Présenté par M. Daniel Hoeffel, vice-président du Sénat, au Bureau du Sénat
VIII. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE RÉFLEXION
A. L'AFFIRMATION CONSTITUTIONNELLE DE LA FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
L'affirmation constitutionnelle de la fonction de contrôle et
d'évaluation a été unanimement souhaitée par le
groupe de réflexion. Ce souhait répond au double objectif d'une
solennisation
de cette dimension de la compétence parlementaire
en même temps que d'un certain
rééquilibrage
de son
exercice au regard de la fonction législative.
Dans cette perspective, le groupe de travail a souhaité
l'inscription
de la fonction de contrôle et d'évaluation
dans la
Constitution. A cette fin, il suggère que
l'article 24
comprenne
un alinéa ainsi rédigé :
« Le Parlement vote la loi et contrôle l'action du
Gouvernement. Il évalue la législation et les politiques
publiques. »
B. L'INSTITUTION D'UNE DEUXIÈME SÉANCE MENSUELLE RÉSERVÉE
Les
propositions que le groupe de réflexion a été amené
à formuler concernant l'amélioration de la fonction
législative devraient permettre
d'accroître le temps disponible
en séance publique pour l'exercice de la fonction de contrôle
d'évaluation et de prospective
.
A cet égard, le groupe de réflexion souhaite, par une
modification de l'article 48 de la Constitution,
l'instauration d'une
deuxième séance mensuelle réservée.
Cette
séance serait notamment mise à profit pour valoriser les travaux
de contrôle, d'évaluation ou de prospective mais aussi pour
rattraper le retard existant dans la transposition de directives
européennes ou la ratification d'ordonnances.
La circonstance que cette proposition figure dans ce chapitre ne signifie en
aucune manière qu'il s'agirait d'une séance
réservée au contrôle : la séance mensuelle
instituée en 1995 a souvent été comprise, à tort,
comme une séance réservée à l'initiative
législative. Pour des raisons symboliques, le groupe de réflexion
a souhaité placer cette deuxième séance mensuelle sous le
signe du contrôle, mais cela ne préjuge en rien d'une
éventuelle « spécialisation » de chacune des
séances : l'ordre du jour de chacune de ces séances est et
doit rester à l'entière discrétion des
assemblées.
C. LA PROGRAMMATION ET LA COORDINATION DES INITIATIVES ; LA SYNERGIE ENTRE LES STRUCTURES EXISTANTES ; LE DÉVELOPPEMENT DE L'INFORMATION
La
multiplicité des organes de contrôle existants rend
nécessaire, selon le groupe de réflexion, une
action d'ordre
méthodologique
tendant à :
- une meilleure programmation et coordination des initiatives ;
- une coopération renforcée entre les structures et moyens
existants ;
- une information synthétique sur les actions conduites en
matière de contrôle.
1. La programmation et la coordination : une Conférence des Présidents consacrée au contrôle
Afin
d'améliorer la coordination entre les différents organes de
contrôle, le groupe de réflexion préconise l'instauration
d'une réunion spécifique, par exemple
semestrielle
,
de
la Conférence des Présidents
. Cette réunion pourrait
se tenir début octobre et début avril, pour dégager la
liste des
actions prioritaires
de contrôle, d'évaluation et
de prospective à mener dans les six mois à venir.
Cette réunion particulière de la Conférence des
Présidents serait présidée par le
Président du
Sénat
et comprendrait les
Présidents des groupes
, des
commissions
, des
délégations
et des
offices,
qui ne sont pas membres de la Conférence des Présidents.
Elle délibérerait des actions de contrôle et des moyens
propres à les réaliser (auditions publiques, mission
d'information, commission d'enquête, débats en séance
publique, etc...). Elle évoquerait également la question du
recours à des expertises externes du secteur privé ou du secteur
public.
L'existence d'une telle structure de programmation et de coordination a
été jugée susceptible de hiérarchiser les
priorités et d'effectuer un travail de programmation annoncé
à l'avance pouvant déboucher sur une coordination et une
collaboration entre les structures existantes. Une telle procédure,
très souple, permettrait notamment :
a) d'optimiser tant l'utilisation de l'ordre du jour réservé que la procédure des questions ;
b) d'éviter les redondances ou les concomitances entre les actions envisagées ;
c) d'effectuer, si nécessaire, les arbitrages qui pourraient s'avérer nécessaires ;
d) de disposer, ne serait-ce qu'en termes de communication, d'un programme exhaustif des actions projetées par le Sénat.
Il est
clair que ce programme serait
indicatif
et pourrait être
ajusté en fonction des circonstances ou des nécessités de
l'actualité. Il ne remettrait pas en cause
la possibilité pour
les groupes, les commissions ou les délégations de créer
des structures de contrôle ou d'engager des actions de contrôle qui
seraient jugées nécessaires
(commissions d'enquête,
missions d'information, groupes de travail, auditions ...).
Le groupe de réflexion a souligné que la programmation et la
coordination des actions de contrôle par une formation spécifique
de la Conférence des Présidents pourrait être aussi le
moyen de mieux prendre en compte les initiatives
de l'opposition
dans
l'exercice de cette fonction et de veiller à un meilleur
équilibre entre les groupes politiques
.
Le groupe de réflexion a, à cette occasion, confirmé que
les droits de l'opposition devraient également être
préservés au cours des travaux des commissions d'enquête,
notamment par la possibilité d'y faire figurer des opinions dissidentes
ainsi que par une mise à disposition du projet de rapport quelques jours
avant la réunion d'examen de ce rapport par la commission
d'enquête (ce qui a déjà été mis en oeuvre
sur instruction du Président Poncelet).
2. Le renforcement de la coopération entre les commissions permanentes par le moyen, notamment, de la mission d'information commune
Il est
apparu au groupe de réflexion que la fonction de contrôle,
d'évaluation et de prospective devait
se concentrer dans le cadre des
organes existants
et singulièrement les commissions permanentes, et
que la création de structures nouvelles permanentes ne constituait pas
nécessairement une réponse adéquate.
La nature même des questions susceptibles d'être
évoquées dans le cadre de la fonction de contrôle,
d'évaluation et de prospective plaide plutôt en faveur de la
coopération entre les structures existantes.
A cet égard,
la mission commune d'information,
structure
temporaire et souple
,
est apparue au groupe de réflexion comme un
instrument ouvert de coopération entre les commissions qu'il convenait
tout à la fois de privilégier et de conforter.
A l'origine, les missions d'information communes ont été une
création de la pratique à partir d'une disposition du
Règlement. Elles ne font à l'heure actuelle l'objet d'aucun texte
particulier. Il pourrait être proposé de renforcer la
légitimité de ces missions d'information communes et de
consacrer leurs pouvoirs et prérogatives
.
A cet effet, l'
Instruction Générale du Bureau
pourrait
être complétée, après concertation avec les
Présidents des commissions permanentes, afin de :
-
consacrer l'existence
des missions communes d'information, dont la
demande procéderait des commissions intéressées,
après consultation de toutes les commissions permanentes ;
-
de préciser et simplifier la désignation des membres de
la mission en prévoyant
une désignation directe des membres de
la mission par les groupes politiques
ce qui permettrait aux
sénateurs intéressés par le sujet d'y participer quelle
que soit leur commission ;
-
conforter les pouvoirs d'information
des missions communes
d'information qui seraient
équivalents à ceux d'une commission
permanente
sans préjudice de la possibilité pour le
Sénat de conférer les pouvoirs d'enquête prévus par
l'article 5 ter de l'ordonnance de 1958 à une des commissions
permanentes à l'origine de la demande.
Ces missions communes d'information, dont la durée d'existence serait
fixée par le Sénat, pourraient recourir à des
expertises extérieures
dans des conditions similaires à
celles prévues pour les commissions permanentes.
3. Une information synthétique sur les actions de contrôle
Le
programme de contrôle, d'évaluation et de prospective, comme sa
mise en oeuvre, feraient l'objet d'une
procédure d'information
systématique tant
interne
qu'
externe.
Cette information veillerait en outre à une
meilleure identification
de la spécificité de la fonction
de contrôle,
d'évaluation et de prospective. A cet effet, un
tableau de bord
des différentes actions en cours ou à réaliser ferait
l'objet d'une communication :
a) permanente via le site Internet ;
b) périodique via le Feuilleton, le Bulletin des Commissions, Info Sénat, Sénat Actualités ;
c) ponctuelle par les communiqués à la presse.
Un bilan au début de chaque session ordinaire des opérations de contrôle, d'évaluation et de prospective réalisées par les instances du Sénat serait également disponible et pourrait opportunément faire l'objet d'une politique spécifique de communication.
D. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION DE L'EXAMEN DES LOIS DE FINANCES
1. La
consolidation et l'élargissement du débat d'orientation
budgétaire
Le Sénat a souhaité et obtenu l'organisation, depuis plusieurs
années, d'un
débat d'orientation budgétaire
au mois
de juin, destiné à associer le Parlement à la
définition des grandes orientations du budget. Le résultat de
cette initiative est apparu au groupe de réflexion comme susceptible de
pouvoir être amélioré.
En accord avec la commission des Finances et la commission des Affaires
sociales, le Président du Sénat s'est prononcé à
plusieurs reprises pour une «
globalisation
» du
débat d'orientation budgétaire. Cette initiative a semblé
importante au groupe de réflexion qui a considéré
que
le débat d'orientation budgétaire devait porter sur les finances
publiques proprement dites, les finances locales, les finances sociales et les
finances européennes
.
A cet égard, la Conférence des Présidents a initié
le mouvement en prévoyant en 2001 une intervention ès
qualités du Président de la commission des Affaires sociales.
Par parallélisme, le groupe de réflexion a souhaité que
puissent participer à ce débat non seulement le ministre des
finances et le ministre chargé du budget, mais également les
ministres chargés de la sécurité sociale, de la
décentralisation et des affaires européennes.
2. La poursuite de la modernisation de la discussion budgétaire
L'examen de la loi de finances comporte à l'évidence une
dimension de contrôle, d'évaluation et de prospective de plus en
plus importante.
Au cours des dernières années, les modalités de discussion
du projet de loi de finances ont évolué : meilleure
discipline du temps de parole, débat spécifique sur les
ressources des collectivités locales, introduction d'un système
de questions-réponses sur la discussion de certains fascicules
budgétaires.
Ces améliorations devraient être poursuivies et approfondies sur
proposition de la commission des Finances, notamment dans la perspective de
l'entrée en vigueur de la loi organique du 1
er
août
2001.
Dans l'immédiat, la
procédure des
questions-réponses
pourrait être étendue et une
réflexion pourrait être engagée sur le contenu et le cas
échéant
la coordination des questionnaires
budgétaires
, dont on rappelle qu'ils ont acquis un statut organique
par l'article 49 de la loi organique du 1
er
août 2001.
Une réflexion commune de la commission des Finances et des autres
commissions sur le
rôle et la place des avis budgétaires
apparaît également hautement souhaitable.
E. LA VALORISATION DE L'ÉVALUATION
Le
groupe de réflexion considère que
l'évaluation doit
devenir une priorité
. Cette action doit s'appuyer principalement sur
les actions et structures existantes.
Le Sénat a mis en place, il y a plus de vingt ans, un dispositif
novateur de
contrôle annuel de l'application des lois
. Ce travail
donne lieu à un rapport annuel établi par le service des
Commissions et soumis à la Conférence des Présidents en
octobre.
Constatant qu'il ne sert à rien de « légiférer
à la chaîne » si le Gouvernement ne prend pas rapidement
les mesures d'application des lois, souvent examinées selon la
procédure d'urgence, le groupe de réflexion souhaite :
- consacrer dans l'IGB ou le Règlement
un « droit de
suite » des rapporteurs
;
- assurer une
meilleure diffusion, au sein du Sénat, des rapports
présentés par le Gouvernement au sujet de l'application des
lois
.
S'agissant plus particulièrement de
l'évaluation de la loi et
des politiques publiques
, le groupe de réflexion a constaté
que :
- dans de nombreux cas, elle était indissociable et structurellement
liée à l'activité des structures existantes, et notamment
des commissions ;
- dans certaines hypothèses, elle pouvait relever de la mise en place de
structures temporaires (groupes de travail, missions d'information communes aux
commissions ...).
Dans cette perspective et au regard de l'expérience des offices
créés par les lois du 14 juin 1996, il est apparu qu'
une
réflexion devait être engagée par les commissions
permanentes
pour :
- s'interroger sur l'adéquation de ce type de structure au regard des
objectifs assignés ;
- le cas échéant, rechercher les formes les plus aptes à
répondre aux besoins de l'évaluation.
a) l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques créé par la loi n° 96-517 du 14 juin 1996 a été supprimé par l'article 94 de la loi de finances pour 2001. Il a été remplacé au Sénat50 ( * ) par un comité d'évaluation des politiques publiques propre au Sénat et rattaché à la commission des Finances, dont la composition est similaire à celle de l'ancien office. Le moment n'est-il pas venu, comme le pensait M. Alain Lambert, alors Président de la commission des Finances, de faire évoluer la composition et les fonctions du Comité d'évaluation des politiques publiques pour en faire une structure plus souple qui pourrait, le cas échéant, travailler avec la Délégation à la Planification ? Une réflexion et une concertation paraissent nécessaires.
b) l'office d'évaluation de la législation créé par la loi n° 96-516 du 14 juin 1996 n'a manifestement pas trouvé son « rythme de croisière » ni répondu aux attentes qui avaient justifié sa création : L'office n'a publié que deux rapports ... Est-ce imputable à sa « structure bicamérale » ou à la surcharge de travail des deux commissions des Lois ?
En tout état de cause, le groupe de réflexion a considéré qu'une réflexion sur le devenir de cet office devrait être menée par la commission des Lois et les autres commissions permanentes. Faut-il envisager une redynamisation de cet office ? Faut-il scinder l'Office pour constituer une délégation dans chaque assemblée ? Faut-il supprimer totalement cet office et redistribuer ses compétences entre les commissions permanentes (en créant, par exemple, un groupe de travail ou une mission d'information interne à chaque commission permanente) ? Le débat reste ouvert.
c) en revanche, le groupe de réflexion a considéré qu'une éventuelle scission de l'Office des choix scientifiques et technologiques était inopportune, le fonctionnement bicaméral de cet Office ayant permis la mise en commun de moyens importants. Tout au plus, serait-il souhaitable de favoriser une meilleure coordination entre les travaux de l'office et ceux des autres organes du Sénat et de voir dans quelle mesure l'Office, comme son homologue anglais, pourrait établir et publier de brèves et synthétiques notes sur des problèmes d'actualité (une procédure identique pourrait être envisagée par la délégation à la Planification pour des études brèves de méthodologie économique).
F. LE RENFORCEMENT DES MOYENS
Le groupe de réflexion a pris acte de l'importance et de l'accroissement des moyens de contrôle, d'évaluation et de prospective à disposition du Sénat et des sénateurs depuis plusieurs années (cf. supra). Il a estimé nécessaire la poursuite du renforcement de ces moyens ainsi que l'amélioration de leur coordination.
1. La poursuite du renforcement des moyens d'expertise interne
Le groupe de réflexion a constaté que le
renforcement des moyens en personnel des services était vivement
souhaité, notamment par la plupart des Présidents des commissions
et délégations (avec pour conséquence la mise à
disposition des locaux nécessaires).
Le groupe de réflexion a partagé cette orientation qui consiste
à privilégier le recours à des concours internes, plus
aptes à garantir l'autonomie des assemblées dans le respect du
principe de séparation des pouvoirs.
Il a également souhaité que
la formation des
fonctionnaires
aux fonctions de contrôle et d'évaluation fasse
l'objet d'une attention particulière. Une telle formation, notamment
dans le domaine comptable ainsi que dans celui de l'audit, assortie à
l'apprentissage des techniques de l'enquête a été
jugée particulièrement nécessaire.
Il a par ailleurs été souhaité une
meilleure
coordination
et une meilleure synergie des
services
chargés des études
économiques, des études
juridiques et des études relatives aux collectivités locales en
vue de favoriser leur contribution aux actions d'étude,
d'évaluation et de contrôle des structures parlementaires
existantes et notamment des commissions et des
délégations.
2. Le développement des concours extérieurs
Le
recensement des importantes possibilités de recourir à des
concours externes institutionnels (cf. supra) a été
souligné par le groupe de réflexion. Le fait que cette
faculté, prévue par la loi, soit fort peu utilisée a
été noté et regretté.
Les crédits (1,4 million d'euros en 2002) mis à disposition des
structures existantes (commissions, délégations, offices, groupes
d'études, services) sont d'un montant significatif. Toutefois, un
réel développement des activités de contrôle du
Sénat devra très probablement s'accompagner d'une augmentation
sensible des crédits d'études prévus pour les commissions
et délégations. Le groupe de réflexion a en effet
considéré que
la procédure définie par le Bureau
du Sénat et le Conseil de Questure du 20 décembre 2001 constitue
le moyen le plus adéquat du recours à des concours
extérieurs (organismes publics, cabinets privés, experts,
universitaires) pour compléter les moyens d'expertise interne.
Encore faut-il ne pas perdre de vue qu'au-delà des contraintes
budgétaires et de temps, il y a également une contrainte
d'analyse politique des études et expertises commandées à
l'extérieur. Dans l'exploitation de ces travaux, l'avis et les analyses
des consultants extérieurs ne doivent en aucun cas se substituer
à la réflexion des sénateurs.
G. LA DYNAMISATION ET LA RÉNOVATION DES PROCÉDURES RELATIVES AUX QUESTIONS PARLEMENTAIRES
Le
groupe de réflexion est parti de plusieurs constats :
- l'allègement des procédures d'examen des textes (qui
devrait résulter de la mise en oeuvre des recommandations
présentées au chapitre III) devrait permettre d'augmenter le
temps disponible en séance publique pour l'exercice des fonctions de
contrôle, d'évaluation et de prospective et plus
généralement, comme l'indiquait le Président du
Sénat le 16 octobre 2001, pour que « l'hémicycle
(redevienne) le coeur du débat républicain sur tous les sujets
qui préoccupent nos concitoyens et conditionnent l'avenir de notre
société » ;
- un accès accru à la séance publique pour les
travaux de contrôle, d'évaluation et de prospective semble
essentiel à la valorisation de cette activité ;
- certaines procédures de questionnement sont sous-utilisées
et mériteraient d'être dynamisées et inscrites dans un
calendrier fondé sur des rendez-vous thématiques.
1. Un meilleur suivi des conclusions des commissions d'enquête et des missions d'information
Il peut
paraître anormal que les conclusions d'une commission d'enquête ou
d'une mission d'information ne soient pas, sauf exception, débattues en
séance publique. Le prétexte souvent invoqué est l'absence
de temps disponible dans l'ordre du jour du Sénat. L'institution d'une
deuxième séance réservée pourrait permettre de
desserrer cette contrainte et offrir ainsi la possibilité d'un
débouché en séance publique pour les travaux de cette
nature.
Cette proposition se situe dans le droit fil d'une proposition de
révision du Règlement présentée par M. Hubert
Haenel (n° 175, 1995-96) et permettrait ainsi aux groupes politiques de
présenter leur point de vue sur le travail d'enquête ou
d'information et au Gouvernement d'indiquer les suites qu'il envisage de donner
au rapport.
Si nécessaire, un second débat pourrait être
organisé six mois ou un an plus tard pour évaluer le suivi et
l'application des conclusions de la commission d'enquête ou de la mission
d'information.
2. Les questions d'actualité au Gouvernement
Ainsi
que l'a souligné le Président du Sénat, la séance
des questions d'actualité présente des signes d'essoufflement.
Le groupe de réflexion, conscient de la difficulté de l'exercice,
estime néanmoins qu'il pourrait être tenté à
nouveau, avec le concours des Présidents des groupes, de donner un tour
plus spontané à la séance des questions en
privilégiant les thèmes en relation directe avec
l'actualité.
S'agissant de la programmation, il a été constaté que le
jeudi ne constituait pas une solution satisfaisante : elle se situe en fin
de semaine parlementaire (ce qui ne favorise pas la présence des
sénateurs) et à la suite des deux séances de
l'Assemblée nationale.
Une première hypothèse a été
envisagée : le mercredi à 15 heures ; mais cela suppose
l'accord de l'Assemblée nationale.
Une deuxième hypothèse a retenu la préférence du
groupe de réflexion : tous les mardis à 16 heures 30 le cas
échéant en réduisant la durée de la séance
à trois-quarts d'heure ; cela suppose une double concertation avec
le Gouvernement et France 3 mais présente l'avantage d'offrir un
rendez-vous hebdomadaire après les réunions des
groupes.
3. Les séances de questions orales thématiques
La technique de questionnement serait fondée sur la procédure de la question orale (question du sénateur, réponse du ministre, réplique du sénateur). Chaque séance, d'une durée de 1 heure 30 à deux heures, pourrait comporter dix à quinze questions, réparties à la proportionnelle des groupes, sur un même thème (relatif, par exemple, aux collectivités territoriales ou à des problèmes de société) ; le thème de chaque séance serait déterminé en Conférence des Présidents, en assurant un équilibre entre majorité et opposition. Ces séances thématiques de questions pourraient être inscrites à l'ordre du jour du Sénat le mardi matin ou à un autre jour déterminé par la Conférence des Présidents.
4. Le renouveau des questions orales avec débat
Dans
son discours du 16 octobre 2001, le Président du Sénat a
préconisé
« un meilleur usage des questions orales
avec débat ».
Il est clair que des questions orales avec
débat suscitant
« de vrais débats sur des questions
sensibles »
seraient particulièrement opportunes
.
Là encore, il faut espérer que la rationalisation des discussions
législatives et l'ouverture d'une deuxième séance
mensuelle réservée permettront à la Conférence des
Présidents de programmer un plus grand nombre de questions orales avec
débat dont la technique doit être privilégiée car
elle permet un dialogue entre le Gouvernement et tous les groupes politiques.
Cette procédure paraît particulièrement adaptée pour
les débats sur la décentralisation que le groupe de
réflexion préconise d'organiser
régulièrement.
5. L'amélioration du délai de réponse aux questions écrites
Selon
l'article 75 du Règlement du Sénat, les réponses des
ministres aux questions des sénateurs doivent être publiées
dans le mois qui suit le dépôt de celles-ci. Les ministres peuvent
bénéficier d'un délai supplémentaire d'un mois. En
pratique, ce délai est systématiquement concédé.
Depuis plusieurs années, le délai de deux mois est très
souvent dépassé et la liste de rappel des questions sans
réponse s'allonge.
Par surcroît, certaines questions ne reçoivent jamais de
réponses et deviennent caduques au terme d'un délai de 2
ans : 491 en octobre 2000, 867 en 2001. Cette situation suscite, à
juste titre, le mécontentement des parlementaires
intéressés qui se manifeste par : la multiplication des
questions de rappel (302 pour la session 2000-2001) ; le recours plus
fréquent à la transformation de la question écrite en
question orale, une dizaine de fois par an ; le dépôt de
questions critiquant le retard du Gouvernement.
Plusieurs axes de réflexion ont été envisagés par
le groupe de réflexion :
l'amélioration de la publicité de la liste de rappel qui, depuis
décembre 2001, fait apparaître les questions en retard par
ministère ;
l'établissement, chaque mois, d'un tableau des questions qui pourrait
être distribué aux membres de la Conférence des
Présidents et au ministre des relations avec le Parlement ;
à l'instar du bilan annuel de l'application des lois, un bilan
détaillé du nombre des questions et du délai d'obtention
des réponses pourrait être publié dans la brochure des JO
tous les trois mois ou une fois par semestre. En cas de
nécessité, ce bilan ferait l'objet d'un courrier spécial
adressé par le Président du Sénat au Premier
ministre ;
l'instauration, comme à l'Assemblée nationale, d'une
procédure de « questions signalées »
permettant d'obtenir dans un délai de 10 jours la réponse
à une série de 18 questions sélectionnées par les
groupes parmi l'ensemble des questions sans réponse depuis plus de deux
mois ;
l'organisation, le mardi matin, de séances spéciales de
questions orales issues de la transformation de questions écrites. Ces
séances pourraient avoir lieu une fois par mois ou tous les deux
mois : elles pourraient soit s'ajouter aux séances habituelles de
questions orales, soit se substituer à l'une d'entre elles ;
l'organisation, un mardi matin tous les deux mois, d'une séance
spéciale avec un ministère qui serait plus
particulièrement en retard dans ses réponses aux questions
écrites.
Le groupe de réflexion n'a privilégié aucune de ces
solutions, considérant qu'il était de la compétence de la
Conférence des Présidents de choisir les moyens les plus
adaptés, au cas par cas, pour tenter de remédier à ce
lancinant et agaçant problème.
H. LA MISE EN PLACE DE « GRANDS COLLOQUES DU SÉNAT »
Dans son allocution du 16 octobre 2001, le Président a
souhaité
« l'ouverture de la séance publique
à des personnalités de la société civile, sans pour
autant désacraliser l'hémicycle ».
L'examen de certains problèmes de société peut être
enrichi par la présentation du point de vue de personnalités de
la société civile de grand renom. La tradition
républicaine
51
(
*
)
s'opposerait à l'organisation de tels débats dans
l'hémicycle qui, sauf exception, doit demeurer le lieu de débat
des sénateurs et d'eux seuls.
Certes, des séances solennelles ont été consacrées
à l'audition de chefs d'Etat étrangers ou à des
personnalités comme Mme Rigoberta Menchu. Mais de telles
séances qui ne sont pas de « véritables séances
publiques » revêtent par essence un caractère
exceptionnel, sauf à encourir le risque, comme le souligne le
Président du Sénat, d'une
« désacralisation » de l'hémicycle.
Compte tenu de ces éléments, le groupe de
réflexion a retenu l'idée de l'organisation périodique,
Salle Médicis ou Clemenceau de
« grands colloques du
Sénat »
. Il s'agirait de colloques parlementaires
où seraient discutés des problèmes de
société tels que, par exemple, le clonage humain, le devenir de
la construction européenne, l'avenir de la décentralisation ou la
place du fait religieux dans la société française.
Ces colloques, présidés par le Président du Sénat
ou un Vice-Président du Sénat, permettraient l'intervention des
représentants des groupes politiques ou des commissions, mais aussi de
personnalités éminentes qui pourraient ainsi confronter leur
point de vue avec les parlementaires et apporter leur propre éclairage.
Sauf exception, le choix des thèmes devrait éviter les sujets
entrant directement dans la compétence d'une commission et les
« grands colloques du Sénat » devraient accorder une
large place à l'intervention des groupes politiques du Sénat.
Ces colloques pourraient avoir lieu au cours de la semaine parlementaire
à un moment où le Sénat ne siègerait pas en
séance publique ; les thèmes choisis et la
périodicité pourraient être déterminés soit
par le Président du Sénat, soit par le Bureau du Sénat,
soit par la Conférence des Présidents.
*
* *
* 49 En ce cas, l'audition n'est pas publique et le rapport public ne peut faire état des informations recueillies.
* 50 A l'Assemblée nationale, a été créée au sein de la commission des Finances une mission d'évaluation et de contrôle (MEC).