Présenté par M. Daniel Hoeffel, vice-président du Sénat, au Bureau du Sénat
VI. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE RÉFLEXION : LA RECHERCHE D'UNE GESTION PLUS RATIONNELLE DU TEMPS DE LA SÉANCE PUBLIQUE PAR UNE MEILLEURE ARTICULATION AVEC LE TEMPS DES COMMISSIONS, LA MODERNISATION DES MÉTHODES DU TRAVAIL LÉGISLATIF PAR UNE DIVERSIFICATION DES PROCÉDURES EN FONCTION DE LA NATURE ET DE LA PORTÉE DU TEXTE EN EXAMEN
Sur
l'ensemble des contributions, cinq abordent la question de l'articulation entre
les commissions législatives et la séance plénière,
notamment celle du groupe de l'Union centriste qui propose de
« réserver la séance publique à
l'essentiel » et de « rationaliser les discussions des
textes », c'est-à-dire d'éviter la redondance en
séance publique des débats techniques ayant déjà eu
lieu en commission : le Sénat doit mieux légiférer
pour contrôler mieux, car il doit devenir « la chambre
principalement en charge du contrôle ». De même, le
groupe socialiste préconise de « réserver à la
séance plénière les grands débats et les lois
principales ». Dans le même esprit, le Président de la
commission des Affaires économiques suggère de
« réserver à la séance publique les textes ayant
le plus d'impact sur la vie nationale ». A l'inverse, le
Président de la commission des Affaires sociales a exprimé le
souhait que la discussion d'amendements ne soit pas
« escamotée ». De même, le groupe Communiste
Républicain et Citoyen a réaffirmé son attachement au
caractère démocratique et pluraliste des règles du
débat en séance publique, qui doivent permettre à chaque
sénateur ou à chaque groupe de défendre son point de vue
ou de présenter chacun de ses amendements.
Par ailleurs, dans son discours d'orientation du 16 octobre 2001, le
Président du Sénat a exprimé le souhait
« d'une meilleure gestion du temps parlementaire qui, en ces temps
d'inflation législative, apparaît trop lourdement
hypothéqué par le travail législatif »
.
« Retrouver le temps du débat implique, en effet, une
amélioration de la programmation de nos travaux, un accroissement du
rôle législatif des commissions et une réforme de la
procédure d'examen des amendements, afin d'alléger et de
dynamiser la discussion des textes en séance publique »
.
Car l'essentiel est de
« retrouver le temps de débattre en
séance publique : l'hémicycle doit devenir le coeur du
débat républicain sur tous les sujets qui préoccupent nos
concitoyens et conditionnent l'avenir de notre
société »
.
A partir de toutes ces prises de position, le groupe de réflexion a
conclu dans sa majorité à la
nécessité
d'alléger, de moderniser et de dynamiser le débat en
séance publique afin de le rendre plus vivant, plus interactif, plus
attractif
pour les sénateurs, mais aussi pour tous ceux qui suivent
les travaux du Sénat dans les tribunes, à la
télévision ou par la lecture du Journal officiel. Le
Président du Sénat l'a souvent rappelé :
il faut
rendre le débat parlementaire plus lisible ou plus visible
.
Pour le groupe de réflexion, le moment semble venu de proposer, sous la
réserve permanente du respect des prérogatives constitutionnelles
du Gouvernement, une modernisation des méthodes du travail
législatif par une diversification des procédures d'examen des
textes en fonction de leur nature ou de leur portée, sans altérer
la qualité des débats, qui est la caractéristique reconnue
des travaux du Sénat.
Si elle était retenue, cette modernisation entraînerait une
révision de la Constitution ou du Règlement, mais d'autres
améliorations de la procédure d'examen en séance publique
peuvent être obtenues par de simples changements de pratique, comme c'est
le cas pour le vote « global » des amendements
répétitifs ou de pure technique législative ou juridique.
Si la modernisation du travail législatif est en soi un objectif
à atteindre, elle contribuera à un rééquilibrage
avec la fonction de contrôle, car le temps de séance publique,
gagné avec la rationalisation des procédures d'examen, pourra
être consacré au nécessaire développement des
travaux de contrôle, de débat ou de questionnement.
Dans la
même logique, le groupe de réflexion proposera dans le cadre du
chapitre sur la fonction de contrôle, d'instituer une seconde
séance mensuelle réservée
; sans être
« prédéterminé » par la Constitution,
l'ordre du jour de cette séance pourrait comprendre des débats de
contrôle ou de prospective, destinés notamment à donner un
plus grand écho aux travaux d'information des commissions : ce
« doublement » de l'ordre du jour réservé
permettrait aussi de rattraper le retard constaté dans la ratification
des conventions internationales ou des ordonnances de codification.
Pour ce qui concerne plus strictement la fonction législative, les
propositions principales du groupe de réflexion tournent autour de deux
idées force :
- l'accroissement du rôle délibératif des commissions,
- la réactivation des procédures abrégées
d'examen en séance publique.
La mise en place de ces procédures ne devrait pas dispenser le
Sénat d'une réflexion complémentaire sur la
réduction de certains temps de parole, à l'instar de la pratique
suivie au Parlement européen et à l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe. Pour autant, le groupe de
réflexion n'a pas formulé de proposition concrète en ce
sens, conscient de ce qu'en ce domaine, il importait de trouver par un dialogue
entre tous les groupes politiques un juste équilibre, susceptible de
préserver tant les droits de chacun à la parole que la
qualité des débats sénatoriaux.
A. L'ACCROISSEMENT DU RÔLE DÉLIBÉRATIF DES COMMISSIONS
Dans le
souci de parvenir à une meilleure articulation entre le travail de
commission et de la séance publique, le groupe de réflexion
propose une double innovation : le vote en commission et/ou la discussion
des textes sur la base des conclusions de la commission saisie au fond.
Ces deux propositions ont pour point commun de nécessiter une
révision de la Constitution, car l'expérience impose de constater
que la rénovation du débat parlementaire passe par une
révision de l'article 42 de la Constitution et peut-être aussi par
un aménagement constitutionnel des conditions d'exercice du droit
d'amendement en séance publique.
1. Le vote en commission : une procédure limitée à certains textes et subordonnée à l'accord du Sénat
Cette
procédure, qui s'inspire de l'exemple italien des
leggine
(littéralement les « petites lois ») a
été proposée par le groupe socialiste et par le
Président de la commission des Affaires économiques qui utilise
la notion de « législation
déléguée ».
A l'évidence, une telle innovation nécessiterait une
révision de la Constitution, les modalités pratiques du vote en
commission devant être ultérieurement précisées dans
une
loi organique
ainsi que par le
Règlement
.
La contribution du groupe socialiste ouvre des pistes de réflexion de
nature à entourer cette possibilité d'adoption
« définitive » de certaines lois en commission
« de garanties importantes tant sur le fond que sur la
procédure à suivre » :
-
Sur le fond
, la loi organique déterminerait la liste des
textes susceptibles de relever de cette procédure qui pourrait concerner
entre autres :
. les projets de loi de codification ;
. les projets de loi de ratification des ordonnances ;
. les textes autorisant l'approbation ou la ratification des conventions
internationales (à l'exception de certains traités essentiels,
Maastricht, Amsterdam, Cour Pénale Internationale) ;
. les textes considérés comme
« techniques » par la Conférence des
Présidents.
Le recours au vote en commission serait subordonné
au vote du
Sénat
qui statuerait sur la base des conclusions de la
Conférence des Présidents :
le vote en commission ne
serait pas possible en cas d'opposition du Gouvernement.
Les règles de discussion en commission devraient :
- assurer la publicité des débats (publication d'un compte
rendu intégral ou analytique, présence du public, retransmission
télévisée éventuelle en direct, ...), ce qui
supposerait que la réunion de commission se tienne dans la Salle
Clemenceau ou la salle Médicis, qui, pour la circonstance, seraient
transformées en un « mini-hémicycle » ;
- garantir les droits des sénateurs, auteurs d'amendements ;
- préserver l'exercice des prérogatives constitutionnelles
du Gouvernement (droit à la parole, vote unique, exceptions
d'irrecevabilité, ...).
Il reste que cette procédure, pour être opérante, ne
devra pas reproduire à l'identique toutes les contraintes de la
séance publique
, dans la mesure où elle s'appliquerait par
hypothèse à des textes considérés comme
« techniques ». Il appartiendrait par ailleurs à la
Conférence des Présidents d'éviter la concomitance entre
la séance plénière et la réunion d'une commission
appelée à voter un texte de loi.
2. La discussion des textes sur la base des conclusions de la Commission saisie au fond
Cette
proposition avancée par le groupe socialiste, les Présidents de
la commission des Affaires économiques et de la commission des Lois
suppose une révision de l'article 42 de la Constitution en ce qu'il
prévoit que chaque Assemblée délibère sur le texte
présenté par le Gouvernement et, au cours de la navette, sur le
texte qui lui est transmis.
Le groupe de réflexion propose de retenir cette mesure de simplification
et de rationalisation de la discussion en séance publique des articles
d'un texte, dans la mesure où elle présenterait l'avantage
inappréciable d'
éviter
autant que faire se peut
la
réitération de la présentation des amendements en
commission, puis en séance publique
.
Toutefois, pour éviter le grief -infondé- d'un retour à la
IV
ème
République, le groupe de réflexion
propose de prévoir que le Gouvernement disposerait
d'un droit
d'opposition pour les projets de loi déposés ou transmis au
Sénat :
il semble a priori que cette procédure est peu
adaptée à certains textes comme les projets de loi de finances,
les projets de loi de financement de la Sécurité sociale et les
révisions constitutionnelles.
Cette question de principe mise à part, la discussion des textes sur la
base des conclusions de la commission pose moins de problèmes techniques
que l'adoption des lois en commission.
Cette procédure ne porterait aucune atteinte au droit d'amendement des
parlementaires non membres de la commission, puisque les amendements
« extérieurs » seraient débattus en
séance publique selon les modalités de droit commun. Elle ne
lèserait pas non plus le Gouvernement dans l'exercice de ses
prérogatives constitutionnelles, dans la mesure notamment où il
pourrait par exemple invoquer l'article 40 contre les modifications
proposées par la commission ou recourir au « vote
bloqué » en séance publique.
La mise en débat des conclusions de la commission existe
déjà pour les propositions de loi ou de résolution pour
lesquelles le Sénat (article 42, 6c du Règlement)
délibère sur le texte rapporté par la commission.
Faut-il envisager le dépôt direct d'amendements en commission avec
la fixation d'un premier délai limite pour le dépôt des
amendements avant la réunion de la commission ? Cette formule
présente plus d'inconvénients que d'avantages, dans la mesure en
particulier où elle risquerait d'alourdir la réunion de
commission ou d'altérer la spécificité du travail en
commission qui bénéficie de règles de publicité
moins strictes qu'en séance publique. La réunion de la commission
et l'examen en séance publique sont deux étapes bien distinctes
et aux caractéristiques différentes.
Quoi qu'il en soit, la procédure de discussion des textes sur la base
des conclusions de la commission, sauf opposition du Gouvernement,
éviterait en partie la
redondance
entre le travail en
commission et en séance publique :
les propositions de la
commission, intégrées dans le texte soumis à la
délibération du Sénat, ne feraient plus l'objet
d'amendements déposés en séance publique, ce qui
n'empêcherait nullement le rapporteur de présenter, chaque fois
que nécessaire, l'économie générale des
propositions de la commission sur tel ou tel article important du projet de
loi.
Comme le souligne le Président de la commission des Lois, ce
« mode de discussion, respectueux du droit d'amendement de chaque
sénateur et du Gouvernement, permet de faire l'économie de
débats purement techniques sur des amendements de forme, de codification
ou de cohérence, indispensables à la bonne lisibilité de
la loi, mais inutilement consommateurs de temps ».
Prenant pour exemple la discussion des propositions de loi sénatoriales
dans le cadre des séances mensuelles réservées, le
Président de la commission des Lois tient à marquer à
juste titre que « l'examen des lois de toute nature sur la base du
texte de la commission ne prive ni le Gouvernement ni les sénateurs
à titre individuel de la plénitude de leurs droits de
débattre et de proposer des amendements. Sur le fond, elle
correspondrait d'assez près à la situation actuelle qui conduit
à l'adoption en séance publique de plus de 90 % des
amendements proposés par la commission ».
B. L'INSTITUTION PAR LE RÈGLEMENT DE DEUX NOUVELLES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES AU LIEU ET PLACE DES ACTUELLES PROCÉDURES DITES ABRÉGÉES
Le groupe de réflexion propose d'introduire dans le Règlement du Sénat deux nouvelles procédures réellement simplifiées, sous la réserve de laisser en amont de la séance publique un temps suffisant de réflexion, ce qui suppose que le rapport de la commission soit disponible dans des délais raisonnables , pour permettre aux sénateurs et aux groupes de prendre connaissance des travaux de la commission saisie au fond.
1. La procédure d'examen simplifié
Compte
tenu des contraintes d'ordre constitutionnel, la simplification
escomptée ne pourrait porter sur les conditions d'exercice du droit
d'amendement, mais presque exclusivement sur les droits ou les temps de parole
qui n'ont pas de support constitutionnel.
Cette procédure procéderait de l'initiative du Président
de la commission saisie au fond, d'un Président de groupe ou du
Gouvernement. Le recours à cette procédure devrait être
approuvé par le Sénat statuant sur les conclusions de la
Conférence des Présidents ; pour les textes inscrits
à l'ordre du jour prioritaire, le Gouvernement pourrait exercer
un
droit
d'opposition. Cette procédure ne pourrait s'appliquer à
certains textes importants tels qu'ils sont énumérés
à l'article 47 nonies du Règlement
36
(
*
)
.
• Dans la
discussion générale
les temps
d'intervention seraient les suivants :
- rapporteur au fond : 10 minutes,
- rapporteur pour avis : 5 minutes,
- un représentant par groupe ou un non-inscrit : 5 minutes.
Par convention établie en Conférence des Présidents, le
Gouvernement disposerait d'un temps de parole équivalent à la
commission saisie au fond.
• La discussion de l'article unique ou des articles
serait
également resserrée ou condensée sur les articles faisant
l'objet d'amendements ; en l'absence d'amendement, le Président de
séance passerait directement au vote sur l'ensemble qui ne donnerait pas
lieu à des explications de vote.
Si des amendements
37
(
*
)
ont été déposés, seuls les articles en cause
seraient appelés par le Président de séance. Sur chaque
amendement pourraient intervenir l'auteur, la commission saisie au fond, le
Gouvernement et un orateur d'opinion contraire. Sauf dérogation
accordée par le Président de séance, aucune parole sur
l'article ne serait admise, non plus que les explications de vote sur l'article
ou les amendements. En revanche, chaque groupe pourrait expliquer son vote pour
cinq minutes maximum sur l'ensemble du texte.
2. Le vote sans débat des projets de loi portant sur des conventions internationales ou sur les conventions fiscales
Les
projets concernant les conventions internationales ou les conventions fiscales
qui, en principe, ne se prêtent pas au dépôt d'amendements,
pourraient faire l'objet, sur la proposition de la commission compétente
et par décision de la Conférence des Présidents, d'un
vote sans débat
, sur le modèle de la procédure
pratiquée par l'Assemblée nationale (article 107 du
Règlement de l'Assemblée nationale) ; ces projets de loi
seraient appelés par le Président de séance et directement
mis aux voix, sans discussion générale ou sans explication de
vote, sauf autorisation expresse de la Conférence des Présidents.
Une telle procédure permettrait, du moins peut-on l'espérer, de
résorber le retard de la France dans la ratification ou l'approbation
des conventions internationales car ce sont le plus souvent ces textes qui sont
les victimes toute désignées de l'encombrement de l'ordre du jour
et des arbitrages de dernière minute du ministère des Relations
avec le Parlement
38
(
*
)
.
*
* *
A l'évidence, le succès de ces deux procédures repose sur le pari d'un consensus le plus large entre les groupes et le Gouvernement pour recentrer autant que possible le débat en séance publique compte tenu du travail approfondi réalisé en amont de la séance publique par la commission et présenté dans le rapport.
C. LA LIMITATION DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE À PARTIR DE LA DEUXIÈME LECTURE
Pour
l'ensemble des textes, y compris ceux qui ne feraient pas l'objet de la
procédure simplifiée, le groupe de réflexion propose de
limiter la discussion générale, à partir de la
deuxième lecture, aux interventions du rapporteur au fond et du
Gouvernement,
sauf décision contraire de la Conférence des
Présidents
, afin d'éviter les inévitables redites par
rapport à la première lecture.
Il va sans dire que les sénateurs pourraient expliquer leur vote sur
l'ensemble du texte.
Cette mesure de rationalisation de la navette, qui est préférable
à la multiplication des déclarations d'urgence, supposerait une
révision du Règlement du Sénat.
D. LE REGROUPEMENT ET LE VOTE GLOBAL DES AMENDEMENTS RÉPÉTITIFS OU DE PURE TECHNIQUE LÉGISLATIVE : UN SIMPLE CHANGEMENT DE PRATIQUE DANS LA PRÉSIDENCE DES DÉBATS
Le
groupe de réflexion propose de reprendre une idée
évoquée par le Président de la commission des Lois, qui
suggère de
regrouper
dans un seul amendement
«
certaines modifications
répétitives
» ou le transfert des dispositions d'un
article dans un autre.
Force est de constater que l'exigence de faire un amendement par idée ou
modification et par article conduit à un véritable travail de
«
dentellière
» qui nuit parfois à la
clarté ou à la lisibilité du débat en séance
publique, notamment pour le public présent dans les tribunes.
De tels aménagements, certes de détail, mais qui feraient gagner
du temps, sont possibles, sans qu'il soit nécessaire de réviser
le Règlement.
Qui plus est, pour certaines modifications répétitives ou pour la
codification, il est d'ores et déjà possible de déposer
des «
amendements-balai
».
De tels amendements pourraient être appelés en début de
séance et faire l'objet d'une
adoption globale,
«
sans opposition
», lorsqu'ils recueillent
l'accord à la fois de la commission et du Gouvernement.
E. LA RECHERCHE D'ACCORDS PARTIELS PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE : UNE PRATIQUE À PRIVILÉGIER
Aux
termes de l'article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire est
« chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion ».
Est-ce à dire pour autant que les membres de la commission mixte
paritaire sont tenus d'examiner toutes les dispositions et de statuer sur
chacune d'entre elles ? La pratique a été extrêmement
variable, selon l'importance des points de divergence entre les deux
assemblées :
1°) en cas de rejet, par l'une des deux assemblées, du texte, il va
sans dire que l'échec de la procédure de la commission mixte
paritaire peut être d'emblée constaté ;
2°) si les deux assemblées ont accepté d'examiner au fond le
texte, tout dépend de l'importance des points de conflit car la
non-adoption d'une seule disposition peut entraîner l'échec de
l'ensemble de la procédure lorsque cette disposition revêt un
caractère essentiel pour les députés ou les
sénateurs.
Dans ce cas, deux hypothèses peuvent se présenter :
- ou bien la commission mixte paritaire examine par priorité le
point de conflit et l'absence d'accord sur cette disposition entraîne
l'échec de l'ensemble de la procédure,
- ou bien la commission mixte paritaire décide de réserver
la ou les dispositions posant problème jusqu'à la fin de l'examen
des dispositions du texte.
Mais une telle pratique n'est pas imposée par le texte de la
Constitution, comme le Conseil constitutionnel a tenu à le rappeler dans
sa décision du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la
Corse ; le Conseil a en effet considéré que lorsque la
commission mixte paritaire ne s'accorde ni sur la révision, ni sur la
suppression d'une des dispositions en discussion, elle doit être
considérée comme n'étant pas parvenue à l'adoption
d'un texte commun et l'échec de la commission mixte paritaire peut alors
être constaté pour l'ensemble du texte.
Aussi bien, l'échec d'une commission mixte paritaire peut
résulter du désaccord sur un seul des articles sans que les
parlementaires membres de la commission mixte paritaire soient juridiquement
tenus d'examiner l'ensemble des autres dispositions.
Sans aller jusqu'à imposer par la voie constitutionnelle l'examen de
toutes les dispositions restant en discussion et la recherche d'accords
partiels, ce qui serait, dans certaines hypothèses, irréaliste,
voire contre-productif, le groupe de travail
recommande comme une bonne
pratique l'examen dans toute la mesure du possible de l'ensemble des
dispositions restant en discussion, en vue de favoriser la reprise des accords
partiels lors de la nouvelle lecture
.
Car l'échec de la commission mixte paritaire ne signifie pas
nécessairement l'arrêt du dialogue bicaméral, lequel peut
se poursuivre jusqu'au « dernier mot » de
l'Assemblée qui a la possibilité de reprendre des amendements
adoptés par le Sénat lors de la nouvelle lecture, comme cela
arrive plus fréquemment qu'on ne le croit d'ordinaire.
F. LA CONSULTATION DU CONSEIL D'ETAT SUR LES PROPOSITIONS DE LOI SÉNATORIALES
Dans sa
contribution, le groupe socialiste suggère de permettre aux
assemblées de saisir le Conseil d'Etat sur les propositions de loi. Aux
termes de l'article 39 de la Constitution, les projets de loi sont
délibérés en Conseil des ministres après avis du
Conseil d'Etat. Une telle disposition n'est pas prévue pour les
propositions de loi, sauf que le Gouvernement a toujours la faculté
motu proprio
de saisir le Conseil d'Etat pour connaître son avis
sur le texte d'une proposition de loi, comme il l'a fait en 2000 sur la
proposition de loi de M. Didier Migaud, rapporteur général de la
commission des Finances de l'Assemblée nationale, tendant à
rénover la discussion budgétaire.
Aussi bien, la saisine directe du Conseil d'Etat, à l'initiative du
Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat,
supposerait une révision de la Constitution.
Le groupe de réflexion a fait sienne cette suggestion : la
Constitution serait complétée pour conférer au
Président de chaque Assemblée la faculté de solliciter
l'avis du Conseil d'Etat sur une proposition de loi avant son inscription
à l'ordre du jour du Sénat ou de l'Assemblée nationale.
Ainsi,
le Conseil d'Etat ne serait plus exclusivement le Conseil du
Gouvernement, mais aussi celui du Parlement
.
Cette proposition s'inscrit dans la logique de la révision du
4 août 1995 qui, avec l'institution d'une séance
mensuelle réservée, a favorisé la montée en
puissance de l'initiative législative.
* 35 A partir de mars 1998 seulement.
* 36 Les textes constitutionnels, organiques ou portant amnistie, les textes financiers, les projets de loi d'habilitation de l'article 38 de la Constitution, la prorogation de l'état de siège, le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales, les principes fondamentaux de la décentralisation, les garanties fondamentales pour l'exercice des libertés publiques (il faudrait ajouter à cette liste les projets de loi de financement de la Sécurité sociale).
* 37 Faut-il envisager la publication au Journal Officiel de l'exposé sommaire des motifs de l'amendement, lorsque son auteur en ferait la demande ? Cette possibilité dispenserait dans certains cas l'auteur de l'amendement de le présenter oralement en séance.