30. Audition de Mme Anne-Marie Comparini, présidente du Conseil régional de Rhône-Alpes, membre de l'association des Régions de France (26 juin 2002)

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur - Nous sommes très heureux de vous accueillir et vous remercions d'avoir répondu à notre proposition d'audition. Je voudrais excuser Jacques Blanc qui a été rappelé de façon imprévue en Lozère. Notre mission travaille aussi diligemment que possible, en dépit des échéances électorales et des vacances en août, afin de remettre notre rapport début octobre. La visite des massifs est presque achevée. Et nous souhaitons aussi rencontrer les élus et les responsables socioprofessionnels. Nous souhaitons obtenir des éclairages sur le bilan de la loi montagne vue sous l'angle de l'action des régions. Nous allons vous entendre à partir d'une grille de questions que nous vous avons adressée, lesquelles concernent l'ensemble des régions, dont celle que vous présidez, la région Rhône-Alpes, dans la politique « montagne ». Vos remarques complémentaires seront évidemment les bienvenues.

Mme Anne-Marie Comparini - Je souhaite remercier nos collègues du Sénat d'avoir songé à inviter un président de région désigné dans le cadre de l'Association des régions de France (ARF). Je tiens tout d'abord à effectuer un propos liminaire. Cette réflexion sur les outils montagne me semble renvoyer directement à la question de la modernisation des collectivités locales et territoriales. Toutes les régions comportant des massifs montagneux ayant signé, par exemple, des conventions de massif, se plaignent que les institutions soient illisibles ou inefficaces, ce qui correspond aux principaux griefs adressés par les citoyens aux politiques lors de la dernière campagne électorale.

Nous souhaitons que nos responsabilités et nos compétences soient clairement définies. La région Rhône-Alpes dispose de trois massifs : massif du Jura, massif des Alpes et Massif central. Aujourd'hui, nous sommes les correspondants de préfets éloignés. Ces derniers nous envoient des préconisations - terme que j'emploie car je suis femme et douce - nous demandant de remplir des tâches non discutées au sein des exécutifs régionaux. Je vous adresse ce propos car, dans le cadre de votre mission, vous disposez certainement des moyens d'étudier ce problème et de déterminer clairement ce que doit être l'implication des régions dans les grands enjeux stratégiques dont la montagne fait partie.

Vous me demandiez de quelle manière la région s'immisce dans le développement de la montagne et notamment quelle est la part du contrat de plan Etat-région de Rhône-Alpes, y compris les crédits hors volet montagne, consacrés aux zones de montagne. Le volet montagne du CPER 2000-2006 correspond à un programme de 160 millions d'euros pour l'Etat (1 milliard de francs) et 120 millions d'euros pour la région (816 millions de francs).

Dans ce chiffre, est inclus le programme sécurité des routes de la montagne qui, pour les trois quarts, concerne le département de la Savoie puis la Haute-Savoie, l'Ain ainsi que la partie Loire vers la région Auvergne.

Les conventions interrégionales de massif, adoptées au conseil régional en 2000, constituent un second outil. La région a assuré le financement des actions concrètes proposées par les commissaires de massif à hauteur de 213 millions de francs. De plus, en liaison avec les conseils généraux de la région, nous avons veillé à ce que les programmes européens, comme LEADER II, INTERREG III (volet franco-suisse pour le Jura, volet franco-italien pour les Alpes, ainsi que le volet sud-est pour le Massif Central), soient tous ciblés sur cette politique montagne. Si nous disposions uniquement de ces mesures (volet montagne du contrat de plan Etat-région, aides européennes), les moyens financiers ne seraient pas à la mesure des enjeux du Massif Central, lequel s'étend de la région Rhône-Alpes à la région Midi-Pyrénées.

Pour ce qui concerne la région Rhône-Alpes, nous avons donc décidé que les politiques de droit commun de la région puissent alimenter les décisions prises par les commissaires de massif. Ainsi, nous jouons aussi sur les contrats de développement Rhône-Alpes qui comprennent un volet agricole important. Nous jouons aussi sur les politiques agricoles de droit commun de la région Rhône-Alpes c'est-à-dire les programmes intégrés de développement agricole sur les produits, sur l'aide au pastoralisme, sur des programmes de recherche pour l'agriculture de montagne, sur la gestion des espaces dans l'agriculture et la forêt. Par an, ce budget s'élève à 40 millions d'euros consacrés à notre agriculture de montagne sur les trois massifs de la région Rhône-Alpes.

Le professeur Debarbieux affirmait que la montagne était un agrégat d'éléments différents, c'est à partir de ce constat que la région travaille. De plus, l'idée a émergé à la suite du premier sommet du tourisme de Chamonix qu'il fallait construire le tourisme du XXIe siècle, car ce secteur est un vecteur d'emplois bénéfique aux zones qui vivent de la montagne. Nous essayons avec les contrats de stations moyennes, avec les contrats de stations thermales qui se trouvent dans nos massifs, avec ce que j'appelle la mise en place du tourisme intelligent, d'apporter du soutien aux grands itinéraires de randonnée, de faciliter l'accès des handicapés aux sports de montagne, d'impulser une politique touristique permettant, pour un budget total de 40 millions d'euros, de bien positionner le massif de Rhône-Alpes dans les flux européens.

Notre politique transport vise aussi à apporter un atout supplémentaire à nos montagnes ; ne pas régler le problème les Alpes, dernier bouchon noir en Europe, que ce soit dans la vallée de Chamonix ou de la Maurienne, conduit à mettre en difficulté notre patrimoine naturel et notre activité économique. De plus, l'impossibilité d'accéder à ces zones nuit au pouvoir d'attraction de la région. D'où l'intérêt du programme sécurité montagne lancé par Michel Barnier lorsqu'il était président du conseil général de Savoie ou nos réflexions sur des solutions innovantes en matières de fret.

L'animateur de montagne de Saint-Jean de Maurienne et le responsable du Parc Naturel des Monts d'Ardèche ne sont pas chargés de lire le Journal Officiel tous les matins. Ils éprouvent donc quelques difficultés à savoir comment les collectivités travaillent avec l'Etat.

C'est pourquoi j'ai demandé la parution d'un vade-mecum à destination de nos collègues des zones de montagne retraçant les lignes budgétaires du conseil régional Rhône-Alpes qui soutiennent nos politiques de montagne.

Comme le conseil régional de Savoie nous a demandé de travailler sur le développement économique, je me demande si les collectivités ne devraient pas se mettre ensemble pour bien expliquer ce genre de choses.

Enfin, au titre de l'année internationale de la montagne, le conseil régional Rhône-Alpes a demandé au Conseil économique et social de notre région d'entamer une réflexion sur les enjeux de développement particulier du territoire de montagne en Rhône-Alpes. Ce rapport attendu à la fin de l'année 2002 nous permettra d'inclure les préconisations du Conseil économique et social dans le schéma Rhône-Alpes "Imaginons Rhône-Alpes 2020", dont nous aimerions qu'il comporte un projet régional montagne.

Vous me posiez une deuxième question : comment l'implication des régions dans la politique montagne pourrait-elle être accrue ? Cette interrogation sur la montagne, de même que les thématiques portant sur les transports ou les nouvelles technologies de l'information et de la communication, renvoient à l'intercommunalité des régions. Comme les syndicats ou les communautés de communes ont réussi leur intercommunalité, il nous faut réussir l'intercommunalité régionale et permettre aux régions frontalières de s'ouvrir aux autres régions européennes.

Cela me paraît très important que l'intercommunalité, sans défaire l'Etat, nous autorise à travailler avec d'autres régions d'Europe, ce que permet déjà partiellement INTERREG III. De plus, puisque toutes les collectivités élaborent leurs propres schémas d'aménagement et de développement du territoire, le gouvernement et les deux assemblées pourraient, grâce à une vue d'ensemble, en extraire les enjeux qui dépassent le niveau de la région.

Ce projet, évoqué sous Balladur, a été abandonné depuis 1997. Or cette lecture nationale permettrait de ne pas manquer certaines opportunités. Dans cette optique, j'ai demandé aux services de la région et à la commission aménagement du territoire de la région Rhône-Alpes que soit mis en place un projet régional montagne dans notre schéma. Par ailleurs, j'ai sollicité mes collègues présidents de régions qui ont en charge de grands massifs de penser à le faire. Cette démarche permettrait une plus grande cohérence de la politique montagne.

Question trois : vous vous demandez si les comités de massif doivent devenir des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) interrégionaux afin d'en faire des organes décentralisés et impliquer davantage les régions. J'aimerais d'abord préciser que les comités fonctionnent de façon vraiment insatisfaisante pour deux raisons. Une raison technique d'une part ; les comités de massifs disposent en effet de moyens financiers très réduits. Le manque d'argent les incite donc à se tourner vers les commissariats de massif, c'est-à-dire vers le préfet, lequel nous envoie ses préconisations.

De plus, les exécutifs régionaux sont faiblement représentés dans ces comités. Tant que ces éléments techniques et politiques ne sont pas résolus, il me semble difficile de vous répondre sur le bien-fondé d'un EPCI. Il faut trouver le moyen pour que les textes permettent une action réelle des exécutifs régionaux afin que l'on ne puisse plus nous demander de désigner des représentants du conseil régional en assemblée plénière.

En effet, les conseillers régionaux qui se rendent à ses réunions aujourd'hui ne sont pas soutenus par une majorité régionale. Ainsi, en l'état actuel des choses, quelle est la nécessité de créer un niveau de plus au mille feuilles administratif français ? De toute façon, les exécutifs régionaux ne pourront plus assister à toutes les réunions.

Avant de mettre en place les EPCI, essayons de voir préciser très clairement les compétences de chacun.

Et si des compétences supplémentaires doivent être attribuées, pourquoi ne pas songer au président du conseil général ou du conseil régional ? Réfléchissons d'abord à savoir qui sont les patrons dans la région : les préfets ou les assemblées élues qui disposent d'un budget? Ensuite, nous pourrons travailler aux outils administratifs à mettre en oeuvre.

Question quatre : quelles sont les conséquences pour la région Rhône-Alpes de la réunification des massifs ? Nous en sommes ravis car cette séparation des deux massifs était artificielle. L'intérêt désormais est que la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur travaille ensemble. L'astuce serait d'englober aussi les Alpes qui se trouvent du côté italien, ainsi un équilibre se créerait entre Paca et Ligurie, Rhône-Alpes et le Piémont mettant fin à des stratégies qui étaient divergentes jusqu'à présent et aussi à la guerre de la clientèle. La coopération permettra d'ériger les Alpes en un massif européen qui attirera les grands flux.

Question cinq : quel jugement portez-vous sur le fonctionnement des organismes relatifs à la montagne, en particulier dans votre région (commission spéciale des unités touristiques nouvelles (UTN), comités de massif, commission permanente...) ? La région Rhône-Alpes n'est pas invitée à participer à la commission spéciale des unités touristiques nouvelles, donc je n'ai pas de jugement.

S'agissant des comités de massif, pour le Massif Central, dont l'instance regroupe 75 membres, notre présence n'est pas aussi forte que nous le souhaiterions puisque deux représentants de la région Rhône-Alpes seulement y siègent, désignés par l'assemblée de ce fait. Pour le massif du Jura comportant 49 membres, dont 25 représentants des collectivités territoriales (régions, départements, territoire de Belfort, communes et groupements), nous sommes représentés par deux conseillers régionaux, et pour les Alpes du Nord, selon l'ancien document, nous disposons de quatre conseillers régionaux désignés par l'assemblée régionale.

Ces chiffres prouvent que le préfet reste le patron. Ainsi, soit cette compétence relève de l'Etat et les préfets vont jusqu'au bout de leur mission, à l'inverse, si les collectivités se voient reconnaître un pouvoir de décision, il s'agit de reconstruire les structures en les adaptant au terrain. Enfin, un autre élément me semble gênant : bien que j'en ai fait la demande à trois préfets coordonnateurs de massif, nous ne sommes pas autorisés à utiliser nos services. De plus, mises à part les préconisations des préfets et la demande de moyens financiers, nous constatons le peu de retour en informations reçues par les exécutifs des régions.

Sixième point : quel regard portez-vous sur les règles d'urbanisme et les différents dispositifs permettant de les préciser (Directives Territoriales d'Aménagement (DTA), prescriptions de massifs), en particulier dans votre région ?

Deux DTA ont été mises en place dans la région Rhône-Alpes, celle de Lyon et celle des Alpes du Nord. Ce dispositif a identifié de manière intéressante l'enjeu spécifique du massif des Alpes du Nord, même s'il s'en tient à des préconisations. Quand nous interrogeons le préfet sur la manière d'aller plus loin, il nous propose de créer des SCOT (schémas de cohérence territoriale) à l'échelle du massif. Je ne suis absolument pas d'accord avec cette proposition dans un contexte où les collectivités territoriales fonctionnent bien. De plus, nous avons déjà travaillé sur les DTA et les contrats de pays se mettent en place.

Plutôt que créer des strates de décision supplémentaires, il faudrait, aujourd'hui, clarifier l'utilisation de ces outils. Voilà ce que je voulais vous indiquer sur les questions que vous m'avez posées.

M. Jean-Paul Amoudry - Merci, Madame la présidente, de ces précisions éclairantes. Nous avons des questions à vous poser. Pour ma part je me limiterais à une seule question qui ne figure pas dans la grille. Les lois d'orientation et d'aménagement du territoire ont prescrit l'élaboration de schémas de services collectifs. Au travers de votre expérience, quelle vision avez-vous de l'élaboration de ces schémas de service en montagne, croisés avec les contrats initiés par la région et avec les procédures de pays, les politiques contractuelles ou définies de manière unilatérale par l'Etat ? De même, vous avez parlé de mille feuille s'agissant des collectivités territoriales. Ce mille feuille n'est-il pas aussi le fait de ces procédures ?

Mme Anne-Marie Comparini - Vous évoquiez le schéma de services collectifs sur lesquels les collectivités ont beaucoup travaillé. J'ai regretté le manque de transversalité que nous avons constaté dans la région Rhône-Alpes. En effet, des schémas agriculture, économie, transport ont été élaborés, mais le croisement des réflexions qui aurait permis de faire émerger les grands enjeux de la région n'a jamais été possible. Les schémas de services collectifs ainsi que les schémas d'aménagement du territoire, mis en oeuvre sur le terrain, n'ont jamais bénéficié d'une lecture nationale.

J'aimerais que le nouveau gouvernement soit attentif à cela. Il pourrait utiliser les avis demandés aux collectivités territoriales afin d'alimenter la réflexion au niveau national. Ainsi, peut-être, pourrait-il s'apercevoir que certains enjeux relèvent d'une démarche transversale, comme, par exemple, la montagne, le fleuve. Deuxième élément, s'agissant des contrats de pays et d'agglomération, je ne peux que constater l'intérêt qu'y portent mes collègues même si cette démarche est souvent lourde. Je crois que nous nous orientons dans la bonne direction, prenons garde toutefois à l'articulation de ces structures avec les départements, les régions. La discussion doit être menée sans passion afin de voir comment profiter du XXIe siècle et garder le meilleur de ce que nous avons.

M. Jean Boyer - Vous avez la charge d'une des plus grandes régions de France où l'équilibre entre les grandes métropoles, Lyon, Saint-Etienne et Grenoble, est satisfaisant. De plus, cette région dispose de territoires de haute montagne bénéficiant d'un tourisme alpin et d'un territoire de moyenne montagne où les centres de consommation et les centres de production (agroalimentaire, abattoirs, collecte de lait) ne sont pas très éloignés.

Pensez-vous, Madame, que la création de jumelages avec l'arrière-pays puisse être bénéfique dans votre région, c'est-à-dire donner l'autorisation à des entreprises ou des individus travaillant dans des zones suréquipées de s'implanter dans des zones plus désertifiées afin de permettre un échange entre le tourisme et l'économie puisque la population suit le travail ? Mais la région Rhône-Alpes ne représente peut-être pas le cas de figure idéal puisque les métropoles sont bien réparties...

Mme Anne-Marie Comparini - Les huit grandes villes de la région se répartissent effectivement très correctement sur le territoire. Et nous disposons maintenant de 6 parcs naturels régionaux.

Nous considérons en effet, et cela répondra à votre question, que préserver l'environnement était indispensable face à l'activité de Grenoble, Lyon, Saint-Etienne, dont le développement risque d'absorber tous les terrains. Ainsi, selon nous, concentrer l'activité sur les zones Lyon-Chambéry-Saint-Oyen, plutôt que l'étendre, nous semble préférable.

L'agriculture périurbaine assure un joli revenu aux jeunes agriculteurs. Je constate d'ailleurs personnellement sur le marché le samedi matin que mes produits coûtent très cher.

Nous avons également besoin de conserver un très beau patrimoine naturel car le tourisme est la première activité touristique de notre région. De ce fait, je n'imagine pas possible de dire : nous ne disposons plus de terrain aux alentours de Lyon, donc nous allons installer les zones industrielles sur le territoire du parc naturel régional de la Chartreuse.

Nous sommes parvenus à un équilibre. D'ailleurs, le taux d'installation des agriculteurs dans la région tourne autour de 2,8 pour les années 2000 et 2001, car nous avons réussi la pluri-activité pour l'agriculteur en mélangeant agriculture de montagne et activité touristique lui permettant d'obtenir deux salaires.

Nous souhaiterions par ailleurs acheter des terrains pour les jeunes agriculteurs autour du franco-genevois ou dans l'Ardèche du sud et la Drôme, où les terres sont aujourd'hui reprises par les Suisses. Or la loi du 2 mars 2000 dite loi Gayssot concernant l'outil de gestion de foncier, qui nous aurait permis de créer des sociétés d'investissement régionales, est inapplicable.

Sur 20 régions françaises, seules deux régions ont tenté vainement de l'appliquer : la région Ile-de-France dirigée par Jean-Paul Huchon et la région Rhône-Alpes. Cette loi, dont l'idée est bonne, est à revoir. Donc, je pense qu'il faut préserver des terres car le tourisme est la première activité touristique de notre pays et qu'il ne faut pas casser la poule aux oeufs d'or.

M. Gérard Bailly - J'ai apprécié votre interrogation concernant l'organe de décision compétent : s'agit-il du préfet de région ou des représentants des différentes collectivités, des forces économiques, des forces vives ? J'opterais bien sûr pour la deuxième alternative car les gens du terrain connaissent mieux les besoins.

Voici 25-30 ans, quand nous bénéficiions des crédits du Fonds interministériel pour le développement et l'aménagement rural (FIAM), le Préfet retenait les opérations que le monde économique, le monde des élus avait définies dans ses comités. Il me semble tout de même que cela a beaucoup évolué.

J'aimerais vous poser deux questions. Les zones de montagne engendrent des coûts importants pour créer et entretenir les routes, impulser les nouvelles technologies d'information et de communication, développer la téléphonie mobile-les opérateurs ayant pris en charge la construction de réseaux dans les secteurs de plaine en délaissant les zones de montagne, - les coûts aussi en aménagement, en assainissement. Tout est beaucoup plus cher qu'ailleurs.

Pensez-vous que le système de péréquation actuel soit satisfaisant ?

Pour ma part, je ne le crois pas. Si nous souhaitons que les territoires de montagne aient un avenir, est-ce qu'une grande réflexion ne doit pas être menée sur ce problème de la péréquation ?

Ma deuxième question prend le contre-pied de ce que vous avez déclaré à mon collègue. Une zone de montagne représente un atout touristique important. Mais pour que cet atout existe, il faut une agriculture qui puisse aménager l'espace mais aussi une vie durant les neuf mois de l'année où le tourisme est absent ; c'est-à-dire pour les habitants de ces régions, la nécessité d'avoir une autre activité.

Or beaucoup de touristes délaissent les grandes stations au profit de territoires beaucoup plus isolés. Il me semble qu'aujourd'hui, certains projets économiques peinent à se mettre en place dans ces régions. Comment convaincre un banquier, un médecin, un épicier, de rester ? Or j'ai l'impression que le monde citadin ne souhaite pas que des activités subsistent en montagne car il préfère passer ses vacances dans un cadre qui correspond à la montagne des années passées.

Les gens de la montagne s'offusquent de cela. Il faut accepter que des investissements maîtrisés puissent être faits à la montagne. Auparavant 40 agriculteurs de base permettaient à l'épicier du coin, au café de subsister, or maintenant ce poids n'existe plus. La question de l'aménagement du territoire ne peut exclure cette réflexion. Aujourd'hui, faire un dossier dans les zones de montagne devient très compliqué, d'autant que les coûts sont prohibitifs et les enquêtes longues.

Dans le Jura, nous essayons de préserver l'environnement tout en nous souciant de l'activité. Car nous sommes en train de vider la substance de cette région. Quel est votre sentiment sur cette question ?

Mme Anne-Marie Comparini - Pardon, je suis un rat des villes et peut-être vais-je dire des choses trop idéalistes ou naïves. J'évoquais ce sommet du tourisme qui s'est déroulé à Chamonix l'an dernier. Un professeur de l'université de Lausanne, lequel partait de votre souci d'une vie dans les zones de montagne, affirmait que l'Europe étant entrée dans une économie de loisirs, il fallait veiller à ce que perdure une activité touristique tout au long de l'année dans ces territoires.

Suite à cette intervention, j'ai demandé au Conseil économique et social de développer ces idées car, pour nous, pays européens, l'intérêt est grand de retenir ces touristes, notamment les personnes du troisième âge qui voyagent d'octobre à mai. Même si travailler peu n'est pas une philosophie de vie pour tout le monde, nous sommes entrés dans une période où nous sommes encore en forme à la fin de la vie active. Le retraité aura donc envie de voyager, de rencontrer des pays et des cultures tout au long de l'année.

S'agissant des activités industrielles en zones de montagne, nous avons l'exemple au fin fond de l'Ardèche d'entreprises qui réalisent des bracelets, des bijoux pour de grands couturiers. Cette activité de PME-PMI marche bien. L'installation de ces entreprises implique évidemment que la région leur offre le même environnement technologique que s'ils se retrouvaient à Grenoble ou sur la zone Annecy-Chambéry ou sur le technopôle « Technolac ».

Or, souvent, nous ne pouvons pas attendre l'Etat. Et comme nous ne pouvons pas non plus manquer les grandes révolutions, la région Rhône-Alpes avec les présidents de départements a décidé par exemple de mettre en oeuvre un plan nouvelles technologies qui sera voté le 18 juillet. En effet, si nous attendions les initiatives de l'Etat, nous serions déjà loin derrière le Maroc et la Tunisie, ce qui est gênant pour notre activité.

Les PME-PMI ne doivent en effet pas être négligées. Ces niches renferment de jeunes diplômés sortis d'écoles qui dynamisent le territoire. Mais nous ne pouvons vendre ces territoires que si la téléphonie mobile fonctionne correctement dans ces zones et que le haut débit devient une réalité.

De grandes entreprises, leaders mondiaux dans leur secteur, installées à Montbrison accèdent au haut-débit depuis une quinzaine de jours seulement. Elles étaient très en colère et menaçaient de quitter la région.

C'est pourquoi je me suis définie au début de mon intervention comme un rat des villes. Pour moi, la recherche et la technologie sont bonnes pour toutes les activités humaines qu'il s'agisse des entreprises, du tourisme intelligent ou de l'agriculture.

Ne gardons pas la matière grise qui caractérise le siècle dans lequel nous vivons, uniquement tournée vers les nanotechnologies ou nos médicaments. Faisons en sorte qu'elle nourrisse toutes nos activités humaines. Le travail de l'institut du fromage sur la sécurité alimentaire est admirable et, ainsi, quand le Saint-Nectaire va mal, les fromages de la région Rhône-Alpes se portent bien.

M. Jean-Paul Amoudry - Puis-je vous poser une ultime question impertinente dans la suite de celle de mes collègues ? Avez-vous établi un plan concret s'agissant des nouvelles technologies de l'information et de la communication ? La région a t-elle pris des initiatives pour se donner des échéances et qu'avez-vous envisagé au titre de l'aménagement du territoire ?

Mme Anne-Marie Comparini - Nous avons inauguré l'an dernier la première plaque du réseau haut-débit régional, une infrastructure intégralement financée par la région à hauteur de 7 millions 600.000 euros. Cette plaque comportant douze points de sortie, nous avons réussi à obtenir au moins un point de sortie pour chacun des départements de la région Rhône-Alpes.

Le système a bien fonctionné puisque certains départements se sont connectés à notre grande autoroute régionale. Nous pouvions donc aller plus loin, c'est pourquoi nous allons voter au conseil régional le 18 juillet un plan de trois ans dont le financement s'élève à 100 millions d'euros.

L'objectif, dans un premier temps, est de travailler sur les infrastructures. C'est-à-dire veiller à ce que, à partir des douze points de sortie qui existent déjà, tous les points du département soient irrigués à la fois en TIC et en téléphonie mobile. Dans certaines zones rurales, des restaurateurs perdent des marchés en raison des défaillances du réseau.

En outre, pour les industriels, en matière de nouvelles technologies, nous disposons de "hubs", comme à Lyon pour nos vols français. Aujourd'hui, quand j'envoie un e-mail au sénateur Michel Mercier par exemple, mon e-mail transite parfois par New York, alors qu'il partait de Charbonnières-Les-Bains. Une nouvelle technique onéreuse mais efficace installera le "hub" au niveau de la région Rhône-Alpes et permettra aux industriels de gagner du temps.

Troisième point : les usages des NTIC pour la formation de salariés. Nous avons repris l'idée de l'usine d'Ugine et d'une association de la Vallée de la Maurienne, qui ont formé par ordinateur des salariés de PME-PMI. Je vais proposer d'étendre ce type de formation dans mon plan.

Dans trois ans, notre région devrait disposer d'un réseau dense et opérationnel, certes pour un investissement élevé, mais indispensable, néanmoins, à engager.

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