30. Audition de Mme Anne-Marie Comparini, présidente du Conseil régional de Rhône-Alpes, membre de l'association des Régions de France (26 juin 2002)
M.
Jean-Paul Amoudry, rapporteur
- Nous sommes très heureux de vous
accueillir et vous remercions d'avoir répondu à notre proposition
d'audition. Je voudrais excuser Jacques Blanc qui a été
rappelé de façon imprévue en Lozère. Notre mission
travaille aussi diligemment que possible, en dépit des
échéances électorales et des vacances en août, afin
de remettre notre rapport début octobre. La visite des massifs est
presque achevée. Et nous souhaitons aussi rencontrer les élus et
les responsables socioprofessionnels. Nous souhaitons obtenir des
éclairages sur le bilan de la loi montagne vue sous l'angle de l'action
des régions. Nous allons vous entendre à partir d'une grille de
questions que nous vous avons adressée, lesquelles concernent l'ensemble
des régions,
dont celle que vous présidez, la
région Rhône-Alpes, dans la politique
« montagne ». Vos remarques complémentaires seront
évidemment les bienvenues.
Mme Anne-Marie Comparini -
Je souhaite remercier nos collègues du
Sénat d'avoir songé à inviter un président de
région désigné dans le cadre de l'Association des
régions de France (ARF). Je tiens tout d'abord à effectuer un
propos liminaire. Cette réflexion sur les outils montagne me semble
renvoyer directement à la question de la modernisation des
collectivités locales et territoriales. Toutes les régions
comportant des massifs montagneux ayant signé, par exemple, des
conventions de massif, se plaignent que les institutions soient illisibles ou
inefficaces, ce qui correspond aux principaux griefs adressés par les
citoyens aux politiques lors de la dernière campagne électorale.
Nous souhaitons que nos responsabilités et nos compétences soient
clairement définies. La région Rhône-Alpes dispose de trois
massifs : massif du Jura, massif des Alpes et Massif central. Aujourd'hui, nous
sommes les correspondants de préfets éloignés. Ces
derniers nous envoient des préconisations - terme que j'emploie car je
suis femme et douce - nous demandant de remplir des tâches non
discutées au sein des exécutifs régionaux. Je vous adresse
ce propos car, dans le cadre de votre mission, vous disposez certainement des
moyens d'étudier ce problème et de déterminer clairement
ce que doit être l'implication des régions dans les grands enjeux
stratégiques dont la montagne fait partie.
Vous me demandiez de quelle manière la région s'immisce dans le
développement de la montagne et notamment quelle est la part du contrat
de plan Etat-région de Rhône-Alpes, y compris les crédits
hors volet montagne, consacrés aux zones de montagne. Le volet montagne
du CPER 2000-2006 correspond à un programme de 160 millions d'euros pour
l'Etat (1 milliard de francs) et 120 millions d'euros pour la région
(816 millions de francs).
Dans ce chiffre, est inclus le programme sécurité des routes de
la montagne qui, pour les trois quarts, concerne le département de la
Savoie puis la Haute-Savoie, l'Ain ainsi que la partie Loire vers la
région Auvergne.
Les conventions interrégionales de massif, adoptées au conseil
régional en 2000, constituent un second outil. La région a
assuré le financement des actions concrètes proposées par
les commissaires de massif à hauteur de 213 millions de francs. De plus,
en liaison avec les conseils généraux de la région, nous
avons veillé à ce que les programmes européens, comme
LEADER II, INTERREG III (volet franco-suisse pour le Jura, volet franco-italien
pour les Alpes, ainsi que le volet sud-est pour le Massif Central), soient tous
ciblés sur cette politique montagne. Si nous disposions uniquement de
ces mesures (volet montagne du contrat de plan Etat-région, aides
européennes), les moyens financiers ne seraient pas à la mesure
des enjeux du Massif Central, lequel s'étend de la région
Rhône-Alpes à la région Midi-Pyrénées.
Pour ce qui concerne la région Rhône-Alpes, nous avons donc
décidé que les politiques de droit commun de la région
puissent alimenter les décisions prises par les commissaires de massif.
Ainsi, nous jouons aussi sur les contrats de développement
Rhône-Alpes qui comprennent un volet agricole important. Nous jouons
aussi sur les politiques agricoles de droit commun de la région
Rhône-Alpes c'est-à-dire les programmes intégrés de
développement agricole sur les produits, sur l'aide au pastoralisme, sur
des programmes de recherche pour l'agriculture de montagne, sur la gestion des
espaces dans l'agriculture et la forêt. Par an, ce budget
s'élève à 40 millions d'euros consacrés à
notre agriculture de montagne sur les trois massifs de la région
Rhône-Alpes.
Le professeur Debarbieux affirmait que la montagne était un
agrégat d'éléments différents, c'est à
partir de ce constat que la région travaille. De plus, l'idée a
émergé à la suite du premier sommet du tourisme de
Chamonix qu'il fallait construire le tourisme du XXIe siècle, car ce
secteur est un vecteur d'emplois bénéfique aux zones qui vivent
de la montagne. Nous essayons avec les contrats de stations moyennes, avec les
contrats de stations thermales qui se trouvent dans nos massifs, avec ce que
j'appelle la mise en place du tourisme intelligent, d'apporter du soutien aux
grands itinéraires de randonnée, de faciliter l'accès des
handicapés aux sports de montagne, d'impulser une politique touristique
permettant, pour un budget total de 40 millions d'euros, de bien positionner le
massif de Rhône-Alpes dans les flux européens.
Notre politique transport vise aussi à apporter un atout
supplémentaire à nos montagnes ; ne pas régler le
problème les Alpes, dernier bouchon noir en Europe, que ce soit dans la
vallée de Chamonix ou de la Maurienne, conduit à mettre en
difficulté notre patrimoine naturel et notre activité
économique. De plus, l'impossibilité d'accéder à
ces zones nuit au pouvoir d'attraction de la région. D'où
l'intérêt du programme sécurité montagne
lancé par Michel Barnier lorsqu'il était président du
conseil général de Savoie ou nos réflexions sur des
solutions innovantes en matières de fret.
L'animateur de montagne de Saint-Jean de Maurienne et le responsable du Parc
Naturel des Monts d'Ardèche ne sont pas chargés de lire le
Journal Officiel tous les matins. Ils éprouvent donc quelques
difficultés à savoir comment les collectivités travaillent
avec l'Etat.
C'est pourquoi j'ai demandé la parution d'un
vade-mecum
à
destination de nos collègues des zones de montagne retraçant les
lignes budgétaires du conseil régional Rhône-Alpes qui
soutiennent nos politiques de montagne.
Comme le conseil régional de Savoie nous a demandé de travailler
sur le développement économique, je me demande si les
collectivités ne devraient pas se mettre ensemble pour bien expliquer ce
genre de choses.
Enfin, au titre de l'année internationale de la montagne, le conseil
régional Rhône-Alpes a demandé au Conseil économique
et social de notre région d'entamer une réflexion sur les enjeux
de développement particulier du territoire de montagne en
Rhône-Alpes. Ce rapport attendu à la fin de l'année 2002
nous permettra d'inclure les préconisations du Conseil économique
et social dans le schéma Rhône-Alpes "Imaginons Rhône-Alpes
2020", dont nous aimerions qu'il comporte un projet régional montagne.
Vous me posiez une deuxième question : comment l'implication des
régions dans la politique montagne pourrait-elle être
accrue ? Cette interrogation sur la montagne, de même que les
thématiques portant sur les transports ou les nouvelles technologies de
l'information et de la communication, renvoient à
l'intercommunalité des régions. Comme les syndicats ou les
communautés de communes ont réussi leur intercommunalité,
il nous faut réussir l'intercommunalité régionale et
permettre aux régions frontalières de s'ouvrir aux autres
régions européennes.
Cela me paraît très important que l'intercommunalité, sans
défaire l'Etat, nous autorise à travailler avec d'autres
régions d'Europe, ce que permet déjà partiellement
INTERREG III. De plus, puisque toutes les collectivités élaborent
leurs propres schémas d'aménagement et de développement du
territoire, le gouvernement et les deux assemblées pourraient,
grâce à une vue d'ensemble, en extraire les enjeux qui
dépassent le niveau de la région.
Ce projet, évoqué sous Balladur, a été
abandonné depuis 1997. Or cette lecture nationale permettrait de ne pas
manquer certaines opportunités. Dans cette optique, j'ai demandé
aux services de la région et à la commission aménagement
du territoire de la région Rhône-Alpes que soit mis en place un
projet régional montagne dans notre schéma. Par ailleurs, j'ai
sollicité mes collègues présidents de régions qui
ont en charge de grands massifs de penser à le faire. Cette
démarche permettrait une plus grande cohérence de la politique
montagne.
Question trois : vous vous demandez si les comités de massif doivent
devenir des établissements publics de coopération intercommunale
(EPCI) interrégionaux afin d'en faire des organes
décentralisés et impliquer davantage les régions.
J'aimerais d'abord préciser que les comités fonctionnent de
façon vraiment insatisfaisante pour deux raisons. Une raison technique
d'une part ; les comités de massifs disposent en effet de moyens
financiers très réduits. Le manque d'argent les incite donc
à se tourner vers les commissariats de massif, c'est-à-dire vers
le préfet, lequel nous envoie ses préconisations.
De plus, les exécutifs régionaux sont faiblement
représentés dans ces comités. Tant que ces
éléments techniques et politiques ne sont pas résolus, il
me semble difficile de vous répondre sur le bien-fondé d'un EPCI.
Il faut trouver le moyen pour que les textes permettent une action
réelle des exécutifs régionaux afin que l'on ne puisse
plus nous demander de désigner des représentants du conseil
régional en assemblée plénière.
En effet, les conseillers régionaux qui se rendent à ses
réunions aujourd'hui ne sont pas soutenus par une majorité
régionale. Ainsi, en l'état actuel des choses, quelle est la
nécessité de créer un niveau de plus au mille feuilles
administratif français ? De toute façon, les exécutifs
régionaux ne pourront plus assister à toutes les réunions.
Avant de mettre en place les EPCI, essayons de voir préciser très
clairement les compétences de chacun.
Et si des compétences supplémentaires doivent être
attribuées, pourquoi ne pas songer au président du conseil
général ou du conseil régional ?
Réfléchissons d'abord à savoir qui sont les patrons dans
la région : les préfets ou les assemblées élues qui
disposent d'un budget? Ensuite, nous pourrons travailler aux outils
administratifs à mettre en oeuvre.
Question quatre : quelles sont les conséquences pour la région
Rhône-Alpes de la réunification des massifs ? Nous en sommes
ravis car cette séparation des deux massifs était artificielle.
L'intérêt désormais est que la région
Provence-Alpes-Côte-d'Azur travaille ensemble. L'astuce serait d'englober
aussi les Alpes qui se trouvent du côté italien, ainsi un
équilibre se créerait entre Paca et Ligurie, Rhône-Alpes et
le Piémont mettant fin à des stratégies qui étaient
divergentes jusqu'à présent et aussi à la guerre de la
clientèle. La coopération permettra d'ériger les Alpes en
un massif européen qui attirera les grands flux.
Question cinq : quel jugement portez-vous sur le fonctionnement des organismes
relatifs à la montagne, en particulier dans votre région
(commission spéciale des unités touristiques nouvelles (UTN),
comités de massif, commission permanente...) ? La région
Rhône-Alpes n'est pas invitée à participer à la
commission spéciale des unités touristiques nouvelles, donc je
n'ai pas de jugement.
S'agissant des comités de massif, pour le Massif Central, dont
l'instance regroupe 75 membres, notre présence n'est pas aussi forte que
nous le souhaiterions puisque deux représentants de la région
Rhône-Alpes seulement y siègent, désignés par
l'assemblée de ce fait. Pour le massif du Jura comportant 49 membres,
dont 25 représentants des collectivités territoriales
(régions, départements, territoire de Belfort, communes et
groupements), nous sommes représentés par deux conseillers
régionaux, et pour les Alpes du Nord, selon l'ancien document, nous
disposons de quatre conseillers régionaux désignés par
l'assemblée régionale.
Ces chiffres prouvent que le préfet reste le patron. Ainsi, soit cette
compétence relève de l'Etat et les préfets vont jusqu'au
bout de leur mission, à l'inverse, si les collectivités se voient
reconnaître un pouvoir de décision, il s'agit de reconstruire les
structures en les adaptant au terrain. Enfin, un autre
élément me semble gênant : bien que j'en ai fait la
demande à trois préfets coordonnateurs de massif, nous ne sommes
pas autorisés à utiliser nos services. De plus, mises à
part les préconisations des préfets et la demande de moyens
financiers, nous constatons le peu de retour en informations reçues par
les exécutifs des régions.
Sixième point : quel regard portez-vous sur les règles
d'urbanisme et les différents dispositifs permettant de les
préciser (Directives Territoriales d'Aménagement (DTA),
prescriptions de massifs), en particulier dans votre région ?
Deux DTA ont été mises en place dans la région
Rhône-Alpes, celle de Lyon et celle des Alpes du Nord. Ce dispositif a
identifié de manière intéressante l'enjeu
spécifique du massif des Alpes du Nord, même s'il s'en tient
à des préconisations. Quand nous interrogeons le préfet
sur la manière d'aller plus loin, il nous propose de créer des
SCOT (schémas de cohérence territoriale) à
l'échelle du massif. Je ne suis absolument pas d'accord avec cette
proposition dans un contexte où les collectivités territoriales
fonctionnent bien. De plus, nous avons déjà travaillé sur
les DTA et les contrats de pays se mettent en place.
Plutôt que créer des strates de décision
supplémentaires, il faudrait, aujourd'hui, clarifier l'utilisation de
ces outils. Voilà ce que je voulais vous indiquer sur les questions que
vous m'avez posées.
M. Jean-Paul Amoudry
- Merci, Madame la présidente, de ces
précisions éclairantes. Nous avons des questions à vous
poser. Pour ma part je me limiterais à une seule question qui ne figure
pas dans la grille. Les lois d'orientation et d'aménagement du
territoire ont prescrit l'élaboration de schémas de services
collectifs. Au travers de votre expérience, quelle vision avez-vous de
l'élaboration de ces schémas de service en montagne,
croisés avec les contrats initiés par la région et avec
les procédures de pays, les politiques contractuelles ou définies
de manière unilatérale par l'Etat ? De même, vous avez
parlé de mille feuille s'agissant des collectivités
territoriales. Ce mille feuille n'est-il pas aussi le fait de ces
procédures ?
Mme Anne-Marie Comparini
- Vous évoquiez le schéma de
services collectifs sur lesquels les collectivités ont beaucoup
travaillé. J'ai regretté le manque de transversalité que
nous avons constaté dans la région Rhône-Alpes. En effet,
des schémas agriculture, économie, transport ont
été élaborés, mais le croisement des
réflexions qui aurait permis de faire émerger les grands enjeux
de la région n'a jamais été possible. Les schémas
de services collectifs ainsi que les schémas d'aménagement du
territoire, mis en oeuvre sur le terrain, n'ont jamais
bénéficié d'une lecture nationale.
J'aimerais que le nouveau gouvernement soit attentif à cela. Il pourrait
utiliser les avis demandés aux collectivités territoriales afin
d'alimenter la réflexion au niveau national. Ainsi, peut-être,
pourrait-il s'apercevoir que certains enjeux relèvent d'une
démarche transversale, comme, par exemple, la montagne, le fleuve.
Deuxième élément, s'agissant des contrats de pays et
d'agglomération, je ne peux que constater l'intérêt qu'y
portent mes collègues même si cette démarche est souvent
lourde. Je crois que nous nous orientons dans la bonne direction, prenons garde
toutefois à l'articulation de ces structures avec les
départements, les régions. La discussion doit être
menée sans passion afin de voir comment profiter du XXIe siècle
et garder le meilleur de ce que nous avons.
M. Jean Boyer
- Vous avez la charge d'une des plus grandes
régions de France où l'équilibre entre les grandes
métropoles, Lyon, Saint-Etienne et Grenoble, est satisfaisant. De plus,
cette région dispose de territoires de haute montagne
bénéficiant d'un tourisme alpin et d'un territoire de moyenne
montagne où les centres de consommation et les centres de production
(agroalimentaire, abattoirs, collecte de lait) ne sont pas très
éloignés.
Pensez-vous, Madame, que la création de jumelages avec
l'arrière-pays puisse être bénéfique dans votre
région, c'est-à-dire donner l'autorisation à des
entreprises ou des individus travaillant dans des zones
suréquipées de s'implanter dans des zones plus
désertifiées afin de permettre un échange entre le
tourisme et l'économie puisque la population suit le travail ? Mais la
région Rhône-Alpes ne représente peut-être pas le cas
de figure idéal puisque les métropoles sont bien
réparties...
Mme Anne-Marie Comparini
- Les huit grandes villes de la région
se répartissent effectivement très correctement sur le
territoire. Et nous disposons maintenant de 6 parcs naturels régionaux.
Nous considérons en effet, et cela répondra à votre
question, que préserver l'environnement était indispensable face
à l'activité de Grenoble, Lyon, Saint-Etienne, dont le
développement risque d'absorber tous les terrains. Ainsi, selon nous,
concentrer l'activité sur les zones Lyon-Chambéry-Saint-Oyen,
plutôt que l'étendre, nous semble préférable.
L'agriculture périurbaine assure un joli revenu aux jeunes agriculteurs.
Je constate d'ailleurs personnellement sur le marché le samedi matin que
mes produits coûtent très cher.
Nous avons également besoin de conserver un très beau patrimoine
naturel car le tourisme est la première activité touristique de
notre région. De ce fait, je n'imagine pas possible de dire : nous ne
disposons plus de terrain aux alentours de Lyon, donc nous allons installer les
zones industrielles sur le territoire du parc naturel régional de la
Chartreuse.
Nous sommes parvenus à un équilibre. D'ailleurs, le taux
d'installation des agriculteurs dans la région tourne autour de 2,8 pour
les années 2000 et 2001, car nous avons réussi la
pluri-activité pour l'agriculteur en mélangeant agriculture de
montagne et activité touristique lui permettant d'obtenir deux salaires.
Nous souhaiterions par ailleurs acheter des terrains pour les jeunes
agriculteurs autour du franco-genevois ou dans l'Ardèche du sud et la
Drôme, où les terres sont aujourd'hui reprises par les Suisses. Or
la loi du 2 mars 2000 dite loi Gayssot concernant l'outil de gestion de
foncier, qui nous aurait permis de créer des sociétés
d'investissement régionales, est inapplicable.
Sur 20 régions françaises, seules deux régions ont
tenté vainement de l'appliquer : la région Ile-de-France
dirigée par Jean-Paul Huchon et la région Rhône-Alpes.
Cette loi, dont l'idée est bonne, est à revoir. Donc, je pense
qu'il faut préserver des terres car le tourisme est la première
activité touristique de notre pays et qu'il ne faut pas casser la poule
aux oeufs d'or.
M. Gérard Bailly -
J'ai apprécié votre
interrogation concernant l'organe de décision compétent :
s'agit-il du préfet de région ou des représentants des
différentes collectivités, des forces économiques, des
forces vives ? J'opterais bien sûr pour la deuxième alternative
car les gens du terrain connaissent mieux les besoins.
Voici 25-30 ans, quand nous bénéficiions des crédits du
Fonds interministériel pour le développement et
l'aménagement rural (FIAM), le Préfet retenait les
opérations que le monde économique, le monde des élus
avait définies dans ses comités. Il me semble tout de même
que cela a beaucoup évolué.
J'aimerais vous poser deux questions. Les zones de montagne engendrent des
coûts importants pour créer et entretenir les routes, impulser les
nouvelles technologies d'information et de communication, développer la
téléphonie mobile-les opérateurs ayant pris en charge la
construction de réseaux dans les secteurs de plaine en délaissant
les zones de montagne, - les coûts aussi en aménagement, en
assainissement. Tout est beaucoup plus cher qu'ailleurs.
Pensez-vous que le système de péréquation actuel soit
satisfaisant ?
Pour ma part, je ne le crois pas. Si nous souhaitons que les territoires de
montagne aient un avenir, est-ce qu'une grande réflexion ne doit pas
être menée sur ce problème de la
péréquation ?
Ma deuxième question prend le contre-pied de ce que vous avez
déclaré à mon collègue. Une zone de montagne
représente un atout touristique important. Mais pour que cet atout
existe, il faut une agriculture qui puisse aménager l'espace mais aussi
une vie durant les neuf mois de l'année où le tourisme est absent
; c'est-à-dire pour les habitants de ces régions, la
nécessité d'avoir une autre activité.
Or beaucoup de touristes délaissent les grandes stations au profit de
territoires beaucoup plus isolés. Il me semble qu'aujourd'hui, certains
projets économiques peinent à se mettre en place dans ces
régions. Comment convaincre un banquier, un médecin, un
épicier, de rester ? Or j'ai l'impression que le monde citadin ne
souhaite pas que des activités subsistent en montagne car il
préfère passer ses vacances dans un cadre qui correspond à
la montagne des années passées.
Les gens de la montagne s'offusquent de cela. Il faut accepter que des
investissements maîtrisés puissent être faits à la
montagne. Auparavant 40 agriculteurs de base permettaient à
l'épicier du coin, au café de subsister, or maintenant ce poids
n'existe plus. La question de l'aménagement du territoire ne peut
exclure cette réflexion. Aujourd'hui, faire un dossier dans les zones de
montagne devient très compliqué, d'autant que les coûts
sont prohibitifs et les enquêtes longues.
Dans le Jura, nous essayons de préserver l'environnement tout en nous
souciant de l'activité. Car nous sommes en train de vider la substance
de cette région. Quel est votre sentiment sur cette question ?
Mme Anne-Marie Comparini -
Pardon, je suis un rat des villes et
peut-être vais-je dire des choses trop idéalistes ou naïves.
J'évoquais ce sommet du tourisme qui s'est déroulé
à Chamonix l'an dernier. Un professeur de l'université de
Lausanne, lequel partait de votre souci d'une vie dans les zones de montagne,
affirmait que l'Europe étant entrée dans une économie de
loisirs, il fallait veiller à ce que perdure une activité
touristique tout au long de l'année dans ces territoires.
Suite à cette intervention, j'ai demandé au Conseil
économique et social de développer ces idées car, pour
nous, pays européens, l'intérêt est grand de retenir ces
touristes, notamment les personnes du troisième âge qui voyagent
d'octobre à mai. Même si travailler peu n'est pas une philosophie
de vie pour tout le monde, nous sommes entrés dans une période
où nous sommes encore en forme à la fin de la vie active. Le
retraité aura donc envie de voyager, de rencontrer des pays et des
cultures tout au long de l'année.
S'agissant des activités industrielles en zones de montagne, nous avons
l'exemple au fin fond de l'Ardèche d'entreprises qui réalisent
des bracelets, des bijoux pour de grands couturiers. Cette activité de
PME-PMI marche bien. L'installation de ces entreprises implique
évidemment que la région leur offre le même environnement
technologique que s'ils se retrouvaient à Grenoble ou sur la zone
Annecy-Chambéry ou sur le technopôle
« Technolac ».
Or, souvent, nous ne pouvons pas attendre l'Etat. Et comme nous ne pouvons pas
non plus manquer les grandes révolutions, la région
Rhône-Alpes avec les présidents de départements a
décidé par exemple de mettre en oeuvre un plan nouvelles
technologies qui sera voté le 18 juillet. En effet, si nous attendions
les initiatives de l'Etat, nous serions déjà loin derrière
le Maroc et la Tunisie, ce qui est gênant pour notre activité.
Les PME-PMI ne doivent en effet pas être négligées. Ces
niches renferment de jeunes diplômés sortis d'écoles qui
dynamisent le territoire. Mais nous ne pouvons vendre ces territoires que si la
téléphonie mobile fonctionne correctement dans ces zones et que
le haut débit devient une réalité.
De grandes entreprises, leaders mondiaux dans leur secteur, installées
à Montbrison accèdent au haut-débit depuis une quinzaine
de jours seulement. Elles étaient très en colère et
menaçaient de quitter la région.
C'est pourquoi je me suis définie au début de mon intervention
comme un rat des villes. Pour moi, la recherche et la technologie sont bonnes
pour toutes les activités humaines qu'il s'agisse des entreprises, du
tourisme intelligent ou de l'agriculture.
Ne gardons pas la matière grise qui caractérise le siècle
dans lequel nous vivons, uniquement tournée vers les nanotechnologies ou
nos médicaments. Faisons en sorte qu'elle nourrisse toutes nos
activités humaines. Le travail de l'institut du fromage sur la
sécurité alimentaire est admirable et, ainsi, quand le
Saint-Nectaire va mal, les fromages de la région Rhône-Alpes se
portent bien.
M. Jean-Paul Amoudry
- Puis-je vous poser une ultime question
impertinente dans la suite de celle de mes collègues ? Avez-vous
établi un plan concret s'agissant des nouvelles technologies de
l'information et de la communication ? La région a t-elle pris des
initiatives pour se donner des échéances et qu'avez-vous
envisagé au titre de l'aménagement du territoire ?
Mme Anne-Marie Comparini
- Nous avons inauguré l'an dernier la
première plaque du réseau haut-débit régional, une
infrastructure intégralement financée par la région
à hauteur de 7 millions 600.000 euros. Cette plaque comportant douze
points de sortie, nous avons réussi à obtenir au moins un point
de sortie pour chacun des départements de la région
Rhône-Alpes.
Le système a bien fonctionné puisque certains départements
se sont connectés à notre grande autoroute régionale. Nous
pouvions donc aller plus loin, c'est pourquoi nous allons voter au conseil
régional le 18 juillet un plan de trois ans dont le financement
s'élève à 100 millions d'euros.
L'objectif, dans un premier temps, est de travailler sur les infrastructures.
C'est-à-dire veiller à ce que, à partir des douze points
de sortie qui existent déjà, tous les points du
département soient irrigués à la fois en TIC et en
téléphonie mobile. Dans certaines zones rurales, des
restaurateurs perdent des marchés en raison des défaillances du
réseau.
En outre, pour les industriels, en matière de nouvelles technologies,
nous disposons de "hubs", comme à Lyon pour nos vols français.
Aujourd'hui, quand j'envoie un e-mail au sénateur Michel Mercier par
exemple, mon e-mail transite parfois par New York, alors qu'il partait de
Charbonnières-Les-Bains. Une nouvelle technique onéreuse mais
efficace installera le "hub" au niveau de la région Rhône-Alpes et
permettra aux industriels de gagner du temps.
Troisième point : les usages des NTIC pour la formation de
salariés. Nous avons repris l'idée de l'usine d'Ugine et d'une
association de la Vallée de la Maurienne, qui ont formé par
ordinateur des salariés de PME-PMI. Je vais proposer d'étendre ce
type de formation dans mon plan.
Dans trois ans, notre région devrait disposer d'un réseau dense
et opérationnel, certes pour un investissement élevé, mais
indispensable, néanmoins, à engager.