B. LE DÉPARTEMENT DE LA SOMME, UN CAS D'ÉCOLE ?

1. L'absence d'un service d'annonce des crues

Dès les premières auditions auxquelles a procédé la commission d'enquête, il a été exposé que ni le département de la Somme ni la rivière Somme n'étaient couverts par un système d'annonce des crues.

Selon les critères apparemment retenus par l'administration pour décider de l'implantation d'une telle structure, le bassin de la Somme ne constituait pas une priorité retenue dans le cadre du programme décennal de prévention engagé depuis 1994 .

Interrogée sur ce « non choix » par la commission, Mme Dominique Voynet, ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement a rappelé que la priorité du plan portait sur la préservation des vies humaines, ce qui privilégiait la couverture de zones densément peuplées et soumises au risque de crues torrentielles, soit environ deux millions d'habitants. S'agissant de la Somme, elle a insisté sur le fait que « le risque d'une inondation était sorti de la mémoire collective ».

En tout état de cause, elle a considéré que l'instauration d'un service d'annonce des crues « traditionnel », n'aurait sans doute pas été opérationnel pour anticiper correctement sur le début des inondations.

Devant la commission d'enquête, M. Bernard Baudot, directeur de l'eau au ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, a considéré « qu'un tel service ne servirait à rien dans la Somme, car il ne traite pas des crues de nappe ».

Si la commission d'enquête partage ce point de vue -par ailleurs largement exprimé- sur le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement, elle note cependant que l'absence d'un système d'annonce des crues dans la Somme n'a pas contribué à clarifier les responsabilités de chacun au moment du déclenchement de l'alerte.

La transmission des informations, notamment à travers les BAP émis par Météo France, ne s'est pas faite dans des conditions satisfaisantes. M. Jean-Pierre Besson, président-directeur général de Météo France, a indiqué à la commission que la convention de 1995 signée avec le ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement ne prévoyait pas qu'en l'absence de service d'annonce des crues, les BAP doivent être envoyés au préfet.

Le responsable du centre départemental de la Somme de Météo France a confirmé que ces BAP n'étaient pas diffusés dans la Somme.

Il semble donc qu'il n'y ait pas de système « de secours » qui fonctionne en l'absence d'un véritable système d'annonce des crues.

Outre cette situation de « non droit » qui n'est pas très satisfaisante, il faut également tenir compte de la spécificité du bassin de la Somme concernant la surveillance des débits du fleuve et de ses affluents. Comme l'a rappelé M. Laurent Roy, directeur régional de l'environnement en Picardie, les trois stations hydrométriques qui mesurent les débits dans la Somme sont gérées par la direction régionale de l'environnement (DIREN) Picardie et non par la DIREN Nord-Pas-de-Calais. Comme il l'a exposé lors de son audition devant la commission, « ceci remonte à la création des DIREN en 1991. Les services qui dépendaient du ministère de l'Equipement, qui s'appelaient alors les services hydrologiques centralisateurs, et qui géraient les stations sur les rivières de la Somme, ont été rattachés aux DIREN de bassin. Ici, ce n'est pas le bassin Artois-Picardie, mais le bassin Nord-Pas-de-Calais. Les stations de mesures des débits dans les cours d'eau qui dépendaient du ministre de l'Agriculture de l'époque, les cours d'eau domaniaux, ont été rattachées directement aux DIREN de bassin ».

En définitive, dans la Somme, c'est la DIREN Nord-Pas-de-Calais qui gère les stations de mesures de débits sur la Somme et la DIREN Picardie qui gère les stations de mesures de débits sur les affluents.

Enfin, M. Christian Nail, directeur du BRGM de Picardie, a confirmé qu'aucune réunion inter-services n'était organisée entre le BRGM et les services de l'Etat pour la surveillance du bassin de la Somme, à la différence des bassins de l'Oise et de l'Aisne.

A la lumière de ces événements, votre commission ne saurait se satisfaire de cette organisation administrative qui ne prévoit aucune coordination entre les différents services déconcentrés.

En effet, un système mettant en relation la pluviométrie, le niveau des nappes et le débit du fleuve, voire de ses affluents, a fait cruellement défaut, empêchant ainsi les autorités responsables de prendre la mesure -de manière anticipée- de l'importance et de la durée du phénomène. La cause principale de l'inondation n'a donc pas été identifiée suffisamment tôt.

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