51. Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable (8 octobre 2002)
M.
Jacques Blanc, président
Madame la Ministre, je me sens un peu
coupable, puisque notre réunion a lieu tardivement, mais nous tenions,
avant la présentation de notre rapport, à entendre le ministre en
charge de l'ensemble de ce problème d'environnement qui est posé
avec acuité et spécificité dans les zones de montagne.
Nous avons procédé à de nombreuses auditions, et nous
avons également beaucoup réfléchi à ce sujet. Notre
rapporteur pourra vous le confirmer.
Notre ambition, après avoir entendu de nombreuses personnalités
qualifiées et acteurs de la politique de la montagne, serait de proposer
un changement fondamental de démarche.
Aujourd'hui, les élus de la montagne, les acteurs
socio-économiques, sont imprégnés d'une exigence de
protection de l'environnement.
Peut-être la montagne pourrait-elle être le lieu où chacun
se retrouve pour créer un exemple vrai et vivant de développement
durable, au lieu d'accumuler des interdictions, des situations très
complexes, des oppositions fortes entre des défenseurs qui, parfois se
voudraient exclusifs de la défense de l'environnement et des élus
ou des acteurs en charge du développement.
Plutôt que laisser se creuser un fossé, je crois que l'on pourrait
essayer de dégager des voies de synthèse. C'est là le
développement durable tel que vous l'avez présenté et tel
que le Président de la République l'a présenté
à Johannesburg.
Pour ce qui me concerne, je pense que c'est dans cet esprit que l'on pourra
faire la synthèse d'un certain nombre de propositions.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur
- Madame la Ministre, je veux à
mon tour vous remercier très vivement pour avoir pris sur votre temps
afin de répondre aux questions que j'ai pris l'initiative de vous
adresser il y a quelques jours, en vous priant d'accepter nos excuses pour ces
délais très brefs.
Je m'en suis tenu à 5 questions qui m'ont paru, au terme de nos
auditions, être les questions les plus sensibles, à l'exception de
l'une d'entre elles qui concerne les grands prédateurs et qui ne figure
pas dans cette grille.
La première question concerne l'urbanisme et le problème de la
construction en continuité. C'est un sujet extrêmement sensible et
parfois douloureux, à propos duquel nous souhaiterions pouvoir apporter
des améliorations dans la gestion de tous les actes d'autorisation de
construire. C'est une démarche que nous voudrions pouvoir conduire avec
vous-même et le ministère de l'équipement.
La seconde question a trait aux procédures d'unités touristiques
nouvelles, sujet souvent délicat, parfois tendu, et qui constitue une
sorte d'exception dans un régime de plus en plus
décentralisé.
Se pose ensuite la question du vécu des parcs naturels nationaux.
La quatrième question concerne la procédure Natura 2000 qui, dans
l'ensemble des massifs que nous avons visités, a fait l'unanimité
non pas contre elle, mais sur le fait qu'elle manque de pédagogie et de
clarté.
Enfin, la dernière question qui nous a été posée
ici où là est celle de l'utilisation des véhicules
motorisés sur la neige -les motoneiges- qui font l'objet d'une
circulaire qui pourrait peut-être être assortie de quelques
aménagements.
Nous avons laissé de côté d'autres sujets qui sont
peut-être plus consensuels et qui posent moins de
difficultés : les problèmes de la forêt, de la gestion
des bassins versants, qui relèvent aussi de votre ministère, mais
sur lesquels il y a peut-être moins de difficultés.
Si vous avez néanmoins quelques commentaires, ils seront les bienvenus.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et de
l'aménagement durable
- Mesdames et Messieurs les
sénateurs et sénatrices, Monsieur le Président, Monsieur
le Rapporteur, je suis très heureuse de pouvoir être entendue par
votre mission commune d'information sur la montagne.
Il est vrai que j'avais conçu un certain étonnement de ne pas
être auditionnée mais, lorsque vous me l'avez proposé,
Monsieur le Président, j'ai tenu à préparer cette audition
avec beaucoup de soin, compte tenu des questions primordiales que vous posez en
ce qui concerne la montagne et, au-delà, vous l'avez dit, la
problématique du développement durable et de la protection de
sites naturels majeurs.
La première question concerne l'instruction des permis de construire en
zone de montagne eu égard aux problèmes posés par la
règle de constructibilité en continuité.
Quelle amélioration pourrais-je proposer pour faciliter l'application de
cette règle ?
Il s'agit évidemment là d'une compétence qui relève
d'abord du ministère de l'équipement. Je n'interviendrai donc pas
en tant que ministre responsable dans cette affaire -quoi que...
L'objectif de la loi montagne de 1985 était de concilier protection et
développement. La règle d'urbanisation en continuité
était un des principes directeurs de l'urbanisme en montagne.
La loi SRU (solidarité et renouvellement urbains) a apporté des
modifications et deux nouvelles dérogations ont été
ajoutées aux dérogations antérieures à la
règle d'urbanisation en continuité : la possibilité
de créer des zones d'urbanisation future en discontinuité de
l'urbanisation existante et la possibilité d'adapter des constructions
isolées existantes.
De plus, il faut noter que la réintroduction des prescriptions de
massifs dans le code de l'urbanisme permet de préciser de façon
autonome les conditions d'application de la loi montagne pour tout ou partie
d'un massif, et que les services de l'Etat peuvent alors, en concertation avec
les collectivités locales, et après avis du comité de
massif, proposer des principes d'aménagement à une échelle
territoriale pertinente.
Je m'en réfère à l'expérimentation sur le Massif
central, qui a d'ailleurs été mise en oeuvre avant la
promulgation de la loi SRU.
On peut d'ailleurs regretter qu'elle en soit restée au stade de sa
présentation au comité de massif.
Cette expérimentation devrait être poursuivie et amplifiée
pour déboucher sur des propositions concrètes.
Je trouve que, dans le contexte actuel de la loi montagne, cette
procédure de planification territoriale peut répondre de
manière simple et directe aux problèmes spécifiques de la
montagne.
Je pense qu'il serait opportun, avec le ministre en charge de l'urbanisme et le
ministre de l'aménagement du territoire, en charge des questions de
montagne, que l'on relance l'élaboration et la mise en oeuvre d'un tel
outil, qui peut répondre aux questions d'urbanisation en montagne et
à la question de la simplification UTN.
Vous souhaitez, à ce sujet, une simplification très forte de la
procédure, notamment pour les opérations de dimensions modestes
et celles concernant les sites déjà équipés.
Je vais être très claire -d'ailleurs votre question ouvre un peu
la porte à ma réponse.
Je dis de façon forte qu'il faut maintenir la procédure UTN. Le
ministère de l'écologie et du développement durable ne
peut accepter la suppression de cette procédure au profit d'une
simplification.
Cette procédure a permis l'examen approfondi des projets touristiques et
de limiter les installations en sites vierges, qui sont les plus dommageables
pour l'environnement.
L'amender, pourquoi pas, mais en tout cas la conserver, dans la mesure
où elle porte essentiellement sur des projets de remontées
mécaniques, en particulier dans le cadre de liaisons entre stations, ces
projets constituant des menaces très sérieuses pour les espaces
naturels sensibles.
De plus, des dispositions de la loi montagne permettent déjà
d'intégrer les UTN dans les schémas de cohérence
territoriale ou dans les schémas de secteurs, dès lors qu'ils
sont élaborés dans les zones de montagne.
Par contre, les enjeux sont évidemment bien différents pour
l'allégement de la procédure relative aux petits projets. Ceux-ci
sont situés en moyenne montagne, ont une taille modeste, sont essentiels
au développement des petites communes qui n'ont souvent pas les moyens
d'établir un PLU (plan local urbanisme), ni même de constituer un
dossier UTN.
La réflexion sur ce sujet prend tout son sens dans le cadre du
débat sur la décentralisation initiée par le Premier
ministre sous la responsabilité de M. Patrick Devedjian, ministre
délégué aux libertés locales.
Je pense que l'on pourrait tout à fait, dans le cadre de cette
réflexion, aller vers une piste qui consisterait à faire jouer la
planification intercommunale. Celle-ci pourrait jouer un rôle essentiel
pour encadrer les besoins des communes ayant des projets de
développement touristique.
J'en reviens aux prescriptions particulières de massif, qui pourraient
jouer le rôle de cadre de référence.
Sur les sites déjà équipés, je n'ai aucun argument
majeur à faire jouer pour refuser une adaptation de la procédure
UTN, à condition qu'une planification à l'échelle
communale ou intercommunale ait été mise en place.
La troisième question a trait aux parcs nationaux et aux parcs naturels
régionaux.
Les parc nationaux constituent un outil majeur de sauvegarde de l'avenir de la
nature pour les générations futures.
Il est un peu dommage que les parcs nationaux français soit
confrontés aujourd'hui à nombre de difficultés qui se
traduisent par une stagnation de leur politique et par des insatisfactions des
acteurs de terrain quant à leur rôle dans le développement
local.
Je ne citerai qu'un exemple qui me tient à coeur, celui de
l'incapacité de la France à protéger la forêt
tropicale du Sud de la Guyane, alors que le Brésil vient de créer
un immense parc national indépendant limitrophe !
Nous avons engagé une réflexion avec nos partenaires -parcs
nationaux, présidents et administrateurs des conseils d'administration,
directeurs et personnels des établissements, autres administrations,
CNPN, ingénieurs généraux, scientifiques et associations.
Je suis en train de réfléchir à une mission parlementaire
sur ce sujet, pour que nous puissions avoir une mission de réflexion
générale sur l'évolution de la politique des parcs
nationaux français et, plus largement, sur les espaces naturels
d'intérêt national. Nous pourrons ainsi définir des choix
stratégiques pour l'avenir et nous prendrons des décisions
finalisées, après concertation, au printemps 2003.
C'est une année particulièrement emblématique, puisque
nous fêterons en 2003, le quarantième anniversaire des parcs de la
Vanoise et de Port Crau et le trentième anniversaire du parc des Ecrins.
Ce sera l'occasion d'un certain nombre de manifestations qui permettront de
redire l'importance des parcs nationaux dans la politique des espaces naturels
de notre pays.
Quand je parle des parcs nationaux, on me demande si je souhaite la
décentralisation de la procédure vers les régions. Je n'y
suis pas favorable, malgré la pression d'un certain nombre d'élus
locaux.
Les parcs nationaux sont un outil majeur, un affichage fort dans notre
politique internationale de l'environnement. Bien entendu, certaines parties de
gestion par convention peuvent être assurées en liaison avec des
collectivités territoriales, mais c'est une politique qui reste
nationale.
Je me suis déplacée vendredi dernier à Millau, pour les
travaux de la fédération des parcs naturels régionaux.
J'ai félicité les parcs d'avoir été des
précurseurs en matière de développement durable,
conciliant développement économique et protection de
l'environnement. Ils ont également mis en valeur la dimension sociale
d'une gestion sur le terrain profondément décentralisée.
Les parcs naturels régionaux sont aujourd'hui au nombre de 40, mais
éprouvent certaines inquiétudes pour l'avenir.
Toutes tendances politiques confondues, deux questions posent problème,
celle de l'articulation entre les parcs et les pays-agglomérations. La
loi Voynet est ressentie par tous les acteurs de terrain comme une
fragilisation des parcs. Il y a là un véritable problème,
et je ne doute pas que la réflexion sur la décentralisation
permettra de trouver quelques pistes.
L'autre inquiétude porte sur la pérennisation des emplois-jeunes,
car les parcs se sont vraiment lancés dans cette politique.
Un quart des emplois totaux des structures de gestion des parcs sont
assurés par des emplois-jeunes. Nous regarderons donc avec
intérêt les propositions des ministres des affaires sociales et de
la fonction publique sur les voies de pérennisation des emplois-jeunes.
Nous verrons à ce moment-là comment nous pourrons adapter cette
affaire.
Vous avez par ailleurs failli dire, Monsieur le Rapporteur, que la
procédure Natura 2000 avait fait l'unanimité contre elle. Je n'ai
pas une opinion aussi négative que vous, bien au contraire !
M. Jean-Paul Amoudry
- J'ai parlé de ressenti.
Mme Roselyne Bachelot
- Certes, il existe des zones conflictuelles
-et je les connais- mais, pour piloter moi-même un secteur ample qui va
de l'estuaire de la Loire à l'embouchure de la Maine sur plus de 100
kilomètres, je puis vous dire que la situation n'est pas conflictuelle.
Les acteurs de terrain se sont au contraire réunis et mettent en place
des procédures de protection de l'environnement dans un esprit de
dialogue et de concertation.
Natura 2000 n'est pas une procédure de classement mais de labellisation,
dans laquelle les acteurs de terrain mettent ce qu'ils ont
décidé. Rien ne se fait contre les acteurs de terrain, sauf
à dévoyer la procédure !
M. Jacques Blanc
- Elle est partout dévoyée,
alors !
Mme Roselyne Bachelot
- J'ai demandé à Mesdames et
à Messieurs les préfets de constituer ou de réunir les
commissions départementales pour qu'elles retrouvent leur mission de
dialogue et de concertation sans aucune exclusive.
J'ai moi-même, sur un plan national, réuni les différents
acteurs responsables de Natura 2000 pour leur indiquer qu'il y a maintenant au
ministère une cellule d'appui avec un chargé de mission.
Après s'être écouté, s'être parlé et
avoir défini des objectifs communs, il faut passer des conventions de
gestion, parce que cela marche quand on a dressé des actions et que l'on
est dans une politique gagnant-gagnant !
Les outils opérationnels de gestion sont le fonds de gestion des milieux
naturels créé en 1999 dans le budget de l'Etat et les mesures
agri-environnementales dans ou hors contrats territoriaux d'exploitation (CTE),
qui relèvent du budget du ministère chargé de
l'agriculture.
Je le dis avec beaucoup de franchise : la poursuite du dispositif CTE
reformaté est vitale pour Natura 2000 ! Je suis en discussion avec
mon collègue de l'agriculture : les procédures CTE ont
gravement dérivé dans l'esprit et dans le montant
budgétaire, de sorte qu'on a été obligé de remettre
24 millions d'euros au pot dans les mesures budgétaires de milieu
d'année, étant donné la faiblesse des financements
prévus dans la loi de finances 2002 et les dérapages
prévisibles en loi de finances 2003.
Je souhaite toutefois que ces mesures environnementales, qui étaient le
coeur de la démarche CTE, soient réaffirmées dans les
propositions de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture avec
qui j'ai un dialogue suffisamment confiant pour que cette philosophie soit
observée.
Il y a des co-financements communautaires spécifiques à Natura
2000 au titre du FEOGA, dans le cadre du plan de développement rural
(PDRN), et des co-financements "life-nature" existants.
Nous allons bien sûr défendre l'affectation des moyens
nécessaires à la montée en puissance des documents
d'objectifs et des contrats à inscrire au budget de l'Etat.
C'est, dans un contexte budgétaire difficile, une des politiques
prioritaires de mon ministère.
Dans votre cinquième et dernière question, Monsieur le
Rapporteur, vous me demandez si je compte assouplir les conditions
d'utilisation des motoneiges, notamment en vue de permettre l'accès des
propriétaires à leur bâtiment en période hivernale,
ainsi que le transport de clients auprès des restaurants d'altitude.
On est là dans un problème juridique intéressant, puisque
le principe d'interdiction d'utilisation des motoneiges, qui est le principe
fondateur de la loi, est assorti de deux dérogations :
l'utilisation sur des terrains aménagés à cet effet
dûment autorisés -sport, pratiques de loisirs- et utilisation
professionnelle -exploitation des pistes de ski, ravitaillement d'un restaurant
d'altitude ne bénéficiant d'aucune route déneigée,
missions de service public, etc., de secours, de sécurité civile,
ou d'exercice de la police. Dans le cas d'utilisation professionnelle, aucune
procédure d'autorisation n'encadre la circulation de ces engins.
"Merveilleux diront certains ! Voilà la réponse à nos
questions !". En fait, les contentieux se sont multipliés et ont
deux causes : une interprétation très extensive de l'usage
professionnel de ces véhicules par les propriétaires de
restaurants d'altitude et, d'autre part, l'absence dans la loi d'une
procédure encadrant les autorisations individuelles de circulation,
dérogeant au principe général d'interdiction
appliqué aux motoneiges.
Il y a eu des jurisprudences successives très restrictives. La
dernière décision du 26 mars 2002 de la chambre criminelle de la
Cour de cassation
"rejette le pourvoi en cassation du procureur
général sur une décision de la Cour d'appel de
Chambéry".
Il y a eu un revirement partiel car la Cour d'appel de Chambéry avait
prononcé la
"relaxe d'un particulier du chef d'utilisation à
des fins de loisirs d'engins motorisés conçus pour la progression
sur neige".
Bien sûr, tout cela n'affecte pas le principe d'interdiction
d'utilisation de ces engins à des fins de loisirs.
Suite à une réunion qui s'est tenue avec les services le 7
octobre, la position suivante sera réaffirmée aux préfets
avant l'hiver : "utilisation possible des motoneiges sur la voirie non
déneigée et interdiction ailleurs en dehors des terrains
autorisés et utilisations professionnelles ".
Le ministère de l'équipement réfléchit d'ailleurs
à la suppression du salage sur les voies peu fréquentées,
ce qui réduirait les impacts néfastes du sel sur l'environnement.
Il conviendra également d'alerter les préfets sur les questions
de sécurité et de police qui leur incombent.
Voilà où j'en suis de mes propositions sur les motoneiges.
Vous m'avez également posé des questions sur les grands
prédateurs. Souhaitez-vous que j'y réponde ?
M. Jacques Blanc
- En Ariège en particulier, nous avons tous
été frappés par l'accueil des bergers, qui étaient
dans une situation de rupture totale face au comportement des ours
slovènes, qui n'est pas le même que celui des ours
pyrénéens.
Mme Roselyne Bachelot
- Ils ont été correctement
dédommagés ?
M. Jacques Blanc
- Ce n'est pas le problème. Ils en ont
assez.
M. Jean-Paul Amoudry
- Il s'agit de la dignité du travail du
berger.
M. Jacques Blanc
- Si on ne fait rien, il y aura une
rébellion des bergers et de ceux qui les accompagnent.
M. Auguste Cazalet
- Le dédommagement, c'est une chose, mais
il y a aussi le manque à gagner. On ne refait pas un troupeau quand il
est décimé ! Il faut deux ou trois ans avant de le
reconstituer.
Et puis, il y a aussi l'amour du berger pour ses bêtes. Il faut les voir
pleurer quand leurs bêtes sont tuées ! Ce sont des
bêtes qu'ils connaissent, avec lesquelles ils gagnent leur vie. C'est ce
que les gens ne comprennent pas. C'est un problème sentimental et un
problème économique.
Mme Roselyne Bachelot
- L'extinction des ours me semblent
programmée dans le massif pyrénéen, côté
français. C'est inévitable ! Il n'y a plus que quelques
individus et on peut dire que la réintroduction des ours
slovènes, qui est une opération qui apparaît comme positive
sur le plan technique et scientifique, se heurte a des réticences que
vous avez très bien soulignées sur le plan local, de la part des
élus et des socio-professionnels, ce que je comprends très bien.
Je souhaite travailler dans la concertation et la transparence, afin d'aboutir
si possible à la réconciliation autour de la présence de
l'ours.
Veut-on supprimer l'ours totalement ? C'est la question. On peut
être sur cette ligne. Etant donné la faiblesse de la population
des ursidés, on n'est pas devant une prolifération mais
plutôt devant une raréfaction avérée de l'ours dans
les Pyrénées.
Au-delà de la mise en place de structures de concertation, j'ai
demandé au préfet de région de me faire des propositions
constructives dans les jours qui viennent pour essayer de réconcilier
les parties autour d'une présence minimale de l'ours, que je ne garantis
d'ailleurs pas du tout. C'est plutôt ce qui nous guette. La question sera
peut-être alors réglée de la façon la plus
catastrophique possible.
Pour ce qui est du loup, la situation est finalement du même style. La
population est évidemment plus importante, puisqu'il y en a actuellement
une trentaine sur le massif alpin français. Toutefois, là non
plus, malgré une certaine presse qui a l'air de le penser, les meutes de
loups ne prolifèrent pas partout dans le massif alpin ! Quatre
meutes sont réparties entre les Alpes maritimes et le Queyras et on
trouve des individus isolés dans les massifs des monts du Vercors et de
Belledonne.
Là aussi, c'est une question de compatibilité entre le retour du
loup et l'activité pastorale. Diverses mesures ont été
mises en place. Le ministère de l'écologie prend à sa
charge le suivi scientifique par l'Office national de la chasse et de la faune
sauvage (ONCFS), la protection des troupeaux et l'indemnisation des
dégâts.
La situation n'est pas satisfaisante. Les coûts sont très
importants et la contestation demeure. Une commission d'enquête
parlementaire est créée. Le travail interministériel doit
certainement pouvoir être amélioré.
Ce que je veux, c'est développer le pastoralisme. La question est
surtout celle de la situation financière d'une filière dont les
difficultés ne sont pas liées au loup, tant s'en faut !
Je rejoins là ce que vous dites. Je crois que le loup et l'ours seraient
beaucoup mieux acceptés si ces professions étaient florissantes,
gagnaient bien leur vie et n'étaient pas confrontées à des
conditions économiques extrêmement difficiles.
Il faut développer un pastoralisme capable de supporter une
présence maîtrisée du loup. Les moyens financiers qui ont
été engagés par le ministère depuis 3 ans avec
l'aide de la Commission européenne représentent, pour le loup,
plus de 3 millions d'euros, dont largement plus de la moitié a
été affectée à l'amélioration de
l'activité pastorale. Ils ne sont pas donnés pour maintenir le
loup, mais pour maintenir le pastoralisme en montagne !
La cohabitation n'est pas acquise. Un nouveau programme pluriannuel d'actions
doit être conçu et négocié. Je souhaite une
concertation approfondie avec les associations de protection de la nature, la
profession agricole, les élus locaux, les parlementaires, bien entendu
en basant tout cela sur une expertise scientifique à ne jamais
négliger.
La tâche est extrêmement complexe et il faut vraiment que le
principe qui nous guide soit celui de la réconciliation -si c'est
possible.
M. Auguste Cazalet
- On commence aussi à avoir un
problème avec les vautours qui, maintenant, s'attaquent aux veaux qui
viennent de naître !
Je connais bien le problème. Tout gamin, j'amenais les troupeaux en
montagne. Les vautours ont toujours été des bêtes
sacrées pour les paysans et pour les bergers. Quand on s'amusait,
gamins, à jeter un caillou ou un bâton à un vautour, on
prenait une paire de claques, parce que le vautour, c'est le nettoyeur des
montagnes.
On a conservé les vautours. Dans ma vallée, on a
créé la maison du vautour. Auparavant, on ne voyait jamais de
vautours chez nous. Maintenant, on en voit. On a fait des aires de nourrissage
dans le cadre du parc national et, cette année, les paysans ne peuvent
plus laisser les vaches vêler dehors parce que les vautours sont
affamés. On ne les nourrit plus !
On a modifié le système naturel à vouloir trop bien faire.
Je prie Dieu qu'il n'y ait jamais un enfant qui se fasse attraper !
Là aussi, l'inquiétude et la fronde s'installent.
Mme Roselyne Bachelot
- Vous souhaitez donc que l'on tue les
vautours ?
M. Auguste Cazalet
- Non, mais je crois qu'on a voulu trop bien
faire !
Mme Roselyne Bachelot
- Quelles mesures
préconisez-vous ?
M. Auguste Cazalet
- C'est une perte pour l'agriculteur !
Mme Roselyne Bachelot
- Je croyais que vous ne vouliez pas de
dédommagements, mais une politique plus en amont. Que pourrait-on
faire ?
M. Auguste Cazalet
- Je ne sais pas. Il va peut-être falloir
en détruire. On fait des battues aux biches et aux chevreuils parce
qu'ils font trop de dégâts. Jusqu'à l'âge de 30 ans,
je n'avais jamais vu de chevreuil ou de biche. Maintenant, il y en a
partout !
Dans ma commune, on a planté 40 hectares de forêt : il a
fallu trousser tous les plans. Ce sont des bêtes qui détruisent
l'écosystème ! On veut trop en faire !
M. Jean-Paul Emin
- J'avais trois questions marginales, dont l'une
sur la constructibilité.
Dans les zones de montage, on trouve un environnement protégé,
mais aussi des activités touristiques et industrielles, voire
industrieuses, de petites activités qui permettent de garder des gens
sur les territoires.
Dans le massif du Jura, on se rend compte aujourd'hui que, pour des raisons de
centralisation excessive, le ministère de l'environnement a signé
des conventions avec des fédérations industrielles -je pense
notamment à celle de la plasturgie- et établi une circulaire pour
la constructibilité de bâtiments dans le cadre de mesures de
sécurité. On voit bien que ces mesures ont été
pensées à Paris : on applique à un petit
bâtiment de 100 à 200 m 2 pratiquement les mêmes
règles de distance que pour des bâtiments industriels !
On impose à des gens qui travaillent une palette de plastiques par jour
pour mouler des petits articles destinés à être vendus
comme souvenir, de construire à 10 m de leur maison ! Ce sont des
règles logiques, mais qui n'ont pas d'application réelle pour ces
petites activités. Il y a un problème de seuil qui n'a pas
été pensé dans les circulaires de votre
prédécesseur.
Le second sujet que je voudrais aborder concerne les motoneiges. Vous avez
évoqué des recommandations aux préfets et avez
utilisé le mot de "voirie". Dans votre esprit, la voirie va-t-elle
jusqu'aux chemins ruraux ?
Enfin, ma dernière question a trait à la décentralisation.
On s'est tous occupé, dans nos secteurs, à divers moments, de
contrats de rivière. Lorsqu'on a passé toutes les étapes
de la procédure, on va plancher devant une commission au
ministère de l'environnement. Ceci me paraît adapté et bien
fondé pour des rivières comme la Loire, mais on a des contrats de
rivière, avec des volets qualitatifs et quantitatifs, dans des zones de
moyenne montagne pour de toutes petites rivières. Or, on entend quand
même, étant donné les risques de crues torrentielles, avoir
des dossiers solides pour préserver l'avenir.
Cela me paraît disproportionné d'aller plancher au
ministère de l'environnement devant des gens qui n'ont jamais mis le
bout des pieds dans notre région, qui sont sûrs de leur
théorie, et nous sommes nous, dans ce contexte, un peu des paysans
devant des grands savants !
Ces commissions me paraissent donc pouvoir faire l'objet d'une
éventuelle décentralisation au plan régional !
M. Jean-Pierre Vial
- Deux observations, Madame la Ministre, sur un
aspect réglementaire des parcs naturels et à propos de Natura
2000.
Les parcs naturels se trouvent exclus, de par la loi, des procédures de
pays. Or, les limites des territoires ne s'arrêtent pas, comme par
enchantement, à des limites administratives. Aujourd'hui, on a
énormément de difficultés à faire vivre ces parcs
avec les territoires qui les entourent, et qui les chevauchent souvent.
Je suis président d'un syndicat mixte dont la limite est sur le parc de
Chartreuse, qui concerne de surcroît mon canton. J'ai mis en place une
procédure de pays pour 55 communes ; la procédure se trouve
actuellement neutralisée parce qu'elle ne peut prendre en compte les
communes de mon canton qui sont dans le parc, un parc ne pouvant être
impliqué dans une procédure de pays !
Voilà 6 cantons et 65 communes qui sont tous d'accord pour faire un seul
et même territoire. On veut faire un programme Leader
considéré comme exemplaire pour réaliser ce maillage du
territoire, et on est bloqué depuis un an et demi parce que les
procédures ne permettent pas de prendre en compte des communes qui se
trouvent impliquées dans un parc !
Une certaine souplesse est nécessaire à la mise en oeuvre des
procédures, alors qu'aujourd'hui, ce sont les textes qui valent.
Concernant Natura 2000, vous dites, Madame la Ministre, que la procédure
n'a pas d'aspect législatif, réglementaire ou normatif.
Malheureusement, ce n'est pas le cas dans la pratique.
On a d'ailleurs un exemple avec les ZNIEFF (zones naturelles
d'intérêt écologique faunistique et floristique) qui n'ont
pas, de par la loi, de conséquences réglementaires. Il
n'empêche que lorsque vous avez un territoire en ZNIEFF et que vous avez
une procédure engagée par une association d'environnement, deux
fois sur trois, les tribunaux gèlent le territoire comme si l'on
était dans le cadre d'une procédure normée.
C'est si vrai pour ce qui est de Natura 2000, qu'en Alsace, les territoires
classés en zone AOC qui se sont vu superposer des zones Natura 2000
n'ont pu se développer comme ils le souhaitaient.
Sur le principe, ces procédures sont tout à fait
intéressantes, puisqu'elles sont censées constituer une
démarche d'aménagement des orientations. Le problème
réside dans le fait que, lorsque ces procédures sont
engagées, elles constituent une épée de Damoclès
au-dessus de la tête des élus. En effet, les tribunaux ne
considèrent pas que l'on est dans une procédure d'accompagnement,
mais dans une procédure qui a des effets juridiques.
M. Jacques Blanc
- Natura 2000 est une procédure
franco-française. Il suffit d'affirmer la volonté de respecter ce
que souhaite l'ensemble des acteurs, de leur garantir que, pour sauver une
chauve-souris, on n'empêchera pas telle ou telle activité, que
l'agriculture, avec des mesures agri-environnementales reconnues, ne sera pas
bloquée, pour que l'on change complètement d'état d'esprit.
En France, il y a quelques endroits où cela a marché -on l'a vu
à Gap- mais c'est un problème de réglementation
franco-française.
Mme Roselyne Bachelot
- On a la même chose avec la notion de
dérangement par les chasseurs. Le texte est clair : la chasse ne
peut être considérée comme un facteur de dérangement
si l'on est dans les procédures autorisées. L'affaire est donc
réglée, et les chasseurs n'ont pas à avoir peur de la
procédure Natura 2000 !
S'agissant des autres questions, je vérifierai avec mon collègue
de l'équipement, mais je crois que la voirie comprend bien les chemins
ruraux.
Par ailleurs, les contrats de rivière me paraissent constituer une
excellente piste pour la décentralisation. Vous avez raison : faire
remonter l'examen d'un contrat de rivière devant le Conseil national de
protection de la nature me paraît tout à fait
disproportionné !
Vous avez d'excellentes observations s'agissant de l'exclusion des parcs
naturels des pays.
M. Jacques Blanc
- Supprimons la loi Voynet sur les pays !
Laissons-les faire ce qu'ils veulent !
Mme Roselyne Bachelot
- Cela pose bien des difficultés. On
verra. Ma mission, ce matin, n'est pas de lancer le débat sur ce sujet.
Il est peut-être un peu complexe.
Je voudrais revenir sur la question de l'Alsace. Il est vrai que l'on a
interdit une extension de vignoble AOC du fait de la présence d'une
pelouse à orchidées qui était menacée. La
procédure Natura 2000 avait en effet fait figurer dans son cahier des
charges le fait qu'elle protégeait les pelouses à
orchidées. Le but était tout à fait louable.
Un mot sur les grands prédateurs. Dans le cadre d'un autre dossier
-celui de la chasse- j'ai souhaité créer un observatoire de la
faune sauvage qui soit un lieu de dialogue et de concertation pour suivre
l'évolution des espèces sauvages et des espaces.
Vous l'avez fort bien signalé, Monsieur Cazalet, tout cela évolue
terriblement. Des espèces qui étaient menacées
prolifèrent ; d'autres, qui ne posaient pas de problèmes,
disparaissent tout d'un coup...
M. Auguste Cazalet
- Cela a toujours existé !
Mme Roselyne Bachelot
- Oui, mais les choses connaissent quand
même une certaine accélération.
Les changements climatiques dérèglent les migrations des oiseaux.
Leurs capteurs, qui déclenchent les phénomènes
migratoires, sont gravement perturbés par l'accélération
des changements climatiques. Il faut suivre ces choses-là en temps
réel ; c'est pourquoi j'ai voulu créer cet observatoire,
pour sortir du conflit par l'expertise, instituer une chasse et un pastoralisme
durables, et faire en sorte que des activités, qu'elles soient de
loisirs ou économiques, puissent être transmises à nos
enfants et petits-enfants.
L'observatoire de la faune sauvage constituera un outil où des
problématiques comme celle du loup et de l'ours pourront trouver des
bases d'expertises scientifiques sur lesquelles nous pourrons nous unir et
sortir des phantasmes et des a priori, d'un côté comme de
l'autre !
M. Jacques Blanc
- Cela peut être utile.
Pour en revenir aux ours, l'attitude vis-à-vis de ces plantigrades est
totalement différente suivant qu'il s'agit d'ours
pyrénéens, pour lesquels on a trouvé un modus vivendi, ou
d'ours slovènes, qui se multiplient et jettent un désarroi total
en Ariège. J'ai été très impressionné par
l'ampleur du phénomène dans cette région. Peut-être
faut-il aussi prendre en compte l'adaptabilité sur le terrain de ces
ours venus de Slovénie. On peut peut-être en tirer des
leçons.
On parlait des cervidés et des forêts. Dans le parc national des
Cévennes, aujourd'hui, les cervidés détruisent la
forêt. Le parc a même été condamné à
verser une amende très importante à un propriétaire
forestier. Si l'on n'organise pas des battues à l'intérieur
même du parc pour diminuer le nombre d'animaux, on dépasse le
seuil de tolérance. Je crois qu'il faut retrouver le sens des
équilibres.
En montagne, ce sens des équilibres est indispensable. On le voit avec
Natura 2000 : là où l'Etat a laissé faire les
élus et où on a appliqué intelligemment le programme, cela
a marché. Là où, par contre, on a interdit telle ou telle
chose, cela a bloqué.
C'est pareil pour ce qui est des pays et des parcs. Les parcs régionaux
doivent pouvoir tenir compte de leurs propres réalités. Si, au
lieu d'enfermer des pays dans des structures d'établissements publics,
on leur laisse -comme c'était le cas dans la loi Pasqua- une
liberté plus grande, on n'assistera pas à des conflits
artificiels.
Aujourd'hui, on est bloqué par les règles. Je suis bien entendu
d'accord pour que les parc nationaux restent sous la compétence
nationale ; par contre, il faut modifier les conseils d'administration et
les pouvoirs, pour éviter qu'un directeur de parc national puisse former
un recours contre un permis de construire. Ce n'est pas pensable pour la
crédibilité de l'Etat -même si cela s'est
arrangé !
Il faut revoir le fonctionnement même des parcs nationaux -mais je ne
crois pas que l'on demande de transfert de compétences.
En outre, certains parcs nationaux sont habités, d'autres non. Parc
national et équilibre de la montagne peuvent jouer un rôle de
réconciliation majeur dans la protection et le développement.
C'est ce qu'il faudrait proposer : la réconciliation entre
protection de l'environnement et développement !
Si les zones de montagne se désertifient, elles vont perdre leur
âme et leur paysage va se modifier. Le pastoralisme, par exemple, est
indispensable.
M. Jean-Paul Amoudry
- Je voudrais poser deux questions à
Madame la ministre. Nous n'attendons pas de réponse immédiate,
mais une réponse écrite serait la bienvenue, voire des pistes de
travail pour l'avenir.
La première question est très simple : à partir du
moment où les motoneiges seraient autorisées sur les voies
non-déneigées, envisagez-vous l'immatriculation de ces
véhicules ?
Mme Roselyne Bachelot
- Je le note.
M. Jean-Paul Amoudry
- La seconde question tient à
l'urbanisme et à la juxtaposition des lois littoral et montagne aux
abords des lacs.
L'application rigoureuse des règles des 100 ou des 300 m peut aboutir
-s'agissant notamment de la règle des 300 m- à des aberrations.
En effet, en obligeant quelqu'un à se positionner à 300 m d'un
plan d'eau, on va lui permettre de créer son établissement sur
une arrête de montagne, en saillie, ce qui ne sera pas forcément
très esthétique, alors que, dans une niche, une crique ou autre
chose, le bâtiment serait davantage dissimulé.
Serait-il possible, dans le cadre d'expériences locales, avec
études d'impact et précautions préalables, d'avoir une
moyenne et non l'application arithmétique, géométrique, de
la règle de 300 m, qui aboutit assez souvent à des choses
aberrantes et difficilement explicables à l'opinion publique ?
On pourrait ainsi avoir une modulation, descendre à 200 m et, en
compensation, aller à 400 m, selon le relief.
Mme Roselyne Bachelot
- Monsieur le Rapporteur, je ne
répondrai pas à ces questions ce matin. Je les mets bien entendu
à l'étude, mais je trouve cette audition très
intéressante en ce qu'elle est finalement au coeur de deux
problématiques.
La première concerne la décentralisation et la
nécessité d'avoir l'échelon pertinent de prise de
décisions. Les exemples que vous avez cités au cours de cette
audition l'ont bien démontré.
La seconde problématique touche au développement durable. On voit
bien, à travers un certain nombre de questions, que le monde et les
modes de vie sont en train de changer. L'urbanisation devient massive, les
cultures sont en train de disparaître. Les ours attaquent les troupeaux
depuis très longtemps ; les vieux bergers racontaient qu'autrefois,
dans la vallée d'Aspe, les ours attaquaient même les hommes !
C'était beaucoup plus grave, mais on a changé de culture et on
n'accepte plus les mêmes choses qu'hier. C'est la même chose pour
les inondations. Je le vois bien, moi qui vis en zone inondable. Autrefois, on
vivait avec les inondations, on les acceptait. Maintenant, il y a des
congélateurs, des magnétoscopes, des véhicules
automobiles. On n'accepte plus le risque naturel, qu'il vienne d'une
catastrophe ou de quelques animaux !
Il faut nous adapter aussi à cette demande sociale. Or, on ne peut le
faire que par le dialogue, la réconciliation, l'expertise scientifique,
les explications. C'est certainement un des sujets les plus importants qu'il
m'est donné d'aborder, et j'ai besoin des parlementaires et des
élus locaux pour faire remonter l'information, mais aussi pour aborder
ensemble cette tâche d'explications. Toute solution radicale qui me sera
proposée, d'un côté ou de l'autre, ne me conviendra pas,
car de telles mesures créent l'affrontement plus qu'elles ne favorisent
la réconciliation.
M. Jacques Blanc
- Nous sommes d'accord : nous sommes aussi
pour la réconciliation !
Madame la Ministre, nous vous remercions.