'exploitation.
Concernant les bergers sans terre, je pense qu'ils bénéficient
désormais du soutien. Je vous propose que Monsieur Tarty complète
cette réponse et qu'il réponde par ailleurs à la question
de l'appréciation du zonage et de la remise en cause éventuelle
du référentiel représenté par les mairies.
M. Jean-Claude Tarty -
Les bergers sans terre bénéficient
effectivement des ICHN depuis une dizaine d'années. Auparavant, cette
aide était calculée à la tête de bétail et
elle est désormais calculée à l'hectare. Il suffit que le
berger sans terre fasse, comme tout agriculteur de France, une
déclaration de surface et que la Direction départementale
reconnaisse qu'il est l'utilisateur de ces territoires pour qu'il puisse
bénéficier des différentes aides sur les terres qu'il
exploite.
Concernant le classement en zone de montagne haute, la règle
communautaire, qui est reprise dans le règlement développement
rural indique qu'il existe en termes communautaires des zones de montagne et
des zones défavorisées. En France, nous avions établi une
différenciation entre haute montagne et montagne, et entre
piémont et zone défavorisée. Cette différenciation
continue à exister. Néanmoins, lorsque nous avons
négocié le passage de l'unité de gros bétail (UGB)
à l'hectare, nous nous sommes rendus compte que le chargement, qui est
aujourd'hui le critère essentiel de la totalité de la prime ou
d'un certain pourcentage de cette prime, n'était pas forcément le
même, même à l'intérieur de la zone montagne d'un
département. Par ailleurs, depuis un certain nombre d'années, les
organisations départementales agricoles et les directions
départementales de l'agriculture avaient déjà
établi des sous-zonages, notamment dans le Cantal. Mais cette
distinction avait été établie dans la notion de montagne
et non pas selon la notion nationale de haute montagne, qui est située
au-delà de 1 200 mètres d'altitude. Ces sous-zonages
ont été reconduits dans le système actuel. Nous avions
ainsi, dans notre système de paiement comportant quatre marches, zone
défavorisée, piémont, montagne et haute montagne,
créé un escalier avec des marches supplémentaires, de
façon à mieux lisser les écarts de paiement entre ce qui
est donné à la montagne et ce qui est donné à la
haute montagne. Or, il se trouve que certains agriculteurs étaient
proches des caractéristiques de handicap de la haute montagne et il
était anormal que le pallier soit trop important. Le système
d'étagement a donc été reconduit.
Concernant la référence à la mairie, si nous lancions le
vaste sujet de la révision du classement des zones, nous devrions
utiliser un logiciel de calcul qui nous permettrait de travailler à
partir de sites géo-référencés tous les
100 mètres. Ainsi, actuellement, le CEMAGREF calcule l'altitude et
la pente de chaque point géodésique tous les
100 mètres de la commune en question. Ensuite, on calcule un
coefficient, qui doit être supérieur à 2. Ainsi, si le
coefficient est supérieur à 2, la zone est classée en
montagne, et s'il est inférieur, elle n'est classée qu'en
piémont. Or, il est vrai qu'à une certaine époque, nous ne
disposions pas d'outils de calcul précis. La référence
était donc la mairie. Mais si nous réalisions de nouveaux
calculs, avec le risque que certaines zones soient exclues et d'autres
incluses, nous pourrions nous abstraire de cette notion. Par ailleurs, dans le
cadre de la réflexion menée avec le groupe Montagne, sur le
passage de l'UGB à l'hectare, nous avons réfléchi à
cette problématique. Longtemps, les organisations professionnelles
agricoles nous ont dit que, lorsqu'un agriculteur avait son siège
d'exploitation en zone défavorisée et ses animaux en haute
montagne, il était payé au taux de la zone
défavorisée. Ils considéraient que cette situation
était anormale puisque le handicap que subissaient les animaux
était un handicap de haute montagne, bien que l'agriculteur habite dans
la vallée. Nous avons donc profité du passage de l'UGB à
l'hectare pour modifier la règle de calcul. Ainsi, un agriculteur, qui a
son siège d'exploitation dans une zone défavorisée,
même si cette zone est située en piémont, sera payé
au taux montagne si ses surfaces sont situées en montagne. Cette
modification, qui a commencé à se mettre en place l'année
dernière, doit permettre à un certain nombre d'agriculteurs de
bénéficier de primes plus importantes. Monsieur Dubreuil a
cité le nombre d'agriculteurs concernés par les ICHN. Or, sur les
115 000 agriculteurs qui ont bénéficié des ICHN
en 2001, 70 % ont bénéficié d'une augmentation de ces
aides par rapport à 2000. Le système de basculement de l'UGB vers
l'hectare a donc été globalement favorable pour une
majorité d'agriculteurs en montagne.
M. Christian Dubreuil -
Je vous propose de poursuivre sur les questions
qui nous ont été posées. Parmi elles, un point fait
débat et concerne au premier rang les parlementaires, puisque vous
faites la loi et que vous veillez à son application. En effet, je pense
que le débat relatif au contrat territorial d'exploitation va de nouveau
s'ouvrir. Nous devons nous demander si cet outil de politique agricole est
utile ou non, et surtout, s'il est utile à la montagne. Le contrat
territorial d'exploitation, prévu par la loi d'orientation agricole de
juillet 1999, vise à considérer l'agriculture dans ses
différentes fonctions : l'économie, le social, l'emploi,
l'environnement, l'aménagement du territoire, et à concevoir un
soutien à l'ensemble de ces fonctions, qui agglomère les soutiens
traditionnellement accordés aux investissements ou à
l'environnement. Les soutiens sont reconnus et cofinancés par l'Union
Européenne, tel que le préconisait le règlement
développement rural. Par ailleurs, l'idée spécifiquement
française d'un contrat global passé avec les exploitants
agricoles a été rajoutée. Ce contrat a commencé
à se mettre en place durant l'automne 1999. Dans les zones de montagne,
à la différence des ICHN, ce contrat n'était pas un
soutien spécifique à la montagne. Les agriculteurs de montagne se
sont donc demandés si ce soutien pouvait leur être
bénéfique. Ainsi, l'inquiétude liée à
l'approche globale, ou globalisante des CTE, ayant vocation à rassembler
les soutiens, était liée à la question suivante : que
vont devenir les soutiens spécifiques aux ICHN ? Dans ce contexte,
la sénatrice Jeanine Bardou avait défendu le fait que les ICHN ne
soient pas fondues dans les CTE, mais soient préservées, ce qui a
été fait. Or elle a eu raison de soutenir cette option
malgré les débats de l'époque, consistant à se
demander si un outil non spécifique à la montagne pouvait
être utile à la montagne, et s'il n'allait pas susciter en
échange la perte d'outils anciens auxquels les agriculteurs
étaient attachés. Ce débat est aujourd'hui
dépassé. Les CTE se sont mis en place plus lentement que
prévu car un certain nombre de difficultés se sont
présentées. En mai 2002, nous pouvons reposer cette question de
manière sereine et pragmatique, au vu de ce qui a été mis
en place. A travers ce type de soutien, nous sommes parvenus aux
résultats suivants : 25 000 contrats territoriaux ont
été signés, 32 000 ont été
approuvés dans les commissions départementales d'orientation de
l'agriculture, 6 500 dossiers sont en cours d'instruction. Ainsi,
40 000 agriculteurs ont déjà demandé un contrat,
un peu plus de 30 000 l'ont vu approuver et un peu plus de
25 000 l'ont vu signer. La part des exploitants agricoles de montagne est
de 20 %, ce pourcentage se maintenant depuis la mise en place de cette
aide. Ainsi, la part des agriculteurs de montagne et de haute montagne dans les
CTE est un peu supérieure au pourcentage que représentent ces
exploitants agricoles dans l'ensemble de l'agriculture de notre pays.
Je constate également que ces aides ont permis d'engager 2 millions
d'hectares. En effet, les surfaces des 25 000 exploitants ayant
signé un CTE représentent 2 millions d'hectares, dont
1,3 million d'hectares qui font l'objet d'engagements. Ainsi, en deux ans
de CTE, les surfaces engagées sont supérieures à celles
qui l'ont été durant plus de huit ans d'opérations
locales agro-environnementales et d'opérations groupées
d'aménagement foncier entre 1992 et 1999. Le montant global des contrats
signés pour cinq ans représente d'ores et déjà
1 milliard d'euros, et la moyenne des contrats est de 40 000 euros
par contrat et de 27 000 euros par exploitant ou associé.
Ainsi, après des débuts difficiles, des questions sur le
positionnement de ce contrat par rapport à d'autres types de soutiens
à l'agriculture, je pense que les agriculteurs et les responsables des
organisations professionnelles agricoles considèrent désormais
que ce type de soutien est positif. Je pense par ailleurs que ce soutien
pourrait être mieux utilisé par l'agriculture de montagne. En
effet, on pouvait craindre au départ que les exploitants de plaine s'en
saisissent bien avant. Ainsi, en mai 1999 le Président du Conseil
Régional du Limousin, proche du gouvernement de l'époque, me
demandait si cette aide n'allait pas consister à aider les agriculteurs
bretons, qui ont pollué l'environnement, alors que les agriculteurs du
Limousin, ayant des pratiques environnementales correctes, n'allaient pas
être aidés. Or, si nous regardons la carte des contrats
territoriaux d'exploitation, que je vous communiquerai, nous constatons que
ceci n'a pas été le cas. En effet, étant donné les
problèmes de respect de la réglementation, dont je respecte par
ailleurs l'agriculture très performante, le nombre de CTE signés
en Bretagne est assez faible. Dans les grandes zones
céréalières, pour des raisons liées à la
modulation des aides directes, nous avons assisté au même
schéma. Ainsi, les régions qui se sont principalement
appropriées les contrats territoriaux d'exploitation sont plutôt
les régions Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Auvergne,
Pays de Loire ou Languedoc-Roussillon, tandis que les régions du Nord de
la France ou de la Provence Alpes Côte d'Azur en ont moins
profité. Ce type de soutien convient donc bien aux filières qui
sont moins soutenues par les organisations communes de marché, notamment
l'agriculture de montagne.
Le gouvernement précédent avait beaucoup soutenu le CTE en soi.
Mais, plus récemment, un décret permettant de contracter des
mesures agro-environnementales en dehors du CTE a été
publié. Le nouveau gouvernement dispose donc aujourd'hui de deux outils
à sa disposition et pourra choisir en fonction de ses priorités
et de ses moyens financiers. Ainsi, nous sortons peut-être de ce
débat manichéen consistant à limiter les soutiens aux
contrats territoriaux d'exploitation. Désormais, le gouvernement dispose
de ces deux outils différents, dont il peut co-régler
l'application. Il pourrait ainsi mettre en place des mesures
agro-environnementales hors CTE pour les agriculteurs non-éligibles aux
CTE, comme les agriculteurs âgés, ou encore pour les estives
gérées par des commissions syndicales, comme ceci est le cas dans
les Pyrénées atlantiques. Ainsi, cette nouvelle situation doit
être intégrée dans l'appréciation de l'avenir des
contrats territoriaux d'exploitation. En effet, un soutien bien adapté
à l'agriculture de montagne a été trouvé, qui
mobilise des moyens financiers importants, et je pense que la fin des CTE
ferait plaisir à une seule personne en France : le
secrétaire d'Etat au Budget. Pour nous, dans le cadre du
ministère de l'Agriculture, pour vous, parlementaires du monde rural, il
sera important de répondre aux attentes des organisations
professionnelles agricoles, qui souhaitent que le CTE soit simplifié,
centré sur ses objectifs, et qu'il ne soit pas l'outil unique de
soutien. Toutefois, ils ne souhaitent pas la fin de cette politique. Je pense
que la sagesse conduirait à adapter le dispositif sans le briser.
Concernant les questions que vous m'avez posées à propos de la
situation des différentes productions qui intéressent la
montagne, la viande ou le lait, il me semble que vous allez auditionner, le
17 juin, l'adjointe de mon collègue directeur des politiques
économique et internationale, Marie Guittard. Je ne m'attarderai donc
pas sur ce sujet, mon propos étant déjà très
complet. En revanche, je vous ai fourni des réponses écrites pour
vous aider à préparer vos travaux.
J'aborderai ensuite la question suivante : que faire auprès de
l'Union Européenne pour aider la montagne ? Cette question est pour
moi d'actualité puisque je m'envole dans quelques heures vers Inverness,
pour assister aux troisièmes assises de l'agriculture de montagne, en
Ecosse, où je vais plaider, avec mes collègues européens,
sur le thème « Défense de la montagne au sein de
l'Europe ». L'Europe soutient l'agriculture de montagne, mais il
n'existe pas une politique européenne de la montagne totalement
constituée. Une sorte de plaidoyer permanent est donc nécessaire
pour que toutes les actions européennes bénéficient
à la montagne. Ainsi, les pays de l'Europe du Sud ou de l'arc alpin sont
dans une situation de lobbying par rapport aux pays de l'Europe du Nord, qui
sont peu sensibles à cette problématique. Nous devons prouver que
les montagnes sont un patrimoine pour l'Europe, et qu'il faut en
défendre l'agriculture et la valeur patrimoniale. Par ailleurs, nous
devons nous préparer à poursuivre ce combat avec
l'élargissement de l'Europe à l'Est. En effet, nous allons nous
trouver confrontés au même type de contraste avec l'entrée
de grands pays agricoles qui ne sont pas du tout montagnards comme la Pologne
ou la Hongrie, et de quelques pays montagnards, qui iront dans le même
sens que nous, comme la Slovaquie ou la Slovénie. La même
opposition sera donc présente entre ceux que cette politique
n'intéresse pas et ceux que cette politique intéresse.
Vous me posez la question : dans quel sens agir ? Je vois plusieurs
solutions : le renforcement du deuxième pilier de la PAC, le
développement rural, proposé par le commissaire Fischler et la
majorité des Etats membres, est une évolution favorable. Il
s'agit tout d'abord du soutien aux élevages herbagers avec la fameuse
question de l'herbe. En effet, pour aider la montagne dans la politique
agricole, il faut défendre des soutiens à base d'herbe, y compris
pour nos élevages de viande ou de lait. Nous sommes la principale
puissance agricole, avec 28 millions d'hectares de surface agricole
utile et de nombreux espaces herbagés. Dans ce contexte, tous les
soutiens pouvant être augmentés vis-à-vis de l'herbe seront
bons pour l'agriculture de montagne, qui détient ces espaces herbagers.
Ainsi, tant la prime dite « à l'herbe », qui va
s'achever en 2003, et qui trouvera sa suite dans les actions
agro-environnementales, que des réflexions sur l'évolution des
soutiens à la viande sont favorables. Ainsi, dans le cadre de la
réflexion sur l'évolution de la PAC, qui va avoir lieu au second
semestre notamment au sommet de Copenhague de décembre 2002, nous
pouvons très bien, en France, aider notre viande bovine à travers
des soutiens à la tête de bétail ou à l'herbe. Dans
la situation actuelle, la PAC aide davantage les productions
céréalières ou le maïs que l'herbe. En effet, la
prime à l'herbe s'élève à 46 euros à
l'hectare contre 533,6 euros pour les soutiens au maïs. A travers les
aides environnementales, nous avons mis en place un soutien
supplémentaire. Ainsi, la prime à l'herbe va passer de 68,6 euros
à 91,5 euros à l'hectare. Mais tout ce qui conduira à
aller plus loin dans ce sens est bon pour l'agriculture de montagne.
Vis-à-vis de l'Union Européenne, sensible à la
problématique de passage de soutiens à la tête de
bétail, qui sont critiqués à l'OMC, à des soutiens
à la surface et à l'herbe, qui sont moins menacés à
l'OMC, nous devons montrer que cette transition est bénéfique
pour notre agriculture de montagne.
Par ailleurs, nous pouvons évoquer un autre
dossier important : le soutien au pastoralisme. Il s'agit d'un mode,
spécifique à la montagne, de gestion de nos élevages,
conforme à des traditions rurales que nous devons maintenir. Or ces
soutiens au pastoralisme peuvent être amplifiés car le
pastoralisme constitue une bonne pratique agricole, respectueuse des hommes et
des territoires, conforme à nos traditions européennes. Ainsi,
tout ce qui peut aller vers sa reconnaissance et son soutien est bon pour
l'agriculture de montagne. Il faudrait également que nous amenions la
Commission Européenne à donner des suites concrètes au
travail réalisé par le Parlement Européen en
septembre 2001 sur 25 ans d'application de la législation
communautaire en faveur de l'agriculture de montagne. En effet, le Parlement a
fait des propositions et il serait très utile que nous encouragions la
Commission Européenne à passer de l'analyse du Parlement à
des propositions concrètes. Enfin, l'action de lobbying des montagnards
d'Europe doit être commune et résolue au sein de l'Europe des 15
actuelle et de la future Europe des 25, pour convaincre tout le monde de
l'intérêt de l'agriculture de montagne. Dans ce domaine, nous
pourrions valoriser des expériences réussies d'agriculture de
montagne, notamment le travail réalisé par l'agriculture
valaisanne en Suisse, et qui a été étudié par le
Groupe Politique Agricole de la Montagne. En effet, à travers des
approches scientifiques, ce travail tend à démontrer la
multi-fonctionnalité de l'agriculture de montagne dans le Valais en
décrivant les services rendus par l'agriculture aux concitoyens de ce
territoire. Ce travail permet aussi de savoir ce que les concitoyens attendent
de leur agriculture et donc de s'orienter vers une agriculture conforme
à ces attentes. Ainsi, il est possible de décider des soutiens
publics nécessaires dans ce sens et permet de légitimer des
soutiens accrus. Ce travail, qui fait l'objet de travaux poursuivis avec le
groupement d'intérêt scientifique Alpes du Nord et le Commissariat
du Massif des Alpes, constitue une très bonne perspective
d'évolution et de recherche pour l'avenir, car ce type d'approche permet
de donner un contenu plus concret à la notion de
multi-fonctionnalité de l'agriculture, d'apport de l'agriculture de
montagne. Ainsi, en reconnaissant cet apport, il est possible de
légitimer les aides en les expliquant mieux à nos concitoyens
urbains, qui ont perdu leur culture rurale.
Concernant le pastoralisme, je serai assez bref, puisque vous connaissez bien
le sujet. Le Conseil National de la Montagne a confié, en
février 2001, à Clermont-Ferrand, au ministère de
l'Agriculture, un travail sur le pastoralisme. Ce groupe de travail
interministériel s'est réuni durant toute cette année sous
ma présidence, et il a associé des professionnels agricoles, des
élus de la montagne, et des parlementaires, au premier rang desquels le
sénateur Amoudry. Je vais vous remettre les résultats de ce
travail, sous la forme d'un rapport provisoire, qui a été
rédigé en mars. En effet, à cette époque, nous
approchions des échéances démocratiques que notre pays est
en train de connaître, et le précédent gouvernement,
étant dans la période dite de réserve, a estimé
qu'il n'était pas pertinent que ce rapport lui soit remis à un
mois des élections. J'ai demandé à Hervé Gaymard,
nouveau Ministre de l'Agriculture, s'il souhaitait que ce rapport lui soit
remis. Il sera remis au ministre au plus tard au mois de juillet. Il
s'agit d'un travail très consensuel, qui offre de nombreuses pistes
législatives, notamment pour les associations pastorales. En effet, nous
souhaitons nous appuyer sur le Parlement, au premier rang desquels le
Sénat. Il appartiendra à la douzième législature,
qui s'ouvrira à partir du mois de juillet, d'en traiter. Je pense que le
Sénat pourrait porter cette évolution législative,
organisationnelle et financière afin de soutenir le pastoralisme.
Je terminerai sur un sujet qui constitue un problème, et sur lequel je
pense qu'il serait utile que votre rapport se prononce : l'adaptation des
bâtiments d'élevage, notamment en montagne, aux nouvelles
règles du bien-être animal, de la sécurité
sanitaire, de la traçabilité des produits. En effet, il existait
dans ce sens un programme global, qui a peu bénéficié
à l'agriculture de montagne : le Programme de maîtrise des
pollutions d'origine agricole (PMPOA), mis en place en 1993. Or la Commission
Européenne a découvert ce programme. Il s'agit là d'un
défaut important dans la gestion des politiques agricoles en France, car
certaines politiques sont lancées sans être notifiées au
niveau européen. Il s'agit, en l'occurrence, d'une politique
élaborée dans le cadre d'un accord entre le ministère de
l'Agriculture et les organisations professionnelles agricoles, en 1993, par un
protocole d'accord signé entre le ministère et la FNSEA, puis
repris dans un texte qui n'était qu'une circulaire de ma Direction, et
qui a pourtant suscité 915 millions d'euros de dépense.
Toutefois, ce programme n'avait pas été notifié à
l'Union Européenne. Or, le jour où elle s'en est aperçue,
elle a entamé une procédure d'infraction à l'encontre de
la France et nous avons dû modifier et justifier ce programme. Ceci a
suscité un an de négociations. L'essentiel du programme, à
savoir les concours publics qui pouvaient attendre 60 % des coûts, a
été admis. Néanmoins, ce programme, qui va s'achever en
2006, est désormais centré sur les zones vulnérables et
sur les zones prioritaires en matière environnementale. Ce programme
concernait déjà de nombreuses régions, telles que la
Bretagne ou les Pays de Loire. Or,
a fortiori
, ce recentrage sur ces
zones prioritaires cible encore plus que par le passé ces zones dans
lesquelles se pose un problème de qualité de la ressource en eau.
Il est donc important, dans votre rapport, d'examiner l'adaptation des
élevages en montagne. Dans ce cadre, nous disposons d'outils
spécifiques tels que l'aide au bâtiment des élevages en
montagne, l'aide à la mécanisation en montagne, qui sont des
outils anciens, mais également les aides aux investissements, notamment
le contrat territorial d'exploitation. Toutefois, nous devons concevoir un
dispositif de soutien aux investissements d'adaptation des élevages en
zone de montagne, hors PMPOA, et dotés de moyens financiers à une
hauteur supérieure à celle que nous connaissons. En effet, nos
aides aux bâtiments d'élevage ou à la mécanisation
ont été augmentées, représentant actuellement
13,720 millions d'euros à 15,25 millions d'euros par an.
En outre, le freinage du dispositif PMPOA a favorisé ces
investissements. En effet, les moyens financiers étant sur une
même ligne budgétaire, j'ai utilisé le fait que des
crédits étaient non-dépensés sur le PMPOA pour les
bâtiments d'élevage en montagne. Nous avons ainsi
résorbé une bonne partie des files d'attente, mais ce
problème va se reposer à partir de cette année. La
question de l'adaptation des élevages, étant donnée la
progression des normes sanitaires, ne sera pas donc réglée avec
un soutien du ministère de l'Agriculture à
12,200 millions d'euros par an. Ainsi, votre rapport peut montrer
que, puisque le PMPOA est centré sur les zones sensibles du point de vue
de l'environnement et de la ressource en eau, et qu'il concerne donc peu la
montagne, il existe encore des problèmes d'adaptation de nos
élevages. Or ces problèmes peuvent entraîner le
départ des agriculteurs de ces zones difficiles, le métier y
étant trop contraignant et les normes devenant de plus en plus
draconiennes. Une réflexion doit donc être conduite pour
déterminer un mode de soutien aux investissements et aux adaptations de
l'élevage en zone de montagne. En outre, même si nos partenaires
du Budget ont tendance à considérer les aides aux bâtiments
d'élevage comme des aides anciennes, datant des années 70,
et devant être supprimées, je suis intimement persuadé que
ces aides doivent non seulement être maintenues, mais qu'elles doivent
aussi être amplifiées, dans le cadre d'un vrai programme
d'adaptation des élevages de nos montagnes.
M. Jacques Blanc -
Je vous remercie de cet exposé très
intéressant et très brillant. Je laisse à présent
la parole à mes collègues pour vous poser des questions.
M. Jean Boyer -
Monsieur le Directeur, vous avez remarquablement
brossé le tableau de la situation de l'agriculture de montagne, y
compris pour le PMPOA, dans le cadre duquel nous constatons certaines
anomalies. Je souhaiterais très modestement attirer l'attention sur un
problème que vous connaissez. Vous avez évoqué la prime
à l'herbe de 46 euros. Je voudrais ajouter que certains
critères sont, en outre, posés pour accéder à cette
prime, avec un pourcentage minimum de 75 % de la surface. Or, dans ce
cadre, il semble que les lectures de l'administration manquent
d'objectivité. Je peux vous citer deux exemples concrets. Tout d'abord,
dans le département de la Haute-Loire, une parcelle a été
détruite par des sangliers. L'agriculteur a eu l'honnêteté
de dire que cette parcelle n'aurait pas, pour cette année, une vocation
de prairie, ce qui a entraîné la suppression de la prime à
l'herbe. Un autre agriculteur a vu ses terres faire l'objet d'un boisement
progressif. Il a donc considéré que ce qui était en
pâture trois ans auparavant ne l'était plus et il a eu
l'honnêteté de faire une déclaration dans ce sens. Or,
l'interprétation administrative de cette situation a
entraîné une remise en cause de sa prime à l'herbe de
46 euros. Ainsi, je pense qu'il faudrait appliquer des règles de
bon sens, tout d'abord en augmentant les primes, la somme de 46 euros
à l'hectare étant ridicule, mais également en
révisant les critères appliqués.
M. Pierre Jarlier -
Monsieur le Directeur, je souhaite vous poser une
question quant à la fiabilité du label montagne. En effet, nous
savons que l'avenir de l'agriculture de montagne passera par une production de
qualité. Or se posent aujourd'hui certaines questions quant à ce
label. Tout d'abord, n'existe-t-il pas un risque de dérogation sur ce
label et quelles sont les garanties que nous pouvons avoir sur ce
dispositif ? Par ailleurs, pour que ces produits soient identifiés
comme des produits de qualité, comment pouvons-nous augmenter la
possibilité de réaliser ces démarches de
labélisation dans la mesure où les acteurs de la filière
reculent souvent devant une labélisation considérée comme
inaccessible en termes de coûts ? Des dispositifs peuvent-ils
être envisagés afin de faciliter ces démarches ?
M. Christian Dubreuil -
Je souhaite tout d'abord revenir à la
remarque de M. Amoudry concernant l'agriculture valaisane. En France, nous
disposons d'une agriculture moderne, économiquement impliquée
dans les courants d'échanges mondiaux, puisque nous avons beaucoup
investi sur les progrès de la génétique. Néanmoins,
l'approche valaisane pourrait représenter un apport
supplémentaire dans nos travaux puisqu'il s'agit d'une agriculture plus
archaïque, que les moyens financiers considérables de la
région permettent de sauvegarder.
En effet, la Suisse peut se payer une agriculture qu'elle
rémunère à un haut niveau, notamment à travers le
prix du lait. Pour notre part, nous sommes la première agriculture
européenne et la deuxième mondiale et nous partons de notre
qualité pour nous inscrire dans les courants d'échanges mondiaux.
Toutefois, l'apport Valaisan peut s'inscrire dans un travail assez fin
d'identification des multiples apports de l'agriculture à la
société, afin d'ouvrir le dialogue avec nos concitoyens urbains,
et ainsi d'améliorer l'image de l'agriculture, pour permettre de
légitimer les soutiens apportés à l'agriculture et de
demander leur augmentation. J'ai, pour ma part, travaillé dans le cadre
de l'Outre-Mer et je fais partie de ceux qui pensent que l'Outre-Mer constitue
une chance pour la république. J'ai donc passé mon temps à
expliquer l'importance de l'Outre-Mer à des personnes qui me disaient
que ces territoires ne servaient à rien et coûtaient très
cher. Or il en est de même pour l'agriculture, plusieurs années
plus tard, bien qu'il s'agisse d'une activité économique
très importante, car nos concitoyens ont le sentiment que l'agriculture
coûte très cher, notamment sur le plan européen. L'exemple
de l'agriculture valaisanne pourrait donc être intéressant
à étudier dans ce contexte.
Concernant la question de l'appellation montagne, je pense qu'il s'agit d'un
objectif nécessaire, même si ces labels peuvent apparaître
comme des contraintes supplémentaires en termes de financement. Je pense
que, dans le cadre d'une politique de qualité, nous devons avant tout
expliquer les différents signes utilisés dans ce cadre (AOC,
certificats de conformité, labels...), ainsi que leur contenu et la
façon dont ils s'articulent. Pour cela, il serait important de donner un
véritable contenu à un texte, qui est très bon dans son
contenu juridique : l'Appellation montagne, en termes de qualité
des produits transformés en zone de montagne. Or nous n'en sommes qu'aux
prémisses de l'utilisation de ce texte. Je citerais en cela
l'exemple du Cantal. Dans ce département, nous nous trouvons
confrontés à un paradoxe total en ce qui concerne la viande
porcine. En effet, du fait des problèmes de pollutions de
l'élevage porcin intensif de Bretagne, nous ne pouvons plus construire
de porcherie, y compris dans le Champsaur, alors que les problèmes
d'épandage ne se posent pas du tout de la même façon et
que, dans ces régions, il est possible de faire une agriculture locale
de qualité. Ainsi, l'appellation « porc montagne »,
sur laquelle travaillent M. Champeix, et le Groupe de Cahors,
réunissant des producteurs d'élevages porcins du Sud, constitue
une voie pour dépasser ce balancier par lequel nous sommes passés
de l'adage « dans le cochon, tout est bon » à la
situation « plus aucune porcherie nulle part ». Ainsi, je
pense que le décret Montagne est un bon décret qu'il faut
appliquer strictement, même s'il n'a pas encore produit tout ce qu'il
avait à produire. Il s'agit d'un véritable appui pour
l'agriculture de montagne. Nous devons donc d'une part mieux expliciter les
différentes entre les labels.
D'autre part, en termes de soutien, nous avons clarifié dans des textes
récents ce que nous entendions par « agriculture
raisonnée » ou « qualification des exploitations
agricoles ». Ainsi, il existe des outils que nous pouvons mobiliser,
notamment le CTE. En effet, la règle européenne est la
suivante : au-dessus du niveau réglementaire et des bonnes
pratiques agricoles, toutes les démarches peuvent être soutenues
par la puissance publique et cofinancées par l'Union Européenne.
Je peux citer le cas de l'opération « qualiterre »,
à savoir la qualification des exploitations agricoles en Picardie, qui
est pionnière dans ce domaine. Or, dans le cadre de cette
opération, le cahier des charges correspond aux mesures du CTE. Ainsi,
l'agriculteur signe un CTE et une partie du coût des investissements en
termes de certification de ses exploitations est finançable. Il faudrait
donc, sur un certain nombre d'aspects, mieux articuler ce que l'Etat et
l'Europe peuvent financer à travers des investissements
éligibles, et ce que l'Etat peut continuer à financer à
travers son budget 2003, notamment dans le cadre de la politique des CTE qui
mobilisent des investissements importants en faveur de l'agriculture ou de
l'agro-environnement. D'autre part, les questions sur lesquelles l'Etat peut
plus difficilement intervenir pourraient incomber aux collectivités
territoriales.
Quoi qu'il en soit, je pense que l'appellation montagne constitue un atout mais
qu'il faudrait mieux qualifier les critères de qualité et mieux
expliquer ce que sont les contraintes des uns et des autres. Ainsi, le
débat entre l'agriculture durable et l'agriculture raisonnée a pu
obscurcir les choses. Nous disposons désormais d'un
référentiel récent concernant l'agriculture
raisonnée. Par ailleurs, le terme « développement
durable » doit être clarifié car nous avons
intérêt à montrer que notre agriculture va dans le sens de
la durabilité. Néanmoins, nos agriculteurs ont du mal à
s'y retrouver parmi ces termes. Vous pourrez donc chercher à approfondir
cette question avec mes collègues de la Direction des politiques
économique et internationale et vous référer aux travaux
récents du Conseil supérieur d'orientation de l'économie
agricole et agroalimentaire ainsi qu'aux décrets récents sur
l'agriculture raisonnée, qui contribuent à montrer quels sont les
référentiels. Je pense que votre rapport pourrait contribuer
à clarifier cette situation. Les agriculteurs vous en seraient
reconnaissants.
M. Jean-Paul Amoudry -
Je vous remercie, Monsieur le Directeur, pour
votre intervention.