49. Audition de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (25 septembre 2002)
M.
Jacques Blanc, président -
Mes chers collègues, nous avons le
plaisir d'accueillir M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des
transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Notre mission a été créée à l'occasion de
l'année internationale des montagnes, et nous nous sommes rendus dans
l'ensemble des massifs montagneux et nous avons auditionné de nombreuses
personnes.
Monsieur le ministre, nous allons vous écouter avec beaucoup
d'intérêt et dans l'espoir que vous nous annoncerez une politique
nouvelle dans le domaine de la montagne.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur -
Monsieur le ministre, je vous
remercie à mon tour de contribuer aux travaux de notre mission, travaux
qui arrivent à leur terme. Depuis le mois d'avril, nous avons
procédé à de nombreuses auditions et nous avions à
coeur, avant d'achever notre rapport, de vous entendre sur des sujets
variés, qui correspondent aux différentes disciplines dont votre
ministère est en charge.
Nous vous avons adressé une liste de questions - non exhaustive,
certains que nos collègues souhaiteront vous poser des questions
complémentaires - qui se répartissent en trois
catégories : les premières concernent l'urbanisme, les
secondes le tourisme et, enfin, les dernières, les transports. Je vous
propose donc, monsieur le ministre, de répondre à ces
différentes questions.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du
logement, du tourisme et de la mer
-
Je vous remercie beaucoup de
votre invitation. Je suis également ici pour apprendre, grâce
à l'expérience de tous les membres chevronnés de votre
mission. Comme vous me le suggérez, je commencerai donc par aborder les
règles d'urbanisme.
Est-il possible d'aménager les règles d'urbanisme en
montagne ? Les règles générales d'urbanisation en
continuité s'appliquent évidemment plus rigoureusement en
montagne qu'en plaine, où il est parfois possible d'implanter de
nouvelles constructions en discontinuité lorsque les documents
d'urbanisme le prévoient ou lorsque les délibérations du
conseil municipal sont motivées.
La possibilité d'autoriser des constructions isolées pour
éviter une diminution de la population communale résulte d'une
disposition de la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas en
montagne. Son assouplissement, subordonné soit à l'existence d'un
document-cadre, par exemple une prescription particulière de massif
n'est pas totalement à exclure. L'idée d'une possibilité
de dérogation soumise à un avis conforme de l'Etat dans certains
cas limités, en l'absence de pression foncière, y compris pour
les résidences secondaires, pourrait également être
étudiée.
Est-il souhaitable de mieux définir la notion de construction en
continuité dans la loi ? Cette notion, qui est très
complexe, a été largement éclairée par une
jurisprudence abondante, comme il en est d'ailleurs fait état dans le
rapport du Sénat relatif au droit de l'urbanisme. Modifier la loi serait
risquer d'introduire plus de rigidité. Une circulaire d'explication me
semble donc préférable.
Quel pourrait être l'avenir des directives territoriales
d'aménagement, les DTA ? Est-il pertinent de permettre aux
prescriptions particulières de massifs d'assouplir les normes
d'urbanisme ? Je rappelle qu'il est nécessaire de maintenir et de
préserver les grands équilibres entre le développement et
la protection de l'environnement. Ces grands équilibres paraissent
impossibles à appréhender au simple niveau local, communal ou
intercommunal. Des décisions ou des documents de niveau supérieur
- le mot me gêne un peu - comme les DTA, créées par la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire du 4 février 1995, dite loi Pasqua-Hoeffel, ou les
prescriptions particulières de massifs, créées par la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains, sont
nécessaires.
A ce jour, aucune DTA n'a été approuvée. Ces documents,
élaborés par l'Etat, sont un peu lourds. Ils doivent être
soumis au Conseil d'Etat. De plus, un assouplissement des dispositions de la
loi « Montagne » par de tels documents n'est pas possible.
Il ne serait donc pas absurde que la loi prévoie des possibilités
d'interprétation sous réserve qu'elle en fixe les limites, le
contenu et les formes. Toutefois, dans ce cas encore, je pense qu'un tel
assouplissement soulèverait des réserves, voire
l'hostilité - aimable, bien sûr - du ministère de
l'écologie et du développement durable.
Dans le cadre des expérimentations si souvent évoquées par
le Premier ministre, ces documents pourraient ne plus émaner seulement
de l'Etat, mais, par exemple, des élus régionaux, qui pourraient
prendre en charge ce type de procédure. L'Etat ne devrait bien
sûr, pas en être absent. Dans le même esprit, il existe
aujourd'hui des schémas régionaux d'aménagement du
territoire, les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, mais
qu'ils ne sont pas opposables. Faut-il les rendre opposables ?
Faut-il réformer le régime des chalets d'alpage ? La
vocation de chalet d'alpage est reconnue par les services de l'Etat à
certaines constructions, souvent anciennes. Une fois cette reconnaissance
obtenue, le permis de construire est ensuite, le cas échéant,
accordé. Cette procédure pourrait être simplifiée.
Le risque existe que le bénéficiaire, une fois qu'il a obtenu son
permis de construire, se retourne vers la commune et lui demande tous les types
de raccordements aux réseaux publics que l'on est en droit d'exiger pour
une habitation classique. Il faudrait donc peut être compléter la
loi et prévoir un mécanisme de servitude administrative. Le
raccordement ne doit pas être automatique.
J'émets toutefois une réserve : si ces chalets ne sont pas
raccordés aux réseaux d'assainissement, s'ils ne disposent pas du
tout-à-l'égout, des stations individuelles doivent alors
être installées afin qu'ils ne soient pas à l'origine d'une
source supplémentaire de pollution. Je pense que ce point est à
négocier avec le ministre de l'écologie et du
développement durable. L'absence de raccordement obligatoire pour la
commune est en tout cas une piste de réflexion intéressante.
Peut-être le nom de chalet d'alpage prête-t-il un peu à
confusion et fait-il sourire dans le cas de certaines opérations. On
pourrait donc imaginer de changer ce nom et, par exemple, lui
préférer le terme de « résidence
d'été ».
Faut-il réformer la procédure des unités touristiques
nouvelles, ou UTN ? Celle-ci prévoit que les projets
touristiques en zone de montagne doivent être soumis aux comités
de massif. Il faut probablement revoir le champ d'application de cette
procédure, alléger celle-ci et peut-être la
déconcentrer. La notion d'UTN désigne en effet à la fois
de très grosses et de très petites opérations. On pourrait
donc imaginer une procédure plus proche du terrain pour les petits
équipements.
Le Gouvernement a chargé une mission de hauts fonctionnaires de
réfléchir aux adaptations possibles de cette procédure.
Cette mission rendra ses conclusions le 15 octobre prochain. Ces
dernières serviront de base à des propositions de modifications
du code de l'urbanisme. Dans certains cas, la substitution d'un
télésiège à deux téléskis ou le
déplacement d'un pylône entrent dans le cadre de la
procédure UTN, ce qui paraît tout à fait excessif, voire
absurde. Ce qui compte, c'est la cohérence entre la capacité du
domaine et la capacité d'accueil de la station, ou encore le respect des
versants non desservis. Tout le monde s'accorde sur ces points.
Aujourd'hui, l'articulation entre les UTN et les SCOT n'est donc pas
satisfaisante. En théorie, un SCOT permet de s'exonérer de la
procédure UTN. En pratique, si un projet n'est pas explicitement
prévu par un SCOT, il faut modifier ce dernier pour rendre le projet
possible. Ainsi, on pourrait prévoir qu'un SCOT puisse fixer la
localisation d'une UTN. Encore faut-il s'entendre sur le terme
« grosse UTN » et sur le principe de l'inscription dans des
enveloppes communales pour les petites UTN. Pour une UTN légère -
si l'on peut dire - la conformité au SCOT pourrait ne pas être
exigée.
Faut-il aménager le régime de servitude prévu à
l'article 53 de la loi « Montagne » ? Cet article
dispose que les propriétés privées peuvent être
grevées d'une servitude destinée à assurer le passage de
pistes de ski et de remontées mécaniques. Cette liste n'est
peut-être plus adaptée. Elle est trop limitative puisque n'y
figurent pas, par exemple, les canons à neige, qui alimentent certaines
de ces pistes. Il semble donc logique d'adapter la loi. C'est raisonnablement
possible si on le fait avec prudence.
Cette adaptation serait également peut-être l'occasion de
prévoir une meilleure procédure d'information des
propriétaires qui sont « victimes » de cette
servitude et qui voient passer chez eux des remontées mécaniques.
Si la liste de ces servitudes augmente, on pourrait également
améliorer la procédure d'information et de concertation en amont.
Faut-il aménager le régime des communes soumises à la fois
à la loi « Montagne » et à la loi
«Littoral» ? Je rappelle que la loi «Littoral»
s'applique également aux communes voisines de lacs de plus de mille
hectares. S'agissant des communes riveraines de la mer qui entrent à la
fois dans le champ d'application de la loi «Littoral» et dans celui
de la loi « Montagne », le code de l'urbanisme
prévoit que la loi «Littoral» prévaut dans les espaces
proches du rivage. Or, cette disposition n'a pas été
étendue aux communes qui jouxtent un lac d'une superficie
supérieure à mille hectares, communes auxquelles la loi
«Littoral» s'applique. Nous pensons qu'il s'agit là d'une
erreur et que la loi peut être complétée. Concernant les
petits lacs de montagne, les règles fixées par la loi sont
peut-être un peu rigides, notamment s'agissant de la définition
des périmètres. S'il convient évidemment de
protéger ces espaces, peut-être pourrait-on, de manière
extrêmement prudente, assouplir la loi.
J'en viens maintenant aux questions relatives au tourisme. Dispose-t-on de
projections chiffrées relatives au développement du tourisme en
montagne, et plus particulièrement en moyenne montagne ? En 2001,
les Français âgés de plus de quinze ans ont effectué
160 millions de séjours comprenant au moins une nuitée hors de
leur domicile, ce qui correspond, en tout, à 902 millions de
nuitées. La montagne représente 14,4 % de ces séjours et
18,9 % de ces nuitées, soit 153 millions de nuitées. Par
rapport aux autres destinations, cette part reste stable depuis 1994. La
durée moyenne de séjour reste légèrement
supérieure à une semaine.
Il est à noter toutefois que ces chiffres bruts sont en recul par
rapport à ceux de 1994, année où l'on a enregistré,
pour l'ensemble des destinations, 994 millions de nuitées, dont 196
millions pour la montagne.
L'hébergement marchand représente 62 % des modes
d'hébergement. L'hébergement en hôtel représente
seulement 14 % de ces 62 %. Les autres modes d'hébergement sont les
locations, le camping, les clubs et les villages de vacances, qui progressent
en parts de marché.
Le commissariat du Plan a confié à un groupe d'experts la mission
d'éclairer les pouvoirs publics et les professionnels sur les grandes
tendances du tourisme. Il ressort de son rapport, intitulé
La
prospective de la demande touristique à l'horizon 2010
,
que
le marché français des vacances de sports d'hiver est
entré dans une phase de maturité, comme le révélait
dès 1988 une étude SEMA-METRA. On assiste aujourd'hui à
une phase de contraction de ce marché, la demande étant à
peu près stabilisée.
Les sports de glisse sont aujourd'hui concurrencés par des pratiques
plus douces, liées notamment à l'évolution
démographique en Europe. Ainsi, en 2010, les plus de soixante ans seront
aussi nombreux que les moins de vingt ans. Ils n'emprunteront probablement pas
les mêmes pistes! En 2020, les plus de soixante ans constitueront 27 % de
la population, tandis que les moins de 20 ans en représenteront 22 %.
On constate ensuite un lent retour à des valeurs essentielles du
tourisme, à des vacances plus familiales, moins longues, davantage
réparties dans l'année et moins sportives en termes de
performances, ce qui ne veut pas du tout dire qu'elles sont inactives.
On constate encore une concurrence de plus en plus vive entre les
marchés européens - qui tentent de conserver leur
clientèle autochtone, qui risque donc de ne pas venir en France -ainsi
que la recherche d'un confort immobilier plus familial, plus convivial, celle
d'un urbanisme de station moins citadin, moins
« béton », plus authentique et, enfin, une
préférence pour les interconnexions de massifs skiables.
Quant au tourisme estival, il est très diffus, y compris en moyenne
montagne, et il recoupe des activités diversifiées. Ce tourisme
exige moins d'investissements lourds, mais des équipements de loisirs
plus variés. La saison estivale ne constitue pas encore un appoint
indispensable pour les opérateurs de grandes stations de sports d'hiver,
mais elle tend quand même à devenir progressivement la condition
de survie de nombreux sites, surtout en moyenne montagne, quand les atouts
hivernaux des stations sont un peu modestes face à la fois aux exigences
croissantes des clients et à la compétitivité des pays
voisins.
C'est bien, semble-t-il, le tourisme hivernal et ses grandes tendances qui vont
dicter la stratégie des grandes stations françaises de sports
d'hiver. On peut toutefois s'interroger sur ce positionnement singulier en
Europe, la plupart des grandes stations étrangères ayant, il faut
le savoir, une activité vraiment significative en été. La
France se situe un peu en deçà des moyennes européennes
dans ce domaine.
A partir de ce constat, comment favoriser le développement du tourisme
en montagne ? Je ne prétends évidemment pas détenir
la vérité sur ce sujet, surtout face aux spécialistes que
vous êtes, mais il convient d'abord de rappeler qu'il n'existe pas de
développement type en montagne parce qu'il n'y a pas de montagne type.
Les réponses ne peuvent donc être que très
diversifiées.
On peut distinguer, d'une part, les secteurs qui bénéficient d'un
développement économique important, d'activités
touristiques d'envergure et d'une attractivité urbaine forte et, d'autre
part, ceux qui sont en voie de désertification, dont l'armature urbaine
et l'économie sont plutôt faibles et dont, par conséquent,
les ressources touristiques sont modestes. Ces différences sont
essentielles pour apprécier le potentiel de développement
touristique des territoires, à l'exception de celui des zones de sports
d'hiver, qui exigent un contexte géographique et climatique
particuliers. Ces zones, il faut le rappeler, ne constituent que 2 % de
l'espace en montagne.
Il paraît difficile de développer une activité touristique
dans un territoire déserté par ses habitants permanents. La
majorité des touristes considèrent de plus en plus qu'une
montagne habitée est un lieu plus accueillant. Ils ont en effet besoin
de services, de commerces de proximité et de convivialité. Le
tourisme dépend donc en grande partie de la qualité de la vie
offerte sur un territoire. Les touristes ne veulent plus d'un équipement
installé au milieu d'un désert.
La France a développé dans le domaine des sports d'hiver une
économie très efficace si l'on en juge par le nombre d'emplois
créés dans ce secteur et par la contribution de celui-ci à
la balance des paiements, ce dont nous nous félicitons. Les sports
d'hiver figurent toujours parmi les meilleures activités touristiques
françaises en termes de retombées économiques par
touriste. Vous savez que la France est la première destination
touristique, mais qu'elle n'est que la quatrième puissance s'agissant de
la somme dépensée par touriste. Je pense que les sports d'hiver
contribuent à faire remonter cette moyenne.
Le marché des sports d'hiver n'est pas extensible à l'infini.
Toutes les études prospectives indiquent une tendance à la
stabilisation. Il faut donc raisonnablement viser le maintien de la
compétitivité de l'offre française pour éviter son
dépérissement. Cet objectif, loin d'être modeste,
nécessite une forte mobilisation des acteurs du secteur. Celle-ci passe
par un effort en faveur de la rénovation des hébergements,
notamment de celle des meublés de tourisme ; par le
développement de l'offre hôtelière, qui est très
limitée dans les stations de sports d'hiver alors que la demande de
séjours, pas nécessairement calés sur la semaine, est
croissante ; par l'adaptation permanente, grâce à un niveau
élevé d'investissement, des domaines skiables aux
évolutions des attentes de la clientèle en matière de
remontées mécaniques et de travail de la neige ; enfin, par
l'amélioration des espaces publics, qui sont vraiment une composante
importante de l'image des stations.
On voit en effet combien, même en dehors des zones de montagne, les
centres-bourgs et les centres-villes sont des éléments
très importants de l'image, et donc de l'attractivité, d'un lieu
de vie. C'est donc aussi vrai pour les stations de sports d'hiver.
En résumé, le maintien de la compétitivité des
stations de sports d'hiver passe vraiment par une démarche
« qualité » de tous les acteurs, de tous les
services et de tous les commerces de ce secteur. La réussite ne peut
donc être que collective.
Le tourisme estival, dont j'ai brièvement parlé tout à
l'heure, est très dispersé dans l'ensemble des espaces de
montagne. Les enjeux dans ce secteur sont eux aussi la qualité et la
diversité des hébergements ainsi que l'accessibilité de
l'offre. Mais le paysage, l'équilibre entre les espaces ouverts - tels
les prés, les landes ou les terres - les bois, les forêts, les
réseaux aériens, la publicité et, plus
généralement, tout ce qu'un territoire donne à voir, sont
aussi des enjeux. La maîtrise homogène du paysage dans un
territoire est un excellent indicateur de la volonté de
développer une activité touristique.
Pour ce qui est de la moyenne montagne, le tourisme peut certainement y
constituer une ressource durable pour de nombreux territoires à
condition que les habitants permanents acceptent de vivre leur territoire comme
touristique et qu'ils se fassent à l'idée que le tourisme peut
être une source de développement importante.
J'ai eu l'occasion et le plaisir de rendre visite récemment à
M. Jean François-Poncet. Certes, ce n'est pas un territoire de
grande montagne,...
M. Jacques Blanc
- C'est la vallée du Lot !
M. Gilles de Robien -
Oui, mais on est encore dans le département
de la Haute-Garonne, et M. François-Poncet disait lui-même
que le Lot est encore plus beau que la Haute-Garonne ! Et je ne parle pas
de la Lozère, bien entendu.
Au cours de ce déplacement, j'ai été frappé de la
façon dont le volet touristique était pris en compte par la
population elle-même. J'ai même, dans mon point de presse,
appelé cela le « génie local » : savoir
reconvertir une population en population d'accueil, que ce soit pour le
tourisme local ou pour le tourisme fluvial, c'est une vraie réussite.
Jean François-Poncet a même trouvé pour son
département une labellisation, en quelque sorte, qu'il appelle
maintenant la « Toscane française ». C'est dire
à quel point on peut aller loin dans la comparaison.
Ce n'est pas un texte qui peut imposer une telle attitude. Je pense au
contraire que l'attitude des élus et des acteurs locaux peut convertir
une population et l'amener à être réceptive au tourisme en
moyenne montagne.
Évidemment, l'hébergement et les paysages ne suffisent pas dans
les territoires qui n'ont pas de vocation touristique : il y faut des
structures adaptées au développement touristique, il y faut aussi
une « culture » touristique.
Vous avez souhaité que je me prononce sur la mise en oeuvre d'un
« plan de sauvetage » des stations de basse altitude. Je le
ferai bien volontiers, même si cela doit m'amener à introduire un
petit bémol dans cet exposé.
C'est dans les années soixante qu'est née l'idée de
créer de petites stations familiales à partir de villages
existants, et c'était certainement une excellente idée. Ces
stations avaient pour vocation de constituer des réservoirs de skieurs
qui fréquenteraient ensuite les stations plus grandes ; elles
devaient ainsi permettre de revitaliser des zones menacées de
désertification.
Aujourd'hui, on constate que l'enneigement variable d'une année à
l'autre et d'un massif à l'autre entraîne chez les clients un
certain désintérêt pour ce type de tourisme, pour ces
stations de basse altitude. Il faut reconnaître aussi que les
équipements ont pris un « coup de vieux » et que les
coûts d'entretien se font de plus en plus lourds, alors que les
installations sont somme toute relativement modestes et que les frais sont
supportés par des ensembles forcément moins importants que dans
de grandes stations. Dans ce contexte, il paraît quelque peu difficile de
parler de sauvetage : ce serait une solution miraculeuse.
Si le concept de sauvetage doit être manié avec prudence, il faut
cependant examiner comment pourrait être maintenu un produit touristique
qui a son utilité mais qui, dans sa forme actuelle, ne correspond plus
aux attentes.
Sans vouloir aucunement laisser ce problème aux seuls élus
locaux, je crois qu'il convient que les collectivités locales fassent
l'une après l'autre l'état des lieux de chacun des sites, que de
vrais diagnostics soient posés et que, courageusement, on se reconcentre
sur des sites moins nombreux mais auxquels serait donnée une nouvelle
chance, en même temps que seraient examinées des
possibilités de reconversion et, peut-être, de solidarité
entre diverses stations. Quoi qu'il en soit, nous estimons nous aussi
très difficile aujourd'hui de sauver l'esprit dans lequel ces stations
ont été créées il y a une quarantaine
d'années.
J'en viens aux transports. Vous appuyant sur le rapport Brossier, vous posez la
question de savoir ce qu'il se passera en 2010, avec notamment la dimension
suisse, qui permettrait, le cas échéant, de détourner une
partie du trafic.
Depuis l'accident tragique du tunnel du Mont-Blanc, la question ne se pose plus
exactement dans les mêmes termes. Dans tous les débats publics,
dans toutes les déclarations s'exprime à l'égard des
pouvoirs publics une très forte demande, qui se fait de plus en plus
insistante, pour que les poids lourds soient transférés sur le
fer. Tout le monde trouve cette solution miraculeuse, mais c'est une solution
lourde, c'est une solution chère, même si, bien entendu, elle est
attrayante.
Pourtant, vous avez pu constater que, lors de la fermeture du Mont-Blanc, la
totalité du trafic a pu être reportée sur le Fréjus,
où passaient à cette époque-là 1 550 000
poids lourds par an. Je ne dis pas que c'est une bonne solution, c'est un
simple constat.
Selon les projections, il faudra gérer en 2010 environ
2 250 000 poids lourds par an. De façon très brutale -
et je ne dis pas, là non plus, que ce serait la solution la plus
souhaitable -, on pourrait soutenir que, en théorie, le Mont-Blanc et le
Fréjus pourront absorber ce trafic, qui ne représente jamais, si
je puis dire, que 3 100 poids lourds par jour pour chacun des tunnels.
Bien entendu, c'est localement inacceptable, compte tenu des nuisances de tous
types associées aux poids lourds. C'est pourquoi, au-delà des
mesures prises par les Suisses - qui soulageront nos franchissements dans des
proportions qui pourraient être de l'ordre de 10 % ou 20 % -,
l'objectif est de nous orienter de toute façon vers une politique
volontariste dans le domaine du ferroutage.
Tel est le sens de l'expérimentation qui sera mise en place, dès
le début de 2003, entre Aiton et Orbassano. Il nous faudra observer si
ce service, qui repose sur l'utilisation du wagon sur-baissé Modalohr,
est capable d'attirer une clientèle suffisante - car il est bien beau de
faire une offre si personne n'en veut ! - pour lui permettre d'enclencher
un cycle de développement vertueux du ferroutage. Il faudra bien
sûr améliorer ce service en mettant au gabarit B+ les tunnels
ferroviaires de la ligne historique.
L'effet suisse jouera, mais, pour être clair, nous plaçons
beaucoup d'espoirs dans le tunnel du Mont-Cenis au gabarit B+ ; mais il
faudra aussi réaliser d'autres tunnels, notamment celui de la
Chartreuse.
L'accident du Mont-Blanc a obligé à repenser la conception des
tunnels ; c'est d'ailleurs l'objet de l'instruction ministérielle
du 25 août 2000. Dès lors que les mesures que contient
celle-ci sont appliquées, il n'y a pas de raison technique - je dis
bien : technique - de réduire le trafic routier dans les tunnels
aujourd'hui. Vous savez que, au Mont-Blanc, des précautions
particulières ont été prises qui sont consignées
dans le règlement de circulation.
On observe bien sûr, j'y reviendrai tout à l'heure, que le trafic
s'est considérablement réduit au Mont-Blanc. Quittant les Alpes,
j'évoquerai le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, dans les Vosges, qui
est lui aussi fermé, aujourd'hui, compte tenu de sa
vétusté et des travaux de remise à niveau qui sont
programmés pour le début de l'année prochaine. Depuis
mars 2000, le trafic y est quasi nul.
Comme vous le voyez, l'objectif est non pas de réduire le trafic pour le
réduire, mais d'assurer un haut niveau de sécurité pour
les usagers qui emprunteront les tunnels.
Je ferai le point du trafic routier dans le tunnel du Mont-Blanc avant et
après l'accident, ce qui me permettra de vous apporter des chiffres
extrêmement récents.
Depuis la mise en service du tunnel du Mont-Blanc jusqu'en 1993, le trafic a
connu une très forte progression, avec un point culminant à
835 000 poids lourds par an, c'est-à-dire 2 300 par jour. Puis
il a décru au profit du tunnel du Fréjus, pour être
dépassé par ce dernier à partir de 1996. En 1998, le
trafic aux tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus était à peu
près équilibré, avec 2 150 poids lourds par jour.
Le 25 juin 2002, le tunnel a été rouvert aux
véhicules de plus de 3,5 tonnes, notamment pour respecter un
engagement qui avait été pris vis-à-vis de l'Italie,
puisqu'il s'agissait d'un accord international. Après une
première phase de progression, on constate aujourd'hui une stagnation du
trafic des poids lourds, avec une moyenne d'environ 500 par jour ouvrable. On
est donc très loin des 3 000 de pointe, mais aussi de l'objectif
que nous nous étions fixé à la réouverture, qui
était de répartir le trafic entre les deux tunnels dans la
proportion de 35 % pour le Mont-Blanc et 65 % pour le Fréjus.
Pour atteindre ces 35 %, il faudrait 1 700 poids lourds par jour. Or,
lundi dernier - ce sont les chiffres récents que je voulais vous
communiquer -, le Fréjus a vu passer 4 170, contre 600 au
Mont-Blanc. Depuis la rentrée, le lundi, qui est pourtant le bon jour,
le tunnel du Mont-Blanc réalise 12 % de parts du marché, les
autres jours, plutôt 10 %.
La situation devient donc préoccupante et gênante pour la
vallée de la Maurienne, qui supporte 90 % du trafic. Elle est
préoccupante également pour la viabilité financière
de l'exploitant du tunnel, qui ne voit pas ses péages augmenter.
Les prochains mois, qui seront plus représentatifs d'un mois normal,
seront donc très importants à cet égard. J'ai
rencontré il y a huit jours M. Lunardi, ministre italien des
transports, et nous sommes tombés d'accord pour nous donner les mois de
septembre et d'octobre pour faire le point pour comprendre cette
répartition. En effet, un sommet franco-italien se tiendra au tout
début du mois de novembre au cours duquel la question sera
inévitablement évoquée. Il faudra alors que nous puissions
apporter des réponses à cette situation insatisfaisante :
quels sont les impacts des travaux de la route nationale 205, de l'alternat
dans le tunnel. Il faudra à ce moment-là disposer d'un
état des lieux pour savoir s'il faut décompresser,
décongestionner, donner des signes volontaristes en matière de
rééquilibrage.
Le trafic routier nous mène directement au trafic ferroviaire avec le
fameux projet de liaison Lyon-Turin. Je vous rappelle - mais est-ce
nécessaire ? - qu'il fait partie des quatorze projets
européens d'infrastructures classés prioritaires depuis le sommet
d'Essen, en 1994. Il est destiné aux voyageurs et au fret. La partie
française de la ligne nouvelle a fait l'objet d'un important programme
d'études. L'avant-projet sommaire de la section Lyon - sillon alpin a
été approuvé en mars 2002, et RFF met actuellement au
point celui du tunnel de la Chartreuse. Des consultations locales sont
organisées ou le seront très prochainement par le préfet
de région sur ces études préliminaires d'acheminement des
marchandises entre Lyon-Ambérieu et le massif de la Chartreuse.
Pour ce qui est de la partie internationale, je rappelle qu'à Turin, le
29 janvier 2001, la France et l'Italie ont pris l'engagement de
réaliser cette nouvelle liaison ferroviaire et ont défini les
modalités de mise en oeuvre de la première phase, avec un nouveau
programme d'études et la réalisation des galeries de
reconnaissance, que l'on appelle des « descenderies », dans
un accord signé au cours du sommet, dont l'approbation a
été autorisée par le Parlement avec l'adoption de la loi
du 28 février 2002. Cette première phase est
évaluée à 371 millions d'euros, pris en charge
à parité par la France et l'Italie, avec un concours de l'Union
européenne.
Où en sommes-nous des travaux ?
Les travaux des ouvrages de reconnaissance ont débuté au
printemps, et la descenderie de Modane est en cours. Ils se poursuivront en
2003. Les crédits de la descenderie de Saint-Martin-de-la-Porte, il est
important de le souligner, ont été débloqués.
En termes de coûts, la part française s'élèverait
à 3 milliards d'euros hors taxes - il s'agit seulement d'un ordre
de grandeur. Il faut y ajouter tout ce qui permet de relier le tunnel au
réseau ferroviaire au voisinage de Lyon, soit la ligne à grande
vitesse Lyon - sillon alpin, pour 1,8 milliard d'euros hors taxes ;
l'acheminement du fret jusqu'à la Chartreuse, pour 0,6 milliard
d'euros hors taxes ; le tunnel de la Chartreuse, pour 1,8 milliard
d'euros hors taxes ; l'accès au tunnel de base pour
1,7 milliard d'euros hors taxes. On parvient, en faisant les additions,
à près de 9 milliards d'euros, auxquels il faut
également ajouter le contournement fret de Lyon, qui représente
1,5 milliard d'euros. L'ordre de grandeur total est donc de
10 milliards d'euros.
Le projet Lyon-Turin est bien sûr visé par l'audit qui a
été confié au Conseil général des ponts,
secondé par la DATAR, audit qui permettra de replacer ce projet par
rapport à tous les autres et qui devrait être rendu à la
fin de cette année.
Il reviendra ensuite au Gouvernement de proposer un programme global de
réalisation des infrastructures, après un débat au
Parlement, qui disposera des résultats de l'audit. Ces deux
éléments, l'audit et le débat au Parlement, permettront
donc d'avoir des idées plus claires sur la réalisation de ce
projet.
J'en viens maintenant à la vallée d'Aspe, qui a tout votre
intérêt.
Les travaux du tunnel du Somport seront bientôt achevés. On en est
actuellement à l'étude du règlement de
sécurité. Tout ceci doit intervenir avant la fin de 2002, et
peut-être l'inauguration aura-t-elle lieu avant la fin de l'année
ou tout au début de l'année prochaine.
Il est également prévu de moderniser la route nationale 134, qui
traverse la vallée d'Aspe. Les aménagements envisagés,
avec une voie supplémentaire pour les poids lourds dans les sections
à forte pente et le contournement des villages, sont compatibles avec
les orientations des schémas multimodaux de services collectifs de
transport.
Sur les quarante-six kilomètres qui séparent Oloron-Sainte-Marie
de l'entrée du tunnel, vingt ont été
aménagés au cours des trois précédents contrats de
plan Etat-région, huit sont aujourd'hui en cours de réalisation,
douze en sont au stade des études techniques. Seuls six
kilomètres restent à étudier, et il n'y aurait plus de
traversée de village.
Actuellement, le trafic sur la route nationale 134 en vallée d'Aspe
varie de 6 200 véhicules par jour aux abords d'Oloron-Sainte-Marie
à 800 véhicules par jour au tunnel du Somport.
Les prévisions, qui prennent en compte la réalisation d'une
liaison rapide à deux fois deux voies entre Langon et Pau, confirment
que la route nationale 134 n'a pas vocation à être le support
d'un itinéraire de grand transit routier international. A l'horizon
2020, l'augmentation du trafic en vallée d'Aspe sera sensible, mais
restera compatible asvec la capacité de la RN 134
réaménagée, avec un trafic estimé à
11 000 véhicules par jour aux abords d'Oloron et à
2 600 véhicules par jour au tunnel du Somport.
A titre de comparaison, ce chiffre à l'horizon de vingt ans est voisin
des chiffres actuels sur la route départementale 20 à
Ainhoa-Dancharia, avec 2 500 véhicules par jour, et sur la
route nationale 125 à Fos, avec 3 100 véhicules par
jour. Il représente un cinquième du trafic actuel sur la route
nationale 10 à Urrugne - 13 100 véhicules jour -
et un huitième du trafic sur l'autoroute A9 au Boulou.
Vous m'interrogez également sur le gel de certains crédits dans
le cadre de la politique de maîtrise des dépenses publiques.
Dans les crédits pour 2002 qui ont été gelés, la
part imputée sur les conventions interrégionales de massif
représente aujourd'hui 31,7 millions d'euros, soit environ
10 % du montant total du gel portant sur les crédits
d'investissement routier.
Il s'agit principalement d'opérations dont les travaux n'ont pas
commencé et qui, bien entendu, seront reprogrammés dès le
début de l'année 2003.
M. Jacques Blanc -
Nous n'avons pas posé de question sur le
franchissement des Pyrénées, puisque nous pensons que
Perpignan-Figueras est acquis.
M. Gilles de Robien
- Oui.
M. Jacques Blanc -
Peut-être serait-il néanmoins
opportun que vos services nous communiquent quelques éléments
d'information sur l'évolution des trafics routier et autoroutier pour le
passage des Pyrénées au Perthus, afin que le rapport puisse en
faire état. Nous pourrions ainsi compléter l'éclairage de
la question du tunnel du Somport. Il faut également rappeler que le
tunnel du Puymorens, qui est en service, permet des franchissements dans notre
région.
Par ailleurs, nous considérons que les problèmes d'urbanisme sont
des problèmes majeurs. Je suis frappé de constater que, dans tous
les massifs, les élus, quelle que soit leur étiquette ou leur
expérience, perçoivent des blocages qui ne se justifient pas par
une préoccupation environnementale.
L'objectif de notre rapport est au contraire d'indiquer que la nouvelle
politique de la montagne, en s'intégrant dans le grand mouvement de
développement durable, peut parvenir à l'équilibre entre
développement et protection de l'environnement, et que les processus
d'urbanisme aboutissent aujourd'hui à des situations figées et
à de graves incompréhensions entre certains élus et des
responsables d'associations. Or nous souhaitons contribuer à surmonter
ce blocage.
Tout ce qui permettra non pas d'abandonner la protection de l'environnement,
mais de la concilier avec le développement, et donc de nous inscrire
dans le développement durable, me semble être un
élément majeur.
Je ne reviens pas sur le tourisme, car je suis convaincu que, dans les zones de
moyenne montagne en particulier - et je souhaite pouvoir vous le montrer un
jour dans un département comme la Lozère -, il est un
élément de vie et d'aménagement, à la condition
qu'il recouvre une réalité, que l'on trouve dans ces territoires
à la fois de l'agriculture, des activités commerciales et
artisanales, vous l'avez dit ; je retiens pour ma part le terme de
« génie local ».
Quant aux transports, seuls les problèmes transfrontaliers ont
été évoqués. Je considère que la route
nationale 88, qui représente un désenclavement est-ouest du
Massif central venant compléter l'axe nord-sud de l'autoroute A75, est
un élément majeur d'une politique de la montagne dans le Massif
central. Tous les élus de la région sont même prêts
à participer à la réalisation de la section entre
Montpellier et Perpignan, c'est dire !
Mais la liaison Lyon-Turin nous intéresse aussi, car elle aura un impact
sur l'axe Montpellier-Perpignan-Barcelone !
Je reviendrai enfin d'un mot sur le multimodal, car nous sommes aujourd'hui les
seuls à disposer d'une vraie plate-forme multimodale, celle du
marché Saint-Charles à Perpignan. Certes, elle est
spécialisée dans le secteur des fruits et légumes, mais le
franchissement de montagne qu'elle permet a contribué à la
création d'un lien très fort entre la Catalogne du nord et la
Catalogne du sud. C'est donc là un élément essentiel.
M. Jean-Paul Amoudry -
Monsieur le ministre, j'aborderai très
brièvement cinq sujets, pour certains déjà
évoqués.
Le premier point concerne, dans le domaine de l'urbanisme, la construction en
continuité.
Il n'est pas dans les intentions de notre mission de dénoncer
l'équilibre difficile qui a été obtenu entre les
nécessités de la protection des espaces naturels et agricoles,
d'une part, et, d'autre part, l'objectif légitime d'un minimum de
développement.
Cet équilibre est difficile. Or, sans revenir sur les fondamentaux de
cette question, il nous semble important, comme le soulignait M. le
président à l'instant, de désamorcer autant que nous le
pouvons les conflits, les contentieux extravagants et énormes qui
surgissent, et d'essayer d'assainir, en somme, les relations entre
l'administration et les élus.
C'est pourquoi certains suggèrent de réécrire le
paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, ce
que, si nous avons bien compris, vous ne souhaitez pas
a priori
. Vous
semblez préférer l'interprétation,
l'expérimentation, sur la base des DTA ou des prescriptions
particulières de massif. Pourriez-vous nous préciser quelle
solution sera retenue, de façon que notre rapport soit
éclairé sur ce sujet : soit réécrire l'article
L. 145-3, soit procéder par circulaires ?
Mon deuxième souci concerne les UTN. Nous constatons que, si
légitime que soit l'appréciation de la validité
économique d'un grand projet, de nombreux abus, et je pèse mes
mots, sont actuellement commis par l'administration. J'en citerai deux.
Nous avons dans ma région une piste de ski de fond, un grand
itinéraire de plusieurs kilomètres, que nous souhaitons agrandir
en créant une excroissance en continuité avec l'existant. Eh
bien, on demande une UTN, au motif que nous sommes en site vierge !
Autre exemple, celui d'une UTN qui concerne la densification d'une station
importante et reconnue ; dans ce cas particulier, l'administration exige
qu'un arrêté de biotope soit instruit et signé à
l'autre extrémité de la collectivité, à plusieurs
kilomètres à vol d'oiseau, ce qui semble n'avoir aucun lien.
Je voudrais donc savoir si l'appréciation de l'administration, dont le
principe n'est pas remis en cause, ne doit pas obéir à un certain
nombre de critères, de règles du jeu, comme le fait notre action
lorsque, en tant qu'élus locaux, nous instruisons un dossier.
Le troisième point concerne l'article 53 et la neige de culture.
J'avais adressé à votre prédécesseur une question
écrite visant à savoir comment aménager cet article afin
de permettre que la neige de culture et ses installations puissent
bénéficier de servitudes. Nous avons compris à vos propos
que, en l'état actuel du droit, une telle démarche n'était
pas possible et qu'il fallait modifier la loi. Nous étudierons donc
cette question.
Le quatrième point concerne ce que nous avons appelé le
« plan de sauvetage des stations » - le terme est quelque
peu trivial. Nous pensons bien que c'est essentiellement aux régions et
aux départements de venir aujourd'hui au secours de ces secteurs, qui
tendent à devenir des friches. L'État pourrait-il, sous la forme
d'accompagnements fiscaux par exemple, soutenir cet effort, dans le cadre d'un
esprit partenarial ? Car c'est bien lui qui était à
l'origine de ces stations dont on a trop tendance à dénoncer
aujourd'hui le lancement trop imprudent.
Ma question suivante concerne la viabilité hivernale qui, je le sais, ne
relève pas directement du législateur. Toutefois, je voudrais ici
me faire l'écho des très nombreuses collectivités qui ont
le plus grand mal à appliquer les récentes mesures prises pour
régler les problèmes relatifs aux conditions de travail des
personnels, en particulier des personnels de déneigement.
Ce que nous demandons simplement, c'est que l'Etat français veuille bien
appliquer en la matière la directive européenne, ni plus ni
moins, tout en tenant compte des possibilités d'assouplissement que
prévoit cette directive. Ne soyons pas plus européens que
l'Europe !
Enfin, il est un dernier point sur lequel je voudrais vous interroger, monsieur
le ministre, je veux parler de la traversée des Vosges. Pouvez-vous nous
dire si des perspectives de délestage des itinéraires
traversés de certains villages vosgiens sont envisagées au sein
de votre ministère ?
M. Gilles de Robien -
Au sujet de la DTA, je rappelle que le grand
principe d'urbanisation en continuité est un principe fondamental en
matière d'urbanisme, tout particulièrement en zone de montagne.
Par conséquent, si un assouplissement était possible, il devrait
soit être subordonné à l'existence d'un document cadre, par
exemple, une prescription particulière de massif, soit être soumis
à un avis conforme de l'Etat s'il n'y a pas de pression urbaine forte y
compris pour les résidences secondaires.
Concernant la notion de construction en continuité, c'est une notion
effectivement complexe et qui donne lieu à diverses
interprétations. Or je rappelle que le Sénat, dans son rapport,
avait constaté qu' « une jurisprudence abondante a
largement éclairé ces questions ». En d'autres termes,
il y a aujourd'hui moins de zones d'ombre dans ce domaine.
Il nous faut donc faire très attention à l'application du
principe de continuité et s'il doit y avoir assouplissement, celui-ci
doit se faire dans le cadre d'un texte qu'il s'agisse d'une prescription
particulière de massif ou d'un avis conforme. Là encore,
j'émets certaines réserves quant aux travaux menés en
relation avec le ministère de l'environnement.
M. Jean-Paul Alduy -
Je résumerai mon propos de la manière
suivante : il convient de raisonner simplement. Je m'explique. Dès
lors qu'un document d'urbanisme a été rédigé avec
les communes de certains massifs et les différents ministères
concernés - urbanisme, environnement, etc - je considère qu'il
doit être permis d'assouplir la règle de la discontinuité.
La jurisprudence dans ce domaine n'est ni faite ni à faire.
Il s'agit de régler des situations proprement grotesques et j'en
donnerai un seul exemple. Aujourd'hui, un maire qui se voit obliger de
construire un lotissement pour agrandir son village ou pour le
désenclaver, s'il ne veut pas avoir à sa petite échelle
une usine AZF comme à Toulouse, doit trouver un terrain non sensible. Or
on lui rétorque qu'il y a discontinuité. Il va donc falloir qu'il
construise des maisons jusqu'au terrain où il pourra installer son usine
polluante. C'est n'importe quoi !
Par conséquent, on voit bien que la seule solution est de fabriquer un
document d'urbanisme de planification intercommunale afin de régler ce
problème lancinant de la discontinuité.
M. Gilles de Robien -
Je suis assez d'accord avec M. Alduy mais
j'émettrai tout de même quelques réserves, car si cette
procédure se situe au seul niveau intercommunal, c'est un peu
limité. En revanche, l'idée selon laquelle il convient de faire
simple est une idée à retenir.
M. Pierre Jarlier
- En ce qui concerne la protection des paysages,
monsieur le ministre, il me semble que certaines règles vont
au-delà de la simple continuité concernant les
périmètres de protection autour des lacs et des hameaux,
notamment, et il m'apparaît que nous sommes aujourd'hui dans une
situation de blocage. C'est la raison pour laquelle on avait introduit ce
fameux article auquel vous avez fait référence tout à
l'heure sur la possibilité de constructions.
Pour ma part, je me demande si, à l'image de ce qui s'est fait pour les
constructions à proximité des routes à grande circulation
ou des autoroutes, l'on ne pourrait pas déroger à certaines
règles prévues dans le document d'urbanisme tout en maintenant,
bien entendu, la philosophie de ce dernier.
Partagez-vous ce sentiment, monsieur le ministre ?
M. Gilles de Robien -
Je partage totalement cette analyse, monsieur le
sénateur. Toutefois, cela mérite peut-être une expertise
afin d'examiner toute la pertinence juridique de votre proposition. En outre,
il est vrai que localement on est souvent plus respectueux encore de toutes les
données paysagères.
Pour ce qui est de la procédure UTN, je confirme qu'il faut l'assouplir
en faisant la part des petites unités et des grosses unités, de
celles qui nécessitent véritablement des procédures
lourdes et celles qui pourraient être allégées. Donc,
là aussi, je suis tout à fait d'accord pour faire preuve d'un peu
de souplesse.
Concernant la mise en oeuvre d'un « plan de sauvetage » des
stations, la réponse ne m'appartient pas tout à fait, sinon je
signerais tout de suite, vous le pensez bien.
Quel soutien fiscal pour une telle opération ? Comment ? Ces
questions méritent effectivement d'être posées en haut lieu
et peut-être même lors d'un prochain débat. Pourquoi
pas ?
S'agissant du personnel de déneigement, j'avoue ne pas encore
suffisamment connaître le sujet pour vous répondre.
M. Jean-Paul Amoudry -
Je voulais simplement ne pas perdre l'occasion de
votre audition, monsieur le ministre, pour soulever cette question tout
à fait d'actualité à la veille d'une saison de sport
d'hiver. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une question strictement
législative, j'en conviens, mais la réponse à cette
question au plan de la liberté de manoeuvre en montagne est
extrêmement attendue.
M. Gilles de Robien -
J'en viens au désenclavement vosgien pour
lequel des opérations ont été ou seront effectuées.
Le problème se pose d'abord sur la RN 66 où circulent beaucoup de
poids lourds et où les riverains se plaignent, à juste titre,
tout au long de cet itinéraire. Il s'agit donc ici de dévier les
transports routiers en transit par le nord et le sud des Vosges. Le
préfet a d'ailleurs pris des arrêtés afin de réduire
le nombre de poids lourds passant par le col de Bussang de 2 000 à 1 300
par jour ouvrable.
En ce qui concerne la fermeture du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, cela ne
doit sans doute pas faciliter la circulation dans cette région, mais
elle était rendue nécessaire par des raisons impérieuses
de sécurité.
On a observé sur la RN 415 un report au Col du Bonhomme avec
300 poids lourds par jour, c'est-à-dire 43 %
supplémentaires. Les travaux de remise en état de ce tunnel qui
sont concédés à la SAPRR sont programmés pour
débuter au début de l'année prochaine. Il reste toutefois
à clarifier des dispositions financières en relation avec la
commission, notamment une augmentation de la durée de la concession.
Enfin, je rappellerai brièvement les travaux sur la RN 4, entre
Lunéville et Phalsbourg, et sur la RN 59, entre Lunéville et
Sélestat.
M. Auguste Cazalet -
Monsieur le ministre, je vous ai
écouté avec beaucoup d'attention, surtout lorsque vous avez
parlé des Pyrénées. Toutefois, je n'ai rien entendu dans
vos propos concernant le grand projet Saragosse-Toulouse et j'aimerais savoir
si ce dernier est tombé dans les oubliettes.
S'agissant de la traversée des Pyrénées qui actuellement
ne se fait que d'ouest en est, c'est-à-dire par les
Pyrénées-Orientales et par le Pays Basque, certes le tunnel du
Somport devrait bientôt rouvrir, ce qui sera sans doute de nature
à résoudre le problème de l'augmentation du nombre de
véhicules. Cela dit, la traversée d'Oloron est loin d'être
réglée et nous nous demandons comment nous allons faire avec 11
000 véhicules prévus.
Par ailleurs, il me semble que vous êtes passé un peu vite sur la
liaison Langon-Pau qui, elle aussi, devrait voir un déferlement de
véhicules, mais qui contribuerait tout de même à
désengorger un peu l'axe Bordeaux-Bayonne qui est devenu infernal.
D'ailleurs, personnellement, en tant qu'élu des Pyrénées
Atlantiques, je refuse d'aller par la route à quelque manifestation que
ce soit dans la capitale de l'Aquitaine, Bordeaux. En effet, ma famille a
payé un lourd tribut à la route puisque trois de mes proches ont
été tués sur cet axe. Je suis donc devenu un fervent
défenseur du train pour me rendre à Bordeaux.
On va presque deux fois plus vite à Toulouse qu'à Bordeaux. C'est
pourquoi j'avais demandé que l'on rattache les
Pyrénées-Atlantiques à Toulouse, mais on m'en a
dissuadé fermement. Cependant, je vous le dis tout de même,
monsieur le ministre, tant ce problème me tient à coeur.
Alors on prétend sauver cette région en rouvrant la ligne de
chemin de fer Pau-Canfranc. Cela, je voudrais bien le voir avant de
mourir !
En résumé, monsieur le ministre, je suis très inquiet
quand j'entends parler de la traversée des Pyrénées et
c'est la raison pour laquelle je deviens un peu passionné quand on
aborde le sujet.
M. Gilles de Robien -
Il existe vraiment un consensus, monsieur le
sénateur, pour la voie rapide deux fois deux voies, évidemment
mieux sécurisée.
S'agissant de l'axe Langon-Pau, tous les élus réclament une voie
autoroutière. Par conséquent, croyez bien, monsieur le
sénateur, que ce souhait est défendu au sein de mon
ministère ; c'est même l'une des priorités
autoroutières à venir.
Quant à la traversée des Pyrénées, il faut rappeler
la forte volonté du gouvernement espagnol. J'ai rencontré tout
récemment l'ambassadeur d'Espagne en France qui m'a dit combien il
comptait sur nous pour mener des études dans ce domaine.
Or, à part les projets que j'ai cités, à savoir
Perpignan-Figueras ainsi que la réouverture du tunnel du Somport,
j'avoue qu'il n'y a pas grand-chose de prévu même si l'on peut
envisager une traversée supplémentaire à l'image du
Lyon-Turin, ce qui engage tout de même une dépense de quelque
10 milliards d'euros au minimum.
Certes, je comprends bien que cela soit une préoccupation pour le grand
Sud-Ouest et tout à l'heure j'ai cité M. Jean
François-Poncet qui, lui aussi, est partisan d'une liaison Nord-Sud
passant par le milieu des Pyrénées. Mais, aujourd'hui, je dois
à la vérité de dire qu'il n'existe pas de projet fort
avancé dans ce domaine, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas en
préparer pour les années à venir, monsieur Cazalet !
M. Jean Boyer
- Je ferai deux remarques, monsieur le ministre.
Tout d'abord, sur la nécessité de laisser aux
collectivités un peu plus de souplesse, il convient, dans ce domaine, me
semble-t-il, d'interpréter les textes avec bon sens ; je pense,
notamment, à la règle des cinquante mètres ou des cent
mètres pour la construction d'un bâtiment d'élevage.
Deuxième point. Vous savez, monsieur le ministre, qu'il existe tout
particulièrement dans nos zones de montagne des friches agricoles,
c'est-à-dire des bâtiments agricoles désaffectés.
Or, jusqu'à ces dernières années, ces bâtiments ne
pouvaient pas bénéficier de primes à l'amélioration
de l'habitat. La loi de décembre 2000 a permis de telles subventions.
Dès lors, pouvez-vous faire le point de l'application de cette loi, car,
aujourd'hui, les barrages sont si importants qu'il est pratiquement impossible
à un propriétaire de granges ou d'étables de transformer
celles-ci en bâtiments locatifs ?
M. Gilles de Robien -
Hélas, je n'ai pas de réponse
à votre question, monsieur le sénateur, mais je vous
suggère d'adresser à mon ministère une question
écrite pour que vous soyez tout à fait éclairé sur
ce point. Pour ma part, j'étais resté dans l'idée que la
transformation des bâtiments de ce type en bâtiments d'habitation
était possible grâce à un cofinancement de l'ANAH. C'est
pourquoi votre question m'étonne quelque peu.
M. Pierre Jarlier -
Pour compléter la question que vient de poser
notre collègue Jean Boyer, j'ajouterai qu'il existe une
difficulté majeure quant à la mise en oeuvre de cette loi de
décembre 2000, à savoir que la réhabilitation dont nous
parlons est assimilée à une construction ne
bénéficiant pas de la TVA à 5,5 % et d'un régime
fiscal moins intéressant.
M. Jean-Paul Amoudry
-
.
Nous vous remercions de vos
éclaircissements, monsieur le ministre.