IV. SITUATION ET PERSPECTIVES DANS LE MARCHÉ DU HAUT DÉBIT

Le marché de l'accès haut débit au Royaume-Uni connaît un développement difficile marqué par les violentes polémiques suscitées par le processus de dégroupage de la boucle locale. Le conflit qui oppose BT au régulateur d'une part et aux opérateurs alternatifs et ISP d'autre part s'est cristallisé autour des tarifs de transfert de la boucle locale et de la colocalisation avant de s'envenimer sur la question du rythme de déploiement.

Ce climat délétère autour du DSL constitue en revanche une opportunité forte pour les câblo-opérateurs. NTL et Telewest ont lancé une offensive concertée pour promouvoir le déploiement de solutions d'accès concurrentes par modem câble dont le positionnement tarifaire est extrêmement attractif (inférieur de 15 GBP soit 24 EUR à l'offre DSL concurrente de BT). Les deux opérateurs recrutent un nombre substantiel de nouveaux clients et totalisent à eux deux environ 90 000 abonnés Internet haut débit. Les contraintes de disponibilité géographique de leurs offres demeurent néanmoins un handicap pour le moment.

1. Le DSL

BT a effectué ses premiers tests de la technologie ADSL en 1994-1996 à Ipswich pour de la diffusion de vidéo à la demande (VOD). En octobre 1998, BT a lancé une campagne de tests de connexions Internet via ADSL à Londres, en collaboration avec Alcatel et Fujitsu. 900 foyers ont participé aux essais bénéficiant d'une connexion Internet à 2 Mbps dans le sens descendant et 256 Kbps dans le sens montant.

Suite à cette campagne d'essai, BT a créé, en janvier 1999, une filiale nommée Broadco, chargée de la commercialisation des services ADSL dans le pays. BT a proposé ses premiers services commerciaux ADSL fin octobre 1999. BT a prévu de couvrir 70% du territoire avant fin 2001 et 75% de la population du pays pourront bénéficier de ce système en 2002, contre 33% en juin 2000. L'opérateur estime à £250 millions (410 millions de USD) les coûts de lancement de son offre ADSL. De plus, il a prévu d'investir £250 millions (410 millions de USD) dans la technologie ADSL durant les trois prochaines années. Ce programme de déploiement national de l'ADSL est le plus ambitieux d'Europe.

Plusieurs sociétés se sont manifestées afin de pouvoir bénéficier des services d'accès ADSL de BT. Parmi elles, on trouve Video Networks pour des applications de VOD 153( * ) et Easynet ou Cerbernet pour des accès Internet via ADSL destinés aux professionnels. Au printemps 2000, 14 opérateurs se sont regroupés pour renégocier avec BT les conditions tarifaires de connexion à la boucle locale et également mener des essais de connexion ADSL. Ces opérateurs sont COLT, Cable & Wireless, Easynet, eircom, Energis, Fibernet, First Telecom, Kingston Communications, Global Crossing, WorldCom, NTL, Telewest, Telinco et Thus. En septembre 2000, la plupart des ISP majeurs du marché britannique proposent des accès ADSL : c'est le cas pour Freeserve, WorldCom, Demon et Easynet. Parmi les opérateurs DSL alternatifs, on notera la présence de Redstone, et de COLT UK. En juillet 2001, on estimait à 71 000 le nombre de connexions ADSL, dont la majorité pour BT.

Seules quelques centaines de lignes DSL auraient été attribuées à des opérateurs alternatifs parmi les quelque 80 000 connexions DSL activées au total au mois de septembre 2001 . L'offre BT Openworld de BT occupe de facto une position ultra dominante sur le marché des accès haut débit. Les ISP et les opérateurs alternatifs sont pour l'heure contraints de souscrire les offres de location de lignes DSL de BT Wholesale selon des conditions de fourniture dont l'équité est mise sérieusement en doute.

Lenteur d'attribution des lignes et modèle économique à faible viabilité ont asphyxié plusieurs fournisseurs alternatifs tandis que certains investisseurs se sont désengagés de projets de financement de déploiement de DSLAM sous la pression d'un climat du dégroupage trop défavorable. Pour exemples, le nouvel entrant OnCue, qui projetait de colocaliser ses équipements dans les répartiteurs de BT est en liquidation judiciaire depuis le mois de juillet 2001, tandis que Redstone qui ciblait les entreprises via le SDSL se débat actuellement pour surmonter ses problèmes d'insolvabilité.

Du reste, plusieurs acteurs nationaux importants à l'instar de l'opérateur fixe Energis, de Kingston ou de Thus ont déposé des recours auprès de l'OFTEL et menacent désormais de créer un consortium pour construire un réseau d'accès indépendant pouvant être revendu aux concurrents de BT. L'OFTEL menace désormais BT d'un système de pénalités pour non-respect des délais de livraison des lignes, de l'ordre de 10 GBP (16 EUR) par jour ouvrable et par ligne et 80 GBP (129 EUR) en cas de non-accessibilité à ses répartiteurs. Les clauses des engagements contractuels (SLA) ont fait l'objet de négociations durant l'été et devraient être définitivement fixées avant la fin du mois d'octobre.

Péripétie inattendue et quelque peu insolite qui témoigne du climat délétère du marché du haut débit au Royaume-Uni, BT a été approché pour discuter des propositions de rachat de sa boucle locale : la première offre a été réalisée par le consortium Earthlease pour un montant de 8 milliards de GBP (13 milliards d'€), la seconde plus récente émane d'un consortium dirigé par la banque allemande WestLB dont la proposition serait de 18 milliards de GBP (29 milliards d'€).

Finalement, il semble que seuls 5 ou 6 acteurs soient en mesure de mettre en oeuvre une stratégie de dégroupage pérenne compte tenu du protectionnisme instigué par l'opérateur historique et du contexte de déprime des marchés télécoms. Le cas d'OnCue est exemplaire de la brutalité du phénomène de contraction du marché. Créé il y a 18 mois, l'opérateur DSL "pure player" britannique a été liquidé en juillet 2001. Soutenu entre autres par le fonds Soros Private Equity Partners, OnCue avait déjà investi 20 millions de GBP (32,5 millions d'EUR) sur un projet total de 230 millions sur 4 ans ; les 600 lignes DSL placées par l'opérateur auprès de sa clientèle d'entreprises ont été reprises par Iomart pour 200000 GBP (325 000 EUR). Grâce à cette acquisition, Iomart compte au 30/6/2001 2 700 lignes. Energis pour sa part a finalement annoncé en octobre, avec grand fracas, son retrait pur et simple du processus de dégroupage et vivement critiqué les solutions wholesale DSL de BT inadaptées pour un opérateur alternatif ciblant une clientèle de fournisseurs d'accès Internet.

Une fois effectivement mis en place, le dégroupage de la boucle locale devrait permettre à un nombre restreint d'opérateurs alternatifs de déployer des services d'accès aux technologies xDSL supportées par leurs propres infrastructures d'accès et de transport. Les offres commerciales disponibles proposées jusqu'à présent par des opérateurs alternatifs sont délivrées sur la base des offres wholesale de type IPStream ou DataStream de BT interconnectées à leur propre réseau de transport IP ou ATM. Les opérateurs ayant opté pour une solution adossée à IPStream gèrent eux-mêmes la couche IP des connexions haut débit de leurs clients finaux.

2. La Boucle Locale Radio

La réglementation

La Radiocommunication Agency qui appartient au ministère britannique du Commerce et de l'Industrie (DTI) a organisé une première vague d'allocations de licences de boucle locale radio dans la bande étroite en mars 1999. Ionica, Atlantic Telecom, Scottish Telecom, NTL/C&WC, Tele2, BT et Radiotel ont été les allocataires désignés à l'issue ce programme d'attribution qui a délivré 9 licences au total dans des bandes de fréquence variables (3,4 GHz ; 2,4 GHz ; 10 GHz ...).

La RA a lancé un nouveau programme d'attribution au moyen d'une procédure de mise aux enchères de licences de boucle locale radio dans la bande des 28 GHz au mois de novembre 2000. Cette opération s'est traduite par un échec dans la mesure où seules 16 des 42 licences proposées ont trouvé acquéreur pour un montant total de 38 millions GBP (61 millions d'€) contre près d'un milliard GBP attendu (1,61 milliard EUR). Seules les licences dans 8 des 14 régions prédéfinies ont suscité un intérêt dans les zones les plus denses telles que Londres et Manchester ou bien l'Irlande du Nord. Une enquête a été diligentée au lendemain des résultats par le ministre en charge du dossier afin de tirer les enseignements de cet insuccès et en vue de l'attribution des licences dans les spectres 3.4 GHz, 10 GHz et 40 GHz initialement prévues pour 2001.

6 acteurs ont acquis une ou plusieurs licences à l'occasion des enchères de novembre 2000 :

• Energis Local Access a obtenu 6 licences dans le Grand Londres, le Grand Manchester, les West Midlands, le Yorkshire, l'Ecosse et l'Irlande du Nord ;

• Norweb Telecom a obtenu 4 licences dans le Grand Manchester, les West Midlands, le Yorkshire et le nord de l'Angleterre ;

• Faultbasic a obtenu 3 licences dans le Grand Londres, le Grand Manchester et la province des West Midlands ;

• Broadnet UK a obtenu une licence dans le Grand Londres ;

• Chorus Communication a obtenu une licence en Irlande du Nord ;

• eircom a obtenu une licence en Irlande du Nord.

Les 36 licences invendues dans le spectre 28 GHz doivent faire l'objet de nouvelles opérations d'attribution selon des modalités qui ont été précisées en septembre 2001. Les prix de réserve fixés au départ sont demeurés inchangés. Ils s'établissent à 2 millions de GBP pour les licences dans les régions D, E, F, G, H, et I et sont moitié moins élevés (soit 1 million GBP) dans les régions J, K, L et M. La nouvelle procédure d'allocation ouverte à la mi-octobre prévoit une période de 12 mois durant laquelle les candidats pourront faire leurs propositions selon une règle "first come, first served". En cas de candidature multiple, une procédure d'enchère est alors mise en place au cas par cas.

Le marché

En conséquence du relatif faible engouement suscité par la vente de licences de BLR, le processus de développement du marché de la boucle locale radio dans la large bande du spectre des 28GHz est encore relativement peu avancé au R-U.

Jusqu'à présent seul Norweb Telecom désormais dénommé Your Communications qui avait obtenu en novembre 2000 quatre licences (dans le Grand Manchester, les West Midlands, le Yorkshire et le nord de l'Angleterre) aurait commencé de commercialiser une première offre à Manchester. Son premier client, Manchester Royal Infirmary, a été connecté au mois de juin dernier à 2 Mbit/s pour un service packagé de téléphonie et d'Internet.

En revanche, il existe d'ores et déjà des offres commercialisées par Tele2 (mais pour des débits moyens de l'ordre de 64 kb/s) qui est titulaire d'une licence dans le spectre de fréquence 3,6-4,2 GHz depuis août 2000. Depuis septembre 1998, Tele2 UK, teste la technologie BreezeIP de l'Israélien BreezeCom sur Londres, avec pour objectif de déployer ces accès radio à Internet auprès de 60% de la population du Royaume-Uni en 2003. Tele2 dispose actuellement d'une offre opérationnelle dans 15 régions au R-U. et poursuit activement son déploiement géographique. La couverture des services est réalisée pour l'instant dans les villes suivantes : Leeds, Bradford, Sheffield, Nottingham, Leicester, Reading, Wokingham, Bracknell, Slough, Windsor, Coventry, Bristol, Bath, Birmingham et Uxbridge. La dernière ouverture commerciale a eu lieu dans le Grand Londres en octobre 2001. D'ici 2003, Tele2 prévoit de couvrir les 40 principales unités urbaines du pays. L'opérateur cible la clientèle des résidentiels, les petits professionnels ainsi que les PME. Les offres d'accès Internet sont proposés avec plusieurs options d'interface : interface USB en configuration monoposte pour les résidentiels et les petits professionnels, et des solutions d'accès via carte Ethernet, hub ou routeur pour le raccordement de LAN d'entreprises de taille plus importante.

3. Câble Modem

La réglementation

Les instances en charge de la régulation des activités câblées sont l'ITC (Independant Television Commission) pour la diffusion de programmes sur le câble, le DTI (Department of Trade and Industry) pour l'attribution des licences de câblo-téléphonie et l'OFTEL.

Le marché du câble est organisé en 137 franchises qui constituent des zones géographiques de distribution exclusive. Ces franchises attribuées dès 1991 ont été renouvelées en 1999. Cette industrie, qui avait attiré à l'origine de nombreux acteurs, a connu un mouvement de concentration puissant. Aujourd'hui et depuis la cession des activités câblées résidentielles de Cable & Wireless, le jeu concurrentiel est essentiellement animé par 2 câblo-opérateurs majeurs qui sont NTL et Telewest.

Il existe une forme d'exception britannique dans le domaine du câble qui s'est manifestée par la mise en oeuvre de plates-formes multiservices intégrant très tôt des services de téléphonie et d'accès Internet. Cette particularité est liée aux options technologiques adoptées pour le déploiement des infrastructures des câblo-opérateurs en Grande-Bretagne qui détiennent une licence d'opérateur de services basées sur des réseaux de paires de cuivre. Ces infrastructures anciennes ont fait l'objet de mises à niveau progressives, leur taux de numérisation est désormais supérieur à 90%.

Fin 1999, l'OFTEL a lancé une consultation sur l'opportunité d'imposer aux câblo-opérateurs le principe d' open access qui les obligerait à ouvrir leurs réseaux locaux sur un modèle voisin de celui du dégroupage de la paire de cuivre. La consultation qui recouvrait l'ensemble des services potentiellement offerts sur le câble (TV, TV interactive, téléphonie et Internet) a abouti à la publication au second trimestre 2000 de conclusions reprises dans un document publié en avril 2001. Ce document considère que trois conditions sont nécessaires à l'imposition du principe d'open access :

§ le câblo-opérateur doit détenir un pouvoir de marché significatif sur les marchés pertinents,

§ les bénéfices attendus de la réglementation open access doivent justifier les coûts d'investissement dans sa mise en oeuvre,

§ l'obligation d'open access doit être une mesure efficace et proportionnée pour lever les obstacles à la concurrence.

Or l'analyse de l'OFTEL a conclu que les câblo-opérateurs ne possédaient pas un pouvoir de marché significatif :

§ à la fois sur les services de téléphonie et Internet large bande accessibles désormais par le DSL sur une grande partie du territoire,

§ ainsi que sur les services de télévision en raison de la concurrence d'opérateurs tels que BSkyB sur le satellite ou bien de TV numérique hertzienne.

L'open access est donc pour le moment jugé illégitime en regard de la position des câblo-opérateurs sur leurs marchés pertinents.

En revanche, depuis le 1 er janvier 2001, la condition d'exclusivité de distribution sur les franchises a disparu afin de stimuler la concurrence et de permettre aux opérateurs de proposer leurs services sur l'ensemble du pays.

Le marché

Le marché anglais du câble a connu des mouvements de concentration importants au cours de ces dernières années. NTL et Telewest dominent largement ce marché. Les deux câblo-opérateurs ont d'ailleurs lancé une initiative commune de co-marketing afin d'accélérer le décollage des services Internet haut débit. Leurs services d'accès large bande par modem câble devraient rapidement être accessibles à 9 millions de foyers britanniques et irlandais (soit 37% de la population), chiffre qui devrait être porté à 11,6 millions à l'horizon 2002. Une campagne de communication de grande envergure s'est déroulée durant l'été afin de promouvoir les avantages des technologies du modem câble pour l'accès Internet à haut débit, notamment par rapport aux offres concurrentes basées sur le DSL. Les deux câblo-opérateurs ont pris soin d'harmoniser leurs tarifs sur l'offre résidentielle commercialisée à 25 GBP (40 €) par mois soit une quinzaine de GBP (24 €) moins chère que l'offre ADSL de BT pour le grand public.

NTL a été le précurseur des accès par modem câble en Grande-Bretagne et prévoit 400.000 abonnés d'ici la fin 2002, mais n'avait que 52 000 clients à la fin du mois de juillet 2001. En juillet 1999, France Télécom a investi 5,5 milliards de USD dans le câblo-opérateur NTL, prenant ainsi une participation de 25% et devenant le premier actionnaire. Cela a également permis à NTL de reprendre les activités résidentielles du câblo-opérateur Cable & Wireless Communications (CWC) pour 8,2 milliards GBP, devenant ainsi le numéro un britannique du câble avec 2,8 millions de clients. Dernier fait en date du mois d'octobre 2001, le lancement de l'offre modem câble NTL Home à 128 Kbit/s pour moins de 15 GBP (24 €) par mois, qui illustre bien les ambitions du câble dopées par les difficultés rencontrées par les autres technologies.

Telewest, le deuxième câblo-opérateur du Royaume-Uni, a lancé son offre d'accès Internet commuté, Cable Internet, en 1996. A la fin du mois de juillet 2001, malgré une progression, le nombre d'abonnés à l'offre Internet haut débit s'élevait à 38 000.

Mi-2001, le câble représente environ plus de 3 millions de foyers abonnés aux services de télévision et plus de deux millions d'abonnés Internet et en téléphonie.

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