B. LE « FRONT DU REFUS » DES OPPOSANTS DE 1996

La sociétisation de France Télécom, qui paraît aujourd'hui à l'immense majorité comme une évolution parfaitement naturelle, s'agissant d'une entreprise happée par le tourbillon concurrentiel, fut vivement contestée. L'opposition de l'époque ne manqua pas, en utilisant « les ressources » du débat parlementaire et du Règlement de l'Assemblée nationale, de tenter de l'enliser.

Alors que l'état major de l'opérateur s'inquiétait, dans la presse, de la lenteur de la discussion de cette réforme attendue depuis plusieurs années par ses dirigeants et une partie de son personnel, l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi adopté par le Sénat donna lieu, les 24, 25 et 26 juin 1996, au dépôt de très nombreux amendements et sous-amendements (568 au total, pour seulement douze articles ! ) Le Premier Ministre en fut amené à constater, le 26 juin, que « l'Assemblée n'a pu qu'examiner 53 amendements, malgré 17 heures de débat (...). L'article 1 er du projet de loi n'a même pas pu être abordé (...). A ce rythme, c'est plus de 85 heures de débat qu'il faudrait pour les examiner tous. Il est donc clair que nous sommes confrontés à une volonté d'obstruction et de blocage du processus législatif (...). Aussi ai-je décidé (...) d'engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote du projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom ».

Conformément à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, une motion de censure -signée par M. Laurent Fabius et plusieurs de ses collègues, et défendue par Mme Ségolène Royal- fut déposée le 27 juin puis discutée le 29 juin 1996 6 ( * ) . Cette motion considérait notamment que « le changement de statut de France Télécom conduirait cette entreprise à la privatisation au détriment des usagers, fragiliserait son avance technologique et sa capacité industrielle, compromettrait l'emploi de ses salariés et négligerait dangereusement ses missions de service public ».

A l'issue de la discussion de cette motion de censure, le projet de loi fut considéré comme adopté le 29 juin 1996, dans la version votée par le Sénat quelques jours auparavant, et la loi promulguée le 26 juillet 1996, après que le Conseil Constitutionnel en ait validé la constitutionnalité.

Cette loi transformait France Télécom en une « entreprise nationale » dont l'Etat détient directement la majorité du capital . Constituée sous forme de société à conseil d'administration à compter du 31 décembre 1996, elle est soumise au droit commun de la législation française sur les sociétés anonymes , sous réserve des dispositions applicables de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (présence de salariés élus au Conseil d'administration par exemple) et de la loi modifiée n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et des télécommunications (régime particulier pour les organismes sociaux, par exemple).

* 6 Journal officiel des débats, Assemblée nationale, Séance du 29 juin 1996, pages 5007 et suivantes.

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