E. VIN ET SANTÉ : POUR UNE APPROCHE ÉQUILIBRÉE
Au fil des auditions, le groupe de travail s'est forgé la conviction qu'il fallait mettre davantage en avant les bénéfices sur la santé d'une consommation modérée de vin dans le cadre d'une alimentation équilibrée.
1. Un contexte favorable
La diffusion de ce message apparaît doublement opportune, d'une part parce qu'il existe désormais un corpus d'études suffisamment fiables, et d'autre part parce que les consommateurs apparaissent aujourd'hui disposés à entendre un tel message.
a) Des avancées scientifiques indéniables
Afin de faire le point sur l'état des connaissances scientifiques dans ce domaine, le groupe de travail a fait venir au Sénat plusieurs professeurs et médecins, comme le Professeur Serge Renaud, actuellement directeur de recherche à l'INSERM, le Professeur Weil, Président du comité scientifique de l'Institut de recherche scientifique sur les boissons (IRSB) ou encore le Professeur Jean-Marc Orgogozo, Professeur de neurologie à Bordeaux.
Il a également reçu une contribution écrite du Professeur Pierre-Louis Teissedre, de la Faculté de Pharmacie de l'Université de Montpellier I.
C'est à l'occasion d'une émission télévisée diffusée en 1991 sur une chaîne américaine que le Professeur Serge Renaud a popularisé la thèse d'un effet bénéfique d'une consommation modérée de vin par la santé, en mettant en évidence ce qu'il est désormais convenu d'appeler le French Paradox .
Cette expression renvoie au constat qu'en dépit d'un nombre élevé de facteurs de risques tels que le tabagisme, le cholestérol, l'hypertension, la mortalité coronarienne et cardiovasculaire en France est la plus basse des pays industrialisés.
Le Professeur Renaud, qui est venu restituer le bilan de ses travaux devant le groupe de travail lors d'une audition au Sénat, attribue ce résultat à la consommation d'alcool et en particulier de vin, puisque la France est le plus grand consommateur de vin au monde.
Plusieurs études épidémiologiques sont venues confirmer cette hypothèse d'un effet bénéfique du vin sur le risque cardiovasculaire .
Le Professeur danois Morten Gronbaek a ainsi montré que la consommation modérée de vin induisait une réduction de près de 50 % de la mortalité coronarienne ou cardiovasculaire mais également une réduction de la mortalité de toutes causes, ce qui signifie que les buveurs de vins vivent tout simplement plus longtemps que ceux qui s'abstiennent.
En outre, une étude est actuellement conduite en France, au centre de médecine préventive de Nancy, qui porte sur 35 000 hommes. Elle a déjà permis d'établir que pour une consommation d'un ou deux verres de vin par jour, la mortalité cardiovasculaire est réduite de 30 à 40 %.
Par ailleurs le vin, comme les autres boissons alcoolisées pourrait également avoir un effet préventif sur le développement d'autres pathologies, comme le diabète ou la maladie d'Alzheimer , ainsi que l'a souligné le Professeur Jean-Marc Orgogozo lors de son audition au Sénat. Les travaux du Danois Gronbaek tendraient également à démontrer un effet bénéfique sur certains cancers comme celui de l'oesophage et une réduction de la mortalité totale.
En l'état actuel des connaissances , cet effet bénéfique constaté dans plusieurs études épidémiologiques peut être attribué à plusieurs mécanismes biologiques.
Le premier serait lié au rôle de l'éthanol , que l'on retrouve dans toutes les boissons alcoolisées. D'une part, l'éthanol augmente le taux de « bon cholestérol » et réduit le « mauvais cholestérol » car il favorise la concentration des lipoprotéines de haute densité. D'autre part, les études prouvent qu'il agit également sur les facteurs d'hémostase : il réduit l'agrégation plaquettaire et la coagulation. C'est par cette action qu'il diminue le risque de maladie cardiovasculaire et d'accident vasculaire cérébral.
Cependant, plusieurs études mettent désormais en évidence un rôle bénéfique propre au vin, qui serait lié à l'action des polyphénols . Les composés phénoliques présents dans le vin, tels que la quertécine, le resvératrol et la catéchine auraient des propriétés anti-oxydantes, qui réduiraient le risque de thromboses et l'arthérosclérose. Si ces phénols se trouvent également dans d'autres produits, en particulier dans le raisin lui-même, il semblerait que l'alcool présent dans le vin facilite toutefois leur absorption.
Cet effet a été mis en évidence récemment de manière expérimentale. Ce résultat a été rendu public par un article paru en fin d'année 2001 dans la revue scientifique Nature.
Il convient de souligner que l'effet bénéfique constaté s'exerce à deux conditions :
- d'une part, il faut que la consommation soit modérée. Au-delà d'une certaine dose, le taux de mortalité remonte, lié au développement de cancers (des voies aérodigestives, du foie et probablement du sein). Cet effet a été schématisé par la fameuse « courbe en J », reproduite ci-après.
IMPACT DE LA CONSOMMATION DE VIN SUR LE RISQUE DE MORTALITÉ
Source : Document remis par M. le Professeur Serge Renaud.
Elle montre que par rapport aux non-abstinents, la consommation de vin entraîne une diminution de la mortalité jusqu'à un certain seuil.
- d'autre part, la consommation doit être régulière.
A l'occasion d'une conférence internationale organisé le 16 juin 1999 à l'Office international de la vigne et du vin (OIV), sur le thème : « La consommation de vin : quels risques ? quels bénéfices ? », le Professeur Serge Renaud a souligné que l'effet bienfaiteur n'était pas observé que lorsque la consommation est répartie sur toute la semaine. En revanche, il ne s'exerce pas lors de la prise excessive d'alcool en fin de semaine, à l'image de ce qui se pratique dans les pays scandinaves et en Grande-Bretagne sous le nom de « binge drinking » ou « cuite du samedi soir ».