RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

Votre Délégation se félicite que le législateur soit enfin saisi de la question des droits du conjoint survivant.

Elle regrette cependant de ne pas la voir examinée dans le cadre d'une réforme globale du droit de la famille.

Elle a adopté les recommandations suivantes :

1.- Il est indispensable d'améliorer, de la manière la plus concrète et la plus efficace possible, l'information des couples en matière successorale. Si la proposition de loi Vidalies a été complétée sur ce point par l'Assemblée nationale afin que soit annexé au livret de famille « un document comportant des informations pratiques sur le droit de la famille et en particulier sur les droits du conjoint survivant », il serait à bien des égards judicieux de délivrer les informations en amont du mariage, par exemple au moment où les futurs époux entreprennent leurs démarches en mairie.

De même, une information écrite systématique sur la transmission des patrimoines devrait accompagner les achats immobiliers.

2.- Les droits ne valent que s'ils sont garantis. Aussi, le législateur ne peut - il faire abstraction d'un élément central du débat : celui de l'attribution au conjoint survivant d'une part réservataire. Si, dans l'état actuel de notre droit des successions et libéralités, une telle attribution, à laquelle ont d'ores et déjà procédé de nombreux pays européens, paraît difficile à envisager compte tenu des problèmes complexes qu'elle pose, elle devrait pouvoir trouver sa place dans le cadre de la réforme globale des droits de succession qui s'impose, et à l'occasion de laquelle il conviendra de répondre clairement à la question de fond : quelle place notre société entend - elle réserver au mariage par rapport au lignage ?

Cette réforme devra être également mise à profit pour revoir la théorie désuète des« co-mourants », et notamment l'article 722 du Code civil qui est contraire au principe de l'égalité des sexes.

3.- Le maintien du conjoint survivant dans son cadre de vie est une des dispositions essentielles des textes proposés. Il répond à une très forte aspiration sociale. Il faut éviter qu'il puisse y être fait échec. La possibilité pour le défunt de s'opposer de son vivant à l'exercice par son conjoint de son droit d'habitation et d'usage doit être en conséquence écartée.

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

Sous la présidence de Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente , la délégation a examiné, le mardi 12 juin 2001, le rapport de M. Philippe Nachbar sur la proposition de loi n° 224 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux droits du conjoint survivant et sur la proposition de loi n° 211 (2000-2001) de M. Nicolas About visant à améliorer les droits et les conditions d'existence des conjoints survivants et à instaurer dans le Code civil une égalité successorale entre les enfants légitimes et les enfants naturels ou adultérins, à la suite de la saisine de la délégation par la commission des lois.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente , est revenue sur la situation du conjoint survivant dans l'hypothèse où il n'y a pas de descendants.

M. Philippe Nachbar, rapporteur , a rappelé que la proposition de loi de M. Alain Vidalies visait, dans ce cas, à accorder au conjoint survivant la moitié de la succession en pleine propriété, en précisant qu'en l'absence de descendants et d'ascendants, la totalité de la succession lui reviendrait. Il a insisté sur la différence avec le droit actuel où le conjoint survivant passe après les collatéraux privilégiés que sont les frères et soeurs et les neveux et nièces.

Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente , et Mme Odette Terrade se sont dites sceptiques quant au chiffre de 80 % avancé par les notaires pour la proportion des couples qui prennent des dispositions en faveur du conjoint survivant. M. Jean-Guy Branger a estimé, quant à lui, que les donations au dernier vivant étaient fréquentes, tandis que Mme Gisèle Printz , MM. Philippe Nachbar, rapporteur , et Serge Lagauche ont évoqué les actions de sensibilisation menées périodiquement par les notaires.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est attardé sur la troisième proposition de recommandation du rapporteur. Evoquant le cas où l'appartement, propriété du mari défunt, est le seul élément de la succession, il a déploré que les enfants puissent se trouver déshérités par le droit d'habitation qu'il est envisagé de reconnaître au conjoint survivant. Rappelant qu'il était en outre proposé, dans l'hypothèse où la valeur du droit d'habitation dépasse la part successorale du conjoint, de dispenser celui-ci de récompenses vis-à-vis de la succession et qu'enfin, dans le cas où il devrait abandonner le logement pour être placé dans un établissement de santé, il pourrait louer l'habitation et en toucher les loyers, il a jugé que le dispositif conduisait à un déséquilibre au détriment des enfants, et estimé qu'il convenait, à tout le moins, que le défunt puisse s'opposer de son vivant au droit d'habitation et d'usage de son conjoint, comme le prévoit la proposition de M. Alain Vidalies.

M. Philippe Nachbar, rapporteur , a rappelé que l'exercice du droit d'habitation et d'usage du conjoint se ferait dans le respect des règles successorales actuelles où les enfants sont des héritiers réservataires, donc protégés, ce qui n'est pas le cas du conjoint survivant. Il a estimé que les enfants étaient, dans la plupart des cas, « en état de s'organiser autrement » et que c'était au conjoint survivant de voir ses droits renforcés, soulignant encore une fois qu'il s'agissait là d'un débat de fond, celui de la place du mariage par rapport au lignage.

Mme Gisèle Printz s'est montrée favorable à la priorité donnée au conjoint survivant dans l'hypothèse où la succession se limite au logement. Mme Danièle Pourtaud, vice-présidente , a fait observer que la démarche du rapporteur en faveur d'un droit d'habitation intangible s'inscrivait dans la mission de la délégation. M. Claude Domeizel a lui-même fait part de son total soutien à la proposition du rapporteur en estimant que le problème des enfants ne devait être pris en compte qu'après le décès du conjoint survivant, cependant que M. Michel Dreyfus-Schmidt a estimé, une nouvelle fois, qu'on ne devait pas oublier les enfants, et notamment le problème des enfants du premier lit.

Puis, après avoir repris une suggestion de présentation de M. Claude Domeizel , la délégation a adopté à l'unanimité les propositions de recommandations de son rapporteur .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page