49. Audition de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (25 septembre 2002)

M. Jacques Blanc, président - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

Notre mission a été créée à l'occasion de l'année internationale des montagnes, et nous nous sommes rendus dans l'ensemble des massifs montagneux et nous avons auditionné de nombreuses personnes.

Monsieur le ministre, nous allons vous écouter avec beaucoup d'intérêt et dans l'espoir que vous nous annoncerez une politique nouvelle dans le domaine de la montagne.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur - Monsieur le ministre, je vous remercie à mon tour de contribuer aux travaux de notre mission, travaux qui arrivent à leur terme. Depuis le mois d'avril, nous avons procédé à de nombreuses auditions et nous avions à coeur, avant d'achever notre rapport, de vous entendre sur des sujets variés, qui correspondent aux différentes disciplines dont votre ministère est en charge.

Nous vous avons adressé une liste de questions - non exhaustive, certains que nos collègues souhaiteront vous poser des questions complémentaires - qui se répartissent en trois catégories : les premières concernent l'urbanisme, les secondes le tourisme et, enfin, les dernières, les transports. Je vous propose donc, monsieur le ministre, de répondre à ces différentes questions.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer - Je vous remercie beaucoup de votre invitation. Je suis également ici pour apprendre, grâce à l'expérience de tous les membres chevronnés de votre mission. Comme vous me le suggérez, je commencerai donc par aborder les règles d'urbanisme.

Est-il possible d'aménager les règles d'urbanisme en montagne ? Les règles générales d'urbanisation en continuité s'appliquent évidemment plus rigoureusement en montagne qu'en plaine, où il est parfois possible d'implanter de nouvelles constructions en discontinuité lorsque les documents d'urbanisme le prévoient ou lorsque les délibérations du conseil municipal sont motivées.

La possibilité d'autoriser des constructions isolées pour éviter une diminution de la population communale résulte d'une disposition de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas en montagne. Son assouplissement, subordonné soit à l'existence d'un document-cadre, par exemple une prescription particulière de massif n'est pas totalement à exclure. L'idée d'une possibilité de dérogation soumise à un avis conforme de l'Etat dans certains cas limités, en l'absence de pression foncière, y compris pour les résidences secondaires, pourrait également être étudiée.

Est-il souhaitable de mieux définir la notion de construction en continuité dans la loi ? Cette notion, qui est très complexe, a été largement éclairée par une jurisprudence abondante, comme il en est d'ailleurs fait état dans le rapport du Sénat relatif au droit de l'urbanisme. Modifier la loi serait risquer d'introduire plus de rigidité. Une circulaire d'explication me semble donc préférable.

Quel pourrait être l'avenir des directives territoriales d'aménagement, les DTA ? Est-il pertinent de permettre aux prescriptions particulières de massifs d'assouplir les normes d'urbanisme ? Je rappelle qu'il est nécessaire de maintenir et de préserver les grands équilibres entre le développement et la protection de l'environnement. Ces grands équilibres paraissent impossibles à appréhender au simple niveau local, communal ou intercommunal. Des décisions ou des documents de niveau supérieur - le mot me gêne un peu - comme les DTA, créées par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, dite loi Pasqua-Hoeffel, ou les prescriptions particulières de massifs, créées par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, sont nécessaires.

A ce jour, aucune DTA n'a été approuvée. Ces documents, élaborés par l'Etat, sont un peu lourds. Ils doivent être soumis au Conseil d'Etat. De plus, un assouplissement des dispositions de la loi « Montagne » par de tels documents n'est pas possible. Il ne serait donc pas absurde que la loi prévoie des possibilités d'interprétation sous réserve qu'elle en fixe les limites, le contenu et les formes. Toutefois, dans ce cas encore, je pense qu'un tel assouplissement soulèverait des réserves, voire l'hostilité - aimable, bien sûr - du ministère de l'écologie et du développement durable.

Dans le cadre des expérimentations si souvent évoquées par le Premier ministre, ces documents pourraient ne plus émaner seulement de l'Etat, mais, par exemple, des élus régionaux, qui pourraient prendre en charge ce type de procédure. L'Etat ne devrait bien sûr, pas en être absent. Dans le même esprit, il existe aujourd'hui des schémas régionaux d'aménagement du territoire, les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, mais qu'ils ne sont pas opposables. Faut-il les rendre opposables ?

Faut-il réformer le régime des chalets d'alpage ? La vocation de chalet d'alpage est reconnue par les services de l'Etat à certaines constructions, souvent anciennes. Une fois cette reconnaissance obtenue, le permis de construire est ensuite, le cas échéant, accordé. Cette procédure pourrait être simplifiée.

Le risque existe que le bénéficiaire, une fois qu'il a obtenu son permis de construire, se retourne vers la commune et lui demande tous les types de raccordements aux réseaux publics que l'on est en droit d'exiger pour une habitation classique. Il faudrait donc peut être compléter la loi et prévoir un mécanisme de servitude administrative. Le raccordement ne doit pas être automatique.

J'émets toutefois une réserve : si ces chalets ne sont pas raccordés aux réseaux d'assainissement, s'ils ne disposent pas du tout-à-l'égout, des stations individuelles doivent alors être installées afin qu'ils ne soient pas à l'origine d'une source supplémentaire de pollution. Je pense que ce point est à négocier avec le ministre de l'écologie et du développement durable. L'absence de raccordement obligatoire pour la commune est en tout cas une piste de réflexion intéressante.

Peut-être le nom de chalet d'alpage prête-t-il un peu à confusion et fait-il sourire dans le cas de certaines opérations. On pourrait donc imaginer de changer ce nom et, par exemple, lui préférer le terme de « résidence d'été ».

Faut-il réformer la procédure des unités touristiques nouvelles, ou UTN  ? Celle-ci prévoit que les projets touristiques en zone de montagne doivent être soumis aux comités de massif. Il faut probablement revoir le champ d'application de cette procédure, alléger celle-ci et peut-être la déconcentrer. La notion d'UTN désigne en effet à la fois de très grosses et de très petites opérations. On pourrait donc imaginer une procédure plus proche du terrain pour les petits équipements.

Le Gouvernement a chargé une mission de hauts fonctionnaires de réfléchir aux adaptations possibles de cette procédure. Cette mission rendra ses conclusions le 15 octobre prochain. Ces dernières serviront de base à des propositions de modifications du code de l'urbanisme. Dans certains cas, la substitution d'un télésiège à deux téléskis ou le déplacement d'un pylône entrent dans le cadre de la procédure UTN, ce qui paraît tout à fait excessif, voire absurde. Ce qui compte, c'est la cohérence entre la capacité du domaine et la capacité d'accueil de la station, ou encore le respect des versants non desservis. Tout le monde s'accorde sur ces points.

Aujourd'hui, l'articulation entre les UTN et les SCOT n'est donc pas satisfaisante. En théorie, un SCOT permet de s'exonérer de la procédure UTN. En pratique, si un projet n'est pas explicitement prévu par un SCOT, il faut modifier ce dernier pour rendre le projet possible. Ainsi, on pourrait prévoir qu'un SCOT puisse fixer la localisation d'une UTN. Encore faut-il s'entendre sur le terme « grosse UTN » et sur le principe de l'inscription dans des enveloppes communales pour les petites UTN. Pour une UTN légère - si l'on peut dire - la conformité au SCOT pourrait ne pas être exigée.

Faut-il aménager le régime de servitude prévu à l'article 53 de la loi « Montagne » ? Cet article dispose que les propriétés privées peuvent être grevées d'une servitude destinée à assurer le passage de pistes de ski et de remontées mécaniques. Cette liste n'est peut-être plus adaptée. Elle est trop limitative puisque n'y figurent pas, par exemple, les canons à neige, qui alimentent certaines de ces pistes. Il semble donc logique d'adapter la loi. C'est raisonnablement possible si on le fait avec prudence.

Cette adaptation serait également peut-être l'occasion de prévoir une meilleure procédure d'information des propriétaires qui sont « victimes » de cette servitude et qui voient passer chez eux des remontées mécaniques. Si la liste de ces servitudes augmente, on pourrait également améliorer la procédure d'information et de concertation en amont.

Faut-il aménager le régime des communes soumises à la fois à la loi « Montagne » et à la loi «Littoral» ? Je rappelle que la loi «Littoral» s'applique également aux communes voisines de lacs de plus de mille hectares. S'agissant des communes riveraines de la mer qui entrent à la fois dans le champ d'application de la loi «Littoral» et dans celui de la loi « Montagne », le code de l'urbanisme prévoit que la loi «Littoral» prévaut dans les espaces proches du rivage. Or, cette disposition n'a pas été étendue aux communes qui jouxtent un lac d'une superficie supérieure à mille hectares, communes auxquelles la loi «Littoral» s'applique. Nous pensons qu'il s'agit là d'une erreur et que la loi peut être complétée. Concernant les petits lacs de montagne, les règles fixées par la loi sont peut-être un peu rigides, notamment s'agissant de la définition des périmètres. S'il convient évidemment de protéger ces espaces, peut-être pourrait-on, de manière extrêmement prudente, assouplir la loi.

J'en viens maintenant aux questions relatives au tourisme. Dispose-t-on de projections chiffrées relatives au développement du tourisme en montagne, et plus particulièrement en moyenne montagne ? En 2001, les Français âgés de plus de quinze ans ont effectué 160 millions de séjours comprenant au moins une nuitée hors de leur domicile, ce qui correspond, en tout, à 902 millions de nuitées. La montagne représente 14,4 % de ces séjours et 18,9 % de ces nuitées, soit 153 millions de nuitées. Par rapport aux autres destinations, cette part reste stable depuis 1994. La durée moyenne de séjour reste légèrement supérieure à une semaine.

Il est à noter toutefois que ces chiffres bruts sont en recul par rapport à ceux de 1994, année où l'on a enregistré, pour l'ensemble des destinations, 994 millions de nuitées, dont 196 millions pour la montagne.

L'hébergement marchand représente 62 % des modes d'hébergement. L'hébergement en hôtel représente seulement 14 % de ces 62 %. Les autres modes d'hébergement sont les locations, le camping, les clubs et les villages de vacances, qui progressent en parts de marché.

Le commissariat du Plan a confié à un groupe d'experts la mission d'éclairer les pouvoirs publics et les professionnels sur les grandes tendances du tourisme. Il ressort de son rapport, intitulé La prospective de la demande touristique à l'horizon 2010 , que le marché français des vacances de sports d'hiver est entré dans une phase de maturité, comme le révélait dès 1988 une étude SEMA-METRA. On assiste aujourd'hui à une phase de contraction de ce marché, la demande étant à peu près stabilisée.

Les sports de glisse sont aujourd'hui concurrencés par des pratiques plus douces, liées notamment à l'évolution démographique en Europe. Ainsi, en 2010, les plus de soixante ans seront aussi nombreux que les moins de vingt ans. Ils n'emprunteront probablement pas les mêmes pistes! En 2020, les plus de soixante ans constitueront 27 % de la population, tandis que les moins de 20 ans en représenteront 22 %.

On constate ensuite un lent retour à des valeurs essentielles du tourisme, à des vacances plus familiales, moins longues, davantage réparties dans l'année et moins sportives en termes de performances, ce qui ne veut pas du tout dire qu'elles sont inactives.

On constate encore une concurrence de plus en plus vive entre les marchés européens - qui tentent de conserver leur clientèle autochtone, qui risque donc de ne pas venir en France -ainsi que la recherche d'un confort immobilier plus familial, plus convivial, celle d'un urbanisme de station moins citadin, moins « béton », plus authentique et, enfin, une préférence pour les interconnexions de massifs skiables.

Quant au tourisme estival, il est très diffus, y compris en moyenne montagne, et il recoupe des activités diversifiées. Ce tourisme exige moins d'investissements lourds, mais des équipements de loisirs plus variés. La saison estivale ne constitue pas encore un appoint indispensable pour les opérateurs de grandes stations de sports d'hiver, mais elle tend quand même à devenir progressivement la condition de survie de nombreux sites, surtout en moyenne montagne, quand les atouts hivernaux des stations sont un peu modestes face à la fois aux exigences croissantes des clients et à la compétitivité des pays voisins.

C'est bien, semble-t-il, le tourisme hivernal et ses grandes tendances qui vont dicter la stratégie des grandes stations françaises de sports d'hiver. On peut toutefois s'interroger sur ce positionnement singulier en Europe, la plupart des grandes stations étrangères ayant, il faut le savoir, une activité vraiment significative en été. La France se situe un peu en deçà des moyennes européennes dans ce domaine.

A partir de ce constat, comment favoriser le développement du tourisme en montagne ? Je ne prétends évidemment pas détenir la vérité sur ce sujet, surtout face aux spécialistes que vous êtes, mais il convient d'abord de rappeler qu'il n'existe pas de développement type en montagne parce qu'il n'y a pas de montagne type. Les réponses ne peuvent donc être que très diversifiées.

On peut distinguer, d'une part, les secteurs qui bénéficient d'un développement économique important, d'activités touristiques d'envergure et d'une attractivité urbaine forte et, d'autre part, ceux qui sont en voie de désertification, dont l'armature urbaine et l'économie sont plutôt faibles et dont, par conséquent, les ressources touristiques sont modestes. Ces différences sont essentielles pour apprécier le potentiel de développement touristique des territoires, à l'exception de celui des zones de sports d'hiver, qui exigent un contexte géographique et climatique particuliers. Ces zones, il faut le rappeler, ne constituent que 2 % de l'espace en montagne.

Il paraît difficile de développer une activité touristique dans un territoire déserté par ses habitants permanents. La majorité des touristes considèrent de plus en plus qu'une montagne habitée est un lieu plus accueillant. Ils ont en effet besoin de services, de commerces de proximité et de convivialité. Le tourisme dépend donc en grande partie de la qualité de la vie offerte sur un territoire. Les touristes ne veulent plus d'un équipement installé au milieu d'un désert.

La France a développé dans le domaine des sports d'hiver une économie très efficace si l'on en juge par le nombre d'emplois créés dans ce secteur et par la contribution de celui-ci à la balance des paiements, ce dont nous nous félicitons. Les sports d'hiver figurent toujours parmi les meilleures activités touristiques françaises en termes de retombées économiques par touriste. Vous savez que la France est la première destination touristique, mais qu'elle n'est que la quatrième puissance s'agissant de la somme dépensée par touriste. Je pense que les sports d'hiver contribuent à faire remonter cette moyenne.

Le marché des sports d'hiver n'est pas extensible à l'infini. Toutes les études prospectives indiquent une tendance à la stabilisation. Il faut donc raisonnablement viser le maintien de la compétitivité de l'offre française pour éviter son dépérissement. Cet objectif, loin d'être modeste, nécessite une forte mobilisation des acteurs du secteur. Celle-ci passe par un effort en faveur de la rénovation des hébergements, notamment de celle des meublés de tourisme ; par le développement de l'offre hôtelière, qui est très limitée dans les stations de sports d'hiver alors que la demande de séjours, pas nécessairement calés sur la semaine, est croissante ; par l'adaptation permanente, grâce à un niveau élevé d'investissement, des domaines skiables aux évolutions des attentes de la clientèle en matière de remontées mécaniques et de travail de la neige ; enfin, par l'amélioration des espaces publics, qui sont vraiment une composante importante de l'image des stations.

On voit en effet combien, même en dehors des zones de montagne, les centres-bourgs et les centres-villes sont des éléments très importants de l'image, et donc de l'attractivité, d'un lieu de vie. C'est donc aussi vrai pour les stations de sports d'hiver.

En résumé, le maintien de la compétitivité des stations de sports d'hiver passe vraiment par une démarche « qualité » de tous les acteurs, de tous les services et de tous les commerces de ce secteur. La réussite ne peut donc être que collective.

Le tourisme estival, dont j'ai brièvement parlé tout à l'heure, est très dispersé dans l'ensemble des espaces de montagne. Les enjeux dans ce secteur sont eux aussi la qualité et la diversité des hébergements ainsi que l'accessibilité de l'offre. Mais le paysage, l'équilibre entre les espaces ouverts - tels les prés, les landes ou les terres - les bois, les forêts, les réseaux aériens, la publicité et, plus généralement, tout ce qu'un territoire donne à voir, sont aussi des enjeux. La maîtrise homogène du paysage dans un territoire est un excellent indicateur de la volonté de développer une activité touristique.

Pour ce qui est de la moyenne montagne, le tourisme peut certainement y constituer une ressource durable pour de nombreux territoires à condition que les habitants permanents acceptent de vivre leur territoire comme touristique et qu'ils se fassent à l'idée que le tourisme peut être une source de développement importante.

J'ai eu l'occasion et le plaisir de rendre visite récemment à M. Jean François-Poncet. Certes, ce n'est pas un territoire de grande montagne,...

M. Jacques Blanc - C'est la vallée du Lot !

M. Gilles de Robien - Oui, mais on est encore dans le département de la Haute-Garonne, et M. François-Poncet disait lui-même que le Lot est encore plus beau que la Haute-Garonne ! Et je ne parle pas de la Lozère, bien entendu.

Au cours de ce déplacement, j'ai été frappé de la façon dont le volet touristique était pris en compte par la population elle-même. J'ai même, dans mon point de presse, appelé cela le « génie local » : savoir reconvertir une population en population d'accueil, que ce soit pour le tourisme local ou pour le tourisme fluvial, c'est une vraie réussite. Jean François-Poncet a même trouvé pour son département une labellisation, en quelque sorte, qu'il appelle maintenant la « Toscane française ». C'est dire à quel point on peut aller loin dans la comparaison.

Ce n'est pas un texte qui peut imposer une telle attitude. Je pense au contraire que l'attitude des élus et des acteurs locaux peut convertir une population et l'amener à être réceptive au tourisme en moyenne montagne.

Évidemment, l'hébergement et les paysages ne suffisent pas dans les territoires qui n'ont pas de vocation touristique : il y faut des structures adaptées au développement touristique, il y faut aussi une « culture » touristique.

Vous avez souhaité que je me prononce sur la mise en oeuvre d'un « plan de sauvetage » des stations de basse altitude. Je le ferai bien volontiers, même si cela doit m'amener à introduire un petit bémol dans cet exposé.

C'est dans les années soixante qu'est née l'idée de créer de petites stations familiales à partir de villages existants, et c'était certainement une excellente idée. Ces stations avaient pour vocation de constituer des réservoirs de skieurs qui fréquenteraient ensuite les stations plus grandes ; elles devaient ainsi permettre de revitaliser des zones menacées de désertification.

Aujourd'hui, on constate que l'enneigement variable d'une année à l'autre et d'un massif à l'autre entraîne chez les clients un certain désintérêt pour ce type de tourisme, pour ces stations de basse altitude. Il faut reconnaître aussi que les équipements ont pris un « coup de vieux » et que les coûts d'entretien se font de plus en plus lourds, alors que les installations sont somme toute relativement modestes et que les frais sont supportés par des ensembles forcément moins importants que dans de grandes stations. Dans ce contexte, il paraît quelque peu difficile de parler de sauvetage : ce serait une solution miraculeuse.

Si le concept de sauvetage doit être manié avec prudence, il faut cependant examiner comment pourrait être maintenu un produit touristique qui a son utilité mais qui, dans sa forme actuelle, ne correspond plus aux attentes.

Sans vouloir aucunement laisser ce problème aux seuls élus locaux, je crois qu'il convient que les collectivités locales fassent l'une après l'autre l'état des lieux de chacun des sites, que de vrais diagnostics soient posés et que, courageusement, on se reconcentre sur des sites moins nombreux mais auxquels serait donnée une nouvelle chance, en même temps que seraient examinées des possibilités de reconversion et, peut-être, de solidarité entre diverses stations. Quoi qu'il en soit, nous estimons nous aussi très difficile aujourd'hui de sauver l'esprit dans lequel ces stations ont été créées il y a une quarantaine d'années.

J'en viens aux transports. Vous appuyant sur le rapport Brossier, vous posez la question de savoir ce qu'il se passera en 2010, avec notamment la dimension suisse, qui permettrait, le cas échéant, de détourner une partie du trafic.

Depuis l'accident tragique du tunnel du Mont-Blanc, la question ne se pose plus exactement dans les mêmes termes. Dans tous les débats publics, dans toutes les déclarations s'exprime à l'égard des pouvoirs publics une très forte demande, qui se fait de plus en plus insistante, pour que les poids lourds soient transférés sur le fer. Tout le monde trouve cette solution miraculeuse, mais c'est une solution lourde, c'est une solution chère, même si, bien entendu, elle est attrayante.

Pourtant, vous avez pu constater que, lors de la fermeture du Mont-Blanc, la totalité du trafic a pu être reportée sur le Fréjus, où passaient à cette époque-là 1 550 000 poids lourds par an. Je ne dis pas que c'est une bonne solution, c'est un simple constat.

Selon les projections, il faudra gérer en 2010 environ 2 250 000 poids lourds par an. De façon très brutale - et je ne dis pas, là non plus, que ce serait la solution la plus souhaitable -, on pourrait soutenir que, en théorie, le Mont-Blanc et le Fréjus pourront absorber ce trafic, qui ne représente jamais, si je puis dire, que 3 100 poids lourds par jour pour chacun des tunnels.

Bien entendu, c'est localement inacceptable, compte tenu des nuisances de tous types associées aux poids lourds. C'est pourquoi, au-delà des mesures prises par les Suisses - qui soulageront nos franchissements dans des proportions qui pourraient être de l'ordre de 10 % ou 20 % -, l'objectif est de nous orienter de toute façon vers une politique volontariste dans le domaine du ferroutage.

Tel est le sens de l'expérimentation qui sera mise en place, dès le début de 2003, entre Aiton et Orbassano. Il nous faudra observer si ce service, qui repose sur l'utilisation du wagon sur-baissé Modalohr, est capable d'attirer une clientèle suffisante - car il est bien beau de faire une offre si personne n'en veut ! - pour lui permettre d'enclencher un cycle de développement vertueux du ferroutage. Il faudra bien sûr améliorer ce service en mettant au gabarit B+ les tunnels ferroviaires de la ligne historique.

L'effet suisse jouera, mais, pour être clair, nous plaçons beaucoup d'espoirs dans le tunnel du Mont-Cenis au gabarit B+ ; mais il faudra aussi réaliser d'autres tunnels, notamment celui de la Chartreuse.

L'accident du Mont-Blanc a obligé à repenser la conception des tunnels ; c'est d'ailleurs l'objet de l'instruction ministérielle du 25 août 2000. Dès lors que les mesures que contient celle-ci sont appliquées, il n'y a pas de raison technique - je dis bien : technique - de réduire le trafic routier dans les tunnels aujourd'hui. Vous savez que, au Mont-Blanc, des précautions particulières ont été prises qui sont consignées dans le règlement de circulation.

On observe bien sûr, j'y reviendrai tout à l'heure, que le trafic s'est considérablement réduit au Mont-Blanc. Quittant les Alpes, j'évoquerai le tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, dans les Vosges, qui est lui aussi fermé, aujourd'hui, compte tenu de sa vétusté et des travaux de remise à niveau qui sont programmés pour le début de l'année prochaine. Depuis mars 2000, le trafic y est quasi nul.

Comme vous le voyez, l'objectif est non pas de réduire le trafic pour le réduire, mais d'assurer un haut niveau de sécurité pour les usagers qui emprunteront les tunnels.

Je ferai le point du trafic routier dans le tunnel du Mont-Blanc avant et après l'accident, ce qui me permettra de vous apporter des chiffres extrêmement récents.

Depuis la mise en service du tunnel du Mont-Blanc jusqu'en 1993, le trafic a connu une très forte progression, avec un point culminant à 835 000 poids lourds par an, c'est-à-dire 2 300 par jour. Puis il a décru au profit du tunnel du Fréjus, pour être dépassé par ce dernier à partir de 1996. En 1998, le trafic aux tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus était à peu près équilibré, avec 2 150 poids lourds par jour.

Le 25 juin 2002, le tunnel a été rouvert aux véhicules de plus de 3,5 tonnes, notamment pour respecter un engagement qui avait été pris vis-à-vis de l'Italie, puisqu'il s'agissait d'un accord international. Après une première phase de progression, on constate aujourd'hui une stagnation du trafic des poids lourds, avec une moyenne d'environ 500 par jour ouvrable. On est donc très loin des 3 000 de pointe, mais aussi de l'objectif que nous nous étions fixé à la réouverture, qui était de répartir le trafic entre les deux tunnels dans la proportion de 35 % pour le Mont-Blanc et 65 % pour le Fréjus. Pour atteindre ces 35 %, il faudrait 1 700 poids lourds par jour. Or, lundi dernier - ce sont les chiffres récents que je voulais vous communiquer -, le Fréjus a vu passer 4 170, contre 600 au Mont-Blanc. Depuis la rentrée, le lundi, qui est pourtant le bon jour, le tunnel du Mont-Blanc réalise 12 % de parts du marché, les autres jours, plutôt 10 %.

La situation devient donc préoccupante et gênante pour la vallée de la Maurienne, qui supporte 90 % du trafic. Elle est préoccupante également pour la viabilité financière de l'exploitant du tunnel, qui ne voit pas ses péages augmenter.

Les prochains mois, qui seront plus représentatifs d'un mois normal, seront donc très importants à cet égard. J'ai rencontré il y a huit jours M. Lunardi, ministre italien des transports, et nous sommes tombés d'accord pour nous donner les mois de septembre et d'octobre pour faire le point pour comprendre cette répartition. En effet, un sommet franco-italien se tiendra au tout début du mois de novembre au cours duquel la question sera inévitablement évoquée. Il faudra alors que nous puissions apporter des réponses à cette situation insatisfaisante : quels sont les impacts des travaux de la route nationale 205, de l'alternat dans le tunnel. Il faudra à ce moment-là disposer d'un état des lieux pour savoir s'il faut décompresser, décongestionner, donner des signes volontaristes en matière de rééquilibrage.

Le trafic routier nous mène directement au trafic ferroviaire avec le fameux projet de liaison Lyon-Turin. Je vous rappelle - mais est-ce nécessaire ? - qu'il fait partie des quatorze projets européens d'infrastructures classés prioritaires depuis le sommet d'Essen, en 1994. Il est destiné aux voyageurs et au fret. La partie française de la ligne nouvelle a fait l'objet d'un important programme d'études. L'avant-projet sommaire de la section Lyon - sillon alpin a été approuvé en mars 2002, et RFF met actuellement au point celui du tunnel de la Chartreuse. Des consultations locales sont organisées ou le seront très prochainement par le préfet de région sur ces études préliminaires d'acheminement des marchandises entre Lyon-Ambérieu et le massif de la Chartreuse.

Pour ce qui est de la partie internationale, je rappelle qu'à Turin, le 29 janvier 2001, la France et l'Italie ont pris l'engagement de réaliser cette nouvelle liaison ferroviaire et ont défini les modalités de mise en oeuvre de la première phase, avec un nouveau programme d'études et la réalisation des galeries de reconnaissance, que l'on appelle des « descenderies », dans un accord signé au cours du sommet, dont l'approbation a été autorisée par le Parlement avec l'adoption de la loi du 28 février 2002. Cette première phase est évaluée à 371 millions d'euros, pris en charge à parité par la France et l'Italie, avec un concours de l'Union européenne.

Où en sommes-nous des travaux ?

Les travaux des ouvrages de reconnaissance ont débuté au printemps, et la descenderie de Modane est en cours. Ils se poursuivront en 2003. Les crédits de la descenderie de Saint-Martin-de-la-Porte, il est important de le souligner, ont été débloqués.

En termes de coûts, la part française s'élèverait à 3 milliards d'euros hors taxes - il s'agit seulement d'un ordre de grandeur. Il faut y ajouter tout ce qui permet de relier le tunnel au réseau ferroviaire au voisinage de Lyon, soit la ligne à grande vitesse Lyon - sillon alpin, pour 1,8 milliard d'euros hors taxes ; l'acheminement du fret jusqu'à la Chartreuse, pour 0,6 milliard d'euros hors taxes ; le tunnel de la Chartreuse, pour 1,8 milliard d'euros hors taxes ; l'accès au tunnel de base pour 1,7 milliard d'euros hors taxes. On parvient, en faisant les additions, à près de 9 milliards d'euros, auxquels il faut également ajouter le contournement fret de Lyon, qui représente 1,5 milliard d'euros. L'ordre de grandeur total est donc de 10 milliards d'euros.

Le projet Lyon-Turin est bien sûr visé par l'audit qui a été confié au Conseil général des ponts, secondé par la DATAR, audit qui permettra de replacer ce projet par rapport à tous les autres et qui devrait être rendu à la fin de cette année.

Il reviendra ensuite au Gouvernement de proposer un programme global de réalisation des infrastructures, après un débat au Parlement, qui disposera des résultats de l'audit. Ces deux éléments, l'audit et le débat au Parlement, permettront donc d'avoir des idées plus claires sur la réalisation de ce projet.

J'en viens maintenant à la vallée d'Aspe, qui a tout votre intérêt.

Les travaux du tunnel du Somport seront bientôt achevés. On en est actuellement à l'étude du règlement de sécurité. Tout ceci doit intervenir avant la fin de 2002, et peut-être l'inauguration aura-t-elle lieu avant la fin de l'année ou tout au début de l'année prochaine.

Il est également prévu de moderniser la route nationale 134, qui traverse la vallée d'Aspe. Les aménagements envisagés, avec une voie supplémentaire pour les poids lourds dans les sections à forte pente et le contournement des villages, sont compatibles avec les orientations des schémas multimodaux de services collectifs de transport.

Sur les quarante-six kilomètres qui séparent Oloron-Sainte-Marie de l'entrée du tunnel, vingt ont été aménagés au cours des trois précédents contrats de plan Etat-région, huit sont aujourd'hui en cours de réalisation, douze en sont au stade des études techniques. Seuls six kilomètres restent à étudier, et il n'y aurait plus de traversée de village.

Actuellement, le trafic sur la route nationale 134 en vallée d'Aspe varie de 6 200 véhicules par jour aux abords d'Oloron-Sainte-Marie à 800 véhicules par jour au tunnel du Somport.

Les prévisions, qui prennent en compte la réalisation d'une liaison rapide à deux fois deux voies entre Langon et Pau, confirment que la route nationale 134 n'a pas vocation à être le support d'un itinéraire de grand transit routier international. A l'horizon 2020, l'augmentation du trafic en vallée d'Aspe sera sensible, mais restera compatible asvec la capacité de la RN 134 réaménagée, avec un trafic estimé à 11 000 véhicules par jour aux abords d'Oloron et à 2 600 véhicules par jour au tunnel du Somport.

A titre de comparaison, ce chiffre à l'horizon de vingt ans est voisin des chiffres actuels sur la route départementale 20 à Ainhoa-Dancharia, avec 2 500 véhicules par jour, et sur la route nationale 125 à Fos, avec 3 100 véhicules par jour. Il représente un cinquième du trafic actuel sur la route nationale 10 à Urrugne - 13 100 véhicules jour - et un huitième du trafic sur l'autoroute A9 au Boulou.

Vous m'interrogez également sur le gel de certains crédits dans le cadre de la politique de maîtrise des dépenses publiques.

Dans les crédits pour 2002 qui ont été gelés, la part imputée sur les conventions interrégionales de massif représente aujourd'hui 31,7 millions d'euros, soit environ 10 % du montant total du gel portant sur les crédits d'investissement routier.

Il s'agit principalement d'opérations dont les travaux n'ont pas commencé et qui, bien entendu, seront reprogrammés dès le début de l'année 2003.

M. Jacques Blanc - Nous n'avons pas posé de question sur le franchissement des Pyrénées, puisque nous pensons que Perpignan-Figueras est acquis.

M. Gilles de Robien - Oui.

M. Jacques Blanc  - Peut-être serait-il néanmoins opportun que vos services nous communiquent quelques éléments d'information sur l'évolution des trafics routier et autoroutier pour le passage des Pyrénées au Perthus, afin que le rapport puisse en faire état. Nous pourrions ainsi compléter l'éclairage de la question du tunnel du Somport. Il faut également rappeler que le tunnel du Puymorens, qui est en service, permet des franchissements dans notre région.

Par ailleurs, nous considérons que les problèmes d'urbanisme sont des problèmes majeurs. Je suis frappé de constater que, dans tous les massifs, les élus, quelle que soit leur étiquette ou leur expérience, perçoivent des blocages qui ne se justifient pas par une préoccupation environnementale.

L'objectif de notre rapport est au contraire d'indiquer que la nouvelle politique de la montagne, en s'intégrant dans le grand mouvement de développement durable, peut parvenir à l'équilibre entre développement et protection de l'environnement, et que les processus d'urbanisme aboutissent aujourd'hui à des situations figées et à de graves incompréhensions entre certains élus et des responsables d'associations. Or nous souhaitons contribuer à surmonter ce blocage.

Tout ce qui permettra non pas d'abandonner la protection de l'environnement, mais de la concilier avec le développement, et donc de nous inscrire dans le développement durable, me semble être un élément majeur.

Je ne reviens pas sur le tourisme, car je suis convaincu que, dans les zones de moyenne montagne en particulier - et je souhaite pouvoir vous le montrer un jour dans un département comme la Lozère -, il est un élément de vie et d'aménagement, à la condition qu'il recouvre une réalité, que l'on trouve dans ces territoires à la fois de l'agriculture, des activités commerciales et artisanales, vous l'avez dit ; je retiens pour ma part le terme de « génie local ».

Quant aux transports, seuls les problèmes transfrontaliers ont été évoqués. Je considère que la route nationale 88, qui représente un désenclavement est-ouest du Massif central venant compléter l'axe nord-sud de l'autoroute A75, est un élément majeur d'une politique de la montagne dans le Massif central. Tous les élus de la région sont même prêts à participer à la réalisation de la section entre Montpellier et Perpignan, c'est dire !

Mais la liaison Lyon-Turin nous intéresse aussi, car elle aura un impact sur l'axe Montpellier-Perpignan-Barcelone !

Je reviendrai enfin d'un mot sur le multimodal, car nous sommes aujourd'hui les seuls à disposer d'une vraie plate-forme multimodale, celle du marché Saint-Charles à Perpignan. Certes, elle est spécialisée dans le secteur des fruits et légumes, mais le franchissement de montagne qu'elle permet a contribué à la création d'un lien très fort entre la Catalogne du nord et la Catalogne du sud. C'est donc là un élément essentiel.

M. Jean-Paul Amoudry - Monsieur le ministre, j'aborderai très brièvement cinq sujets, pour certains déjà évoqués.

Le premier point concerne, dans le domaine de l'urbanisme, la construction en continuité.

Il n'est pas dans les intentions de notre mission de dénoncer l'équilibre difficile qui a été obtenu entre les nécessités de la protection des espaces naturels et agricoles, d'une part, et, d'autre part, l'objectif légitime d'un minimum de développement.

Cet équilibre est difficile. Or, sans revenir sur les fondamentaux de cette question, il nous semble important, comme le soulignait M. le président à l'instant, de désamorcer autant que nous le pouvons les conflits, les contentieux extravagants et énormes qui surgissent, et d'essayer d'assainir, en somme, les relations entre l'administration et les élus.

C'est pourquoi certains suggèrent de réécrire le paragraphe III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, ce que, si nous avons bien compris, vous ne souhaitez pas a priori . Vous semblez préférer l'interprétation, l'expérimentation, sur la base des DTA ou des prescriptions particulières de massif. Pourriez-vous nous préciser quelle solution sera retenue, de façon que notre rapport soit éclairé sur ce sujet : soit réécrire l'article L. 145-3, soit procéder par circulaires ?

Mon deuxième souci concerne les UTN. Nous constatons que, si légitime que soit l'appréciation de la validité économique d'un grand projet, de nombreux abus, et je pèse mes mots, sont actuellement commis par l'administration. J'en citerai deux.

Nous avons dans ma région une piste de ski de fond, un grand itinéraire de plusieurs kilomètres, que nous souhaitons agrandir en créant une excroissance en continuité avec l'existant. Eh bien, on demande une UTN, au motif que nous sommes en site vierge !

Autre exemple, celui d'une UTN qui concerne la densification d'une station importante et reconnue ; dans ce cas particulier, l'administration exige qu'un arrêté de biotope soit instruit et signé à l'autre extrémité de la collectivité, à plusieurs kilomètres à vol d'oiseau, ce qui semble n'avoir aucun lien.

Je voudrais donc savoir si l'appréciation de l'administration, dont le principe n'est pas remis en cause, ne doit pas obéir à un certain nombre de critères, de règles du jeu, comme le fait notre action lorsque, en tant qu'élus locaux, nous instruisons un dossier.

Le troisième point concerne l'article 53 et la neige de culture. J'avais adressé à votre prédécesseur une question écrite visant à savoir comment aménager cet article afin de permettre que la neige de culture et ses installations puissent bénéficier de servitudes. Nous avons compris à vos propos que, en l'état actuel du droit, une telle démarche n'était pas possible et qu'il fallait modifier la loi. Nous étudierons donc cette question.

Le quatrième point concerne ce que nous avons appelé le « plan de sauvetage des stations » - le terme est quelque peu trivial. Nous pensons bien que c'est essentiellement aux régions et aux départements de venir aujourd'hui au secours de ces secteurs, qui tendent à devenir des friches. L'État pourrait-il, sous la forme d'accompagnements fiscaux par exemple, soutenir cet effort, dans le cadre d'un esprit partenarial ? Car c'est bien lui qui était à l'origine de ces stations dont on a trop tendance à dénoncer aujourd'hui le lancement trop imprudent.

Ma question suivante concerne la viabilité hivernale qui, je le sais, ne relève pas directement du législateur. Toutefois, je voudrais ici me faire l'écho des très nombreuses collectivités qui ont le plus grand mal à appliquer les récentes mesures prises pour régler les problèmes relatifs aux conditions de travail des personnels, en particulier des personnels de déneigement.

Ce que nous demandons simplement, c'est que l'Etat français veuille bien appliquer en la matière la directive européenne, ni plus ni moins, tout en tenant compte des possibilités d'assouplissement que prévoit cette directive. Ne soyons pas plus européens que l'Europe !

Enfin, il est un dernier point sur lequel je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, je veux parler de la traversée des Vosges. Pouvez-vous nous dire si des perspectives de délestage des itinéraires traversés de certains villages vosgiens sont envisagées au sein de votre ministère ?

M. Gilles de Robien - Au sujet de la DTA, je rappelle que le grand principe d'urbanisation en continuité est un principe fondamental en matière d'urbanisme, tout particulièrement en zone de montagne.

Par conséquent, si un assouplissement était possible, il devrait soit être subordonné à l'existence d'un document cadre, par exemple, une prescription particulière de massif, soit être soumis à un avis conforme de l'Etat s'il n'y a pas de pression urbaine forte y compris pour les résidences secondaires.

Concernant la notion de construction en continuité, c'est une notion effectivement complexe et qui donne lieu à diverses interprétations. Or je rappelle que le Sénat, dans son rapport, avait constaté qu' « une jurisprudence abondante a largement éclairé ces questions ». En d'autres termes, il y a aujourd'hui moins de zones d'ombre dans ce domaine.

Il nous faut donc faire très attention à l'application du principe de continuité et s'il doit y avoir assouplissement, celui-ci doit se faire dans le cadre d'un texte qu'il s'agisse d'une prescription particulière de massif ou d'un avis conforme. Là encore, j'émets certaines réserves quant aux travaux menés en relation avec le ministère de l'environnement.

M. Jean-Paul Alduy - Je résumerai mon propos de la manière suivante : il convient de raisonner simplement. Je m'explique. Dès lors qu'un document d'urbanisme a été rédigé avec les communes de certains massifs et les différents ministères concernés - urbanisme, environnement, etc - je considère qu'il doit être permis d'assouplir la règle de la discontinuité. La jurisprudence dans ce domaine n'est ni faite ni à faire.

Il s'agit de régler des situations proprement grotesques et j'en donnerai un seul exemple. Aujourd'hui, un maire qui se voit obliger de construire un lotissement pour agrandir son village ou pour le désenclaver, s'il ne veut pas avoir à sa petite échelle une usine AZF comme à Toulouse, doit trouver un terrain non sensible. Or on lui rétorque qu'il y a discontinuité. Il va donc falloir qu'il construise des maisons jusqu'au terrain où il pourra installer son usine polluante. C'est n'importe quoi !

Par conséquent, on voit bien que la seule solution est de fabriquer un document d'urbanisme de planification intercommunale afin de régler ce problème lancinant de la discontinuité.

M. Gilles de Robien - Je suis assez d'accord avec M. Alduy mais j'émettrai tout de même quelques réserves, car si cette procédure se situe au seul niveau intercommunal, c'est un peu limité. En revanche, l'idée selon laquelle il convient de faire simple est une idée à retenir.

M. Pierre Jarlier - En ce qui concerne la protection des paysages, monsieur le ministre, il me semble que certaines règles vont au-delà de la simple continuité concernant les périmètres de protection autour des lacs et des hameaux, notamment, et il m'apparaît que nous sommes aujourd'hui dans une situation de blocage. C'est la raison pour laquelle on avait introduit ce fameux article auquel vous avez fait référence tout à l'heure sur la possibilité de constructions.

Pour ma part, je me demande si, à l'image de ce qui s'est fait pour les constructions à proximité des routes à grande circulation ou des autoroutes, l'on ne pourrait pas déroger à certaines règles prévues dans le document d'urbanisme tout en maintenant, bien entendu, la philosophie de ce dernier.

Partagez-vous ce sentiment, monsieur le ministre ?

M. Gilles de Robien - Je partage totalement cette analyse, monsieur le sénateur. Toutefois, cela mérite peut-être une expertise afin d'examiner toute la pertinence juridique de votre proposition. En outre, il est vrai que localement on est souvent plus respectueux encore de toutes les données paysagères.

Pour ce qui est de la procédure UTN, je confirme qu'il faut l'assouplir en faisant la part des petites unités et des grosses unités, de celles qui nécessitent véritablement des procédures lourdes et celles qui pourraient être allégées. Donc, là aussi, je suis tout à fait d'accord pour faire preuve d'un peu de souplesse.

Concernant la mise en oeuvre d'un « plan de sauvetage » des stations, la réponse ne m'appartient pas tout à fait, sinon je signerais tout de suite, vous le pensez bien.

Quel soutien fiscal pour une telle opération ? Comment ? Ces questions méritent effectivement d'être posées en haut lieu et peut-être même lors d'un prochain débat. Pourquoi pas ?

S'agissant du personnel de déneigement, j'avoue ne pas encore suffisamment connaître le sujet pour vous répondre.

M. Jean-Paul Amoudry - Je voulais simplement ne pas perdre l'occasion de votre audition, monsieur le ministre, pour soulever cette question tout à fait d'actualité à la veille d'une saison de sport d'hiver. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une question strictement législative, j'en conviens, mais la réponse à cette question au plan de la liberté de manoeuvre en montagne est extrêmement attendue.

M. Gilles de Robien - J'en viens au désenclavement vosgien pour lequel des opérations ont été ou seront effectuées.

Le problème se pose d'abord sur la RN 66 où circulent beaucoup de poids lourds et où les riverains se plaignent, à juste titre, tout au long de cet itinéraire. Il s'agit donc ici de dévier les transports routiers en transit par le nord et le sud des Vosges. Le préfet a d'ailleurs pris des arrêtés afin de réduire le nombre de poids lourds passant par le col de Bussang de 2 000 à 1 300 par jour ouvrable.

En ce qui concerne la fermeture du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines, cela ne doit sans doute pas faciliter la circulation dans cette région, mais elle était rendue nécessaire par des raisons impérieuses de sécurité.

On a observé sur la RN 415 un report au Col du Bonhomme avec 300 poids lourds par jour, c'est-à-dire 43 % supplémentaires. Les travaux de remise en état de ce tunnel qui sont concédés à la SAPRR sont programmés pour débuter au début de l'année prochaine. Il reste toutefois à clarifier des dispositions financières en relation avec la commission, notamment une augmentation de la durée de la concession.

Enfin, je rappellerai brièvement les travaux sur la RN 4, entre Lunéville et Phalsbourg, et sur la RN 59, entre Lunéville et Sélestat.

M. Auguste Cazalet - Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, surtout lorsque vous avez parlé des Pyrénées. Toutefois, je n'ai rien entendu dans vos propos concernant le grand projet Saragosse-Toulouse et j'aimerais savoir si ce dernier est tombé dans les oubliettes.

S'agissant de la traversée des Pyrénées qui actuellement ne se fait que d'ouest en est, c'est-à-dire par les Pyrénées-Orientales et par le Pays Basque, certes le tunnel du Somport devrait bientôt rouvrir, ce qui sera sans doute de nature à résoudre le problème de l'augmentation du nombre de véhicules. Cela dit, la traversée d'Oloron est loin d'être réglée et nous nous demandons comment nous allons faire avec 11 000 véhicules prévus.

Par ailleurs, il me semble que vous êtes passé un peu vite sur la liaison Langon-Pau qui, elle aussi, devrait voir un déferlement de véhicules, mais qui contribuerait tout de même à désengorger un peu l'axe Bordeaux-Bayonne qui est devenu infernal.

D'ailleurs, personnellement, en tant qu'élu des Pyrénées Atlantiques, je refuse d'aller par la route à quelque manifestation que ce soit dans la capitale de l'Aquitaine, Bordeaux. En effet, ma famille a payé un lourd tribut à la route puisque trois de mes proches ont été tués sur cet axe. Je suis donc devenu un fervent défenseur du train pour me rendre à Bordeaux.

On va presque deux fois plus vite à Toulouse qu'à Bordeaux. C'est pourquoi j'avais demandé que l'on rattache les Pyrénées-Atlantiques à Toulouse, mais on m'en a dissuadé fermement. Cependant, je vous le dis tout de même, monsieur le ministre, tant ce problème me tient à coeur.

Alors on prétend sauver cette région en rouvrant la ligne de chemin de fer Pau-Canfranc. Cela, je voudrais bien le voir avant de mourir !

En résumé, monsieur le ministre, je suis très inquiet quand j'entends parler de la traversée des Pyrénées et c'est la raison pour laquelle je deviens un peu passionné quand on aborde le sujet.

M. Gilles de Robien - Il existe vraiment un consensus, monsieur le sénateur, pour la voie rapide deux fois deux voies, évidemment mieux sécurisée.

S'agissant de l'axe Langon-Pau, tous les élus réclament une voie autoroutière. Par conséquent, croyez bien, monsieur le sénateur, que ce souhait est défendu au sein de mon ministère ; c'est même l'une des priorités autoroutières à venir.

Quant à la traversée des Pyrénées, il faut rappeler la forte volonté du gouvernement espagnol. J'ai rencontré tout récemment l'ambassadeur d'Espagne en France qui m'a dit combien il comptait sur nous pour mener des études dans ce domaine.

Or, à part les projets que j'ai cités, à savoir Perpignan-Figueras ainsi que la réouverture du tunnel du Somport, j'avoue qu'il n'y a pas grand-chose de prévu même si l'on peut envisager une traversée supplémentaire à l'image du Lyon-Turin, ce qui engage tout de même une dépense de quelque 10 milliards d'euros au minimum.

Certes, je comprends bien que cela soit une préoccupation pour le grand Sud-Ouest et tout à l'heure j'ai cité M. Jean François-Poncet qui, lui aussi, est partisan d'une liaison Nord-Sud passant par le milieu des Pyrénées. Mais, aujourd'hui, je dois à la vérité de dire qu'il n'existe pas de projet fort avancé dans ce domaine, ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas en préparer pour les années à venir, monsieur Cazalet !

M. Jean Boyer - Je ferai deux remarques, monsieur le ministre.

Tout d'abord, sur la nécessité de laisser aux collectivités un peu plus de souplesse, il convient, dans ce domaine, me semble-t-il, d'interpréter les textes avec bon sens ; je pense, notamment, à la règle des cinquante mètres ou des cent mètres pour la construction d'un bâtiment d'élevage.

Deuxième point. Vous savez, monsieur le ministre, qu'il existe tout particulièrement dans nos zones de montagne des friches agricoles, c'est-à-dire des bâtiments agricoles désaffectés. Or, jusqu'à ces dernières années, ces bâtiments ne pouvaient pas bénéficier de primes à l'amélioration de l'habitat. La loi de décembre 2000 a permis de telles subventions. Dès lors, pouvez-vous faire le point de l'application de cette loi, car, aujourd'hui, les barrages sont si importants qu'il est pratiquement impossible à un propriétaire de granges ou d'étables de transformer celles-ci en bâtiments locatifs ?

M. Gilles de Robien - Hélas, je n'ai pas de réponse à votre question, monsieur le sénateur, mais je vous suggère d'adresser à mon ministère une question écrite pour que vous soyez tout à fait éclairé sur ce point. Pour ma part, j'étais resté dans l'idée que la transformation des bâtiments de ce type en bâtiments d'habitation était possible grâce à un cofinancement de l'ANAH. C'est pourquoi votre question m'étonne quelque peu.

M. Pierre Jarlier - Pour compléter la question que vient de poser notre collègue Jean Boyer, j'ajouterai qu'il existe une difficulté majeure quant à la mise en oeuvre de cette loi de décembre 2000, à savoir que la réhabilitation dont nous parlons est assimilée à une construction ne bénéficiant pas de la TVA à 5,5 % et d'un régime fiscal moins intéressant.

M. Jean-Paul Amoudry - . Nous vous remercions de vos éclaircissements, monsieur le ministre.

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