Présenté par M. Daniel Hoeffel, vice-président du Sénat, au Bureau du Sénat
CHAPITRE I
LE MANDAT
SÉNATORIAL
I. LE MODE D'ÉLECTION DU SÉNAT : DES AMÉNAGEMENTS SOUHAITABLES, SOUS RÉSERVE DE RESPECTER LES SPÉCIFICITÉS SÉNATORIALES
A. LE BICAMÉRISME DIFFÉRENCIÉ EST UN ÉLÉMENT FONDATEUR DE LA TRADITION PARLEMENTAIRE FRANÇAISE DEPUIS 1875
Assemblée parlementaire de plein exercice, le Sénat
est en outre investi d'une représentativité propre, les
collectivités locales et les Français de l'étranger, qui
justifie que les sénateurs soient dotés d'un statut
électoral propre, différent de celui des députés.
Même si ce statut n'a rien de figé ni d'intangible -il a
d'ailleurs évolué sur plusieurs points depuis 1875- la
différence entre le régime électoral des membres des deux
assemblées est une constante remontant aux origines de la
III
ème
République, et qui est devenue partie
intégrante de la tradition parlementaire française.
Quatre éléments fondamentaux marquent ainsi le statut
électoral des sénateurs :
-
un âge d'éligibilité plus élevé
que celui des députés ;
-
une durée de mandat plus longue
que celui de
l'Assemblée nationale, assortie du renouvellement du Sénat
lui-même par fraction (les « séries »), alors
que le renouvellement de l'Assemblée nationale s'effectue
intégralement à l'issue de chaque législature ;
-
l'élection au suffrage universel indirect
par un
collège électoral composé essentiellement d'élus
locaux, en particulier les représentants des conseils municipaux ;
-
une circonscription électorale de nature territoriale
,
c'est-à-dire fondée sur l'organisation institutionnelle locale
-le département ou la collectivité territoriale d'outre-mer-
là où le découpage des circonscriptions, de nature
purement électorale, de l'Assemblée nationale, sans
méconnaître totalement la géographie, est avant tout
basé sur la démographie.
B. POUR AUTANT, DES CRITIQUES LANCINANTES SONT FORMULÉES CONTRE CERTAINS ÉLÉMENTS DU STATUT ÉLECTORAL DES SÉNATEURS
Pour
l'essentiel, ces critiques se concentrent :
-
sur l'âge d'éligibilité des sénateurs
-actuellement fixé à 35 ans- qui paraît trop
élevé à certains ;
-
sur la durée du mandat des sénateurs
-neuf
années- qui serait trop longue, comparée à celle des
autres mandats électifs ; le hiatus entre la durée du mandat
des assemblées locales -cinq ou six ans- et celle du mandat
sénatorial est également souligné ;
-
sur une insuffisante prise en compte des évolutions ayant
affecté la démographie française
, tant en ce qui
concerne la composition du collège électoral (qui accorderait
trop de poids aux petites communes rurales, au détriment des villes)
qu'en ce qui concerne le nombre et la répartition des sièges du
Sénat entre les différents départements.
Cette dernière critique mérite un examen d'autant plus attentif
qu'au nombre des exigences constitutionnelles afférentes à toute
représentation politique, figure en bonne place l'égalité
du suffrage ; or, comme le Conseil constitutionnel l'a
indiqué
13
(
*
)
, le
respect de ce principe implique que les élections s'organisent
«
sur des bases essentiellement
démographiques
».
Aussi le groupe de réflexion a-t-il jugé souhaitable d'aborder
tous les éléments spécifiques de la
représentativité des sénateurs, avec un double
objectif :
- couper court -ou tenter de couper court- aux critiques contre le
Sénat et les sénateurs,
- mais aussi envisager les moyens de renforcer leur
représentativité, pour leur permettre de mieux représenter
les collectivités territoriales de la République.
Le groupe de réflexion a fondé ses discussions sur les
contributions écrites de ses membres, les propositions
déposées au cours des dernières années et les
débats récents, notamment ceux ayant porté sur la loi
modifiant le régime électoral du Sénat.
* 13 Décision n° 86-218 DC du 18 novembre 1986 (loi relative à la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés).