B. LE BILAN CONSTRASTÉ DES RÉFORMES
1. La part désormais prépondérante du secteur privé
La socialisation de l'économie constituait l'un des éléments clefs du programme du Baas au moment où ce parti accéda au pouvoir en 1963. Cependant, dès 1970, le président Assad se distingua de ses prédécesseurs par son pragmatisme.
De fait, plusieurs secteurs d'importance -comme l'agriculture, le commerce et l'artisanat- ont toujours échappé à l'emprise du secteur public. Par la suite, l'affaiblissement du partenariat avec les anciens partis du bloc soviétique -au milieu des années 80- acheva de convaincre le chef de l'Etat de permettre une certaine libéralisation de l'économie. Cette orientation a reçu un nouvel élan au début de cette année.
a) Une libéralisation concomitante à l'affaiblissement des liens avec l'ancien bloc soviétique
L'ouverture économique s'est traduite principalement par l'adoption, en 1991, du décret-loi n° 10 relatif à la fiscalité des investissements privés , destiné à favoriser le retour des capitaux syriens expatriés. Le résultat n'a pas été tout à fait à la hauteur des espérances. Cette réforme aura permis de susciter sur 8 ans un flux de capitaux estimé à quelque 4 milliards de dollars, principalement investis dans le secteur des transports.
En l'absence de mesure de privatisation, le secteur privé s'est développé progressivement, en concurrence parfois avec le secteur public. Sa part dans les exportations (hors pétrole) est ainsi passée de 30 % en 1983, à 65 % en 1993 et sa contribution à l'effort d'investissement, sur la même période, de 35 % à 62 %.
b) De nouvelles initiatives
Les effets de cette ouverture économique encore prudente s'étaient estompés au cours des cinq dernières années. La désignation, en mars 2000, d'un nouveau premier ministre a permis de lui insuffler un nouvel élan. L'effort a essentiellement porté sur l'encouragement des investissements, à travers trois séries de mesures :
- l'adaptation des opérations en devises : le décret-loi n° 6 du 22 avril 2000 autorise la détention de devises par les particuliers ;
- l'assouplissement de la réglementation sur les étrangers, prévue par le décret-loi n° 10 de 1991 : en mai dernier, un double aménagement à ce texte autorise, d'une part, l'acquisition ou la location par les investisseurs arabes et étrangers des terres et biens immobiliers nécessaires à la réalisation d'investissements, d'autre part, les rapatriements à l'étranger de capitaux et de profits, à compter de 5 ans après la mise en exploitation effective des projets ;
- l'autorisation, en mai dernier, des implantations de banques étrangères dans les zones franches.
Au-delà même de la mise en place d'un cadre juridique plus favorable, le ministre d'Etat au plan, M. Issam Zaïm, a présenté à votre délégation un plan ambitieux de réformes. S'il a souligné que l'Etat devait conserver " un rôle dirigeant au niveau stratégique ", il a souhaité une modernisation du secteur public qui emploie aujourd'hui le quart de la population active. Il a évoqué à cet égard la nécessité de procéder à des " redéploiements de personnel " et, seul parmi les interlocuteurs de votre délégation, il a défendu le principe de privatisation. Il s'est montré par ailleurs partisan d'une libéralisation des échanges du moins au sein du monde arabe, tout en proposant de ménager une transition destinée à préparer les entreprises syriennes à affronter la concurrence. Il a jugé en outre le moment venu de remettre en cause le système actuel de subventions. Enfin il a détaillé devant la délégation sénatoriale les nouvelles bases de la planification après avoir relevé que les plans établis entre 1989 et 2000 n'avaient jamais pu être appliqués. Le nouveau système plus souple devrait permettre de distinguer des objectifs à 3, 5 et 10 ans établis en fonction, notamment, des prévisions démographiques.
M. Issam Zaïm a noté parmi les priorités la réforme du système bancaire et la recherche d'une moindre dépendance économique vis-à-vis du pétrole. Cette vision prospective aurait, d'après le ministre du plan, retenu toute l'attention du chef de l'Etat. Elle tranche singulièrement avec les propos, beaucoup plus prudents, que les autres personnalités rencontrées ont tenu à votre délégation.
Il faut admettre que, pour l'heure, les changements apparaissent d'une portée limitée.