b) La réforme de François Fillon
Le projet de loi sur le statut de l'entreprise défendu par François Fillon avait donc pour objet essentiel de préparer et d'adapter France Télécom à ces nouveaux enjeux. Il s'agissait de donner à l'entreprise les moyens de jouer un rôle mondial dans ce secteur, tout en assurant sur le territoire un service public de qualité. Sur bien des points, le texte présenté répondait aux attentes et aux propositions exprimées par votre commission au travers du rapport précité.
La réforme partait du principe que régie par les règles applicables aux établissements publics industriels et commerciaux -situation, tout à fait exceptionnelle pour un opérateur de sa taille- France Télécom ne disposait pas des armes statutaires adaptées au nouvel environnement des télécommunications et à la rapidité de ses évolutions. En particulier, elle était gravement handicapée par l'absence de capital social.
La perspective de l'irruption de la concurrence, à très courte échéance, rendait donc nécessaire une évolution de la forme sociale de l'entreprise, lui permettant d'affronter le choc avec les mêmes atouts que ses compétiteurs.
C'était, en premier lieu, le moyen le plus efficace de garantir la viabilité à long terme de ses missions de service public , que de lui donner les avantages de réactivité d'une structure moins administrative.
En second lieu, le statut de France Télécom, à l'époque quatrième opérateur mondial de télécommunications, rendait difficile la conclusion d'alliances stratégiques et financières que pouvaient nouer ses homologues. Enfin, la forme juridique d'établissement public n'était pas propice à la clarification -nécessaire- des relations entre l'entreprise et l'État, en soumettant cette dernière à des mécanismes classiques de tutelle peu adaptés à sa nécessaire réactivité.
C'est pourquoi le projet de loi, adopté par le Sénat puis par l'Assemblée nationale en juin 1996, proposait, comme votre commission l'avait recommandé, de constituer l'exploitant public France Télécom en une entreprise nationale qui aurait la forme d'une société anonyme, dont l'Etat détiendrait directement la majorité du capital social, tout en apportant au personnel des garanties sur le maintien de son statut et la consolidation de son régime de retraites.
Les propos tenus par François Fillon au Sénat le 15 juin 1996, lors de la discussion de ce projet de loi, résument parfaitement les objectifs de cette réforme. Evoquant l'ouverture du secteur à la concurrence, le ministre indiquait en effet : « vous saviez que cette première étape serait, comme je vous l'avais promis, suivie d'une seconde, celle de la réforme du statut de France Télécom.
« Nous y voici : c'est le nécessaire rendez-vous que France Télécom devait prendre avec l'avenir (...) pour aller jusqu'au bout du choix que nous avons fait en adoptant la loi de réglementation des télécommunications, pour tirer toutes les conséquences pour notre opérateur national de l'ouverture à la concurrence. Réformer le statut de France Télécom, c'est achever, dans les règles de l'art, l'édifice que nous avions commencé de construire .(...)
« Le bon chemin, c'est celui qui permettra à France Télécom de mener une politique d'alliances internationales solides et durables (...), qui lui permettra de disposer de la même réactivité que ses vingt premiers concurrents mondiaux (...), qui lui permettra de se positionner avec force sur les marchés émergents du multimédia et des réseaux en ligne (...), qui lui permettra de continuer d'assurer un service public de qualité pour tous les Français ».
Les mêmes arguments furent, on le verra un peu plus loin, point par point repris par le Gouvernement suivant, en 1997, pour justifier de l'ouverture -un temps fermement repoussée- du capital de France Télécom.
Ils furent pourtant, en juin 1996, vivement combattus par l'opposition parlementaire de l'époque.