21. Audition de M. Jean-Paul Chirouze, directeur de l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse (18 juin 2002)
M.
Jacques Blanc -
Nous allons écouter notre premier intervenant
à qui des questions ont préalablement été
adressées pour mesurer précisément ce qui pourrait
être fait dans le domaine de l'eau par rapport à la montagne.
En préambule, je tiens à exprimer mon inquiétude quant
à l'emprise qu'ont les grandes villes sur ces grandes agences. De fait,
les crédits consacrés à l'espace rural en montagne sont en
chute libre alors que les communes rurales ont une incapacité totale
à faire face aux investissements dans le domaine de l'assainissement.
Pour ne pas se trouver dans la situation où les crédits ne
seraient attribués qu'en aval et non pas en amont, il est judicieux
d'entamer ensemble une réflexion.
Les montagnes sont le pays des sources. Pour ne pas y mettre de robinet comme
d'autres en mettent aux puits de pétrole pour faire monter les prix,
nous devons trouver des solutions.
M. Jean-Paul Chirouze
- Merci Monsieur le Président, Monsieur le
rapporteur.
Je vais peut-être aborder la question par le dernier point de votre
questionnaire qui faisait référence à la directive cadre
publiée définitivement à la fin de l'année 2000. En
effet, elle laisse augurer un renforcement de la politique de l'eau
fondée sur une approche des problèmes par bassins versants. C'est
sans doute une bonne façon de rentrer dans le sujet.
La directive-cadre dans le domaine de l'eau qui doit être
transposée prochainement en droit français risque d'avoir de
nombreuses conséquences pour l'Etat français à l'avenir
dans la mesure où non seulement elle prévoit que les
problèmes de l'eau soient abordés par bassins versants, ce qui
est légitime dans notre pays où il existe depuis trente ans des
agences de bassins versants, mais où elle conduit également les
Etats membres à s'engager à ce que les rivières et les
milieux aquatiques soient restaurés et considérés dans un
bon état écologique à l'horizon de 2015.
Cette date peut paraître éloignée mais par rapport au
problème de l'eau à traiter, c'est une échéance
assez proche. Quand on voit les efforts entrepris depuis trente ans et les
résultats obtenus, l'exercice consistant à obtenir le bon
état écologique dans quinze ans sera sans doute extrêmement
difficile.
Un certain nombre de dispositions dans cette directive laissent penser qu'il
sera possible, par dérogation, d'aller au-delà de 2015. Ces
dérogations sont toutefois très précises. Pour en
bénéficier, il faudra argumenter auprès de Bruxelles pour
expliquer les raisons pour lesquelles en 2015, nous ne serions pas
arrivés au bon état écologique.
L'un des critères permettant de déroger à cet objectif est
la profonde modification sur le plan de sa morphologie d'un milieu aquatique.
L'état de ce milieu n'oblige alors pas à atteindre l'objectif de
bon état écologique, mais seulement de meilleur état
possible. C'est important car cela peut concerner de nombreuses régions
de montagne, notamment celles atteintes par les ouvrages
hydroélectriques qui ont modifié les débits des cours
d'eau.
La première phase de la directive cadre sera d'établir pour 2004
un état des lieux. 2015 paraît éloigné, mais nous
sommes bien dans un processus par étapes qui va contribuer à
l'amélioration de nos milieux aquatiques.
En montagne, l'intérêt d'aborder les problèmes de l'eau par
bassins versants est réel car les problèmes ne sont pas
uniformes. Les problèmes de l'eau dans les Alpes ne sont pas le
mêmes que dans le Massif Central. C'est ainsi qu'il peut non seulement y
avoir des pollutions locales fortes comme dans les grandes villes telle
Grenoble, mais aussi des pollutions diffuses dans les domaines de l'industrie
et de l'agriculture, à prendre spécifiquement en compte.
A titre d'exemple, le bassin de l'Arve en Haute-Savoie connaît des
problèmes de pollution par les métaux liés à
l'activité de la mécanique ou du traitement de surface concernant
plus d'un millier de petits industriels. Autre exemple sur le bassin
Rhône-Méditerrannée-Corse : le Jura qui subit, lui, la
pollution organique d'activités laitières et fromagères.
Ces coopératives ont dû travailler ensemble pour améliorer
en six ans la situation des cours d'eau. On s'aperçoit donc que dans ces
régions, les problèmes de pollution ont des causes bien
différentes. Il est donc essentiel d'adopter une approche
spécifique de ces problèmes par bassins versants.
Je signale également le cas particulier des activités
d'élevage, avec le PMPOA : Programme de Maîtrise des Pollutions
d'Origine Agricole. Ce programme a été conçu il y a une
dizaine d'années et a donné lieu à des négociations
assez difficiles avec la Commission de Bruxelles au motif d'encadrements
communautaires portant sur les aides accordées aux éleveurs.
Elles ont amené le précédent gouvernement à
redéfinir, dans des conditions difficiles, ce programme qui reste
maintenant à conduire (le PMPOA n° 2).
Pour les rivières de montagne, ce programme est important, mais il est
un peu effacé par les problèmes de la Bretagne. Le PMPOA,
prioritairement par rapport aux enjeux bruxellois est un programme fait pour
réduire les pollutions par les nitrates, avec essentiellement un
objectif de qualité d'eau potable. La majeure partie des efforts
engagés a concerné la Bretagne, où il est de
notoriété publique que les problèmes de nitrate sont
importants. Or en zone de montagne, ce sont moins des problèmes de
nitrate dans l'eau potable que des problèmes de pollution
bactériologique qui prévalent.
Un certain nombre de programmes locaux avaient été initiés
dans le cadre du PMPOA, mais aujourd'hui les petits cours d'eau de montagne,
pour des raisons de financements nationaux, sont en concurrence avec la
Bretagne.
Pour ce qui concerne l'assainissement des collectivités, il est vrai
qu'actuellement, la priorité est donnée aux grandes villes et ce
pour respecter l'engagement communautaire. Une directive de 1991 avait
déterminé avec un calendrier des priorités pour traiter
les pollutions rejetées par les agglomérations. Les étapes
étaient de 1998, 2000 et 2005. La logique de cette directive
était de prendre en compte par ordre dégressif les projets des
villes les plus importantes. L'échéance de 2005 concernait les
villes de plus de 2.000 habitants. Si l'Etat français ne respecte
pas les échéances de cette directive européenne, il tombe
sous le coup des sanctions prévues.
Nous sommes donc face à une certaine contradiction entre les
priorités communautaires et certaines priorités au niveau local.
Sur certains bassins versants, de petites communes rurales peuvent en effet
représenter un enjeu de pollution d'un cours d'eau, qui peut être
considéré globalement comme aussi important que de respecter les
échéances de la directive européenne concernant une grande
ville sur un autre milieu aquatique.
Pour l'agence de l'eau Rhône-Méditerrannée-Corse, nous
réfléchissons à une sorte d'équilibre entre les
moyens à dégager pour traiter prioritairement les grandes
agglomérations encore en retard par rapport aux échéances
de la directive européenne et la possibilité de financer à
des conditions comparables l'assainissement dans les petites communes, mais en
ayant une certaine sélectivité au niveau des priorités
territoriales.
Dans ce dernier domaine, on constate qu'il peut y avoir des propositions
d'équipement pour l'assainissement des cours d'eaux inadéquats
par rapport aux besoins de ces petites communes. Nous travaillons avec les
conseils généraux, également impliqués dans le
financement des communes rurales, pour établir ces priorités.
Nous sommes en effet associés entre départements et agences pour
définir les programmations communes de financement.
M. Jacques Blanc -
Vous avez parlé du traitement des grandes
collectivités. Mais il existe parallèlement des besoins de
soutien financier dans les petites communes rurales de montagne. Ce soutien,
portant sur des crédits de développement rural ou dans le cadre
d'opérations spécifiques montagne, peut-il être
européen ?
M. Jean-Paul Chirouze -
Je ne suis pas qualifié pour
répondre en matière de financement européen. Si cela
était possible, il faudrait aborder la question en termes de zonage.
M. Jean-Paul Amoudry -
Ceci étant, de nombreux
départements sont inéligibles à l'aide européenne
en raison de l'incapacité de leurs petites communes à faire
financièrement face à ce que l'on attend d'elles en vertu de leur
carte des sols.
Nous ne pourrons pas maintenir cette équation entre ce que la loi et
certaines directives exigent des communes et ce qui leur est imposé en
matière de mise aux normes d'urbanisme.
M. Jean-Paul Chirouze -
Je ne cherche pas à donner des arguments
montrant qu'il n'est pas intéressant d'aller chercher des solutions de
financement européen, au contraire.
Mais sur un plan strictement financier, les choses sont plus nuancées.
Il existe une capacité d'augmentation du prix de l'eau dans les petites
communes qui devrait permettre de dégager un autofinancement pour
renforcer leurs investissements. Mais pour les réaliser, il faut
également prendre en compte la capacité de ces communes à
s'endetter.
Le rapprochement intercommunal peut faciliter ces investissements. De plus, il
permet aux communes d'être non seulement autonomes sur un plan
hydraulique mais aussi de se regrouper pour bénéficier d'un
système d'exploitation commun.
M. Jacques Blanc -
Les agences peuvent-elles les aider dans ce
cas-là ?
M. Jean-Paul Chirouze -
Nous pourrions les aider à s'installer et
à s'équiper. Nous finançons déjà des
services d'assistance technique au niveau départemental pour les aider
à faire un état de leur équipement.
Pour revenir au regroupement intercommunal, un autre point positif est
l'assainissement non-collectif. Du point de vue des constructeurs ou des
propriétaires individuels, cette solution peut être contraignante.
Ils peuvent préférer avoir le tout-à-l'égout que
d'avoir une fosse, un équipement autonome. Du point de vue collectif,
cette solution est économiquement plus acceptable pour les petites
communes, même si elle peut représenter un problème en
montagne pour des raisons de pentes et d'insuffisance de sols.
Cela pose la question de la contrainte réglementaire que vous
évoquiez précédemment. Si l'on se réfère au
texte d'application de l'assainissement et de la dépollution qui sont la
déclinaison en droit français de la directive de 1991, il n'y a
pas d'obligation, au titre de la loi sur l'eau, de raccordement à un
réseau collectif et de traitement des réseaux d'assainissement
dans les petites communes.
En termes d'urbanisme en revanche, lors d'une construction, il faut proposer
une alternative. Il s'agit alors soit d'un investissement autonome
agréé, soit d'un raccordement sur réseau collectif. Cette
contrainte réglementaire revient donc plus par le droit de l'urbanisme
que par une obligation de la loi sur l'eau.
Cela pose le problème d'une approche globale de l'urbanisation et d'une
prise en compte élargie des éventuels travaux de réseaux.
M. Jean-Paul Amoudry -
Nous sommes tous conscients de ce problème
financier. Au côté des collectivités, dans le cadre du
PMPOA, quels sont les moyens que les agences de l'eau peuvent apporter pour
répondre à ces problématiques financières ?
D'autre part, les élus de terrain imaginent que nous agissons tels des
apprentis sorciers, préconisant au gré des décennies
tantôt la mode du tout collectif, tantôt la mode du tout
individuel. Partagez-vous ces sentiments au regard des visites que vous
effectuez sur le terrain ?
On entend souvent dire que la pollution remonte les rivières et revient
à la source. Quelle est votre opinion ?
M. Jean-Paul Chirouze -
C'est la première fois que j'entends
parler de remontée de la pollution. Je ne vois pas dans quel contexte on
peut dire une telle chose, en particulier en zone de montagne qui me
paraît le dernier endroit où la pollution puisse remonter.
En revanche, nous avons beaucoup parlé de pollution, de l'assainissement
des communes, mais ce n'est qu'une composante du problème de la
qualité des eaux en montagne. Les autres composantes sont
peut-être la réponse à cette remontée dont vous
faites mention.
M. Jean-Paul Amoudry -
C'est tout le problème des extractions de
matériaux dans les zones de montagne avec des cours d'eau à fort
courant. Des abaissements de ces cours d'eau ont été
constatés, dans le Languedoc-Roussillon par exemple, atteignant parfois
quatre ou cinq mètres. Ils ont à la fois
déstabilisé les ouvrages de franchissement, ponts et autres, mais
aussi bouleversé la vie biologique de ces cours d'eau. A ce
niveau-là, l'érosion est régressive.
Je voudrais me faire comprendre. Cette érosion ne remonte pas les cours
d'eau comme un poisson. L'idée reçue selon laquelle le haut
bassin est pur et propre
a contrario
de l'aval, pollué, est
fausse. On retrouve la pollution à différents étages, et
parfois presque à la source.
Comment évaluez-vous ce phénomène et à quel
remède pensez-vous ?
M. Jacques Blanc -
Cela rejoint ce que nous disions : nous nous
concentrions sur la pollution des grandes cités en aval et nous
réalisons maintenant qu'il existe une pollution nouvelle en amont, de
plus en plus importante au demeurant.
M. Jean-Paul Chirouze -
J'avais effectivement mal compris la question.
Techniquement, on ne dispose pas d'outils de mesure suffisants pour
évaluer précisément le niveau de dégradation des
cours d'eau en amont par rapport à l'aval. Ceci étant, il suffit
de discuter avec les associations de pêcheurs ou de riverains, unanimes
quant à la dégradation des petits cours d'eau ces
dernières décennies.
Alors que les gros rejets sur les cours d'eau principaux sont directement
entachés par les relais des grandes villes, c'est la combinaison de
plusieurs facteurs qui fait que la situation des petits cours d'eau se
dégrade.
Ce qui a été fait dans le secteur de l'assainissement pour
certaines petites communes a pu être défavorable. En effet, dans
les habitats anciens de peu de population, de telles infrastructures ont pu
conduire à concentrer les rejets. C'est un premier facteur qui à
lui seul ne peut expliquer une certaine dégradation. Il faut lui en
rajouter d'autres
Si l'on combine une dégradation des milieux qui entourent les cours
d'eau, comme les boisements, et les aménagements de berge comme les
endiguements, on constate une diminution de la population de poissons.
L'eutrophisation des petits cours d'eau qui s'est développée en
Franche-Comté par exemple s'explique en grande partie par cela. En
supprimant les boisements alentours, l'eau s'est réchauffée
modifiant l'équilibre du milieu.
Plus que sur les grands cours d'eau, c'est sur les petits qu'il faut faire du
traitement multi-atteintes et être très attentif à la
combinaison de ces différents facteurs.
Les programmes de maîtrise de pollution industrielle ou agricole sont
donc un volet nécessaire et complémentaire au volet de
l'assainissement des communes. Si l'on ne se concentre que sur ce dernier, le
résultat sur les cours d'eau risque de ne pas être à la
hauteur de nos espérances.
Nous évoquions le programme de maîtrise de pollution
d'élevage. La dimension des cheptels concernés peut
paraître faible, mais c'est un des facteurs qui peuvent concourir
à la dégradation des cours d'eau.
Concernant l'appui qui peut être fait pour l'assainissement collectif
auprès des petites communes, nous avons commencé à
développer avec les conseils généraux concernés des
mises en place de services d'assistance aux petites communes pour
l'assainissement autonome, en recourant massivement à l'emploi jeune.
Elles ne sont en effet pas nécessairement outillées sur le plan
technique et réglementaire pour aborder ces questions.
Mais le conseil général ne peut être le seul
impliqué. Il faut que des relais soient pris, ce qui soulève de
nouveau la question : quel regroupement intercommunal doit prendre en charge ce
type de prestations, maîtriser l'instruction des dossiers et l'assistance
technique à l'exploitation et à l'installation individuelle ?
M. Pierre Jarlier -
Je voudrais réaborder le problème du
PMPOA. Les agriculteurs se sont rendu compte de l'intérêt à
mener cette politique en parallèle aux filières de qualité
qu'ils mettent en place. Or on constate aujourd'hui que les zonages ont
été modifiés. A l'échéance du 31
décembre 2002, les zones de montagne ne seront plus concernées
prioritairement. Les exploitations agricoles qui souhaitent s'inscrire dans un
dispositif qualitatif vont ainsi être pénalisées. C'est un
paradoxe entre la qualité que l'on souhaite obtenir et l'environnement
auquel on ne peut consacrer suffisamment de moyens.
Comment sont préparés ces zonages ? est-ce au niveau
européen ou français ? de quelle façon peut-on les faire
évoluer pour réintégrer ces zones sensibles, où
l'on ne peut pas dissocier la qualité du produit de celle de
l'environnement, et inciter ces filières de qualité comme les
politiques de qualité de l'environnement à se mettre en place ?
Concernant les programmes d'amélioration de la qualité de l'eau
de nos rivières, bien que les inter coûts puissent être
concernés au premier chef, on essaie plus souvent de
réfléchir à l'échelle des bassins versants, car
c'est là que l'on peut être efficace. Aujourd'hui, les programmes
existants en termes d'amélioration sont les contrats de rivière.
Leur mise en place est lourde et l'Etat n'apporte pas suffisamment de soutien
au regard des enjeux sur ces secteurs où la pollution domestique est
moins forte que les pollutions agroalimentaires ou agricoles.
Le contrat de rivière est très contraignant. Les gens se lancent
peu dans ce type de démarche, car elles sont très longues.
Existe-t-il des solutions plus simples comme des contractualisations avec
l'Etat, les agences et les collectivités sur des procédures plus
à l'échelle d'un petit bassin versant pour améliorer la
qualité de l'eau dans ces zones sensibles sur le plan environnemental
mais aussi touristique ?
Estimez-vous réalisable la mise en place d'une politique territoriale
décentralisée ?
Concernant le contrôle de la qualité de l'eau, je confirme que
lorsque les départements mettent en place des outils de type mission
d'assistance à la gestion de l'eau, les résultats sont
extrêmement efficaces. La contractualisation avec les agences est
très intéressante. Nous avons été, dans le Cantal,
le premier département à adopter cette procédure et nous
avons désormais un service parfaitement concluant tant pour l'eau
potable que pour l'assainissement.
Au sein du département, cela me semble être une bonne solution.
M. Jean-Paul Alduy -
Dans toutes ces questions, c'est par la
matière grise que nous trouverons les remèdes à apporter.
Celle-ci ne se trouve pas au niveau des communautés de communes. Met-on
cette matière grise au niveau du conseil général ou au
niveau des associations départementales de maires ?
Ces associations peuvent avoir un rôle à jouer en tant qu'outil
d'assistance technique, d'autant que les problèmes politiques qui
peuvent parfois interférer sur la relation contractuelle ont moins
d'emprise sur elles.
M. Jean-Paul Chirouze -
La démarche du zonage du PMPOA est
actuellement le résultat d'une négociation entre l'Etat
français et la Commission, sachant que la France est condamnable sur le
non-respect de la directive dite "nitrate". A ce titre, le territoire
français est zoné et doit mettre en place un programme visant
à réduire les pollutions par les nitrates essentiellement dans
une optique d'eau potable. C'est le classement dit « zones
vulnérables ».
Le programme a conduit, vu les contraintes de la directive européenne,
à ce que les financements soient privilégiés sur ce
territoire. Evidemment, si dans ceux-ci vous retrouvez le cheptel breton, la
dimension budgétaire est considérable. C'est d'ailleurs un choix
budgétaire qui a conduit le gouvernement précédent
à limiter la prise en compte des programmes de ce domaine en dehors des
zones prioritaires.
Le choix qui se pose ensuite est de prendre en compte soit les grands
élevages puis les plus petits, soit une logique de territoire où
l'on essaie de voir si d'autres zones non prioritaires présentent un
intérêt important, pour des raisons bactériologiques par
exemple.
Le fait que les zones prioritaires soient sur les zones dites
« vulnérables » ou « nitrate »
relève de la Commission européenne. S'il reste des moyens
budgétaires, la priorité mise sur des zones au-delà des
zones « vulnérables » relève d'un choix
national. Ces derniers financements sont effectués par le
Ministère de l'Agriculture, les agences de l'eau et les
collectivités locales que sont les départements ou les
régions en fonction des zones.
Au-delà des zones vulnérables qui relèvent d'une
priorité communautaire, le choix des autres priorités
relève d'une décision nationale.
M. Pierre Jarlier -
Mais au 31 décembre 2002, ces zones ne seront
plus éligibles. Le zonage prioritaire, pour répondre à la
directive de résorption des nitrates, ira sur les zones prioritaires de
Bretagne.
M. Jean-Paul Chirouze -
S'il reste des moyens financiers, ils peuvent
aller sur d'autres zones, qualifiées de zones dites "prioritaires".
M. Jacques Blanc -
Les zones de montagne sont-elles qualifiées ?
M. Jean-Paul Chirouze -
Ce sont des zones diverses et variées.
Elles sont déterminées par la qualité des cours d'eau.
Dans le bassin Rhône-Méditerrannée-Corse, la tendance est
plutôt d'aller vers des zones de montagne. C'est également le cas
de la Franche-Comté et sans doute pour l'Adour-Garonne.
M. Jean-Paul Amoudry -
L'état est-il condamnable sur des zones
montagne au même titre qu'en Bretagne ?
M. Jean-Paul Chirouze -
Non. Il n'y a pas de critère montagne.
M. Jean-Paul Amoudry -
Il n'y a pas non plus de raisons aussi
importantes que la pollution des nitrates en Bretagne pour justifier
l'éligibilité des zones de montagne de façon prioritaire.
M. Jean-Paul Chirouze -
Non, en effet. Il existe une carte nationale
dite des zones vulnérables approuvée par décret. Je vous
la ferai passer.
M. Pierre Jarlier -
Il serait intéressant pour nos travaux que
nous ayons un éclairage de votre part sur la hiérarchisation des
normes de la responsabilité de l'Etat au regard des différentes
catégories de pollution. Nous pourrons ainsi voir en montagne ce qui se
passe par rapport aux autres parties du territoire.
M. Jean-Paul Chirouze -
Par rapport au PMOPA, la hiérarchie
retenue par l'Etat était dans l'ordre :
1. les zones vulnérables au titre de la directive nitrate. Un
délai limité à 6 ans a été fixé avec
Bruxelles pour résorber les pollutions dans ces zones.
2. les élevages supérieurs à 90 unités de gros
bovins
3. les zones dites prioritaires qui relèvent d'un choix national qui
vont au-delà des zones dites « vulnérables ».
M. Jacques Blanc -
Les solutions autonomes pour des exploitations
agricoles dispersées peuvent-elles rentrer dans le cadre d'un apport de
financement agri-environnemental du plan national rural ?
M. Jean-Paul Chirouze -
Là aussi, s'agissant de financements que
l'agence ne maîtrise pas, je ne m'engagerai pas. Je peux toutefois vous
dire que les financements de l'Etat prévus pour ce programme sont, pour
la plus grande partie, inscrits dans les contrats inter-régions. Cela
fait partie des crédits contractualisés. Ont-ils eux-mêmes
une source pour partie budget national et pour partie européenne ? Je ne
puis vous l'assurer, il faudrait poser la question au Ministère de
l'Agriculture.
En ce qui concerne l'assistance technique, les contractualisations que nous
avons pu avoir avec les conseils généraux sur l'assistance
technique aux communes dans le domaine de l'eau potable, l'assainissement ou
l'assainissement autonome ont été efficaces. Cette assistance
technique, très utile, n'inclut pas la prise en charge technique de
l'exploitation, qui ne relève pas du conseil général mais
du maître d'ouvrage. Il appartient aux communes, une fois
regroupées, d'agir elles-mêmes en tant que maître d'ouvrage.
Par ailleurs, j'estime qu'il sera difficile aux associations de maires
d'assumer un rôle de conseil, car en tant qu'association loi 1901, ils
risquent d'être confrontés à des problèmes
d'autofinancement en raison de leur absence de fiscalité. Même
financées à 50 ou 60 % par les agences, ce problème
demeure. Le Conseil Général pourrait être l'apporteur de
cette aide, mais serait alors une structure porteuse, qui de fait remettrait le
procédé en question.
En revanche, le volet de la prise en charge par les communes elles-mêmes
de l'exploitation me paraît essentiel.
L'approche des problèmes par bassins versants mérite une
réflexion dans le cadre des évolutions futures. La
contractualisation de type contrat de rivière peut être lourde,
car il faut qu'il y ait un travail technique préalable pour identifier
la cause des problèmes et essayer de trouver des solutions. Les acteurs
ne sont pas toujours volontaires, il faut donc convaincre les maîtres
d'ouvrage publics et privés. Le volet industriel ou agricole est aussi
important que celui des collectivités. Convaincre et faire
adhérer ces communes est simple, mais faire adhérer des
agriculteurs ou des industriels peut être un travail énorme quand
ceux-ci sont en nombre. Or, une opération sur un bassin versant ne
fonctionne que si ces acteurs y adhèrent aussi.
Cette approche est lourde, mais efficace. Un audit a été
réalisé en région Rhône-Alpes sur les contrats de
rivière depuis 20 ans. Il fait apparaître échecs et
réussites notamment dans la perspective de la directive-cadre qui va
nous obliger en France à définir plus précisément
les objectifs à atteindre sur les cours d'eau.
Il est obligatoire d'essayer de définir ce que vont être les
structures porteuses de la politique de l'eau sur les bassins versants,
à l'échelle locale d'un cours d'eau.
M. Jean-Paul Amoudry -
Sur ce sujet, on compte deux écoles :
- La construction d'un château d'eau
Selon le bassin versant, ce système regroupe plusieurs
départements, collectivités, groupements de communes. On
constitue un château, une structure incroyable, trop lourde à mon
sens mais qui peut être la solution. Or il ne faut pas oublier que
l'administration conteste les structures syndicales de type syndicats à
vocation unique et incite à certains moments à les constituer.
- Une formule souple
Une collectivité est porteuse du projet, pourquoi pas une
collectivité de commune ? Elle est le noyau dur du projet et passe
des conventions avec toutes les entités en aval. J'aimerais que le
débat que nous avons en ce moment puisse déboucher sur des
préconisations et que les préfets puissent agréer des
formules.
M. Jacques Blanc -
Pour la vallée du Lot et pour tout le secteur
montagne entre l'Aveyron et la Lozère, nous avons monté un CIVU,
qui regroupe 90 communes. Nous avons fait le schéma d'aménagement
et de gestion des eaux (SAGE) en même temps et nous dépassons les
limites départementales.
Je pense que nous devrions suggérer une grande souplesse. Ainsi, nous
sommes prêts à recevoir les idées que vous pourriez nous
apporter par la suite.
M. Jean-Paul Chirouze -
C'est un sujet important et délicat.
Important car il faut que des initiatives soient prises d'ici 2004. Le
résultat doit être atteint en 2015, le plan de gestion
établi pour 2007, conclu en 2009. L'état des lieux doit
être fait pour 2004.
C'est un enchaînement qu'il faut préparer.
Il faut à la fois de la souplesse pour s'adapter aux structures et aussi
une logique existante de bassins versants. En matière d'outils
législatifs aujourd'hui, tout est possible et rien n'est prévu.
On parle maintenant d'établissements publics territoriaux de bassin,
terme générique pour qualifier les structures du type syndicats
communaux, interdépartementaux, mais ils ne sont pas du tout
définis.
M. Jacques Blanc -
Vos opérations de bassin fonctionneront si se
trouvent à la clé des solutions de financement. Pourquoi
l'Etablissement public d'aménagement de la loire et de ses affluents
(EPALA) fonctionne-il ? Parce qu'il y a des redistributions, des taxes
professionnelles versées par les centrales nucléaires. Mais on ne
trouve pas forcément de possibilités de retombées
financières dans tous les bassins.
Les collectivités locales en montagne ont un potentiel fiscal tel qu'en
l'absence d'un financement de 80 % de leurs opérations, celles-ci ne
peuvent avoir lieu.
Le problème fondamental est de savoir comment encourager les communes
à adopter des solutions autonomes et individuelles en termes de
traitement de l'eau et d'assainissement tout en limitant la part des
investissements financiers. Il vaut mieux en effet parfois garder les fosses
septiques et un bon système d'évacuation plutôt que de
faire une station d'épuration qui ne fonctionnera pas et qui accumulera
la pollution.
M. Jean-Paul Chirouze -
On peut distinguer ce qui relève de la
compétence dévolue aux communes et rechercher en revanche les
regroupements que nous avons évoqués, mais dans la
compétence eau et assainissement.
Pour ce qui concerne les programmes d'actions sur les bassins versants, le
problème est plus large. Non seulement il s'agit du problème de
pollution des communes, mais aussi le problème des privés, des
aménageurs des cours d'eau. Lorsqu'il faudra définir le plan
d'action, il faudra les prendre en compte également. Le choix sera alors
politique : l'état doit-il prescrire la marche à suivre ou une
représentation des acteurs locaux, privés et publics, se met-elle
en place pour définir le plan d'action ?
Se repose alors la question de la structure au sein de laquelle ce programme
d'actions peut être défini.
M. Jacques Blanc -
C'est là que les agences de bassin peuvent
avoir un rôle.
M. Jean-Paul Chirouze -
C'est par-là peut-être que l'on
peut avoir des incitations financières pour faire en sorte que
s'organise localement un lieu dans lequel la politique d'action globale se
construit.
M. Jacques Blanc -
Avec un apport technique qui ne soit pas
forcément celui de l'Etat, mais celui des agents de bassins ou de
structures qui peuvent se monter.
M. Pierre Jarlier -
Nous allons prendre congé de Monsieur
Chirouze en le remerciant chaleureusement.