23. Audition de MM. Bernard Rousseau, inspecteur général du tourisme, Alain Wauters, inspecteur général de la construction, représentant du conseil général des Ponts et Chaussées et Louis Blaise, inspecteur général de l'environnement, chargés d'une mission interministérielle sur la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (18 juin 2002)
M.
Jean-Paul Amoudry -
Je voudrais remercier nos invités pour avoir
établi un contact avec nous. Nous avons décidé de
créer cette mission d'information au cours de l'année
internationale des montages et profitant de l'intermède des travaux
législatifs jusqu'à la remise des travaux parlementaires en
octobre. C'est dans cet espace de temps que nous auditionnons et allons sur le
terrain rencontrer les responsables locaux. Nous nous sommes donné comme
objectif de déposer en octobre prochain les conclusions de ce travail.
Nous sommes ce soir à un moment important, puisque nous avons conscience
d'avoir en face de nous des hommes qui connaissent particulièrement leur
sujet et qui sont donc investis de choses qu'il nous sera précieux
d'entendre.
M. Alain Wauters -
Nous souhaitions effectivement vous rencontrer parce
que nos préoccupations se recoupent beaucoup.
Nous avons une mission depuis la fin de l'année 2001 qui consiste
à apprécier la pertinence de la loi montagne sur deux grands
aspects : la procédure UTN (unités touristiques nouvelles);
l'aspect intercommunal de la gestion du territoire comme de l'offre touristique.
En pratique, nous avons commencé à établir un plan de
travail à partir de la fin 2001 début 2002. Nous avons à
ce jour pu rencontrer beaucoup de responsables publics et privés des
différents massifs. Nous récoltons de nombreuses informations et
d'ici peu, autour d'un plan de travail en train de se dessiner, nous allons
rédiger une appréciation de la situation et des propositions.
L'objectif est de produire ce document à la fin de l'été.
M. Jacques Blanc -
C'est un document demandé par le gouvernement
et qui doit déboucher dans l'été. Nous allons donc lui
demander de vous charger de nous fournir tous les éléments.
On s'aperçoit d'ores et déjà de l'intérêt de
cette mission. Des personnes ont travaillé, des documents ont
été créés. Nous avons eu la chance de pouvoir nous
auto-saisir. Si nous avons la possibilité de glaner les travaux
développés par des experts tels que vous, cela peut nous
permettre de ne pas nous disperser et de donner des suites intéressantes
aux propositions qui peuvent en émaner.
M. Alain Wauters -
Ces questions prennent leurs racines sur des travaux
antérieurs. Mais les travaux les plus marquants sont ceux du
commissariat au plan. Ils ont été présentés en
1999. Une partie de ces travaux s'est prolongée dans un autre dossier
appelé
la question de la moyenne montagne
, présenté
l'année dernière à Clermont-Ferrand. On trouve dans ces
dossiers des éléments de diagnostics et des
éléments de suggestion.
Nous exploitons, revisitons et complétons éventuellement ces
travaux avec d'autres points de vue.
M. Jean-Paul Amoudry -
J'aimerais que nous puissions bien nous entendre
sur le champ d'investigation. Vous nous avez parlé de deux
objectifs : UTN d'une part et gestion territoriale sous l'angle
touristique que ce territoire peut avoir.
Avez-vous copie de la lettre de mission qui est la vôtre ?
M. Alain Wauters -
C'est un premier élément que nous
pouvons vous fournir.
M. Jean-Paul Amoudry -
D'autre part, en ce qui concerne notre mission et
le court temps que nous nous sommes imparti, nous ne pourrons pas aller au fond
de toutes les choses. Mais nous n'avons a priori rien exclu. Notre champ
d'investigation, les rencontres que nous faisons et les enquêtes que nous
menons portent sur tous les sujets de la loi du 9 janvier 1985 et sur tous les
sujets modifiés depuis par des lois ultérieures . Notre
porte d'entrée d'analyse est aussi bien l'environnement,
l'aménagement ou l'économie. C'est ensuite, par un travail de
hiérarchisation des problèmes, que nous ferons des propositions.
Alors je crois qu'il serait utile que nous puissions coordonner le message qui
sera le vôtre sur les deux sujets que vous avez désignés et
ce que seront nos propres propositions.
M. Jacques Blanc -
Nous avons déjà beaucoup entendu parler
de l'UTN. C'est un sujet sensible. Quelle en est votre analyse rapide ?
M. Bernard Rousseau -
Quand nous avons commencé nos auditions
nous avons réalisé que la procédure UTN est un sujet sur
lequel nous allions rencontrer de fortes divergences. Mais contre toute
attente, nos interlocuteurs ont un avis plutôt favorable sur la
procédure UTN. Il y a plusieurs raisons.
Nous ne sommes plus dans la forte période des UTN. La question arrive
à un moment où la polémique est déjà
retombée.
La procédure UTN est surtout intéressante avant qu'on la mette en
oeuvre. Elle a souvent permis, par les confrontations qui ont eu lieu quand les
dossiers ont été bâtis, une discussion et parfois une
amélioration des projets, voire un abandon de projets inadaptés.
Cette procédure, bâtie à une époque où il
s'agissait d'aménager les grands domaines skiables, continue à
être appliquée sous la même forme, alors que les projets ont
changé.
La procédure a montré son efficacité et son
utilité. Dans certaines circonstances, elle doit cependant
évoluer.
Nous n'avons pour l'instant pas choisi de voie particulière à
explorer. La loi Corse a adopté une solution en aménageant la
commission des sites.
M. Louis Blaise -
Une des quelques critiques de cette procédure
concerne le coût et la durée des études qui ont
amélioré les projets. C'est assez mal accepté par les
petites communes, pourtant nombreuses dans ces massifs.
Nous avons envisagé plusieurs scénarios possibles, notamment que
la décision soit davantage rapprochée du terrain. Une voie
administrative pourrait consister à ce que la procédure UTN ne
soit plus décidée par le préfet de massif mais à
l'échelle du département.
Pour que la prise de décision soit plus proche, il faut qu'il y ait une
réflexion d'ensemble. Quand on regarde le décret de 1977, on
constate qu'il y avait une procédure intéressante appelée
PPDT (Programmes Pluriannuels de Développement Touristique) qui
étaient une façon de se projeter au-delà du projet
ponctuel, dans le temps, avec une programmation spatiale voire aussi
financière ; malheureusement ils n'ont pas été repris
par la loi de 1985, parce qu'ils relevaient d'une procédure
réglementaire, hors du champ de la loi.
On peut le regretter, car c'était une sorte de parapet pour rapprocher
encore plus les décisions des collectivités de base.
L'instance d'évaluation de la politique de la montagne, dans les
propositions qu'elle faisait, essayait de réhabiliter en quelque sorte
le PPDT.
Aujourd'hui, il faut le resituer dans le contexte de tous les outils qui ont
été mis en application par les lois récentes. Cela risque
de renforcer l'image d'une France qui sédimente.
M. Jacques Blanc -
Existe-t-il un rapport avec le SCOT (schéma de
cohérence territoriale) ?
M. Louis Blaise -
Le PPDT concerne le tourisme uniquement. Il est
difficile voire présomptueux d'imaginer qu'il y aura des SCOT partout.
Il peut également se poser le problème de l'échelle
d'appréhension des problèmes. Celle du PPDT est bonne. C'est par
exemple une partie de la haute-Tarentaise... Concernant le SCOT, nous n'avons
pas suffisamment de recul pour l'apprécier finement.
Les prescriptions particulières de massif ont été
abandonnées dans la loi montagne et réapparaissent avec la loi
SRU (solidarité et renouvellement urbain).
C'est tout de même une idée intéressante puisqu'il est
difficile d'imaginer une réglementation appliquée de
manière indifférenciée à tous les massifs
montagneux français.
Incontestablement, il nous semble que cette piste mérite d'être
approfondie, car elle semble prometteuse. Cela sera confirmé ou non par
les conditions d'élaboration des prescriptions particulières de
massif.
Si c'est une production purement technocratique et réglementaire, cela
échouera. Il faudrait une élaboration concertée de ces
prescriptions. Cela rejoint la question de la vocation du comité de
massif, instance qui doit jouer son rôle dans cette élaboration.
M. Alain Wauters -
Concernant la loi montagne, on peut regretter une
sorte de retrait par rapport à la directive, notamment sur le fait que
la directive nuançait les massifs entre eux, en termes d'altitude par
exemple. C'était une amorce intéressante pour développer
des pratiques différentes selon les massifs.
Les dispositions de la loi montagne sont les mêmes pour tous les massifs,
d'où sans doute une petite difficulté à surmonter.
D'autre part, les UTN n'intéressent que les opérations
touristiques. Or, aussi bien dans les gros pôles touristiques qui se sont
développés au cours des dernières décennies que
dans des secteurs plus diffus, on s'aperçoit que cela peut
intéresser des aménagements qui ne sont pas touristiques mais qui
permettent à la vie locale de fonctionner. On voit alors des
débordements paysagers, financiers et autres qui échappent
à la procédure.
Pour rejoindre les remarques sur le cadrage général de
développement, l'UTN qui cible le côté touristique, mais
fait l'impasse sur d'autres aspects qui peuvent être gênants,
devrait être encadrée par un dispositif à l'échelle
du territoire pertinent.
Une autre remarque concerne le périmètre de la montagne qui
rentre plutôt dans une logique agricole. Ce n'est pas un
périmètre qui répond à des considérations
urbanistiques. On cale donc des procédures qui ont leurs vertus et leurs
limites alors même que le périmètre de la montagne n'a pas
été conçu spécialement pour ça.
Mes collègues sont allés à Bruxelles où on
s'aperçoit bien qu'au niveau européen, il y a peut-être une
recherche d'harmonisation des critères qui permettrait de définir
ce qu'est véritablement la montagne.
M. Jacques Blanc -
Avez-vous pensé qu'ils cherchaient vraiment ?
M. Alain Wauters -
Je ne suis pas sûr qu'ils cherchent avec
vivacité.
M. Jacques Blanc -
Nous sommes allés aussi à Bruxelles.
Nous avons le sentiment qu'il n'y a pas pour l'instant de politique de la
montagne, mais que cela peut venir avec la notion de territoire à
handicap.
M. Alain Wauters -
Oui, c'est cela.
Cela soulève une autre remarque, qui intéresse nos
propositions : il nous faut les resituer par rapport aux grandes tendances
générales, qu'elles soient nationales ou internationales.
Une deuxième remarque de portée générale : nos
outils ont généralement été fabriqués pour
encadrer des grands développements de type urbain. Mais ils ne sont pas
forcément appropriés, au secteur rural, pour encourager des
choses modestes, mais qui localement ont leur importance et qui contribuent au
maintien de la vie, voire pour traiter le déclin par des reconversions,
la préservation du patrimoine.
De ce point de vue, il y a un sans doute un intérêt pour des
démarches de type contractuel et programmatique, comme les PPDT.
Peut-être irons-nous vers des dispositifs d'encouragement contractuels en
complément ou substitution de règles juridiques
d'application ? C'est un problème de philosophie de la pratique
administrative.
M. Gérard Bailly
- Avez-vous entendu dire qu'il fallait supprimer
la procédure UTN ?
M. Alain Wauters -
Non.
Il n'est pas impossible que pour la plupart des montagnards, le fait d'avoir
une loi à soi soit bien perçu, y compris avec ses contraintes.
M. Jean-Paul Amoudry -
Un autre aspect de la procédure UTN
concerne les zones de littoral où s'entrecroisent loi montagne et loi
littoral. A partir des plans d'eau, artificiels ou naturels, les exigences pour
leur constitution sont telles que rien ne se fait.
Avez-vous ressenti des problèmes particuliers à ce niveau ?
M. Louis Blaise -
Là aussi, la nuance est nécessaire. A
définition administrative égale de l'eau correspondent des
réalités différentes selon la situation
géographique et la vie qui l'accompagne.
M. Jacques Blanc -
Sur le même espace, vous avez : des endroits
où il faut maîtriser la pression et où ont
été mises en place des procédures UTN d'envergure ; des
endroits vides d'habitation. Si l'on applique les mêmes règles,
cela ne peut pas fonctionner.
M. Gérard Bailly -
Je voudrais citer l'exemple du lac de Chanin,
cité lacustre et site archéologique à 480 mètres
d'altitude, rattaché à une commune à 650 mètres
d'altitude et donc sous le coup de la loi montagne. Nous voulions
aménager le bord de ce lac, mais nous avons été
bloqués du fait de la réglementation lac de montagne.
M. Alain Wauters -
Cela évoque encore la nécessité
du cadrage, PPDT, SCOT ou autre. S'il existait, il permettrait sans doute de
mieux traiter ces projets en satisfaisant aussi bien l'environnement que
l'économique. Les différents dossiers particuliers seraient ainsi
gérés plus facilement. Malheureusement, les projets arrivent
successivement et isolément.
Il existe des cas heureux où des schémas de cohérence
volontaires ont été réalisés. Mais pour
élaborer ces projets d'ensemble, on se heurte souvent à des
difficultés de toutes natures.
M. Jacques Blanc -
Il est plus facile de s'adapter lorsque les pressions
sont clairement visibles fortes et identifiées. Dans les cas plus
courants où elles le sont moins, il est important de s'adapter à
la réalité de leur propre pression dans leur domaine et
d'introduire de la souplesse.
M. Louis Blaise -
Je pense que ce qui manque, véritablement,
c'est la pédagogie à côté de tout l'arsenal
législatif et réglementaire. En effet, si effectivement on
prenait le temps de faire de la pédagogie, pour répondre à
des situations comme celles-ci, l'administratif ne prendrait pas autant le pas
sur l'intérêt public.
M. Jacques Blanc -
Il manque également des urbanistes-paysagistes
auxquels les communes puissent faire appel et que dans l'élaboration des
POS
M. Louis Blaise -
...des PLU (plans locaux d'urbanisme)...
M. Jacques Blanc -
... il y ait cette introduction de dimension.
M. Louis Blaise -
Les prescriptions particulières de massif
peuvent aider dans ce sens-là. Elles permettraient d'avoir une meilleure
compréhension des spécificités locales. Les textes le
permettent, il suffit de se saisir de l'outil et de le faire vivre.
M. Jacques Blanc -
Cela peut en effet faire évoluer les choses et
faire prendre en compte les différences qui séparent un plan
d'eau d'un autre, même si celui-ci est proche du premier. C'est là
que le comité de massif peut tempérer celui qui dans sa commune
souhaite entreprendre des travaux en dépit du bon sens.
Je crois que les élus et les populations sont sensibilisés
à la sauvegarde du paysage. En montagne, les erreurs pouvant être
désertifiantes, il est nécessaire que quelqu'un exerce un
rôle de conseil.
M. Bernard Rousseau -
Dans notre réflexion, nous voulions aussi
rechercher quelques analogies. Une de celles qui nous sont venues à
l'esprit est : massif / bassin. Il existe un comité de massif comme
un comité de bassin. Pourquoi les réflexions de gestion politique
des eaux ne pourraient pas fonctionner au niveau des massifs ?
M. Jacques Blanc -
Dans les comités de bassins, des taxes sont
prélevées et renvoyées par les agences de bassin. Dans les
comités de massif, il n'y a pas d'argent.
M. Bernard Rousseau -
Ce point-là nous est venu à l'esprit
évidemment, mais je crois que l'argent est utile pour mettre en oeuvre
une politique, sans être utile à une réflexion politique.
Le système qui se décline au niveau des bassins avec les SAJ et
autres pourrait se décliner dans l'idée des massifs, pour
transcender les limites communales.
M. Jacques Blanc -
Je crois que le besoin est d'avoir des approches
territoriales. Pendant trop longtemps, nous avons eu des règles
générales et avons oublié les réalités de
l'espace et du territoire. La politique de la montagne est d'amener la
capacité de maintien d'activité de vie et d'environnement.
M. Alain Wauters -
C'est vrai pour l'aspect environnemental et
territorial, mais si on se met du point de vue du touriste, cela va de soi
aussi. On sent que les esprits évoluent dans ce sens-là tout de
même.
M. Louis Blaise -
La procédure UTN, par définition
était faite sur des projets ponctuels. A l'époque, ils
étaient de grande dimension. Aujourd'hui, ce sont de petites
opérations. Souvent, c'est de la réhabilitation.
M. Jacques Blanc -
Faut-il une procédure UTN pour une
réhabilitation de station ?
M. Louis Blaise -
La réponse a été partiellement
apportée par l'augmentation du seuil dans ce cas particulier.
Partiellement car c'est un seuil financier.
M. Jacques Blanc -
Bien. Pouvez-vous nous dire un mot sur
l'intercommunalité ?
M. Alain Wauters -
Que dire de plus qui n'ait été dit
à propos des PPDT ou des prescriptions de massifs ? L'impression est que
l'on ne pourra pas appliquer toutes les dispositions sur tout le territoire
français. Selon les lieux, on peut imaginer qu'une charte sera
intéressante pour développer une dynamique locale, ou un SCOT qui
pourra être adapté à un domaine comme la Tarentaise. En
revanche, dans le Massif Central, on peut sans doute trouver d'autres
dispositifs plus légers.
L'essentiel est de pouvoir dépasser les périmètres
administratifs issus d'un passé plus ou moins lointain pour gérer
convenablement son territoire et répondre à
l'intérêt local et au touriste..
C'est une pétition de principe car nous n'avons pas encore assez de
recul.
M. Jean-Paul Amoudry -
Vous êtes vous penchés sur l'avenir
de la moyenne montagne et plus particulièrement quand elle est support
de stations de sports d'hiver, foyers de ski de fond...tout ce maillage de
petits sites de toutes sortes qui souffrent de différents facteurs comme
l'enneigement et la vétusté des installations.
Il y a une grande interrogation sur cette moyenne montagne, alors même
qu'elle avait pris le cap du développement touristique voici une
trentaine d'années, à l'époque de la rénovation
dite rurale où l'Etat incitait fortement à se lancer dans ces
affaires.
Aujourd'hui, les collectivités se sentent seules et appellent à
l'aide. C'est du moins notre ressenti. Le partagez-vous ?
M. Alain Wauters -
Nous avons constaté le déclin d'un
certain nombre de secteurs qui avaient pourtant eu du succès. Cela
renvoie à des éléments compliqués comme le tourisme
social, les classes de neige, le tout en relative désaffection. Cela
pose la question de la pluri-activité, car on ne peut faire vivre une
région sur une saison. Les investissements sont trop lourds. Ils n'ont
pas dû être perçus comme tels à l'époque
où ils ont été entrepris.
Cela pose également la question du conventionnement : le contrat
passé entre les opérateurs, s'ils existent, et la
collectivité.
M. Jean-Paul Amoudry -
Oui, c'est la loi montagne et la loi Sapin.
M. Alain Wauters -
La moyenne montagne est malheureusement le lieu
où se conjuguent énormément de difficultés
d'évolution de toutes natures que l'on maîtrise mal.
Que peut faire l'Etat dans ce cadre ? Le rapport que nous évoquions en
début de séance essayait de cerner au mieux les questions qui se
posaient pour voir dans quelle mesure on pouvait essayer d'y répondre.
Une des conclusions que nous avons pu avoir, il y a quelques années, est
que l'on ne pouvait plus, par exemple dans le domaine de l'hébergement,
se satisfaire d'un partage aussi net entre tourisme social et tourisme
commercial et qu'il fallait rechercher des formules qui combinaient les deux
pour faire vivre un système en toutes saisons. Etait aussi posée
la question du statut des actifs, de l'organisation des prestations sociales
pour les pluriactifs, des produits nouveaux, de l'évolution du temps de
loisir...
M. Jean-Paul Amoudry -
C'est un des gros problèmes de nos zones
à handicaps.
M. Alain Wauters -
C'est là où il faut investir en
matière grise et en projets pour constituer des bons dossiers à
présenter à l'Europe.
M. Jean-Paul Amoudry -
Il faut que les solutions à venir puissent
s'appuyer sur une définition de l'attente de nos concitoyens
d'aujourd'hui et de demain et que ce soit assis sur une étude
économique forte. C'est là une expertise à apporter
à ces régions.
M. Bernard Rousseau -
Une des difficultés de la moyenne montagne
est qu'elle apparaît en creux ; c'est le territoire situé entre la
haute montagne et la plaine. Plus elle est proche de la haute montagne plus
elle proche de loisirs. Plus elle se rapproche de la plaine, plus elle est
orientée vers le tourisme de campagne. On ne peut pas là non plus
appliquer les mêmes recettes dans les deux cas. C'est une situation
délicate dans la mesure où la moyenne montagne n'est pas une
entité unique à qui on peut appliquer une recette unique.
Je ne suis pas sûr d'autre part qu'avoir qualifié ce domaine de
moyenne montagne n'ait pas été un handicap en soi.
M. Pierre Jarlier -
Il s'agit pourtant d'une zone qui dispose de
nombreux atouts uniques. La preuve est donnée de ce qu'il faut
décliner en fonction des massifs, du droit à
l'expérimentation et à une capacité de mise en oeuvre
décentralisée. C'est ce vers quoi nous allons aller.
M. Bernard Rousseau -
J'ai vu une étude qui essayait d'analyser
les cantons qui se situent dans cette moyenne montagne et d'en faire une
typologie. Celle-ci est très variée. Il y a des cantons proches
de zones urbaines et qui sont semi-industriels, d'autres typiquement ruraux et
d'autres semi-ruraux, semi-touristiques, constituant un ensemble tout à
fait hétérogène.
M. Gérard Bailly -
La politique des pays va-t-elle modifier cela
? Les pays aujourd'hui vont créer leur conseil de développement,
les comités de pilotage, les comités de développement, les
commissions se réunissent pour dynamiser un territoire, il va y avoir
une charte présentée au niveau local, ensuite aux structures,
ensuite aux conseils généraux, ensuite régionaux... Dans
ces pays, il va y avoir des projets de développement sur ces zones, et
c'est heureux.
N'allons-nous pas nous trouver en conflit lorsque nous voudrons faire adopter
ces projets qui émaneront d'un désir local fort et qui auront
connu pendant un temps l'aval des collectivités pour les financements
par rapport à des réglementations ?
M. Michel Moreigne
- Je cite un exemple de village dont une partie est
situé en zone de montagne, l'autre non. Quelles sont les
procédures qui pourront s'appliquer à la rénovation de cet
ensemble ?
M. Louis Blaise -
La procédure de pays va dans la bonne
direction. Cela aboutit, bien entendu, à une charte. Le jour où
il y aura un projet, il sera plus facile de le situer par rapport à un
cadrage général que cette charte apportera.
Cette charte renvoie ensuite à un système contractuel. En prenant
le cas de Natura 2000 qui correspond à une obligation communautaire. Le
territoire national fait l'objet actuellement de toute une série de
sites dits Natura 2000. Mais le choix qui a été fait par le
Gouvernement a privilégié une démarche contractuelle
plutôt que réglementaire.
M. Bernard Rousseau -
Sur le cas particulier que vous évoquiez
Monsieur le Sénateur concernant un aménagement pour partie en
zone de montagne, il est évident que nous ne nous sommes pas posé
la question en termes de critères de procédure UTN.
M. Michel Moreigne
- Quand vous allez sur le terrain, vous rencontrez
l'administration ou des élus ?
M. Bernard Rousseau -
C'est très variable selon les endroits. Les
gens choisissent le type de rencontre. Mais nous avons évité dans
un premier temps d'importuner les élus qui avaient sans doute d'autres
soucis à gérer.
M. Alain Wauters -
Concernant les politiques contractuelles et les
dispositions réglementaires, on observe parfois que des projets
abordés dans le cadre d'un pays ou d'un contrat de plan butent ensuite
sur la réglementation en vigueur. Au niveau des services de l'Etat, ces
connaissances devraient être développées en amont pour
éviter ces dysfonctionnements. C'est obligatoire dans le cadre des SCOT
ou des PLU. Cela implique aussi que tous les acteurs communiquent au plus
tôt leurs projets.
En outre, de plus en plus, tout cela se fait d'une manière transparente,
ce qui est positif, mais avec en contrepartie un développement du
recours au contentieux.
M. Louis Blaise -
Monsieur le Sénateur, avez-vous
été amené, dans le cadre de vos réflexions à
remettre en cause le périmètre montagne ?
M. Jean-Paul Amoudry -
Nous avons évoqué cette question.
Mais il nous a été déconseillé de remettre en cause
les critères d'éligibilité. Mais la Commission se
réserve sa prise de position.
M. Bernard Rousseau -
Un dernier mot au sujet de Bruxelles. Il nous a
été dit que jusqu'en 2006, la Commission n'envisageait pas de
toucher à la politique qui est appliquée actuellement.
En revanche, ils sont en pleine phase de réflexion pour
l'après-2006. Il semble qu'il y ait à Bruxelles un courant
anti-zonage, préférant avoir recours à des critères
d'éligibilité, même imparfaits.
Pour ce qui concerne la France, le travail que vous faites peut être un
argument pour revendiquer votre exception.
L'arrivée de nouveaux espaces de montagne vient bouleverser leurs
repères.
M. Jean-Paul Amoudry -
Messieurs, je vous remercie et vous invite
à formaliser par écrit telle ou telle de vos positions si vous
souhaitez que notre rapport serve de résonance à vos propres
conclusions.