50. Audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire (25 septembre 2002)
M.
Jacques Blanc, président
- Je suis heureux d'accueillir le ministre
de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
l'aménagement du territoire.
Nous sommes au coeur des préoccupations de l'aménagement du
territoire, puisque la vie en montagne est indispensable si l'on veut assurer
le développement durable et l'équilibre de l'aménagement
du territoire.
Nous avons tous pensé qu'il était important, dans le cadre de
l'année internationale de la montagne, que le Sénat puisse faire
le point et surtout avancer des propositions nouvelles pour assurer de
véritables chances à la montagne.
Aujourd'hui, tout le monde parle de développement durable. Le
président de la République l'a rappelé à
Johannesburg, et nous sommes convaincus que la montagne peut être un
exemple de ce développement équilibré, avec la protection
de l'environnement.
Encore faut-il que l'on sorte d'un certain nombre de blocages. Dans tous les
massifs, nous avons rencontré des gens déterminés, un peu
sous le coup des difficultés, mais aussi pleins d'espérance et de
volonté.
Nous avons eu de très nombreuses auditions. Nous allons en faire une
synthèse très rapidement pour respecter les
échéances et nous poursuivrons ensuite l'action, en particulier
au niveau européen, pour arriver à une reconnaissance de la
politique de la montagne.
Nous t'avons adressé un questionnaire ; notre souhait est que tu y
répondes mais surtout qu'il puisse y avoir un échange pour afin
de savoir ce que le Gouvernement compte faire ou ne pas faire -et c'est parfois
un peu compliqué.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire
-
J'ai vraiment l'impression d'être entre amis et ceci me réjouit.
Je voudrais excuser le délégué de la
Délégation à l'Aménagement du Territoire et de
l'Action régionale (DATAR), à qui j'ai demandé de me
représenter à une réunion interministérielle
importante sur la téléphonie mobile, qui porte notamment sur un
accord que l'on a pu obtenir avec l'ART entre les 3 opérateurs pour
investir sur les zones blanches non couvertes par le marché.
La question à laquelle je suis désireux et heureux de
réfléchir avec vous au travers de votre mission, mais aussi au
travers du Conseil national de la Montagne (CNM), porte sur la politique que
nous voulons pour la montagne mais aussi sur le fait de savoir ce que l'Etat
peut apporter à la montagne et sur ce que la montagne peut apporter
à la France en matière d'économie et de
développement.
Sous le vocable "montagne" se cachent des situations extrêmement
différentes et il serait peut-être souhaitable d'avoir certains
ajustements en fonction des spécificités. Peut-on, dans le
système de la contractualisation, adapter les politiques de l'Etat aux
situations locales pour favoriser le développement et le potentiel de
ces massifs ?
Les trois missions que j'ai fixées à la DATAR portent sur la
façon de développer l'attractivité des territoires,
d'anticiper et d'accompagner les mutations économiques auxquelles nous
assistons plutôt que de subir la crise, et sur la manière de
mettre en place une problématique de solidarité des territoires.
Le deuxième élément que je voudrais citer sont les axes
souhaités par le Premier ministre : restauration de
l'autorité de l'Etat, dialogue avec les différents acteurs et
surtout en ce qui nous concerne libération des initiatives locales.
Sur le plan budgétaire, nous quittons la problématique de
l'affichage pour aller vers la politique de l'exécution. Je vais
demander que, dans les contrats de plan, ne soient plus inscrits que des
objectifs ou des dossiers dont on a la date de réalisation.
Il n'est pas raisonnable d'inscrire dans des contrats de plan des
opérations qui nécessitent encore 3 ans d'études et 2 ans
d'enquête publique. On mobilise de l'argent pour des choses qui ne sont
pas réalisées.
Nous souhaitons donc avoir une réflexion sur l'objectif à
atteindre, sur le calendrier nécessaire à sa réalisation
et sur la politique que l'on peut mettre en place.
Dans l'une de vos questions, vous demandez quel est le volume des moyens que
l'Etat consacre à la problématique "montagne", en
dépassant les frontières administratives des départements,
des régions, etc.
Une des questions fondamentales à laquelle j'aimerais que l'on puisse
répondre est la suivante : quel effet positif en matière de
croissance, de PIB, de valeur ajoutée par emploi peut-on obtenir par
injection d'argent public ?
Les indicateurs peuvent être différents. On a une lecture
démographique. Je ne suis pas convaincu qu'en ce qui concerne les
massifs de montagne, la démographie soit un élément
déterminant de la puissance du massif ! C'est peut-être au
contraire l'absence de démographie, parce qu'il y a un site naturel
autour duquel on peut déclencher toute une dynamique de tourisme, etc.
Il serait donc intéressant de réfléchir aux indicateurs de
performance que vous voulez avoir et à l'apport d'argent public
nécessaire aux objectifs visés. C'est un débat dont je
puis preneur.
L'autre changement culturel, c'est la culture du projet, en distinguant projet
et exécution.
Sur ce thème, je vais prendre l'exemple des fonds structurels
européens dont nous avons immédiatement pris la mesure de la
non-consommation des fonds structurels européens et de leur
non-programmation.
Nous avons, dès le 31 juillet, en conseil des ministres, mis en place un
certain nombre de dispositifs. Aujourd'hui, il existe un grand nombre de
simplifications de procédures. Les secrétaires
généraux aux affaires régionales (SGAR) sont à
votre disposition, avec une "task force" au niveau de la région, ainsi
que la DATAR au niveau national pour initier et accompagner les projets.
Les fonds structurels seront reçus directement par les préfets
de région à partir du 1
er
janvier 2003. Vous pourrez
recevoir des fonds même si les travaux sont commencés. Vous
bénéficierez d'une certaine globalisation pour les subventions
inférieures à 23.000 euros et de simplifications pour les
subventions de moins de 100.000 euros.
Il existe aujourd'hui des mesures de simplification très importantes, y
compris de la part du trésor public, pour faire en sorte que le projet
prime plus que le contrôle. Certes, nous serons toujours vigilants sur le
contrôle des paiements et sur la qualité des dossiers puisque nous
sommes responsables, vis-à-vis de Bruxelles, de la bonne utilisation des
fonds communautaires mais, à l'évidence, en soignant les wagons
et non la locomotive, on a des wagons propres, mais la locomotive ne
démarre pas !
Nous souhaitons donc, avec la DATAR, peser sur l'accompagnement des projets, et
cette culture rentre dans la problématique que vous évoquiez sur
la politique de montagne en termes de massifs et de comités de massif.
Concernant les commissaires de massif, une de nos interrogations est de savoir
si ceux-ci n'auraient pas vocation à s'investir dans l'ingénierie
et la conception des projets, laissant aux préfets la partie relative
à l'exécution des crédits. Comment déconnecter
l'ingénierie de projet de la mobilisation des crédits ? Cela
peut être un facteur de réforme de l'Etat au sens d'une plus
grande efficacité. En tout cas, nous sommes demandeurs de vos
réflexions sur ce sujet.
Second élément : desserrer les contraintes et les
procédures. Il y a aujourd'hui un vrai problème et une obligation
de réduire les délais entre la prise de décision et
l'action politique.
Souvent, une fois une décision prise collégialement, on tombe
dans un maquis de procédures, et la population ne comprend pas que 2, 3,
4 ans après, le discours ne se traduise pas dans les faits.
Nous souhaitons avec vous réfléchir à l'assouplissement
des procédures. Je pense qu'il faut revoir les procédures
Unités touristiques nouvelles (UTN). Nous allons d'ailleurs demander au
conseil national de la montagne de bien vouloir regarder ce sujet et de nous
faire des propositions.
Nous devons aussi réfléchir à la suppression des doublons
entre le local, le régional et le national. Dans la logique du projet de
territoire et de la structuration, il faut également que nous
réfléchissions à l'opposabilité aux tiers de
documents juridiques stricts, mais toutefois relativement souples dans leur
établissement.
Il existe une superposition de documents juridiques qui ne sont pas toujours
compatibles et qui créent une source de contentieux, de contraintes et
de difficultés d'adaptation, au moment où la mondialisation
impose une réactivité dans la prise de décision politique.
On a besoin d'une approche mobile d'un territoire qui peut brutalement, en
quelques années, changer de fonctionnalité du fait du
vieillissement de la population ou de relations domicile-travail qui engendrent
de nouvelles relations par rapport à la fonctionnalité
économique.
Nous sommes là aussi demandeurs par le CNM de vos propositions.
Troisième élément : nous sommes convaincus en ce qui
nous concerne que chaque territoire a ses propres potentialités, mais
aussi ses propres handicaps, et vouloir avoir une approche uniforme à
l'échelon national est une erreur.
Nous devons au contraire réfléchir à la
complémentarité des territoires et faire en sorte que l'Etat joue
sur les deux tableaux pour conforter et développer les
potentialités et réduire les handicaps.
Sur ce sujet, la connaissance du terrain des élus locaux est
essentielle. La conceptualisation doit être accompagnée par les
services de l'Etat, mais elle doit aussi émerger d'une mobilisation
locale, pour faire en sorte que ces projets soient les plus compatibles
possible avec la synergie nationale.
D'où l'idée qui est la nôtre des pays, à mi-chemin
entre celle de Pasqua, qui réformait l'organisation de l'Etat, et celle
de Voynet, qui réorganisait plutôt l'aménagement urbain et
rural. Nous souhaitons que ce pays soit un espace relativement informel et
souple d'organisation de projets de territoire, avec une volonté des
élus locaux de concevoir ce type de projet, qui ne doit en aucun cas se
transformer en structure administrative. Même si l'on devait mobiliser
des crédits, ceux-ci devraient être directement injectés
sur les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui
en auront la charge.
C'est un débat au sein du Gouvernement. Nous souhaitons des objectifs
simples : lisibilité dans les objectifs, clarification dans les
moyens et évaluation dans les résultats.
J'ai bien vu dans les conventions de massif que votre recherche était
identique à la nôtre sur le plan du développement de
l'économie, de l'emploi, et de la matière grise.
Je crois que nous avons là une réflexion importante à
mener. L'avenir de ce pays passera par sa capacité à
l'investissement public, mais aussi à conserver sa matière grise.
Je vous sais par ailleurs extrêmement sensibles à la notion
d'infrastructures. Le Gouvernement a pris la décision, devant le bilan
du financement des projets annoncés, de confier à la DATAR une
étude pilotée avec les Ponts et Chaussées, pour
répondre à la question : de quelles infrastructures la
France doit-elle se doter pour peser dans l'économie logistique du
XXI
ème
siècle ?
Faut-il privilègier l'accord de Kyoto pour favoriser les modes de
transport qui produisent moins de CO2 ? Faut-il privilégier le
temps ? Faut-il privilégier le fret maritime ? Faut-il
distinguer les flux de marchandises du flux des hommes ? C'est un
débat parlementaire que vous aurez ensemble.
Autre question : comment ensuite mettre en place des stratégies de
proximité avec les régions ?
Je voudrais à présent apporter un certain nombre de
réponses succinctes aux questions que vous m'avez posées.
Nous vous avons préparé certains documents et mes collaborateurs
pourront bien entendu vous apporter les éléments de
réponse complémentaires dont vous auriez besoin.
Première question : "A combien s'élèvent les sommes
consacrées à l'aménagement du territoire en
montagne ? Quelle a été leur évolution entre 1985 et
2001 ?".
Les crédits d'auto-développement ont fait l'objet d'une
revalorisation en 1999 à hauteur de 4,6 millions d'euros. Le Fonds
national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT)
s'élève à 90 millions et nous avons ensuite des
crédits déconcentrés et confiés aux commissaires de
massif, dont le fonctionnement est intégralement pris en charge par le
budget de la DATAR -411.000 euros- auquel il faut ajouter les contrats de plan,
que l'on peut évaluer à 261 millions d'euros.
"Vous semblerait-il utile, dans un souci de lisibilité, de regrouper
l'ensemble des crédits du FNADT en faveur de la montage dans un fonds
spécialisé ? Dans le cas contraire, comment améliorer
la lisibilité ?".
Nous devrions, si on allait jusqu'à votre exigence, mettre en place un
fonds commun très ciblé. Nous pensons que les conventions
inter-régionales de massif pour la période 2000-2006, mises en
place à l'occasion de la nouvelle génération de contrats
de plan, répondent au souci de pérennisation d'une politique de
montagne et engagent l'ensemble des acteurs concernés. C'est une bonne
illustration d'un engagement de l'Etat, notamment dans une configuration
interministérielle.
Nous réfléchissons d'ailleurs à la nécessaire
coordination locale et centrale des services de l'Etat.
J'attire votre attention sur l'intérêt que le Parlement doit
porter à la nouvelle loi de finances, sur laquelle vous avez le pouvoir
de demander des résultats et des évaluations des politiques mises
en oeuvre.
J'ai demandé aux services de la DATAR et autres services publics de nous
préparer une évaluation des politiques publiques initiées
au travers de ce ministère. Je suis tout à fait prêt
à regarder comment répondre à vos exigences sur ce sujet.
"Faut-il inscrire dans la loi un recensement exhaustif des concours publics en
faveur des zones de montagne ?".
Une première réponse est aujourd'hui apportée par le
décret de 4 juillet 2002. Le préfet doit produire devant le
comité de massif un rapport d'activité des actions de l'Etat en
faveur du massif.
"Comment mieux coordonner les contrats de plans et les conventions
inter-régionales ?".
Les conventions inter-régionales sont adossées dans leur principe
aux contrats de plan Etat-région, notamment pour la durée, la
typologie des mesures et le mode de programmation.
Les conventions inter-régionales n'ont pas vocation à doubler les
contrats de plan Etat-région, mais il peut y avoir un certain nombre de
politiques concernées. Je pense notamment au système
d'informations géographiques sur l'ensemble d'un massif, qui servent les
politiques régionales et qui ne sont souvent que partiellement
concernées par le massif.
C'est une coordination positive. Il faut là aussi que l'on puisse
réfléchir par rapport aux objectifs affichés par les uns
et par les autres et trouver les espaces de coordination.
Vous avez indiqué que vous souhaitiez voir lever un certain nombre de
freins administratifs, comme l'impossibilité pour les préfets
d'ordonnancer des crédits hors de leur région de
compétences ou l'incapacité de vérifier si les
ministères remplissent leur engagement financier. Le décret du 4
juillet permet normalement de répondre à vos exigences.
S'il y a dysfonctionnement ou retard dans l'application de ces
procédures, nous sommes à votre disposition.
Ainsi nous avons décidé d'avoir, sur les fonds structurels, une
réunion mensuelle avec les SGAR au cours de laquelle nous faisons une
évaluation de la programmation et de l'exécution, et nous sommes
à l'écoute des parlementaires pour faire appliquer la loi.
"Faut-il modifier les statuts de comités de massif pour leur donner plus
de dynamisme ?".
J'ai demandé à la DATAR, à l'occasion d'une réforme
des décrets, d'intégrer la co-présidence pour valider une
composition de comité plus adaptée, notamment en prenant en
compte les acteurs économiques et les forces vives, en faisant en sorte
de proposer un mode de fonctionnement qui place le comité au centre des
décisions stratégiques et en évaluant les besoins de
fonctionnement en moyens humains et financiers.
Vous nous avez par ailleurs interrogés sur le jugement que nous portions
sur le conseil national de la montagne, en particulier pour savoir si sa
composition nous semblait ou non satisfaisante et si la création de la
commission permanente, en 1996, nous avait donné satisfaction.
On a mis en place une série de mesures que vous connaissez sur le nombre
de membres. Je serai, en ce qui me concerne, très vigilant quant
à leur liberté d'expression au sein de la commission permanente
et des groupes de travail.
Je crois que le calendrier de la politique de la montagne est propice à
une mise à l'épreuve de l'ensemble du dispositif institutionnel.
Un nouveau conseil national, qui sera nommé par le Premier ministre, se
réunira dans les prochains mois. Je serai attentif à toutes vos
propositions pour favoriser la démocratie et l'expression des forces
locales et sociales du territoire concerné, mais aussi pour prendre
garde à ne pas multiplier les instances de concertation.
Nous ne sommes pas opposés à des propositions de modification de
ces instances de concertation, au nom de l'efficacité de l'action
publique, à laquelle nous sommes extrêmement attachés.
"Faut-il donner à l'institut de la montagne un rôle
d'expertise ?". Je suis assez favorable au fait que l'institut de la
montagne puisse faire une évaluation de l'année internationale de
la montagne.
Nous ne pouvons plus nous contenter d'avoir un indice de satisfaction en
fonction des crédits mobilisés ou engagés.
Je serai très exigeant sur la réflexion qui doit être la
nôtre. Quelle ambition voulons-nous pour nos massifs ? Quelle
stratégie souhaitons-nous mettre en place ? Quels moyens
devons-nous mobiliser pour cela ?
C'est un outil très important de responsabilisation des citoyens sur le
plan local, de mobilisation des élus et d'engagement de l'Etat sur un
objectif déterminé. L'important n'est plus la somme ou le montant
des moyens engagés mais les résultats que l'on veut obtenir et
les effets de l'argent public sur le développement des territoires.
"Faut-il reconnaître le Morvan en tant que massif ?".
Les communes du Morvan classées en zone de montagne représentent
40.000 habitants, alors que l'ensemble des massifs métropolitains
représentent 162.000 km 2 et 8 millions d'habitants. Nous ne
pouvons -dans un premier temps du moins- reconnaître le Morvan comme
massif, alors que sa pondération est faible par rapport aux autres, ni
nier le fait que les communes du Morvan veulent être reconnues comme zone
de montagne.
Nous aurions donc tendance à proposer une stratégie en escalier.
Les commune du Morvan ayant eu la pertinence de bien se structurer en pays,
nous pourrions parfaitement imaginer une extension du comité du Massif
central.
Le Morvan est en effet la porte d'entrée du Massif central et nous ne
sommes pas opposés à cette réflexion. Au vu d'une demande
formelle des élus du Morvan, je demanderai à la DATAR de bien
vouloir engager une concertation sur ce sujet, notamment dans le cadre du
comité de Massif central et dans la perspective d'un futur décret
en conseil d'Etat qui pourrait aboutir à une définition nouvelle
du Massif central.
Vous avez évoqué le droit d'urbanisme en montagne, mais j'ai bien
conscience que c'est surtout mon collègue de l'équipement que
vous avez souhaité entendre.
Sur le plan normatif, les directives territoriales d'aménagement (DTA)
et les prescriptions particulières de massifs (PPM) se trouvent en
totale concurrence, avec des logiques parfois convergentes, mais aussi parfois
divergentes.
Il nous faut en même temps réfléchir à
l'élaboration de documents structurant les projets de territoire
souhaités par les élus locaux, en faisant en sorte qu'ils soient
relativement souples et conciliables avec les projets d'urbanisme locaux
opposables aux tiers sur le plan juridique.
Sans cette opposabilité, les contentieux risqueraient de mettre en
péril les stratégies politiques que vous vous fixez. La
cohérence des investissements publics a besoin d'un outil de pilotage et
de projection structuré complémentaire, mais il faut prendre
garde à ne pas l'entourer de trop de contraintes juridiques, car
l'adaptation nécessiterait des années de procédure.
L'Etat sera toutefois vigilant pour libérer les initiatives locales,
tout en maintenant une certaine contrainte en matière de protection des
sites qui assurent notre richesse nationale.
Vous avez par ailleurs demandé si nous entendions, dans la nouvelle
génération de fonds structurels, défendre les territoires
à spécificité.
C'est une question importante. Je rencontre M. Barnier le 7 octobre
à Bruxelles, avec l'ensemble des ministres de l'aménagement du
territoire des différents pays européens. Michel Barnier est
favorable à un certain assouplissement des documents uniques de
programmation (DOCUP), non sur la règle de dégagement d'office,
mais éventuellement sur la fongibilité.
Nous devons réfléchir, avant la fin de l'année, aux
nouvelles générations de fonds structurels après 2006.
Nous devons en effet consommer les fonds structurels actuels de la
période 2000-2006. Si nous ne le faisons pas, nous aurons beaucoup de
mal à demander de nouveaux fonds après 2006 !
M. Jacques Blanc
- Merci.
Tu l'as dit toi-même, il y a deux notions de pays, le pays type Pasqua,
informel, et le pays type Voynet, qui exige une structure administrative qui
est devenue insupportable. En montagne, c'est encore plus sensible qu'ailleurs,
car plus personne ne s'y retrouve. Je crois que si l'on pouvait accepter les
projets qui n'ont pas de structures administratives, on éviterait bien
des problèmes.
En second lieu, tu n'as pas abordé le sujet des zones de montagnes
classées en revitalisation rurale. Nous souhaiterions que puissent
être appréciées les retombées de cette
classification qui entraîne des avantages fiscaux. Certaines de ces zones
ne bénéficient pas de la prime à l'aménagement du
territoire (PAT). Pourquoi ne pas envisager des régimes
spécifiques qui permettraient de compenser l'abandon de la prime
PAT ? Pourquoi ne pas expérimenter des zones franches ? La
question mérite d'être posée.
Par ailleurs, l'Europe n'a pas reconnu la réalité de la montagne
dans ses politiques, à l'exception de la première
indemnité spéciale montagne relative au problème de la
vache tondeuse.
Tu as dit que tous ces sujets seraient évoqués à nouveau
en 2006. Le commissaire Fishler ne ferme pas la porte à une politique
spécifique dans les régions à handicap permanent. La
perspective mérite d'être explorée pour éviter de se
retrouver sans aucun crédit en 2006.
Enfin, il serait bon que l'on puisse aller immédiatement vers la gestion
régionale des fonds européens. On perd des crédits !
Une véritable décentralisation permettrait de faire face à
ce problème. Ce qui se fait en Alsace devrait pouvoir se faire dans
toutes les régions qui le demandent. Certaines sont armées pour
cela !
M. Jean-Paul Amoudry
- Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous
dévoiler vos intentions en ce qui concerne la téléphonie
mobile, puisque nombre de massifs sont encore dans l'ombre ?
En second lieu, comment voyez-vous la place et le rôle des comités
de massif dans les régions de demain ? Nous pensons que le
comité de massif doit être un lieu de réflexions, de
débats, de propositions, un outil au service des régions, un
facteur d'unité et de convergence.
Enfin, la moyenne montagne et les domaines de ski nordique souffrent beaucoup.
Dans les années 1960-1970, l'Etat était solidaire des petites
associations locales ; aujourd'hui, faute d'enneigement suffisant, ces
stations sont souvent seules face au département ou à la
région.
Certes, en cette ère de décentralisation, la solution passe par
la responsabilisation des collectivités régionales et
départementales. Néanmoins, l'aménagement du territoire
relevant de la responsabilité de l'Etat, quelle serait la place de
l'Etat aux côtés des collectivités locales,
régionales et départementales pour accompagner un plan de
sauvetage de cette moyenne montagne ?
Nous nous dirigeons en effet vers des régions de friches où
l'hôtel, le meublé, la location sont en phase de détresse.
M. Pierre Jarlier
- Monsieur le Ministre, la moyenne montagne
connaît des difficultés majeures en termes de démographie,
mais aussi en termes de pertes d'activités.
Malheureusement, le soutien des fonds structurels européens s'est
effectué à un niveau régional. Quelquefois, ces
territoires n'ont pas été identifiés en tant que tels
parce qu'ils étaient inscrits dans une région qui avait un
produit intérieur brut (PIB) suffisamment important pour assurer un
certain développement.
Vous avez dit qu'il fallait prendre en compte d'autres critères que ceux
de la perte de démographie pour définir la politique de fonds
structurels.
N'est-ce pas l'occasion d'identifier ces territoires à partir de
critères parfaitement objectifs -évolution démographique,
y compris négative, PIB, mutation sociale, charges territoriales
spécifiques- afin de permettre un redémarrage de ces zones et
éventuellement permettre leur transformation en zone franche
expérimentale pour leur donner un nouveau départ ?
Enfin, puisqu'on cherche la simplification, que pensez-vous de la
contractualisation directe avec les territoires intercommunaux, en
cohérence avec la charte de pays ?
M. Jean-Paul Delevoye
- Je souscris tout à fait, Cher
Président, à votre analyse sur les pays.
Les pays, à l'époque de Pasqua, étaient tournés
vers la réorganisation de l'Etat.
Dans notre esprit, le pays, qui est un projet de territoire, doit permettre une
réflexion commune entre les services de l'Etat et les
collectivités territoriales, afin d'étudier une
réorganisation des services publics.
Il faut profiter des instances de réflexions qu'offrent les
comités de massif ou autres espaces, pour réfléchir, avec
un préfet coordonnateur, à une réorganisation des moyens
publics pour une meilleure efficacité. Cela nécessite une
responsabilisation des élus locaux et de l'Etat. On peut, grâce
aux nouvelles technologies, imaginer de nouvelles relations.
Nous devons distinguer l'espace qui sous-tend un projet des procédures
qui favorisent l'exécution.
Je ne serais pas opposé à ce que le comité de massif se
retrouve autour d'un préfet coordonnateur qui dépasse les
circonscriptions administratives pour concevoir le projet de
développement le plus ambitieux et le plus pertinent possible, confiant
ensuite l'exécution à un circuit administratif -SGAR
régionaux ou autres- le tout revenant en aval au préfet
coordonnateur et au comité de massif pour qu'ils valident la
démarche et évaluent son efficacité.
On ne pourrait ainsi concevoir qu'il puisse y avoir accord sur un projet et
désaccord sur son application. Il faut un pilote qui assure la
cohérence de l'ensemble. La dynamique d'un projet, c'est la synergie des
territoires et des EPCI. La non-adhésion d'une partie du territoire
à une stratégie globale et collective affaiblit toute la
collectivité. Je crois donc qu'il faut que nous gardions cette notion de
cohérence.
Le président Blanc a parlé d'expérimentations, de zones
franches, de zones de revitalisation rurale (ZRR), ainsi que Pierre Jarlier.
Notre philosophie, aujourd'hui, n'est plus tellement portée sur les
zonages, qui posent des problèmes de frontières, de limites, etc.
Nous nous interrogeons plutôt sur le fait de savoir si, en globalisant
les moyens et en ayant une lecture relativement fine des projets de territoires
qui intègrent les handicaps que vous évoquiez, on ne pourrait
arriver à une contractualisation adaptée. Peut-être
pourrions-nous approfondir ce sujet avec la DATAR.
Comment, sur un projet global, tirer profit des zones de développement
pour assurer une solidarité infra-territoriale permettant d'irriguer une
politique adaptée ? Comment concevoir, dans un comité de
massif, une politique globale qui intègre des différences
énormes, avec des zones qui pourraient se développer sans trop de
difficultés et d'autres, que l'absence d'aides ciblées condamne
à un "infarctus territorial", en même temps qu'elle leur donne un
sentiment d'abandon ?
Je serais plutôt tenté de réfléchir au pilotage
d'outils fins et globaux permettant une adaptation de la politique à un
traitement particulier. On pourrait réfléchir à des
incidences autres que fiscales. Jusqu'où doit-on accepter la
liberté d'installation des médecins, qui se traduit par une
désertification médicale dans un certain nombre de
territoires ?
Je voudrais échapper à des dispositifs fiscaux de dimension
nationale, dont l'application est forcément normative, réductrice
pour les uns, frustrante pour les autres et surdimensionnée pour les
troisièmes ! J'aimerais que l'on réfléchisse à
de tels outils.
S'agissant du programme européen, vous avez raison, mon Cher
Jacques : l'Europe n'a pas soutenu la montagne. Il faut que nous fassions
en sorte que l'Europe puisse tirer bénéfice de ces massifs
montagneux et que l'on essaye de faire jouer la solidarité
européenne.
Vous avez évoqué une certaine frustration par rapport à
l'Alsace. Que les choses soient claires : le Premier ministre a
engagé le Gouvernement dans une réflexion sur la
décentralisation et la déconcentration. Nous ne sommes pas
opposés à généraliser demain ce qui se passe en
Alsace après expérimentation. Nous sommes en train de voir
comment les choses peuvent se concrétiser, sachant que les fonds
structurels s'arrêtent en 2006.
Nous avons intégré vos griefs sur la difficulté de
mobiliser les fonds européens pour des problèmes de
procédures.
Au 1
er
janvier 2003, les fonds structurels européens seront
dans les caisses des préfets de région et non à Paris.
Vous aurez ainsi une lisibilité et une mobilisation des fonds.
Le fait d'avoir permis aux autorités de gestion de pouvoir choisir
l'autorité de paiement fait qu'il y a aujourd'hui concurrence et
même compétition entre les organes de l'Etat !
Si vous avez des problèmes, venez nous voir, car ceci n'est plus de
mise ! Mes services sont à votre entière disposition.
Jean-Paul Amoudry a évoqué la téléphonie mobile.
Quelle est notre analyse et où en est notre réflexion
aujourd'hui ? On parle bien de réflexion, car aucune
décision n'est intervenue. Selon le précédent
gouvernement, les zones non-couvertes étaient au nombre de 1.480. Les
premières analyses que nous avons faites sur la réalité de
la couverture nous ont démontré que l'on était
plutôt aux environs de 4.000 ou de 5.000 communes non- couvertes.
Nous avons donc distingué trois zones, les zones noires, sur lesquelles
le marché s'équilibrera sans aucun problème, les zones
grises, où il y a interrogation, et les zones blanches.
Le contrat, à l'époque, est arrivé au moment où le
Gouvernement a accepté de baisser le prix des licences UMTS et a
demandé aux opérateurs de bien vouloir tenir compte de cette
économie pour abonder les crédits de l'Etat pour financer ce que
l'on appelait l'itinérance.
Les opérateurs ont infléchi la position du Gouvernement, qui a
accepté la mutualisation : lorsque 2 opérateurs payent un
poteau, eux seuls peuvent être sur ce poteau.
On mesure bien le danger par rapport aux nouvelles technologies et à
l'absence de concurrence.
Notre idée était de regarder comment couvrir assez rapidement les
zones blanches, qui posent un vrai problème en terme de communication.
Hier soir, nous avons pris acte d'un accord entre les trois opérateurs,
qui ont accepté de participer à hauteur d'un tiers chacun aux
investissements destinés à la mise en place d'une
itinérance locale permettant de couvrir les zones blanches.
Une réunion interministérielle a lieu cet après-midi entre
l'industrie, l'aménagement du territoire et les services du Premier
ministre pour acter cet accord et le rendre opérationnel.
Ceci nécessite trois étapes. La première concerne la
définition précise des zones blanches, d'où
l'intérêt de permettre aux départements et aux
régions de pouvoir financer à faible coût une lecture
très précise de la couverture réelle.
La deuxième étape consiste à réfléchir, avec
les instances départementales ou régionales, à la
définition précise des zones et des priorités d'axes
structurants pour l'investissement.
Le troisième élément porte sur la fiabilité
financière et opérationnelle du déroulement du plan. Nous
avons déjà reçu la confirmation qu'un grand nombre de
départements souhaitaient s'engager financièrement dans ce type
d'opération. Un certain nombre de régions, qui ont compris la
pertinence du développement de leur territoire par l'offre de
téléphonie mobile, n'y sont pas opposées.
Nous sommes donc en train de vérifier si nous pouvons, avec les trois
opérateurs, développer le plus rapidement possible la mise en
place d'une itinérance locale sur les zones blanches.
Nous allons, avant toute contractualisation, demander aux opérateurs, un
test opérationnel portant sur la faisabilité technique de ce type
d'itinérance.
Si la réunion interministérielle se déroule bien, nous
serons assez rapidement à même de dégager d'ici le
Comité interministériel à l'aménagement du
territoire (CIAT) un certain nombre de pistes importantes en matière de
téléphonie mobile, répondant à l'exigence des
élus et à la volonté du Gouvernement.
Par ailleurs, la question des relations entre les comités de massif et
les régions est fondamentale. Comment faire en sorte que les
périmètres de projets ne tiennent pas compte des circonscriptions
administratives, que les espaces de projets soient des lieux de convergence et
de mises en commun des différences et ne soient pas
instrumentalisés comme outils de pouvoir ? Comment arriver à
concilier et à préserver la nature fondamentale d'un pays et les
lieux de pouvoir très naturels que sont les circonscriptions
administratives d'une région ou d'un département, qui sont des
lieux de mobilisation de crédits ?
Nous pourrions parfaitement approfondir la conception qui est la nôtre
qui consiste à dire que le comité de massif doit rester sur sa
vocation de coordination et d'élaboration de projets communs et de
mobilisation des différentes collectivités locales. Ce
comité de massif n'est pas un enjeu de pouvoir, mais un lieu de
convergence et de mise en commun de tous les outils de réflexion pour
concevoir ensemble un projet de territoire.
Il peut en aller de même avec les Pays et les EPCI.
Jean-Paul Amoudry et Pierre Jarlier ont évoqué le problème
de la moyenne montagne.
J'ouvre ici une parenthèse pour dire que nous sommes en train de
réfléchir à des possibilités d'assouplissement des
35 heures pour permettre d'assurer la continuité du service public en
matière de déneigement, puisque vous n'êtes parfois plus en
mesure de faire face à des obligations de gestion.
Vous avez raison d'insister sur la moyenne montagne. On voit bien les
difficultés liées au zonage. Les comités de massif
regroupent des montagnes qui connaissent des réalités
différentes, et on a probablement intérêt à
réfléchir à la manière dont on pourrait faire jouer
la priorité en matière de crédits au profit des zones les
plus handicapées.
Nous aurions également intérêt à
réfléchir, en termes d'aménagement du territoire, au
caractère illusoire de l'application immédiate de politiques
nationales sur l'ensemble du territoire français.
Sommes-nous, par exemple en matière d'eau et d'assainissement, capables,
du jour au lendemain, de mettre en place les lois que nous avons votées
sur l'ensemble du territoire ? La loi doit fixer l'objectif vers lequel
nous devons tendre, mais nous devons peut-être aussi prévoir un
calendrier qui nous permette de hiérarchiser les zones sur lesquelles
nous devons faire porter notre effort.
Une politique de l'eau en montagne, une politique de l'eau dans le
Nord-Pas-de-Calais et une politique de l'eau en Camargue a forcément des
connotations extrêmement différentes.
Peut-on avoir un cadre législatif national déclinable localement
au nom de l'efficacité ?
Je suis donc tout à fait ouvert aux propositions que vous voudriez bien
faire en la matière. Les contrats de plan doivent être
révisés en juin 2003 : c'est peut-être une
opportunité. Nous sommes à votre disposition pour y
réfléchir.
M. Jacques Blanc
- Mais si on ne les respecte pas ? On
enlève des cartes une portion de l'A 88 qui y a toujours figuré,
sans que personne ne se soit prononcé ! On ne peut pas ne pas
réagir ! J'apprends ce matin qu'on retire des crédits sur un
contrat Etat-région. Ce n'est pas la peine de signer des contrats
Etat-région !
M. Jean-Paul Delevoye
- En matière de contrats de plan, il
faut tenir compte du poids du passé et de l'exigence de l'avenir.
Concernant les cartes, le Gouvernement va, en s'appuyant sur une étude
de la DATAR, ouvrir un débat parlementaire.
Ce qui m'intéresse en tant que ministre, c'est d'être au coeur
d'une réflexion nationale et à l'écoute des contraintes et
des réalités locales. La correction des fonds structurels
européens a pu être opérée grâce à la
réaction du terrain. On a besoin d'un contact permanent.
Concernant l'A 88, vous aurez l'occasion, d'ici la fin de l'année,
d'avoir une réflexion sur la politique logistique de la France, mais
aussi et surtout sur les moyens de financement à mettre en oeuvre,
d'autant que la Commission européenne a voté l'adossement des
concessions autoroutières, nous obligeant à ne plus financer les
autoroutes que sur le trafic qu'elles engendrent. Ceci est impossible sur
certains tronçons !
Nous attendons beaucoup du débat parlementaire et de votre
capacité à nous proposer des financements compatibles avec le
droit communautaire pour rétablir, sur une carte, des autoroutes qui ont
disparu.
Le second élément que vous évoquez porte sur la nature des
contrats de plan. Sachez que j'exigerai à l'avenir qu'un contrat de plan
soit accompagné d'un calendrier d'exécution !
Troisième élément : le Parlement a souvent
été bafoué dans l'exercice de son budget, car la loi de
finances à peine votée, on subissait un gel ou une annulation de
crédits. A quoi cela sert-il donc que le Parlement s'investisse ?
Nous avons donc mis en place une logique d'exécution. Dans mon propre
budget, j'ai inscrit un engagement de crédits qui tient compte des
reports, garantissant le volume des crédits consommés. En termes
d'affichage, on pourra déplorer la baisse des crédits ; en
exécution, il y aura même une majoration sur certains postes.
Nous devons donc gérer la transition mais lorsque nous aurons des
planifications d'exécution budgétaire planifiée, la
contractualisation ne pourra plus être remise en cause.
La surestimation budgétaire de 2002 -sans tomber dans la
polémique- a fait que pour respecter les engagements et pour
épurer un certain nombre de dépenses non budgétées,
il a fallu faire preuve d'une contrainte budgétaire rigoureuse.
Pourrons-nous aller jusqu'à une relative fongibilité des
crédits ? Pourrons-nous imaginer de réaffecter les dossiers
non exécutés à d'autres politiques ? Je vais à
Bruxelles pour essayer d'orienter les fonds structurels sur la
téléphonie mobile. Nous pourrions ainsi corriger les contrats de
plan à la mi-2003 pour intégrer cette politique nouvelle à
laquelle vous, hommes de territoire, êtes particulièrement
attachés.
M. Pierre Hérisson
- En matière de
téléphonie mobile, il reste quand même un problème.
L'itinérance consiste à demander à un opérateur de
téléphonie mobile de passer les communications de son concurrent.
Mais il n'y a pas de cartes dans les zones blanches. Il faut donc que l'ART
sorte ces cartes et que celles-ci soient assorties soit d'une incitation, soit
d'une obligation. Ce n'est pas parce qu'un seul opérateur pourra faire
transiter une communication que cela rentabilisera beaucoup les choses. Il faut
donc aller plus loin que ce qui est prévu.
D'autre part, la rédaction du contrat de plan entre l'Etat et La Poste
représente peut-être l'occasion de prendre en compte les
spécificités régionales, et en particulier celles de la
montagne.
C'est aussi le moment pour le Gouvernement de démontrer aux autres pays
européens qu'ils peuvent s'inspirer du service public à la
française. Les Anglais sont en train de se rendre compte que vouloir
tout faire reposer sur la rentabilité est une catastrophe !
Il faudra également que vous vous penchiez sur le problème des
zones à risques majeurs. Chaque fois qu'une catastrophe arrive dans
notre pays, dans les mois qui suivent, on voit arriver des contraintes
nouvelles. On gèle les territoires, mais le gel n'est pas suffisant. Il
faut qu'il soit accompagné d'une réflexion et d'une
modélisation plus précise.
Une petite commune rurale de l'Isère qui est confrontée à
un risque d'affaissement de la montagne a ainsi vu sa population passer de
1.000 à 500 habitants en l'espace de 18 mois ! Face à ce
type de situation, il y a obligation de mutualisation !
Enfin, s'agissant des contrats de plan Etat-régions, nous vivons,
Jean-Paul Amoudry et moi-même, dans un département où on
nous annonce le démarrage des travaux du contrat de plan sur les routes
nationales dans le deuxième semestre de 2004 au motif que les services
de l'équipement n'ont pas eu les moyens de mettre en oeuvre les
études qui vont permettre d'engager les déclarations
d'utilité publique (DUP).
Il y a là quelque chose qui mérite d'être corrigé.
Les régions reportent les crédits d'une année sur l'autre
parce qu'elles votent année par année ! L'usage veut qu'on
exécute une partie du contrat de plan sur le contrat de plan
suivant : ce n'est pas ma conception de l'aménagement du
territoire !
M. Jean-Pierre Vial
- Monsieur le Ministre, je reviens sur la
notion de service public, que je vous remercie d'avoir évoquée.
On n'en parle presque plus du tout, et il est vrai qu'il n'existera
bientôt plus sur nos territoires.
En matière de service public, il faut effectivement demander à
l'Etat de jouer son rôle, mais les collectivités locales sont
également prêtes à assurer le leur. Il ne faut pas les en
empêcher.
On a parlé de La Poste. Aujourd'hui, un certain nombre de communes ou de
collectivités sont prêtes à intervenir sans rien demander
à l'Etat !
Nous sommes aujourd'hui incapables de signer une convention avec France
Télécom parce que l'ensemble des objectifs qu'il nous faudrait
mettre en jeu nécessite l'implication financière des
collectivités, et on ne sait pas comment s'y prendre !
S'agissant de la notion de territoire, j'adhère à ce que vous
avez dit, mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.
Je suis président d'un syndicat mixte qui a créé un pays
en 1983. Nous sommes 60 communes qui avons toujours fonctionné sans
difficulté. Cela fait aujourd'hui un an et demi que nous sommes
bloqués par la notion de périmètres ou par les EPCI !
Les élus sont prêts à entrer dans la démarche
d'approche du territoire à condition que les collectivités ne
soient pas bloquées.
Vous parliez d'un enjeu de pouvoir : il ne s'agit pas seulement de celui
des élus. Ce peut être aussi celui des fonctionnaires qui bloquent
la machine !
Mon second exemple concerne les fonds européens. Là aussi, l'Etat
complexifie et bloque le système.
J'ai la chance d'être dans un département frontalier avec
l'Italie. L'Italie bénéficie de procédures Interreg. Ils
négocient directement avec Bruxelles et nous leur proposons d'en assurer
le portage parce que les procédures sont gérées plus
rapidement et plus simplement.
Nous avons été sous procédure 5 b. C'est le préfet
de région qui contrôlait tout. Les fonctionnaires européens
eux-mêmes nous disaient que l'Etat n'avait pas le droit de nous imposer
ses règles.
Aujourd'hui, nous sommes classés en objectif 2. On nous a
reproché d'avoir été mauvais. Ce n'est pas nous qui avons
été mauvais : c'est l'Etat qui nous a imposé
certaines contraintes !
Le DOCUP des services de l'Etat est tellement compliqué que les
élus n'y comprennent rien !
On nous dit que les financements sont réglés en 48 heures. Ce
n'est pas aussi simple que cela ! Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec
des opérations qui sont lancées et que nous ne savons pas comment
financer !
L'administration a plus de pouvoir que les élus ! Si nous voulons
que la loi montagne nous apporte quelque chose, il faut vraiment que celle-ci
soit simple et efficace, de façon à pouvoir en sortir.
Vous courez le risque d'avoir derrière vous, Monsieur le Ministre, une
cohorte de préfets de région et de fonctionnaires qui vont tuer
la réforme !
M. Jean-Paul Delevoye
- Merci de ce témoignage.
Nous avons la même analyse que vous des fonds européens. La France
se fait plus royaliste que le roi ! L'administration française a
mis en place des contraintes qui n'étaient pas exigées par
l'Europe, qui font que la mobilisation des fonds structurels est un maquis
invraisemblable.
J'affirme -malheureusement pas pour les crédits déjà
engagés- que les préfets et les SGAR on reçu des
instructions de simplification. La mise en oeuvre en sera terminée le
1
er
janvier 2003. Nous allons mettre en place un maximum de
comités de suivi des fonds pour voir comment les choses se font et avoir
le retour des élus.
Tous les mois, les SGAR se réunissent à la DATAR. J'ai
déjà participé à deux réunions.
Vous avez mille fois raison : une politique ne vaut que si la
totalité des acteurs sont déterminés à obtenir des
résultats. Le pouvoir, dans mon esprit, n'était pas que du
côté des élus, mais aussi du côté d'une
capacité administrative à créer des jungles qui
neutralisent l'action politique.
Aujourd'hui, normalement, celles et ceux qui ont des projets ne devraient plus
rencontrer de difficultés. Je vais demander que l'on regarde le cas de
la Savoie.
Pour ce qui concerne l'avenir, nous avons mis en place tout ce qu'il faut, me
semble-t-il -mais si ce n'était pas suffisant, il faudrait faire
remonter l'information- pour que les fonds structurels soient mobilisés
autour des projets.
S'agissant de la partie relative aux pays, si nous sommes d'accord sur la
philosophie du pays, il y a un sujet dont nous n'avons pas discuté,
c'est celui de la procédure pour le constituer.
Nous sommes demandeurs de vos propositions pour simplifier les
procédures.
Si l'Etat a vraiment confiance dans les élus, qu'il les laisse
s'organiser en conservant un droit de veto en cas d'abus vraiment choquants.
L'Etat doit conserver un rôle de médiateur qui lui permette de
corriger les choses, avoir un rôle incitatif et faire en sorte que les
procédures ne durent pas plus de six mois.
Il serait intéressant de voir le temps que passe un maire ou un
délégué de structure intercommunale en réunion pour
délibérer de ces sujets. Je suis persuadé qu'il y consacre
4 jours sur 5 !
M. Jacques Blanc
- Les crédits qui vont sur les pays sont
contractualisés. Il est simple, au lieu d'exiger des procédures
de pays impossibles, d'affecter ces crédits, dans la mécanique
normale du contrat de plan, aux projets portés par une ou des
intercommunalités, sans exiger le passage par un pays.
Pour que les crédits puissent être affectés, il faut
créer un établissement public. C'est de la folie ! La
montagne serait un excellent laboratoire expérimental pour sortir de la
mécanique des pays de type Voynet, pour retourner vers l'esprit de
coopération intercommunale sur des projets donnés.
Sur les zones de montagne où cela a une importance encore plus grande,
décidons de supprimer le passage par la méthode Voynet et faisons
en sorte que l'Etat, en accord avec les régions et les
départements, apporte les financements sur des projets portés par
des intercommunalités !
M. Jean-Paul Delevoye
- Je suis assez sensible à votre
réflexion. Si j'avais un souhait à émettre, en tant que
ministre de l'aménagement du territoire, ce serait que le conseil
national de la montagne puisse nous faire l'inventaire des procédures
ainsi que des propositions de simplification.
En second lieu -et cela rejoint la proposition de Jean-Pierre Vial et Pierre
Hérisson- il faudra que l'on se pose la question de savoir si les
projets de territoire l'emportent sur les procédures ou si les
procédures l'emportent sur les projets de territoire !
Tout discours sur le moratoire des services publics est suicidaire et
irresponsable ; a contrario, tout discours sur l'adaptation des services
publics est un discours responsable.
La réorganisation des services publics ne se fera pas contre les
élus locaux, mais avec eux. Si l'éthique des services publics, la
logique de l'aménagement du territoire sont respectées et que le
financement est bouclé, pourquoi ne pas accompagner ce type d'initiative
sous forme d'expérimentation ou sous une forme juridiquement non
contestable ? Je partage votre avis selon lequel le pouvoir doit
être un pouvoir de stratégie et d'incitation.
Notre vraie difficulté, face à la compétitivité
entre les territoires et à la concurrence internationale, est d'obtenir
le plus rapidement possible des solutions pour soutenir ce développement.
Je suis donc prêt à recevoir vos propositions, dans le respect des
lois, des règles et des contraintes législatives.
A titre personnel, je ne comprends pas que nous n'arrivions pas à
trouver de dérogations comme celle relative à la fourniture
d'énergie.
S'agissant de La Poste, je partage tout à fait votre avis. Je vais
demander à rencontrer le prochain directeur de la Poste, que nous avons
la chance de bien connaître, et étudier comment, dans le cadre du
service d'intérêt général reconnu par l'Europe,
mettre en place des maisons des services publics. Ce genre de choses me
paraît pertinent si cela correspond à une volonté locale.
Il faut accompagner des tentatives de cette nature, qui permettront
peut-être d'apporter des réponses permettant d'être
généralisées.
M. Jacques Blanc
- J'ai proposé à M. Mattei de
tenter des expériences de réseaux et d'équipements
sanitaires pour apporter le service indispensable aux zones de montagne pour ne
pas perdre toutes chances de conserver des soins de qualité à
proximité.
On peut, en investissant, ainsi créer une capacité de
réponse adaptée, sous réserve de permettre aux
médecins salariés de travailler dans le secteur libéral et
aux libéraux d'aller dans le secteur public.
M. Jean-Paul Delevoye
- Tu as raison. Il existe d'ailleurs une
expérience de "télé-santé" en Aquitaine assez
remarquable.
Il est certain que le changement engendre la résistance, mais si on se
mobilise autour d'un préfet, on peut relever le défi.
Je suis déterminé à soutenir ce type de réflexions.
Je refuserai, sauf si on m'oblige à le faire, la logique purement
quantitative.
A l'évidence, il y a trop d'administration d'un côté et pas
assez de l'autre. Je suis persuadé qu'on peut obtenir plus de
résultats, même avec moins d'argent !
On ne pourra pas tenir ce discours à l'échelon national, mais on
peut tenter des expériences sur le plan local. On peut arriver à
adapter un mouvement réunissant fonctionnaires, acteurs
socio-économiques et élus autour de projets de territoire.
L'administration centrale doit-elle se battre pour conserver son pouvoir
budgétaire ou pour faire en sorte que l'argent public soutienne la
croissance et le développement économique d'un territoire ?
C'est la philosophie dans laquelle nous sommes entrés.
Nous allons traverser des zones à risques budgétaires et
administratifs. Nous allons peut-être connaître une diminution
importante de la population ministérielle, mais on peut aussi avoir des
zones de sécurisation ministérielle appuyées sur la
sagacité des élus locaux, de manière que la raison
l'emporte sur la passion.
M. Jacques Blanc
- Merci. Nous avons eu un débat passionnant
et passionné, et je pense que notre rapporteur tirera une substantifique
moelle de ces débats.