Rapport d'information n° 51 (2000-2001) de MM. Serge VINÇON , André DULAIT et André ROUVIÈRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 25 octobre 2000
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INTRODUCTION
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I. LE CHOIX DE LA CONTINUITÉ, GARANT DE LA
PÉRENNITÉ DU POUVOIR ?
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II. UNE OUVERTURE ÉCONOMIQUE A PAS
COMPTÉS
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III. LE MAINTIEN DES GRANDES ORIENTATIONS DE LA
POLITIQUE ÉTRANGÈRE
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I. LE CHOIX DE LA CONTINUITÉ, GARANT DE LA
PÉRENNITÉ DU POUVOIR ?
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE -
PROGRAMME DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE
EN SYRIE
N° 51
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 octobre 2000 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) à la suite d'une mission effectuée du 12 au 17 septembre 2000 en Syrie ,
Par MM. Serge VINÇON, André DULAIT et André ROUVIÈRE,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne,
André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer,
Mme Danielle Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel
Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc
Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier
Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert
Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote,
Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu,
Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de
Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait,
Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Proche-Orient. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La disparition, le 10 juin dernier, d'Hafez al-Assad, qui présidait depuis 1970 aux destinées de la Syrie, ouvre-t-elle une nouvelle page de l'histoire du pays ? Cet événement s'inscrit dans un contexte régional marqué par la relève de la génération politique au pouvoir depuis plusieurs décennies, par des dirigeants plus jeunes, comme en Jordanie ou au Maroc. Ainsi, l'arrivée à la tête de l'Etat du fils d'Hafez al-Assad, Bachar, âgé de 34 ans, constitue un signe de renouveau.
Il ne faut pas négliger, cependant, les facteur d'immobilisme, dans un pays marqué par trente années d'un pouvoir sans partage.
Compte tenu du poids de la Syrie au Proche-Orient et de l'influence qu'elle peut exercer sur l'évolution du processus de paix -aujourd'hui menacé par l'aggravation récente de la tension dans la région- il apparaît essentiel de mieux discerner les orientations du nouveau pouvoir et les éventuels changements dont elles pourraient porter témoignage.
C'est pourquoi, une délégation de votre commission, composée de MM. Serge Vinçon, André Dulait et André Rouvière, s'est rendue en Syrie du 12 au 17 septembre 2000.
Elle a été reçue par M. Mustapha Miro, premier ministre, en présence de M. Mohamed Imadi, ministre de l'économie. Elle a pu aborder plus particulièrement les questions du processus de paix et de la présence syrienne au Liban avec le vice premier ministre et ministre de la défense, le général Mustapha Tlass, le vice ministre des affaires étrangères, Mlle Siba Nasser et le ministre de l'information, ancien vice ministre des affaires étrangères, M. Adnan Omran. En outre, elle s'est rendue sur le Golan afin de comprendre les enjeux stratégiques de cette région.
Par ailleurs, la délégation s'est informée sur les priorités de la politique intérieure, lors de ses entretiens avec le président du Conseil du Peuple (parlement), M. Qaddoura, le vice président, M. Abdallah Mousali, une délégation du groupe d'amitié France-Syrie conduite par son président, M. Basile Dahdouh, ainsi qu'avec le ministre de l'enseignement supérieur, M. Hassan Riche.
Les sénateurs se sont également entretenus avec M. Issam Zaïm, ministre du plan, et avec des acteurs de la vie économique, en particulier, M. Rateb Challah, président de l'Union des chambres de commerce et d'industrie de Syrie. L'accueil chaleureux réservé à cette mission par les autorités syriennes a été à la mesure de l'excellence, depuis plusieurs années déjà, des relations franco-syriennes.
Enfin, votre délégation a rencontré des représentants de la communauté française et a pu prendre la mesure de l'importance du dispositif français dévolu à la coopération culturelle.
Notre ambassadeur, M. Charles de Bancalis de Maurel d'Aragon et ses principaux collaborateurs ont apporté un soutien constant à l'organisation de cette mission. Qu'ils en soient ici vivement remerciés.
Le présent rapport, à la lumière des informations recueillies au cours de ces différents entretiens, présentera les éléments d'appréciation sur les perspectives d'évolution que pourrait connaître la Syrie dans les domaines de la politique, de l'économie et de la diplomatie.
I. LE CHOIX DE LA CONTINUITÉ, GARANT DE LA PÉRENNITÉ DU POUVOIR ?
Au cours des trente années de la présidence d'Hafez al-Assad, la Syrie a bénéficié d'une indéniable stabilité dont a encore témoigné le déroulement maîtrisé du processus de transition. Cette situation a cependant été obtenue au prix d'un contrôle étroit de la vie politique et des libertés publiques. Le nouveau chef d'Etat parviendra-t-il à préserver les aspects bénéfiques de l'héritage paternel tout en favorisant une ouverture du pouvoir ? Telle est sans doute l'une des principales gageures auxquelles Bachar al-Assad se trouve confronté.
A. LA STABILITÉ ET L'UNITÉ : PRINCIPAUX ACQUIS DE L'HÉRITAGE POLITIQUE DE HAFEZ AL-ASSAD
1. Le poids de l'histoire
La stabilité et l'unité de la Syrie constituent sans doute la meilleure part de l'héritage politique du Président Assad. L'une et l'autre n'étaient nullement acquises dans un pays qui a connu un passé mouvementé et compte des minorités nombreuses et influentes.
a) Jusqu'en 1970, une succession de coups de force.
L'arrivée au pouvoir du Président Assad a brisé le cycle répété des crises dans lequel la Syrie se trouvait enfermée depuis son indépendance (1946)
Le pays connaît trois coups d'Etat en 1949. Le colonel Chichakli, bénéficiaire du dernier de ces coups de force, parvient à se maintenir au pouvoir jusqu'en 1954. Cette année-là, la montée des oppositions et la défection d'une partie de l'armée, le contraignent de remettre le pouvoir aux civils. Cependant, la nouvelle assemblée élue ne permet de dégager aucune majorité ; dès lors, les gouvernements de coalition éphémères se succèdent jusqu'à la proclamation, le 1 er février 1958, de l'Union de l'Egypte et de la Syrie. Le mécontentement suscité par la prééminence de l'Egypte au sein de la nouvelle République arabe unie (RAU) conduit un groupe d'officiers syriens à prendre le pouvoir à Damas le 28 septembre 1961 et à décider la sécession de leur pays. L'élection d'une assemblée constituante ouvre une ère de grande instabilité que conclut provisoirement l'accession du parti Baas au pouvoir à la suite d'un nouveau coup d'Etat militaire le 8 mars 1963. Les divisions qui minent ce parti constituent cependant un ferment de crises : la frange la plus radicale, tenant d'un dirigisme économique rigoureux, au pouvoir à la suite d'un coup de force en février 1966, suscite l'hostilité de la population. Soucieux de conjurer ces divisions, à l'heure où l'unité nationale est indispensable pour faire face à la menace extérieure, le général Hafez al-Assad, assuré du soutien de l'armée, prend le pouvoir le 13 novembre 1970.
La stabilité ne constitue pas seulement un acquis indéniable du Président Hafez al-Assad au regard d'une histoire politique passablement agitée, elle manifeste aussi la capacité du pouvoir à maintenir l'unité d'un pays marqué par une grande diversité de populations et de confessions.
b) Une population caractérisée par sa diversité
La population syrienne présente une grande diversité, même si sa composante arabe apparaît largement majoritaire. L'arabisation -entreprise après la victoire des Arabes sur les Byzantins le 20 août 636 sous les dynasties des Omeyyades puis des Abbassides- a touché la plus grande part de la population d'origine principalement araméenne. Les Kurdes (dont l'installation en Syrie remonte au XIème siècle) constituent la minorité la plus importante. Très bien intégrés à la vie du pays -beaucoup d'entre eux sont fonctionnaires- ils n'expriment pas de revendications particulières. La Syrie compte également une importante communauté arménienne dont l'influence économique est surtout sensible à Alep. Assyriens et Tcherkess occupent une place plus marginale : les premiers, d'origine araméenne, ont fuit la Turquie et l'Iran pour s'installer d'abord en Irak puis, plus récemment, en Syrie, dans la province de la Djezireh ; les seconds ont quitté le Caucase à la fin du XIXè siècle pour s'installer dans le Djolan, non loin de Damas. Enfin, il importe de signaler la présence d'une petite communauté juive (quelque centaines de personnes) dont le représentant a d'ailleurs été récemment reçu par le Président Bachar al-Assad.
La pluralité des confessions redouble en quelque sorte la diversité humaine. L'Islam, certes, domine largement, mais il apparaît divisé entre la majorité sunnite (82 %), les Alaouites (13 %) et, de manière plus marginale, les Chiites, les Druzes et les Ismaéliens. Par ailleurs, les chrétiens (9 % de la population) constituent une communauté très attachée à son identité, même si elle se partage entre une multiplicité d'obédiences.
Les communautés chrétiennes de Syrie 1 ( * )
Orthodoxes |
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Eglise orthodoxe d'Antioche et de tout l'Orient (Grecs orthodoxes) |
700 000 |
Eglise syrienne orthodoxe (Jacobites) |
60 000 |
Eglise arménienne orthodoxe |
50 000 |
Eglise assyrienne (nestoriens) |
30 000 |
Catholiques |
|
Eglise catholique melkite |
170 000 |
Eglise maronite |
33 000 |
Eglise syrienne catholique |
28 000 |
Eglise arménienne catholique |
25 000 |
Eglise laline |
12 000 |
Eglise chaldéenne |
8 000 |
Protestants |
5 000 |
La stabilité dont a bénéficié la Syrie résulte non seulement de la mise en oeuvre d'un pouvoir fort mais aussi d'une politique habile sachant ménager les équilibres de la société syrienne.
2. Un pouvoir fort
Le pouvoir exercé par le Président Hafez al-Assad pendant trente années repose sur trois piliers : le parti Baas, l'armée, la minorité alaouite. Il ne faut pas s'en étonner si l'on rappelle que l'ancien chef de l'Etat, lui-même issu de la minorité alaouite, membre du parti Baas dès 1946, a été formé à l'école militaire de Homs en 1955 et a assuré le commandement en chef de l'aviation en 1965.
a) Une vie politique dominée par le parti Baas
Le parti Baas domine très largement les institutions et la vie politique syrienne. Ce mouvement (" Al-Baas al-Arabi " la résurgence arabe-) est né en 1939 à l'initiative de Michel Aflak et Salah Bitar d'une scission au sein de la Ligue d'action nationaliste fondée en 1932. Son programme, entièrement voué à la promotion de la Nation arabe intègre les éléments de la doctrine socialiste quand il fusionne en 1953 avec le parti socialiste arabe pour former le Parti socialiste de la résurgence arabe. Il adopte alors la devise " Unité- liberté- socialisme ". Le parti Baas a pris le pouvoir en Syrie en 1963 et en Irak en 1968. Depuis lors, l'antagonisme entre les deux branches du Baas affecte les relations entre l'Irak et la Syrie. Cependant l'organisation actuelle du parti maintient encore l'idéal unitaire. En effet, la direction du Baas à l'échelle de la Syrie est assurée par une direction " régionale " en théorie sous l'autorité -en fait, totalement indépendante- d'un Conseil national de commandement, réputé incarner les aspirations unitaires de la Nation arabe. La direction régionale se compose de 21 membres désignés par un Comité central dont les 90 membres sont eux-mêmes élus par les sections locales. Le parti, sous l'autorité de Hafez al-Assad, est devenu un mouvement de masse fort de quelque 1,4 millions de membres.
En Syrie, la place éminente du parti au sein du dispositif institutionnel se trouve consacrée par la Constitution de 1973 : " le parti Baas arabe socialiste est le parti dirigeant la société et l'Etat ".
Sans doute, au moment de son accession au pouvoir, le Président Hafez al-Assad a-t-il autorisé certains partis interdits depuis le 12 mars 1958. Ce pluralisme apparaît cependant strictement encadré : les six formations autorisées (l'Union socialiste arabe, l'Organisation des unionistes socialistes, le mouvement des socialistes arabes, le parti unioniste socialiste démocrate, les deux partis communistes syriens) se regroupent en effet autour du parti Baas au sein du Front national progressiste . Régi par une charte nationale du 7 mars 1972, le Front laisse une large prépondérance au Baas, responsable de manière exclusive, en particulier, des activités au sein des forces armées et dans les milieux universitaires. La charte nationale interdit l'activité des autres partis. Il ne faut pas s'étonner, dès lors, que le Front domine le système institutionnel et, au premier chef, le Conseil du peuple , organe parlementaire de 250 députés élus tous les quatre ans. Au début de la précédente décennie, ce monopole a cependant connu une première brèche : lors des élections de 1990, le tiers des sièges au Conseil du Peuple a été réservé à des candidats indépendants (alors que, lors des élections précédentes, la totalité était attribuée au parti Baas et à ses alliés). Ces derniers ont surtout vocation à exprimer des intérêts économiques et sociaux.
La prépondérance du Baas apparaît également prédominante au moins formellement dans le mode de désignation du chef de l'exécutif . En effet, le président de la République est élu par le Conseil du peuple sur la base d'une proposition du commandement régional du parti Baas. Le Chef de l'Etat est aussi le secrétaire général du parti ; il préside en outre le Front national progressiste.
Le parti a cependant perdu beaucoup de son influence sous l'effet du pouvoir personnel exercé par Hafez al-Assad. Ainsi, les congrès régionaux se sont tenus de manière trop irrégulière pour permettre un renouvellement effectif des cadres. En fait, à bien des égards, le parti apparaît comme une instance de légitimation plutôt que de décision .
b) Le rôle essentiel de l'armée
L'armée est l'héritière des " forces auxiliaires " -devenues en 1930 " troupes spéciales " pendant la période mandataire aux côtés de l'armée du Levant. Ces unités privilégiaient alors un recrutement communautaire : Alaouites, Arméniens, Chrétiens étaient appelés en principe à servir ensuite dans leur région d'origine. Les sunnites, opposés, dans leur majorité, au mandat répugnaient, en revanche, à s'engager dans ces forces. Aussi l'armée a-t-elle traditionnellement compté dans ses rangs, en particulier parmi les officiers, les représentants des nombreuses minorités présentes en Syrie.
Le rapide aperçu de l'histoire de la Syrie moderne l'a montré, l'armée a joué, depuis l'indépendance, un rôle important dans la vie politique du pays. L'état de guerre quasi permanent avec Israël a naturellement contribué à donner aux militaires une influence politique décisive.
Chacune des trois armées dispose de son service de renseignement dont l'action, combinée à celle des structures civiles de même type, assure une surveillance étroite et efficace de la population.
c) La position particulière de la communauté alaouite
La doctrine alaouite s'apparente au chiisme dont elle s'est séparée à partir du septième Imam.
La communauté alaouite, forte d'un million de personnes en Syrie, constitue, aux côtés du Baas et de l'armée, le dernier élément de cette triade sur laquelle le Président Hafez al-Assad s'est appuyé. Installés principalement dans le nord du pays (région de Lattaquié et djébel Ansariyé) les Alaouites ont incontestablement bénéficié de la période mandataire : la France n'a pas seulement suscité la création d'un éphémère Etat des Alaouites, elle a également favorisé l'accès de cette minorité au sein de l'armée et de l'administration. Minoritaires, les Alaouites occupent, depuis la prise du pouvoir d'Hafez al-Assad, une place prééminente dans les instances de décision syrienne. D'après une étude récente 2 ( * ) , sur les 31 officiers titulaires des postes clefs dans l'armée, 19 seraient alaouites.
La minorité alaouite n'apparaît pas cependant toujours unie, comme en témoignent les dissensions au sein même de la famille au pouvoir. Ainsi les ambitions politiques du frère de Hafez al-Assad, Rifaat, l'ont conduit, à plusieurs reprises, à s'opposer à l'ancien Chef de l'Etat. En 1984, des affrontements mettaient ainsi aux prises une partie de l'armée aux brigades de défense de Rifaat. La tentation de Rifaat de se présenter comme le successeur de Hafez al-Assad, alors même que celui-ci cherchait à ouvrir la voie du pouvoir à son fils Bachar, explique le limogeage du frère du président défunt, le 8 février 1998, de son poste de vice-président et son départ forcé de Syrie.
3. Une politique marquée par un certain pragmatisme
a) Un contrôle étroit de la vie politique
Fondé sur des bases aussi solides, le pouvoir syrien a disposé des moyens nécessaires pour écarter toute opposition. Il n'a pas hésité à réprimer avec la dernière rigueur les troubles fomentés par les extrémistes islamiques dans la ville de Hama en 1982.
La détente indéniable observée depuis plusieurs années n'a toutefois pas conduit à remettre en cause l'état d'urgence toujours en vigueur depuis 1963 . Le droit d'association n'est pas reconnu. La liberté d'expression reste étroitement encadrée : les partis autres que ceux regroupés au sein du Front national sont interdits ; la presse elle-même dépend du pouvoir. Les procédures judiciaires laissent place à l'arbitraire.
La coercition, toutefois, ne pouvait seule garantir la pérennité du régime. Il convenait aussi de conforter la légitimité d'un pouvoir issu d'un coup de force et dominé par une minorité considérée de surcroît comme hérétique par les autres musulmans.
C'est pourquoi le président Hafez Al-Assad a cherché à conduire une politique qui lui concilie les différentes composantes de la population syrienne.
b) La recherche de certains équilibres
En premier lieu, les autorités se sont montré soucieuses de réaffirmer les valeurs de laïcité promues par le Baas. La constitution syrienne garantit la liberté de croyance et la célébration de tous les cultes religieux. Si, aux termes de la Charte fondamentale, le Chef de l'Etat doit impérativement être musulman, l'Islam n'est cependant pas considéré comme religion officielle. Les autorités ont ainsi gagné la confiance des différentes minorités religieuses. La détention du pouvoir par les Alaouites a été présentée comme un gage supplémentaire du caractère multiconfessionnel du pays.
Parallèlement, le chef de l'Etat a cherché à obtenir le soutien de la majorité sunnite. D'une part, il a toujours fait une place aux personnalités sunnites au sein du gouvernement. Il les a notamment associées, il faut le souligner, à la conduite de la politique extérieure (le vice-président Khaddam, le ministre des affaires étrangères, M. Charaa, le ministre de la défense, le général Tlass). C'est certainement là un atout pour mieux en faire accepter les évolutions par l'opinion syrienne.
D'autre part, le choix d'une libéralisation prudente de l'économie ne résulte pas seulement de considérations liées au développement du pays, elle répond aussi à des motivations d'ordre politique : satisfaire les intérêts d'une bourgeoisie sunnite particulièrement influente dans les milieux économiques.
Enfin, dans les dernières années de la présidence d'Hafez al-Assad, un Islam progouvernemental a été encouragé : développement de la pratique religieuse, organisation d'un réseau de confréries acquises au pouvoir (création d'un réseau d' " instituts Hafez al-Assad pour la mémorisation du Coran "). Il est d'ailleurs significatif qu'Hafez al-Assad ait été inhumé selon le rite sunnite et non alaouite... Cette orientation vise à canaliser les aspirations d'une partie de la population et à disqualifier les tentatives de subversion islamiste.
Comme l'ont souligné certains députés devant votre délégation, le président Assad a su consolider l'unité nationale et permettre ainsi le bon déroulement du processus de transition.
B. LES ORIENTATIONS ENCORE INCERTAINES DU NOUVEAU PRÉSIDENT
Le système de pouvoir dont les grandes lignes viennent d'être présentées peut-il se perpétuer au-delà de l'homme qui l'a mis en place ?
Le déroulement ordonné de la succession a permis d'attester la solidité du régime.
Au-delà de cette transition réussie, une ouverture porteuse de réformes est-elle possible ? Telle est sans doute l'interrogation majeure de la période qui s'ouvre aujourd'hui.
1. Une succession ordonnée
Bien que les étapes en aient été quelque peu précipitées, l'arrivée du président Bachar au faîte du pouvoir n'a rencontré aucun obstacle. Certes, la succession avait été préparée de longue date.
a) Une succession préparée de longue date
La perspective d'une logique dynastique -qui n'était nullement acquise en droit- s'est dessinée depuis plusieurs années.
Marqué par la rivalité qui l'avait opposé à son frère Rifaat, l'ancien chef de l'Etat avait souhaité que ce cas de figure ne se reproduise pas avec ses autres fils. Aussi avait-il destiné l'aîné, Bassel, à lui succéder et écarté les deux autres, Bachar et Maher, de toute activité politique ou militaire. Ainsi Bachar se trouvait-t-il à Londres, où il suivait des études d'ophtalmologie, lorsque la mort accidentelle de Bassel, en janvier 1994, détermina son père à le rappeler en Syrie. Bachar devenait dès lors l'héritier présomptif. Au cours des cinq dernières années, cette vocation a été progressivement affirmée.
L'armée constitue, il faut le rappeler, la véritable source de légitimation du pouvoir en Syrie. Dès lors, Bachar suit, à son retour en Syrie, une formation militaire intensive (d'abord à l'Académie militaire de Homs, puis, en 1995, à l'Ecole d'Etat-Major de Damas). En janvier 1999, Bachar sera promu colonel.
Parallèlement, la position de Bachar se trouve confortée dans les cercles du pouvoir. D'une part, la destitution en février 1998 de la vice-présidence de la République de Rifaat al-Assad et son exclusion du parti Baas permettent de lever un obstacle potentiel à la succession de Bachar. D'autre part, l'application -jusque là quelque peu négligée- de la réglementation sur la retraite dans la fonction publique permet, la même année, d'écarter le chef d'Etat-major Chehabi (sunnite) au bénéfice de son adjoint Ali Aslan (alaouite) dont la fidélité au pouvoir est assurée.
L'influence croissante de Bachar s'est manifestée dans plusieurs dossiers importants : les relations avec le Liban, l'expulsion de Syrie d'Abdullah Öcalan, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan. Par ailleurs, l'actuel chef de l'Etat s'est signalé également par sa volonté de lutter contre la corruption.
Cependant, le fils d'Hafez al-Assad n'assure alors aucune fonction officielle au sein des instances du pouvoir syrien. Au début de cette année, il était prévu que l'ascension de Bachar se poursuive en deux temps : désignation au sein du commandement régional du Baas -après la convocation du Congrès du parti qui ne s'était pas réuni depuis 1985 ; ensuite, nomination à l'une des vice-présidences de la République (aux termes de l'article 88 de la Constitution : " le premier vice-président ou le vice-président désigné par le président exerce les pouvoirs du président de la République lorsque celui-ci est dans l'impossibilité de les assumer ").
b) Un processus conforté par l'allégeance des différentes instances de décision
La disparition du Chef de l'Etat, le 10 juin dernier, a quelque peu modifié ce plan en précipitant les étapes de l'accession de Bachar à la magistrature suprême :
- le 10 juin, le jour même de la disparition du président Hafez al-Assad, les députés sont convoqués pour abaisser à 34 ans l'âge légal de la candidature pour la présidence de la République. Dans la soirée, le commandement régional du Baas décide à l'unanimité de présenter la candidature de Bachar à la présidence de la République ; cette candidature devra être examinée le 25 juin par le Conseil du peuple, qui la soumettra ensuite au peuple appelé à se prononcer par référendum ;
- le lendemain, Bachar al-Assad est promu au plus haut grade de l'armée, celui de Farik et nommé commandant en chef des forces armées par deux décrets signés par le vice-président Khaddam, chargé de l'intérim de la présidence de la République ;
- le 18 juin, Bachar est désigné comme secrétaire général du Baas lors du congrès de ce parti ;
- le 28 juin, la candidature de Bachar reçoit le soutien unanime du Conseil du peuple ;
- le 10 juillet, Bachar est plébiscité par 97,29 % des voix et proclamé par le Parlement, réuni en session extraordinaire, Président de la République syrienne pour un mandat de sept ans.
La célérité du processus, l'unanimité des différentes instances de décision ont permis de réaffirmer la continuité du régime et sa stabilité.
2. Les moyens d'un changement encore sous contrainte
Investi de la totalité des pouvoirs dont disposait son père, le nouveau chef de l'Etat est désormais appelé à apporter sa marque propre aux destinées de son pays. Quelles seront les orientations du nouveau président ? Il est encore sans doute trop tôt pour le dire.
En outre, Bachar a jusqu'à présent privilégié la réflexion avec ses plus proches collaborateurs, aux déclarations publiques. Par ailleurs, les instances de décision ont toujours été caractérisées, en Syrie, par une certaine opacité. Dès lors, il n'est pas toujours aisé d'interpréter les initiatives de la présidence. Pour éclairer l'avenir, il est toutefois possible de retenir les éléments suivants.
a) Une image de modernisateur
En premier lieu, le nouveau chef de l'Etat a incontestablement une image de modernisateur. Il est l'un des rares dirigeants à avoir séjourné durablement en occident. Par ailleurs, il s'est forgé une image positive en luttant contre la corruption. Enfin, sa jeunesse lui permet d'incarner les aspirations d'une population âgée, pour les deux tiers, de moins de 35 ans. Il est donc possible de créditer le nouveau président d'une volonté de réformes. Le ministre d'Etat au plan a d'ailleurs indiqué à votre délégation qu'il avait eu avec le chef de l'Etat de longs entretiens consacrés à la réforme de la planification et au développement économique du pays.
Cependant, dans ses déclarations publiques, encore peu nombreuses, le chef de l'Etat s'est montré soucieux d'inscrire son action dans la continuité des orientations fixées par son père. Il n'y a donc pas encore de " discours de la réforme ".
b) Un renouvellement partiel de la classe politique
La mise en oeuvre d'une politique de réformes dépend, pour une large part, du soutien qui pourrait lui être apporté par la classe dirigeante. Aussi n'est-il pas indifférent, à cet égard, de prendre en considération les changements intervenus dans la classe politique au cours de la période récente. Le renouvellement est intervenu, dès le printemps dernier, avec la désignation d'un nouveau premier ministre, M. Moustapha Miro. Après le décès du président Hafez al-Assad, la réunion du congrès du Baas a permis le renouvellement de la moitié des 21 membres de la direction régionale et la désignation, au sein de cette instance, de personnalités telles que le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères.
Par ailleurs, plus des deux tiers des membres du comité central n'ont pas été reconduits dans leurs fonctions. Le poids des militaires au sein du parti a cependant été préservé (ils représentaient près d'un tiers des 950 délégués au Congrès) et il a même été légèrement renforcé au Comité central où leur nombre est passé de 10 à 16.
Deux considérations conduisent cependant à tempérer la portée de ce renouvellement. En premier lieu, le nouveau chef de l'Etat n'a pas modifié son gouvernement. Certes, celui-ci avait été formé au mois de mars 2000. Mais à l'exception du premier ministre, M. Mohamed Miro, ancien gouverneur d'Alep et considéré comme un bon connaisseur de l'économie, il n'avait intégré que peu de personnalités nouvelles.
En outre, les réformes de caractère politique pourraient impliquer un partage des responsabilités et la remise en cause de certains avantages ou rentes de situation. Or, le nouveau chef de l'Etat doit encore conforter son pouvoir et il n'a pas d'autre alternative, pour l'heure, que de s'appuyer sur les soutiens traditionnels du régime mis en place par son père.
Il semble d'ailleurs que la campagne contre la corruption, conduite à l'initiative de M. Bachar al-Assad, alors qu'il n'était pas encore parvenu au pouvoir, marque aujourd'hui le pas.
II. UNE OUVERTURE ÉCONOMIQUE A PAS COMPTÉS
Soumise à des contraintes naturelles fortes, l'économie syrienne a subi de plus, ces dernières années, une conjoncture particulièrement difficile. Si les signes d'une embellie se laissent aujourd'hui entrevoir -notamment grâce à la hausse du cours du pétrole-, la vigueur de cette orientation plus favorable dépend de réformes structurelles dont la mise en place est restée, jusqu'à présent, prudente.
A. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE CONTRAIGNANT
1. Un potentiel contrasté
Pays désertique pour plus de la moitié de son territoire, la Syrie supporte des contraintes fortes, au premier rang desquelles la rareté de l'eau. Certes, elle dispose de gisements de pétrole, mais elle peut difficilement fonder son développement sur une ressource dont les réserves sont limitées.
a) Une contrainte forte : l'eau
L'inégale répartition des pluies et leur irrégularité constituent un facteur de vulnérabilité évident, alors même que les besoins en eau n'ont cessé de croître. En effet, même s'il tend à se ralentir aujourd'hui, l'accroissement annuel de la population -de l'ordre de 3,5 %- a longtemps figuré parmi les taux les plus élevés du monde. Estimée à 16,5 millions d'habitants, la population syrienne devrait dépasser 20 millions à l'horizon 2005. A ressources constantes, la disponibilité en eau passerait entre 1995 et 2005 de 1 300 m3 par habitant sur une année à 1 000 m3, niveau en dessous duquel l'eau, d'après les experts, constitue une entrave au développement.
L'urbanisation influe, par ailleurs, sur les modes de consommation et tend à accroître la demande en eau. Les villes -comme Damas et Alep qui comptent chacune quelque 3 millions d'habitants- connaissent des problèmes récurrents d'approvisionnement, liés en particulier à l'épuisement progressif des nappes phréatiques. Cet été, la distribution d'eau à Damas n'était assurée que pendant trois heures.
En outre, l'agriculture occupe encore près de 30 % de la population active et représente 30 % du revenu national (l'orge, le blé et le coton, base d'une industrie textile importante, constituent les principales productions). Elle absorbe près de 80 % des besoins en eau du pays. Dans ces conditions, l'économie dans son ensemble apparaît largement tributaire de l'eau et les sécheresses enregistrées ces trois dernières années ont largement pesé sur la croissance.
C'est pourquoi les autorités syriennes ont cherché à utiliser le mieux possible les ressources des trois principaux bassins hydrologiques dont dispose le pays.
Les cours de l'Euphrate et de deux de ses affluents, le Khabour et le Balik, ont été utilisés grâce à la mise en place de plusieurs barrages.
La construction, en 1975, du barrage de Taqba a notamment permis la création d'un lac de retenue de 640 km2, le lac Assad. Ces différentes installations permettent l'irrigation de quelque 200 000 hectares de terres. 3 ( * )
Le Tigre (dont les Syriens ont décidé d'utiliser plusieurs milliards de m3 d'eau pour irriguer ce qui fut l'une des régions agricoles les plus riches de l'Antiquité) et l'Oronte constituent les deux autres bassins hydrologiques indispensables au développement de l'agriculture.
Trois décennies d'investissements continus ont porté leurs fruits : au terme du 8 ème plan (1994-1998), le pays dispose, d'après les estimations gouvernementales, d'une capacité de stockage de 17 milliards de m3 et la superficie des terres irriguées s'élève à 1,3 millions d'hectares. Le pays est parvenu, comme l'a indiqué le premier ministre à votre délégation, à l'autosuffisance dans plusieurs secteurs tels que les céréales, les fruits et légumes.
Cependant, la Syrie n'est que la " puissance aval " des fleuves lui fournissant l'essentiel de ses ressources : l'Oronte vient du Liban et se jette en Turquie ; surtout, l'Euphrate et le Tigre ont leur source en Turquie. Cette situation, source de contentieux entre la Syrie et ses voisins, demeure un facteur de vulnérabilité pour l'économie du pays.
Sans doute, certaines adaptations techniques permettraient-elles d'améliorer les conditions d'utilisation actuelles des ressources en eau (de 20 à 60 % de l'eau seraient perdus en raison de la vétusté des canalisations ou de l'évaporation due au non recouvrement des canaux en zone désertique). Une révision de la politique de tarification pourrait également favoriser certaines économies ; elle paraît cependant exclue : la garantie d'une eau à bon marché constitue en effet un élément indéniable du soutien apporté par le monde rural au pouvoir.
b) Un atout fragile : le pétrole
Peu prodigue en eau, la nature s'est montrée plus généreuse en dotant les sous-sols de réserves d'hydrocarbures. Un oléoduc relie les gisements situés aux confins orientaux du territoire (à la frontière avec la Turquie et l'Irak), aux raffineries de Homs et Banyas et au port de Tartous. La production a connu un développement rapide : elle assure 15 % du produit intérieur brut et plus de la moitié des recettes d'exportation .
Cependant, la durée d'exploitation des gisements ne devrait pas dépasser une dizaine d'années . Après un pic de 610 000 barils/jour en 1995, la production décline lentement (560 000 barils/jour en 1999). C'est pourquoi les autorités privilégient désormais deux axes d'action :
- le développement des champs déjà exploités, grâce à l'apport de capitaux et de technologies nouvelles dont seules les grandes compagnies internationales disposent ;
- la substitution du pétrole par le gaz, afin notamment de réserver à l'exportation le fuel actuellement brûlé dans les centrales thermiques.
2. Une conjoncture médiocre
Le poids des contraintes naturelles que supporte la Syrie s'est particulièrement fait sentir en 1999, année marquée par une sécheresse exceptionnelle (avec des précipitations inférieures de 25 à 65 % selon les régions à la moyenne des vingt dernières années).
Malgré les incertitudes des statistiques syriennes, la production agricole aurait baissé de 30 %. A titre d'exemple, les récoltes de blé et d'orge auraient été réduites de moitié entre 1998 et 1999 (respectivement, de 4,1 millions de tonnes à 1,7 million de tonnes, de 870 000 tonnes à 400 000 tonnes). Compte tenu du poids de l'agriculture dans l'économie syrienne, le produit intérieur brut s'est contracté de 8 à 9 %.
Les effets récessifs de la sécheresse n'ont pu être que partiellement compensés par le secteur pétrolier. Certes, celui-ci a bénéficié de la hausse des cours, mais le mouvement de lente décrue de la production n'a pu être inversé.
Enfin, la croissance a également souffert de la mise en oeuvre d'une politique budgétaire restrictive (le budget pour 1999 n'a été adopté qu'au début de l'année 2000) et de la réduction des dépenses publiques.
La baisse du PIB en 1998 et 1999, après trois années marquées par le ralentissement de la croissance (2 %, seulement, de 1995 à 1997), s'inscrit dans un contexte de forte croissance démographique (3,5 %). Quelque 300 000 jeunes se présentent chaque année sur le marché du travail. Une croissance supérieure à 7 % permettrait seule d'employer cette main d'oeuvre. Dans ces conditions, la présence de quelque 500 000 travailleurs syriens au Liban constitue un précieux exutoire pour l'économie syrienne.
En 2000, la Syrie devrait bénéficier d'une conjoncture plus favorable.
3. Des perspectives plus favorables
Malgré la sécheresse récurrente (moins accusée cependant qu'en 1999 -les précipitations ont représenté, au cours de l'hiver 1999-2000, 70 % de la moyenne des vingt dernières années), l'année 2000 devrait se présenter sous des auspices plus favorables, sous le double effet de la poursuite de la hausse du prix du pétrole et d'une politique budgétaire désormais orientée vers la relance.
Le budget 2000 prévoit une augmentation de 40 % des dépenses d'investissement du secteur public (irrigation, électrification), ainsi que la création de 24 000 emplois administratifs. En outre, parmi les premières mesures décidées à la suite de l'arrivée au pouvoir de M. Bachar al-Assad, figure le relèvement des traitements de la fonction publique.
Comment seront financées ces charges nouvelles ? La présentation du budget ne permet pas de répondre de manière assurée à cette question. Les recettes pétrolières, dont la progression devrait permettre de financer la hausse des dépenses d'investissement, ne figurent pas dans leur totalité dans le budget, non plus d'ailleurs qu'une partie des dépenses militaires. Ces particularités affectent quelque peu la signification du déficit officieux -le déficit budgétaire n'est pas publié- de l'ordre de 4,3 % du PIB.
En tout état de cause, la Syrie ne peut compter que sur des financements extérieurs limités . La dette extérieure publique de la Syrie s'élève, d'après les estimations de la Banque mondiale, à 4,7 milliards de dollars. Cependant, ce montant ne comprend pas la dette russe (12 milliards de dollars) contestée par la partie syrienne. En outre, si la Syrie a réglé ses contentieux financiers avec plusieurs de ses créanciers (France et Iran, en particulier), il lui reste encore à trouver un accord sur d'importants dossiers, notamment sur ses arriérés avec l'Allemagne.
La relance budgétaire pourrait s'accompagner d'une légère reprise de l'inflation (2 à 3 %), l'augmentation des importations du secteur public ne devrait pas en revanche peser sur les comptes extérieurs car elle sera sans doute plus que compensée par la hausse des cours du pétrole. L'excédent de la balance commerciale estimé à 561 millions de dollars en 1999 devrait ainsi se confirmer en 2000, pour atteindre 700 millions de dollars.
Dans cet environnement plus favorable, la croissance pourrait s'élever, en 2000, à 4 % et permettre ainsi une légère progression du revenu par habitant. L'inversion durable des tendances récessives observées en 1999 dépend, cependant, de la poursuite de réformes mises en oeuvre, jusqu'à présent, avec prudence.
B. LE BILAN CONSTRASTÉ DES RÉFORMES
1. La part désormais prépondérante du secteur privé
La socialisation de l'économie constituait l'un des éléments clefs du programme du Baas au moment où ce parti accéda au pouvoir en 1963. Cependant, dès 1970, le président Assad se distingua de ses prédécesseurs par son pragmatisme.
De fait, plusieurs secteurs d'importance -comme l'agriculture, le commerce et l'artisanat- ont toujours échappé à l'emprise du secteur public. Par la suite, l'affaiblissement du partenariat avec les anciens partis du bloc soviétique -au milieu des années 80- acheva de convaincre le chef de l'Etat de permettre une certaine libéralisation de l'économie. Cette orientation a reçu un nouvel élan au début de cette année.
a) Une libéralisation concomitante à l'affaiblissement des liens avec l'ancien bloc soviétique
L'ouverture économique s'est traduite principalement par l'adoption, en 1991, du décret-loi n° 10 relatif à la fiscalité des investissements privés , destiné à favoriser le retour des capitaux syriens expatriés. Le résultat n'a pas été tout à fait à la hauteur des espérances. Cette réforme aura permis de susciter sur 8 ans un flux de capitaux estimé à quelque 4 milliards de dollars, principalement investis dans le secteur des transports.
En l'absence de mesure de privatisation, le secteur privé s'est développé progressivement, en concurrence parfois avec le secteur public. Sa part dans les exportations (hors pétrole) est ainsi passée de 30 % en 1983, à 65 % en 1993 et sa contribution à l'effort d'investissement, sur la même période, de 35 % à 62 %.
b) De nouvelles initiatives
Les effets de cette ouverture économique encore prudente s'étaient estompés au cours des cinq dernières années. La désignation, en mars 2000, d'un nouveau premier ministre a permis de lui insuffler un nouvel élan. L'effort a essentiellement porté sur l'encouragement des investissements, à travers trois séries de mesures :
- l'adaptation des opérations en devises : le décret-loi n° 6 du 22 avril 2000 autorise la détention de devises par les particuliers ;
- l'assouplissement de la réglementation sur les étrangers, prévue par le décret-loi n° 10 de 1991 : en mai dernier, un double aménagement à ce texte autorise, d'une part, l'acquisition ou la location par les investisseurs arabes et étrangers des terres et biens immobiliers nécessaires à la réalisation d'investissements, d'autre part, les rapatriements à l'étranger de capitaux et de profits, à compter de 5 ans après la mise en exploitation effective des projets ;
- l'autorisation, en mai dernier, des implantations de banques étrangères dans les zones franches.
Au-delà même de la mise en place d'un cadre juridique plus favorable, le ministre d'Etat au plan, M. Issam Zaïm, a présenté à votre délégation un plan ambitieux de réformes. S'il a souligné que l'Etat devait conserver " un rôle dirigeant au niveau stratégique ", il a souhaité une modernisation du secteur public qui emploie aujourd'hui le quart de la population active. Il a évoqué à cet égard la nécessité de procéder à des " redéploiements de personnel " et, seul parmi les interlocuteurs de votre délégation, il a défendu le principe de privatisation. Il s'est montré par ailleurs partisan d'une libéralisation des échanges du moins au sein du monde arabe, tout en proposant de ménager une transition destinée à préparer les entreprises syriennes à affronter la concurrence. Il a jugé en outre le moment venu de remettre en cause le système actuel de subventions. Enfin il a détaillé devant la délégation sénatoriale les nouvelles bases de la planification après avoir relevé que les plans établis entre 1989 et 2000 n'avaient jamais pu être appliqués. Le nouveau système plus souple devrait permettre de distinguer des objectifs à 3, 5 et 10 ans établis en fonction, notamment, des prévisions démographiques.
M. Issam Zaïm a noté parmi les priorités la réforme du système bancaire et la recherche d'une moindre dépendance économique vis-à-vis du pétrole. Cette vision prospective aurait, d'après le ministre du plan, retenu toute l'attention du chef de l'Etat. Elle tranche singulièrement avec les propos, beaucoup plus prudents, que les autres personnalités rencontrées ont tenu à votre délégation.
Il faut admettre que, pour l'heure, les changements apparaissent d'une portée limitée.
2. Les pesanteurs du système économique
a) La portée encore limitée des réformes
Les mesures d'ouverture adoptées dans la période récente sont restées d'une portée limitée. La situation faite aux investissements étrangers est, à cet égard, significative. Ils demeurent, en effet, encore soumis à un cadre contraignant, tant sur le plan fiscal (pouvoir discrétionnaire de l'administration pour évaluer la matière imposable) que sur le plan financier (le rapatriement du profit et du capital demeure subordonné à la réalisation d'un chiffre d'affaires à l'exportation et à la double autorisation du Haut Comité des Affaires économiques et de la Banque centrale).
Dans ces conditions, la faculté reconnue par la loi n° 10 de créer des sociétés à capitaux étrangers en association avec des capitaux syriens publics ou privés reste peu utilisée. A ce jour, une seule société étrangère, Nestlé, a créé une filiale en partenariat avec des actionnaires syriens.
b) Une économie marquée par les principes dirigistes
Le cadre de l'économie syrienne n'a pas été réellement remis en cause par des réformes dont la portée est restée ponctuelle. La place du secteur public ne fait l'objet d'aucune remise en cause, même si, en privé, nombre d'interlocuteurs syriens s'accordent pour en reconnaître les lourdeurs et les difficultés de gestion.
Les rigidités des mécanismes de financement de l'économie syrienne peuvent être portées au débit d'un système bancaire géré sous la forme d'un monopole public placé sous la tutelle du ministère de l'économie et du commerce. Ce dispositif s'articule autour de six banques d'Etat spécialisées, destinées, à titre principal, à assurer le financement de l'Etat et des entreprises publiques.
Les différents représentants des autorités politiques ont souligné devant votre délégation leur attachement à l'originalité du système économique syrien et, en particulier, à la coexistence de trois secteurs, public, privé et mixte -le président du Conseil du peuple, M. Qaddoura, a cependant admis devant votre délégation que le secteur privé se distinguait par son dynamisme. S'ils ne se sont pas montrés fermés aux réformes, ils ont marqué leur préférence pour une approche très progressive. Le gouvernement, a observé le président de l'Union des chambres de commerce et d'industrie, est conscient de la nécessité de moderniser le secteur bancaire, mais il ne souhaite remettre en cause ni leur statut ni leur position.
La Syrie se distingue ainsi des Etats voisins qui ont opté, de manière plus résolue, pour le libéralisme. Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, cette situation ne peut, sans doute, rester sans conséquence sur le caractère attractif du pays pour les investisseurs étrangers.
III. LE MAINTIEN DES GRANDES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
On ne peut comprendre la politique étrangère syrienne sans rappeler l'arrière plan historique de la naissance de la Syrie dans ses limites actuelles. Le pays ne constitue qu' une partie de la province ottomane de Grande Syrie , démembrée à la suite de la chute de l'empire turc en 1918. Pendant la première guerre mondiale, Britanniques et Français s'entendent à la suite des accords Sykes-Picot (janvier 1916) pour répartir le Proche-Orient arabe sous leur influence : aux premiers le sud de la région (principalement la Basse Mésopotamie), aux seconds le nord. La fin de la guerre entraîna une révision du tracé originel : la Grande-Bretagne obtient un mandat sur la Palestine et la Syrie du Sud (Transjordanie) ; la région de Mossoul au nord-est de la province de Syrie est échangée aux Anglais contre la rétrocession à la Syrie du plateau du Golan. La France institue une confédération de cinq Etats : Damas, Alep, Etat alaouite, Djebel druze, Liban (dont les limites élargies au-delà du Mont-Liban incluent désormais Tripoli et la plaine de la Bekaa).
Par ailleurs, en 1921, la France reconnaît au Sandjak d'Alexandrette un statut d'autonomie avant de céder ce territoire à la Turquie en 1939. Enfin, les termes du mandat confié par la SDN à la France en 1922 mentionnent deux entités distinctes : la Syrie et le Liban.
Le panarabisme devait trouver un terreau favorable dans un pays dont les frontières avaient ainsi été fixées à l'aune du rapport de force entre les grandes puissances.
Quoi qu'il en soit, ce passé permet de rendre compte dans une certaine mesure de l'influence que la Syrie a entendu exercer dans la région, mais aussi des conflits qui l'ont opposé à ses voisins.
A. L'ARMÉE, INSTRUMENT DE L'INFLUENCE DE LA SYRIE DANS LA RÉGION
L'influence de la Syrie dans son environnement repose d'abord sur des forces militaires qui se rangent parmi les plus importantes de la région, même si un effort de modernisation s'avère aujourd'hui nécessaire.
1. Un potentiel militaire important
Les forces syriennes comptent 315 000 hommes sous les drapeaux (dont 250 000 conscrits) que peuvent renforcer, le cas échéant, 100 000 hommes en réserve immédiate et 550 000 réservistes affectés. Elles disposent de 3 800 chars, 4 700 véhicules blindés, 2 900 pièces d'artillerie, 60 lanceurs missiles, 5 000 avions de combat et 2 000 hélicoptères.
La Syrie disposerait d'une soixantaine de missiles sol-sol de type Scud B (portée 400 km) et C (portée 500 km). L'essai réussi d'un nouveau modèle de missile sol-sol d'une portée de plus de 500 km en septembre 2000 a par ailleurs suscité les inquiétudes d'Israël.
Trois missions principales sont assignées à l'armée : la défense du territoire (en particulier vis-à-vis d'Israël), l'affirmation du statut de puissance régionale (surtout à travers la présence d'un corps d'armée au Liban), le maintien de la stabilité du régime et de la sécurité intérieure.
2. Un effort de modernisation nécessaire
L'armée syrienne pâtit aujourd'hui de trois faiblesses : une extrême centralisation des décisions, une instruction insuffisante, l'obsolescence de certains équipements. Ce dernier point n'est pas le moins préoccupant. Ainsi, seul le tiers des aéronefs seraient effectivement disponibles. Cette situation s'explique en partie par le relâchement des liens avec l'ancien allié soviétique, principal pourvoyeur de l'armement syrien.
C'est pourquoi la Syrie a engagé depuis 1996 une adaptation de ses équipements et infrastructures militaires. Les priorités portent sur l'aviation (Mig 29, Sukhoï 27), la défense aérienne (système russe S300) et les blindés (revalorisation du T55 et T 72). Cependant, cet effort est limité par les contraintes de financement auxquelles la Syrie se trouve confrontée. Certes, les dépenses militaires, soit 1,4 milliard de dollars -dont 500 millions, non comptabilisés dans le budget, pour l'investissement- représentent 30 % du budget de l'Etat ; mais ce montant n'est pas à la mesure des besoins de modernisation de l'armée estimés entre deux et trois milliards de francs (dont 800 millions pour l'armée de l'air). Les contrats signés au cours des trois dernières années (principalement avec la Russie et l'Ukraine) n'excéderaient pas 400 millions de dollars.
*
La Syrie, sous l'égide du président Hafez al-Assad, a conduit une diplomatie foncièrement pragmatique : la prise en compte des rapports de forces l'ont conduit à faire le choix de la paix avec Israël, même s'il s'agit encore d'une paix armée ; quand les circonstances s'y prêtent, elle maintient son influence (Liban) ; enfin, elle s'efforce de rompre son isolement régional et cherche l'ouverture sur l'Occident.
B. LE PROCESSUS DE PAIX AVEC ISRAËL DANS L'IMPASSE
En 1990, en optant pour la paix avec Israël, le président Assad rompt avec près d'un demi-siècle de conflit. Ce tournant est dicté par plusieurs raisons : l'isolement progressif au sein du monde arabe que vaut à la Syrie son intransigeance vis-à-vis d'Israël, la fin de l'antagonisme bipolaire qui prive Damas de l'appui soviétique, enfin la volonté de développer les liens avec l'Occident, en tirant notamment les bénéfices de la participation syrienne aux côtés des Alliés dans la guerre du Golfe.
Du reste, ce choix consacre aussi un état de fait : depuis la signature d'un cessez-le-feu le 11 juin 1982, à la suite de l'entrée des forces israéliennes au Liban, Israël et la Syrie ont tous deux choisi d'éviter soigneusement tout affrontement direct.
Le " choix stratégique pour la paix " a sans doute eu pour première conséquence positive l' ouverture d'un processus de négociation , même s'il a connu depuis lors de nombreuses vicissitudes et n'a pas permis d'aboutir à la signature d'un accord de paix. Toutefois, pour la première fois, les adversaires d'hier consentaient à se parler.
Le dialogue s'est d'abord noué dans le cadre multilatéral fixé par la Conférence de Madrid à la fin du mois d'octobre 1991. Dans cette enceinte, la Syrie a affirmé la prééminence de la question du Golan et rappelé la position qui ne cessera dès lors d'être la sienne : la restauration de la souveraineté syrienne sur ce territoire constitue la condition irréductible de tout accord avec Israël.
Les discussions bilatérales se sont engagées dans le prolongement de la Conférence de Madrid, mais elles n'ont connu de réels progrès qu'après l'élection d'Itzhak Rabin en septembre 1992: Israël reconnaissait désormais les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité (retrait des territoires occupés). A la suite de la signature, le 13 septembre 1993, de la déclaration de principe entre Israël et l'OLP sur des arrangements intérimaires, le président Assad, à l'issue d'un sommet avec le président des Etats-Unis, Bill Clinton, le 16 janvier 1994, s'était déclaré prêt à établir des " relations normales " avec Israël en échange d'un retrait total du Golan. Le chef de l'Etat syrien refusait cependant de signer d'un accord intérimaire en l'absence d'un accord sur l'ensemble des point en discussion.
Un nouveau cycle de pourparlers débuta en 1995 à Wye River aux Etats-Unis. Il fut interrompu au début de l'année 1996 lorsqu'Israël entrepris son opération militaire au Liban (" Raisins de la colère "). L'élection d'un premier ministre israélien de droite, Benyamin Netanyahou, interdit durablement toute reprise des discussions. L'arrivée au pouvoir de M. Barak, le 17 mai 1999, ouvrit la perspective d'un déblocage de la situation. L'attention du nouveau premier ministre s'était d'abord portée en effet en priorité sur le volet israélo-syrien du processus de paix. Les négociations reprirent effectivement en décembre 1999. Les différentes réunions, cependant, ne permirent pas de surmonter les points de blocage. La négociation a été suspendue à la fin du mois de janvier. Une dernière tentative de médiation américaine, lors d'une rencontre entre les présidents Clinton et Assad, à Genève le 26 mars 2000, s'est soldé par un échec.
Comment expliquer ce résultat décevant ? Quel est, malgré tout, l'acquis des négociations ? Quelles sont les perspectives de reprise des négociations ?
Telles ont été les trois questions principales évoquées par votre délégation au cours des entretiens consacrés au processus de paix.
Depuis l'ouverture de la Conférence israélo-arabe de Madrid, le 30 octobre 1991, les négociations entre Israël et la Syrie s'articulent autour de quatre volets : le retrait israélien du plateau du Golan, les arrangements de sécurité, la normalisation des relations entre les deux pays, la question de l'eau.
Si la question du Golan reste au coeur du contentieux syro-israélien, les autres sujets ont enregistré d'indéniables progrès.
. Les raisons de l'échec
Après un demi-siècle de conflit, la possibilité historique de parvenir à un accord de paix aurait-elle buté, l'hiver dernier, sur une appréciation divergente concernant une bande territoriale de moins de 20 km 2 ? On serait tenté de l'affirmer au vu de l'état actuel du dossier des négociations si cette divergence ne recouvrait pas en fait des enjeux politiques majeurs.
Sur le dossier du Golan, en effet, les positions israéliennes ont beaucoup évolué. Israël, après avoir mis en avant le caractère vital du plateau du Golan pour la sécurité israélienne, a accepté au début de la précédente décennie, à l'initiative de Yitzhak Rabin d'envisager une " restitution partielle " (1992), puis un " retrait significatif et proportionnel à la paix ". Le principe du retrait israélien du Golan est aujourd'hui admis .
La négociation est toutefois compliquée par la référence des deux parties à deux frontières différentes :
- les Israéliens ne reconnaissent que la frontière fixée par les puissances mandataires française et britannique en 1923 : elle leur laisse en effet la rive Est du lac de Tibériade ;
- les Syriens revendiquent un retour à la ligne du 4 juin 1967 ; ce tracé, plus favorable pour Damas, prévalait avant le déclenchement de la guerre des Six jours et résultait du " grignotage " par les Israéliens comme par les Syriens des zones démilitarisées à la suite des accords de Rhodes (1949) ; il laisse à la Syrie plus de la moitié de la rive orientale du lac de Tibériade ainsi que le débouché du fleuve Jourdain sur le lac. Conformément au droit international, la Syrie aurait alors le droit d'utiliser l'eau du lac de Tibériade, au même titre qu'Israël.
Les négociateurs syriens ont réaffirmé devant votre délégation que l'ancien premier ministre, M. Rabin, avait fait savoir, sous le sceau du secret, dès 1994, à la Syrie, par le biais des Etats-Unis, qu'il se rallierait à la ligne du 4 juin 1967, sous réserve qu'un accord puisse être trouvé sur les autres points. M. Barak a d'ailleurs confirmé, en mars 2000, l'existence d'un tel engagement. La reprise des " négociations là ou elles s'étaient arrêtées ", selon la formule du président Clinton, le 8 décembre 1999, impliquait pour les Syriens la reconnaissance par Israël de la ligne du 4 juin 1964. Les Israéliens répugnent à convenir à l'avance de l'issue des négociations. Ce malentendu explique le refus des Syriens de participer à la réunion prévue le 19 janvier 2000.
Votre délégation s'est rendue sur la fraction du Golan restituée par Israël à la Syrie après la guerre de 1973. Elle a notamment traversé la ville de Qouneïtran, réduite à l'état de ruines par l'armée israélienne. Cette partie du territoire syrien est surplombée par une zone que contrôle entièrement les Israéliens. Tirant parti des avantages stratégiques de leur position, ces derniers ont d'ailleurs installé des stations de surveillance, en particulier sur le mont Hermon où a été construite la plus importante de ces structures.
La zone de séparation entre les deux pays est constituée d'une bande étroite placée sur le contrôle exclusif des Forces de Nations unies pour l'observation du désengagement du Golan (FNUOD). De part et d'autre de cette frange s'étendent trois zones dites de " limitation " des armements :
- dans la zone des 10 km au-delà de la zone de séparation : 75 chars, 36 canons de 122 mm ;
- dans la zone des 20 km : 450 chars, 162 canons d'une portée de 20 km ;
- dans la zone des 25 km : interdiction des missiles.
La FNUOD, sur la base de la résolution 350 du Conseil de sécurité (1974), est chargée de veiller au respect de l'accord de cessez-le-feu. Son mandat est renouvelé tous les six mois. Ces forces réunissent un millier d'hommes fournis par cinq Etats (Autriche, Canada, Japon, Pologne, Slovaquie). 78 observateurs militaires (représentant 22 pays) complètent ce dispositif.
Les négociations, en particulier celles qui ont eu lieu entre 1995 et 1996, ont permis d'obtenir sur les autres dossiers de la négociation de véritables progrès.
- les arrangements de sécurité
Entre 1993 et 1995, Israël avait posé une double exigence, difficilement acceptable pour la partie syrienne : la restructuration de l'armée syrienne (réduction des effectifs et contrôle des armements) et le maintien de la station d'écoute israélienne installée sur le Mont Hermon. Les deux pays se seraient accordés en 1995 sur les " buts et principes des arrangements de sécurité " fondés sur l'égalité et la réciprocité, comme le souhaitait la Syrie. Damas, comme l'a confirmé le ministre syrien de la défense devant votre délégation, a par ailleurs admis la présence d'une force multinationale sur le Golan. Cette mesure représente une garantie pour la sécurité d'Israël. Enfin, les Israéliens ne devraient plus faire du maintien de la station de contrôle du mont Hermon un obstacle, dans la mesure où ils disposent désormais de moyens de surveillance aussi efficaces et moins visibles.
- la normalisation des relations
Cette question ne soulève plus de véritable difficultés. Il semble en effet acquis du côté syrien, comme le souhaitaient les Israéliens, qu'un accord de paix devrait conduire à l'ouverture des frontières et à l'échange d'ambassades. Chacun le reconnaît désormais, le développement des liens entre les deux pays prendra du temps et ne peut résulter de mesures institutionnelles.
- l'eau
Compte tenu de l'inclinaison des bassins versants du Golan vers Israël, la question de l'eau constitue un enjeu essentiel pour Israël : le Golan, véritable château d'eau, fournit 770 m3 d'eau à l'Etat hébreu, soit le tiers de sa consommation annuelle.
Cette question pourrait être réglée de manière équilibrée. En effet, si pour Damas, la question du territoire n'est pas négociable, le problème de l'eau peut être traité selon les principes du droit international. La Syrie serait notamment prête à garantir la libre circulation des eaux vers le lac de Tibériade et le Jourdain.
. Les perspectives de reprise des négociations
Votre délégation s'est rendue en Syrie avant l'embrasement dont la région a été le théâtre, depuis octobre dernier, à la suite des affrontements entre Israéliens et Palestiniens. Les réactions des autorités syriennes dont elle fait état auraient été sans doute durcies dans ce nouveau contexte.
Le premier ministre, M. Miro, avait confirmé devant votre délégation la volonté du président Bachar al-Assad de poursuivre le processus de paix dans le respect des principes de la Conférence de Madrid.
Avant même les événements d'octobre dernier, la reprise des négociations apparaissait cependant improbable à horizon rapproché.
En effet, la Syrie pose pour condition préalable la reconnaissance par Israël de la ligne du 4 juin 1967.
Israël refuse d'engager les discussions sur cette base. En outre, la rétrocession du Golan pose au premier ministre israélien des problèmes intérieurs difficiles.
Le démantèlement des 33 implantations du Golan -17 000 colons traditionnellement proches du parti travailliste, à la différence des colonies de Cisjordanie où se rangent les partisans les plus résolus du Likoud- risque de susciter des oppositions dans le propre camp de M. Barak.
L'élan indéniable qu'avait suscité en Syrie l'élection du premier ministre Barak est assez rapidement retombé. Un climat de défiance s'est instauré entre les deux partenaires. Israël " souhaite la paix et les territoires ", selon le premier ministre, M. Miro. Le processus de négociation par étapes, dans lequel s'étaient engagés les Palestiniens, a valeur de repoussoir pour les Syriens car il ne donne aucune garantie sur la reconnaissance par Israël des revendications fondamentales de l'autre partie. Il conduit ainsi aux désillusions dont on mesure aujourd'hui les graves conséquences.
Quelle peut être la position de la Syrie face à l'aggravation de la tension entre Syriens et Palestiniens ?
Il faut observer que la Syrie n'a pas, pour l'heure, cherché à souffler sur les braises. Elle n'a aucun intérêt à provoquer un conflit avec Israël. D'une part, le rapport des forces militaires ne lui est pas favorable. D'autre part, les autorités de Damas souhaitent sans doute préserver les acquis des dernières négociations.
Par ailleurs, si la population, comme dans tout le monde arabe, éprouve une sympathie immédiate pour la cause palestinienne, les dirigeants syriens paraissent quant à eux pour le moins réservé sur la personne de M. Yasser Arafat et les orientations adoptées par le président de l'Autorité palestinienne.
C. LE STATU QUO AU LIBAN
L'influence que la Syrie souhaite préserver au Liban répond à deux considérations principales : historique d'abord, car le Liban reste considéré comme une province abusivement séparée de la Syrie par la puissance mandataire française -" deux Etats indépendants, une nation ", la formule employée par l'ancien chef de l'Etat, Hafez-al-Hassad, résume la position syrienne et trouve sa traduction dans le refus de Damas d'ouvrir une ambassade à Beyrouth ; stratégique, ensuite, car la Syrie a toujours redouté d'être tournée sur son flanc droit par Israël. Il lui importait dès lors que le Liban se conformât aux positions syriennes vis-à-vis d'Israël et qu'il ne conclût pas de paix séparée. Ces raisons n'auraient pas permis de justifier une présence syrienne dans le pays du cèdre si la guerre civile libanaise n'avait offert l'occasion à la Syrie d'intervenir militairement en juin 1976, à la demande d'abord de certains dirigeants chrétiens.
Cette présence armée avait pris, en novembre 1976, le nom de force arabe de dissuasion dont l'essentiel des contingents était en fait syrien. La part syrienne sera ensuite déterminante dans la résolution de la crise avec la signature, le 30 septembre 1989, de la Charte de réconciliation nationale. Connu sous le nom d'" Accords de Taëf ", ce texte prévoyait notamment le regroupement (encore attendu) des forces syriennes dans la plaine de la Bekaa avant leur retrait ultérieur dont la date n'était cependant pas fixée.
Ces accords, ainsi que le traité de fraternité, coordination et coopération, signé entre la Syrie et le Liban le 22 mai 1991, constituent aujourd'hui les fondements juridiques de la présence syrienne au Liban.
Cette présence est d'abord militaire , avec le déploiement de 25 000 hommes sur l'ensemble du territoire libanais, à l'exception du Mont Liban maronite, du Chouf druze et du Sud-Liban. A ces effectifs, il convient d'ajouter les 5 000 " moukhabarat " des services de renseignement syriens.
Le rôle de la Syrie se manifeste également dans le domaine économique : environ 500 000 de ses ressortissants seraient employés au Liban. Ces derniers représentent pour la Syrie une source de devises importantes. Les deux pays sont, par ailleurs, convenus de réduire leurs droits de douane de 25 % chaque année, dans la perspective de la mise en place, à plus longue échéance, d'un " marché commun arabe ".
Enfin, même si la Syrie se défend de toute ingérence dans les affaires intérieures libanaises, son influence sur la vie politique reste indéniable et trouve dans les divisions et les luttes intestines des partis et des hommes un champ propice pour s'exercer.
Comment les relations libano-syriennes évolueront-elles à l'avenir ?
Le retrait des forces israéliennes du Liban Sud en mai dernier a certainement introduit une donne nouvelle. Désormais, les forces syriennes demeurent la seule armée étrangère présente sur le territoire libanais.
La contestation de la présence militaire syrienne demeure aujourd'hui circonscrite à quelques personnalités chrétiennes. Toutefois, les mises en cause dont la Syrie a été l'objet de la part de chefs politiques sunnites et du dirigeant druze, M. Walid Joumblatt, lors des élections législatives de septembre dernier au Liban, traduisent peut-être un changement de tonalité de la classe politique libanaise vis-à-vis de leur grand voisin.
Interrogé sur l'évolution de la présence syrienne au Liban, les interlocuteurs de votre délégation ont réitéré la position traditionnelle de leur pays : les forces syriennes étant présentes sur le sol libanais à la demande des autorités de ce pays, elles se retireront lorsque le gouvernement libanais en aura fait la demande. Le ministre de la défense, le général Tlass a cependant évoqué la possibilité d'un " redéploiement " des forces sans en préciser ni la portée, ni l'échéance.
Les députés rencontrés par la délégation sont revenus longuement sur les relations syro-libanaises ; ils ont appelé de leurs voeux un renforcement des relations entre les deux pays, certains allant même jusqu'à évoquer la présence de forces libanaises sur le sol syrien...
D'après eux, la présence militaire syrienne a été justifiée par la volonté de stabilité des Libanais eux-mêmes, stabilité menacée de l'intérieur par certains foyers de résistance armée libanaise et, de l'extérieur, par Israël. Les députés ont admis par ailleurs que le retrait des forces israéliennes conforterait l'" évolution " en cours du rôle de l'armée syrienne au Liban. Certains parlementaires ont observé que ces forces n'étaient pas présentes " pour l'éternité " et qu'elles partiront après avoir rempli " leur mission de sécurisation " vis-à-vis d'Israël.
Le regain de tension dans la région constitue sans doute aujourd'hui, aux yeux des Syriens, un argument supplémentaire pour maintenir le statu quo. Les personnalités rencontrées lors de la mission sénatoriale ont par ailleurs récusé l'existence de liens entre la Syrie et le Hezbollah, présenté comme un mouvement national libanais totalement indépendant.
D. LE SOUCI DE METTRE FIN À UN CERTAIN ISOLEMENT RÉGIONAL
Les relations souvent conflictuelles entretenues avec ses voisins ont placé la Syrie dans une position d'isolement dont elle cherche aujourd'hui à sortir.
. Une volonté d'apaisement avec la Turquie
Les relations avec la Turquie ont été marquées par trois types de contentieux. Contentieux territorial, d'abord, car la Syrie n'a jamais reconnu l'arrangement franco-turc de 1939 qui cédait à la Turquie le Sandjak d'Alexandrette. L'eau a constitué une deuxième source de conflit. La question du partage des eaux de l'Euphrate a fait l'objet de plusieurs tentatives de conciliation demeurées vaines. Un simple protocole , signé en 1987, garantit à la Syrie, en aval du fleuve, un débit moyen de 500 m3/seconde. Damas souhaiterait un engagement d'une portée juridique plus élevée et redoute les conséquences des aménagements hydrauliques qui pourraient être réalisés en Turquie, ainsi que l'éventualité d'un chantage politique.
L'opposition entre les deux pays s'est enfin cristallisée sur la bienveillance dont Damas pouvait faire preuve, d'après les autorités turques, vis-à-vis des activités du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de son chef, aujourd'hui emprisonné, Abdallah Öcalan. Elle a abouti à une grave crise, en 1998, finalement réglée pacifiquement par les accords d'Adana (20 octobre 1998) dont le contenu donne, dans ses grandes lignes, satisfaction à la partie turque.
Ces différends, conjugués au rapprochement entrepris entre la Turquie et Israël (notamment avec la signature d'accords militaires en 1996), ont nourri chez les Syriens la crainte d'un encerclement. Conscientes de l'inégalité des forces en présence, les autorités syriennes cherchent aujourd'hui l'apaisement, comme en témoignent plusieurs visites ministérielles dans les deux capitales dans la période récente. Les intérêts économiques conduisent à privilégier une telle orientation. La Turquie est en effet le troisième pays client et le quatrième pays fournisseur de la Syrie.
Le ministre de la défense, le général Tlass, a souligné devant votre délégation l'excellence des relations avec Ankara en relevant que les tensions qui avaient pu opposer les deux pays avaient été attisées par les Etats-Unis. La vice-ministre des affaires étrangères s'est montrée plus nuancée en regrettant les libertés prises par la Turquie avec l'accord de 1987 et le refus exprimé par Ankara de considérer l'Euphrate comme un fleuve international. Les membres du Conseil du peuple ont jugé inéquitable le partage actuel des eaux qu'ils imputent à un rapport de forces favorable à la Turquie.
. Les prémices d'une ouverture avec l'Irak
La volonté d'apaisement a également conduit Damas à modérer son hostilité vis-à-vis du régime rival de Bagdad. L'antagonisme entre les deux pouvoirs baasistes s'était exacerbé avec la participation syrienne aux forces alliées pendant la guerre du Golfe.
Les relations économiques ont repris en 1997, grâce à l'ouverture de trois postes frontière et l'utilisation du port de Tartous pour l'évacuation du pétrole irakien, dans le cadre de la résolution " pétrole contre nourriture ". Les deux parties ont signé en 1998 un accord sur la remise en service de l'oléoduc transsyrien reliant les champs de Kirkouk, au Nord de Bagdad, au port de Banyas sur la Méditerranée.
Sur le plan politique, la reprise des relations diplomatiques ne semble pas à l'ordre du jour, même si Damas a accepté, fin février 2000, l'ouverture d'une section d'intérêts irakiens. Par ailleurs, la vice-ministre des affaires étrangères a plaidé, lors de sa rencontre avec la délégation, pour la levée des sanctions contre l'Irak. Elle a, en outre, souligné les risques que soulèverait une partition de ce pays.
. Le maintien de l'" alliance stratégique " avec l'Iran
Aucun des infléchissements récents de la diplomatie syrienne ne devrait remettre en cause l'" alliance stratégique " entre Damas et Téhéran, nouée depuis 1979, renforcée lors de la guerre Iran-Irak lorsque la Syrie a pris position en faveur de l'Iran. La pérennité de ce lien sert en effet les intérêts des deux pays.
L'Iran peut ainsi compter sur un allié au sein d'un monde arabe qui lui est, dans son ensemble, plutôt hostile ; en outre, Damas peut constituer un relais utile pour préserver l'influence iranienne sur la communauté chiite du Liban (aujourd'hui la plus importante de ce pays avec 35 % de la population). La Syrie, de son côté, considère cette relation privilégiée comme un atout stratégique dans le rapport de forces entre Damas et Bagdad. Les deux pays ont d'ailleurs, selon toute vraisemblance, développé une coopération militaire. Enfin, l'appui économique de l'Iran peut se révéler précieux, notamment dans la perspective prochaine de l'épuisement des réserves pétrolières de la Syrie.
E. LA VOLONTÉ D'OUVERTURE SUR L'OCCIDENT
Confrontée à un certain isolement sur la scène régionale, la Syrie cherche à élargir le cercle de ses appuis. La dislocation du bloc socialiste l'a déterminée à privilégier désormais les liens avec l'occident et, en particulier, avec les pays membres de l'Union européenne. Dans cette perspective, la France a été présentée par les interlocuteurs de votre délégation comme un partenaire privilégié.
1. Des relations distantes avec les deux Grands
Les relations de la Syrie avec les deux Grands obéissent moins à des considérations d'ordre idéologique qu'à la prise en compte de ses intérêts diplomatiques.
Damas a d'abord privilégié les liens avec Moscou (développement d'une coopération militaire en 1964, doublé d'une aide économique en 1972). Elle a toutefois refusé de tomber dans l'orbite soviétique et longtemps différé, par exemple, la conclusion d'un traité d'amitié et de coopération (finalement signé en 1980). Parallèlement, elle n'a jamais cessé de considérer les Etats-Unis comme un interlocuteur utile. Ainsi, elle avait accepté la médiation américaine après la guerre d'octobre 1973. L'effondrement de l'Union soviétique a convaincu le Président Hafez al-Assad de favoriser un rapprochement avec Washington : présence syrienne au sein des forces alliées lors de la guerre du Golfe en 1990, participation à la relance du processus de paix dans le cadre de la conférence de Madrid en octobre 1991. Si les Etats-Unis sont considérés comme un partenaire indispensable, l'alignement des positions américaines sur celles défendues par l'Etat hébreu a ainsi été présenté par les interlocuteurs de votre délégation comme la principale raison de l'échec du sommet de Genève entre les présidents Clinton et Assad, en mars 2000.
Soucieuse de ne pas se trouver isolée dans la négociation, la Syrie s'est trouvée confortée dans sa volonté de se rapprocher de l'Union européenne dont les positions sur le processus de paix sont jugées plus équilibrées. M. Adnan Omran, ministre de l'information et ancien négociateur syrien dans le cadre du processus de paix, a observé, lors d'un entretien avec la délégation sénatoriale, qu'il était de l'intérêt de la Syrie que l'Union européenne -dont l'analyse sur la situation au Proche-Orient était considérée comme " objective "- participe activement au processus de paix.
2. La volonté de rapprochement politique avec l'Union européenne
Cette orientation s'est traduite par la participation de la Syrie à la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone en 1995 et à l'ouverture, en 1998, de négociations sur un nouvel accord d'association destiné à se substituer à l'accord de coopération signé en 1978. Ce dernier texte prévoyait notamment l'entrée sans droit de douane ni restrictions quantitatives des produits industriels (à l'exception des textiles) dans la communauté, un régime d'accès privilégié pour les produits agricoles, enfin, une coopération financière.
Sur ces bases, l'Union européenne est désormais devenue le principal partenaire commercial de la Syrie : elle représente 50 % de ses exportations et 30 % de ses importations (à titre de comparaison, le bloc des anciens pays communistes fournit 16 % des biens importés, les pays arabes, 8 %, l'Amérique du nord, 6 % ; pour les exportations, les pays arabes représentent 28 % du total, les anciens pays communistes, 3 % et l'Amérique du nord moins de 1 %).
La coopération financière a rencontré plus de difficultés : les décaissements des crédits d'aide prévus au titre de MEDA, l'instrument financier de la politique méditerranéenne de l'Union européenne, se sont en effet révélés -comme avec les autres pays méditerranéens- très problématiques.
Le nouvel accord d'association, à l'instar de ceux déjà signés ou en cours de négociation avec les autres pays du bassin méditerranéen, prévoit l'ouverture d'un dialogue politique , la mise en oeuvre du libre échange industriel et le renforcement de la coopération économique et financière. En engageant les négociations sur cet accord, la Syrie a d'abord souhaité faire un geste d'ouverture vis-à-vis de l'Union. Elle souhaite incontestablement bénéficier des fruits politiques d'une normalisation des relations avec l'Europe ainsi que des perspectives d'appui financier -même si celles-ci se concrétisent difficilement. Cependant, il n'est pas assuré qu'elle accepte toutes les implications du libre-échange dont la réalisation ne manquerait pas, au-delà des effets conjoncturels, de remettre en cause le " modèle " économique syrien protégé et contrôlé.
Dans le processus de rapprochement avec l'Union européenne, la Syrie compte beaucoup sur le soutien de la France.
3. La France, partenaire privilégié.
Les relations entre nos deux pays ont connu un cours contrasté. Le mandat, période de confrontation, a aussi permis de tisser des liens durables, en particulier dans le domaine de la langue et de la culture.
Les années 80 ont de nouveau ouvert une période de forte tension, marquée par des affrontements indirects au Liban. Depuis le début des années 90, les liens n'ont cessé de se développer comme en témoignent les nombreux échanges politiques, l'essor des relations commerciales et la vitalité de notre politique de coopération.
. Les relations politiques
La visite officielle du Président de la République à Damas, en octobre 1996, et la visite d'Etat du Président Assad, en juillet 1998, ont imprimé un nouvel élan au dialogue politique. La présence du chef de l'Etat français aux obsèques du Président Assad a été très appréciée par nos partenaires. Le nouveau Chef de l'Etat syrien devrait réserver sa première visite à l'étranger, hors du monde arabe, à la France.
Le Premier ministre a rappelé devant votre délégation l'avantage réciproque que la France et la Syrie pouvaient tirer du rôle important que les deux pays jouaient dans leur environnement respectif.
Le ministre de l'information, M. Omran, a rappelé à titre d'exemple le soutien apporté par Damas, contre l'avis des Américains, à la participation de la France au groupe de surveillance (associant les Etats-Unis, la France, le Liban, Israël et la Syrie) mis en place en avril 1996, au lendemain de l'intervention israélienne au Liban (Raisins de la colère), pour observer et désamorcer les violations de cessez-le feu au Liban-Sud.
. Les échanges économiques
La France est devenue l'un des principaux partenaires commerciaux de la Syrie : deuxième client après l'Italie et devant l'Allemagne (2,4 milliards de francs d'importation, principalement composés de produits pétroliers et de coton), elle est devenue le premier fournisseur en 1999 (2,9 milliards de francs d'exportation) en raison de la livraison de cinq Airbus à la compagnie Syrian Airlines. Ce marché a permis également à la France d'enregistrer le premier excédent commercial depuis une décennie.
Plusieurs contrats en cours dans les domaines de l'eau, de l'électricité et des transports devraient permettre à notre pays de maintenir une position privilégiée au cours des prochaines années.
Compte tenu d'un environnement économique encore peu favorable, les investissements français en Syrie sont restés limités. Total-Fina, le seul groupe français implanté localement, a investi 600 millions de dollars depuis dix ans. Il assure aujourd'hui 15 % de la production nationale de pétrole, en deuxième position derrière Shell.
Il faut noter l'intensification récente des contacts économiques dans le sillage de la visite, cette année, du Secrétaire d'Etat français à l'industrie, M. Christian Pierret : mission d'étude sur les transports propres, présence d'une trentaine de sociétés dans le pavillon français à la foire de Damas, organisation, sous l'égide de l'ambassade de France, d'un colloque sur l'environnement avec la participation des représentants de grands groupes industriels ; signature d'un accord de coopération entre les chambres de commerce et d'industrie de Nancy et de Homs ; accord de partenariat entre les villes de Lyon et d'Alep...
Le président de l'Union des chambres de commerce et d'industrie de Damas a appelé de ses voeux, à l'instar d'autres personnalités du monde politique ou économique rencontrées par votre délégation, une plus grande présence économique française en Syrie. Il a noté en particulier le rôle que pouvaient jouer les investissements français dans les secteurs du textile, de l'agro-alimentaire et du tourisme.
. Une coopération culturelle très dynamique
La coopération poursuivie avec la Syrie apparaît exemplaire à maints égards. Elle s'appuie sur une enveloppe budgétaire dont le montant a été grosso modo préservé dans un contexte de régulation des enveloppes des services extérieurs (20 millions de francs en 1999 et 19,2 millions de francs en 2000). L'effet change lié à la hausse du dollar pèsera toutefois de manière significative sur les moyens d'action en 2000. Il devra donc être pris en compte dans le cadre des prochaines allocations de crédits.
La coopération universitaire constitue l'axe privilégié des actions de la France en Syrie (7,2 millions de francs, soit le tiers de l'enveloppe totale). Elle s'est traduite, depuis cinq ans, par la mise en oeuvre d'un programme de formation doctorale des assistants des universités syriennes. Ce programme se signale par trois traits remarquables ; il implique largement la partie syrienne (notamment sur le plan financier puisque les coûts de scolarité et d'hébergement lui sont à charge) ; il s'accompagne, en amont, d'un programme d'appui au développement de l'enseignement de la langue française dans les départements de français des universités syriennes et, en aval, de l'attribution de bourses de stage qui permettent aux anciens boursiers du gouvernement français de maintenir les liens avec les universités françaises dans lesquelles ils ont suivi leurs études.
La mise en place d'un système d'enseignement supérieur efficace constitue un enjeu essentiel pour un pays qui compte quelque 100 000 étudiants. Le ministre de l'enseignement supérieur, M. Hassan Riche, a souligné devant votre délégation sa volonté de renforcer la qualité de cette formation. Il s'est félicité des actions menées en coopération avec la France. D'autres initiatives pourraient être prises notamment dans des domaines où la France dispose d'un savoir-faire reconnu comme le télé-enseignement qui répond en Syrie à un réel besoin compte tenu de l'éloignement de certaines zones géographiques de tout centre universitaire.
Le secteur audiovisuel constitue un autre volet important de notre coopération. Plusieurs actions de formation ont d'ores et déjà été entreprises avec le concours des opérateurs français -CFI, RFI, France Télévision. Les efforts devraient trouver un prolongement dans le cadre d'une programmation pluriannuelle.
Notre coopération s'appuie, par ailleurs, sur un réseau d'institutions remarquable. Faut-il rappeler l'importance de l'Institut Français d'Archéologie du Proche-Orient (l'IFAPO) et de l'Institut Français d'Etudes Arabes de Damas (l'IFEAD), pôles d'un savoir inestimable sur l'histoire du Proche-Orient ? Le Centre culturel français de Damas constitue une réalisation remarquable tant par son installation que par ses activités. Son rayonnement se manifeste également par la présence d'une antenne à Alep et par le Centre de ressources sur la France contemporaine dont les nouveaux locaux ont été inaugurés en 1999. Le Centre culturel, outre sa programmation culturelle, assure des cours de français pour un large public (1 600 inscrits à la session d'octobre 1999). Il constitue, avec le Lycée français de Damas, l'un des vecteurs de la francophonie en Syrie.
Le français , langue étrangère dominante jusqu'en 1967 -année marquée par la nationalisation des écoles syriennes- est depuis lors largement supplanté par l'anglais dans le système éducatif. Aujourd'hui 260 000 élèves apprennent le français dans le secteur public. Le Gouvernement syrien a cependant décidé, après une phase expérimentale en 1999-2000, de généraliser l'enseignement d'une deuxième langue vivante dans le secondaire. Cette mesure devrait bénéficier à notre langue.
CONCLUSION
Les déclarations et les initiatives du nouveau chef de l'Etat ne sont pas encore suffisamment nombreuses pour faire apparaître une ligne d'action bien arrêtée.
Il serait donc prématuré de se prononcer sur le cap que suivra le président Bachar. Du moins, votre délégation a pu prendre une mesure plus précise de la marge d'action dont dispose le successeur d'Hafez al-Assad pour imprimer sa marque sur la politique syrienne. Elle présentera les conclusions qu'elle tire de son déplacement en Syrie sous forme de trois observations.
. Première observation : les perspectives de changement soumises à plusieurs contraintes.
L'héritage des trente années de pouvoir d'Hafez al-Assad compte, à l'actif, une indéniable stabilité politique mais aussi, au passif, un système politique marqué par de nombreux blocages.
La prise de fonction du Président Bachar al-Assad a montré la solidité du régime. Cependant, toute ouverture politique et économique risque de remettre en cause les intérêts du cercle restreint qui constitue aujourd'hui le principal appui du chef de l'Etat. Sans doute lui faudra-t-il d'abord élargir ses appuis avant d'engager les réformes nécessaires. L'appel à la patience lancé par le nouveau Chef de l'Etat ne doit pas être interprété, selon un des membres du gouvernement interrogé par votre délégation, comme un refus de réforme. Le changement, s'il se concrétise, prendra du temps et, à échéance rapprochée, la continuité l'emportera.
La population se satisfera-t-elle de perspectives aussi lointaines ? Certes, elle est aujourd'hui soumise à un encadrement rigoureux. Cependant, le pouvoir tolère aussi certaines entorses aux règles en vigueur. A titre d'exemple, les antennes paraboliques, en théorie prohibées, couvrent un nombre croissant d'habitations. De même, bien que toute manifestation d'appartenance religieuse soit proscrite par le système éducatif, le voile est désormais admis à l'école. D'une manière générale, de l'avis de nombreux observateurs, l'Islam rencontre un écho croissant au sein de la société syrienne. Le pouvoir a su ainsi témoigner d'une certaine souplesse. Saura-t-il, cependant, garder sous contrôle les aspirations de la population syrienne alors que la figure tutélaire et largement incontestée du président Hafez al-Assad a disparu ?
Parallèlement, en effet, l'environnement régional connaît d'importantes mutations : ainsi les pays voisins de la Syrie (le Liban, la Turquie, la Jordanie) ont choisi la voie de la libéralisation pour moderniser leur économie.
Une opinion publique syrienne mieux informée aspire à l'élévation de son niveau de vie. Le gouvernement a d'ailleurs récemment consenti une augmentation des traitements de la fonction publique. Pourra-t-il se dispenser de réformes plus profondes ?
Au-delà du souhait de l'amélioration matérielle des conditions de vie, l'espoir d'une plus grande ouverture politique a trouvé une première expression publique avec le manifeste pour l'instauration d'un Etat de droit rendu public en septembre 2000 et signé par 99 intellectuels. L'écart risque ainsi de se creuser entre les aspirations de la population et le rythme incertain du changement.
. Deuxième observation : la continuité dans les orientations de politique étrangère.
Les interlocuteurs de votre délégation qui s'exprimaient avant l'aggravation de la tension dans la région ont réitéré les positions traditionnelles de la Syrie sur les deux grands sujets de politique étrangère que sont le Liban et la paix avec Israël.
Ainsi, les forces syriennes, présentes dans le pays du cèdre à la demande des autorités libanaises, se retireront dès que ces mêmes autorités en auront exprimé le souhait. Compte tenu de l'influence de Damas sur le pouvoir politique à Beyrouth, il ne fait pas de doute que la Syrie reste maître de son retrait du Liban. Rien n'indique aujourd'hui qu'elle envisage une évolution de sa présence militaire.
S'agissant du processus de paix avec Israël, les interlocuteurs de votre délégation ont rappelé que la Syrie était disposée à reprendre les discussions dès que possible, sur la base de la reconnaissance préalable par Israël de la frontière du 4 juin 1967. Sans doute, la paix présenterait-t-elle de nombreux avantages pour la Syrie. Elle pourrait aussi ne pas être sans effet déstabilisateur. En effet, le régime a fondé en partie sa légitimité vis-à-vis de l'opinion syrienne et son influence dans le monde arabe, sur une position d'intransigeance à l'égard d'Israël. Comme l'a observé un ministre syrien devant votre délégation, les Syriens ont été " abreuvés d'anti-israélisme et de nationalisme arabe " pendant des décennies. La position prééminente de l'armée en Syrie repose aussi, en partie du moins, sur la situation de " paix armée " avec l'Etat hébreu. Dans ces conditions, les conséquences intérieures d'un accord de paix seront sans doute soigneusement pesées. La paix, si elle devait se conclure, ne susciterait sans doute pas un sentiment d'enthousiasme dans l'opinion publique. Il est vrai que le Président Bachar, dans l'hypothèse de la signature d'un accord, pourrait obtenir l'adhésion des Syriens en se prévalant de la fidélité à une orientation fixée par son père dont l'action reste incontestée.
Pour l'heure, la relance des négociations dans le contexte marqué par les affrontements entre Israéliens et Palestiniens est exclue. Cependant, il faut souligner que les Syriens ont observé une certaine retenue depuis les événements d'octobre dernier et se sont alignés sur la position plutôt modérée adoptée par le Sommet de la Ligue arabe, le 21 octobre. Sans doute faut-il voir là tout autant le signe de la défiance habituelle des dirigeants syriens vis-à-vis de l'action de Yasser Arafat que la volonté de ne pas commettre l'irréparable avec Israël, afin de préserver autant que possible les acquis indéniables obtenus au cours des différents cycles de négociation avec l'Etat hébreux.
. Troisième observation : une volonté déterminée de renforcer les liens avec la France.
La Syrie redoute de se laisser enfermer dans un tête à tête avec Israël et les Etats Unis qui la soumettrait à une pression trop forte. C'est pourquoi elle ne peut trouver qu'avantage à une plus grande implication de l'Union européenne dans le cadre du processus de paix. La participation de la Syrie au partenariat euro-méditerranéen répond ainsi davantage à des considérations politiques qu'économiques -même si les perspectives d'une aide financière ne sont naturellement pas tenues pour négligeables par Damas. L'objectif de libre échange, inscrit dans le futur accord d'association, ne semble pas susciter un grand enthousiasme de la part des autorités syriennes et les négociations en cours sur ce texte traînent en longueur.
La Syrie compte beaucoup sur la France pour favoriser le rapprochement souhaité avec l'Europe. En effet, à la période de tension des années 80 a succédé un réchauffement sensible depuis dix ans de nos relations.
S'il existe encore des appréciations différentes, notamment sur la présence militaire au Liban, le climat entretenu paraît propice au renforcement de nos liens. La France y a, pour sa part, tout avantage. La capacité de Paris d'obtenir une écoute attentive des autorités syriennes peut permettre à notre pays de jouer un rôle utile de médiation reconnu d'ailleurs, de manière positive et pour la première fois, par un Premier ministre israélien lors de la visite de M. Barak à Paris en 1999.
La qualité des relations avec la Syrie constitue, dès lors, un atout indéniable pour mieux faire entendre la voix de la France et de l'Union européenne dans le processus de paix.
Ce renforcement peut s'appuyer sur une coopération culturelle dynamique qu'il convient encore d'intensifier. A cet égard, votre délégation souhaiterait attirer l'attention sur quelques aspects ponctuels, certes, mais importants. Les crédits devront d'abord être réajustés en raison de l'effet change négatif lié à la hausse du dollar. Ensuite, la construction de l'Ecole française de Damas devrait être accélérée ; la Syrie a fait un geste significatif en libérant un terrain occupé jusqu'à présent par des militaires et attend désormais des initiatives concrètes de la part de notre pays. Dans le domaine des visas, on doit déplorer l'insuffisance notable des effectifs de notre consulat de Damas.
Sur le plan économique, il faut se féliciter du dynamisme dont témoigne notre ambassade à Damas, même si l'intérêt des investisseurs français dépendra avant tout de l'évolution d'un cadre réglementaire et législatif jugé aujourd'hui trop contraignant.
Au-delà des confrontations, le passé a façonné entre la France et la Syrie de véritables affinités, en particulier dans le domaine de la langue et de la culture. Il appartient aujourd'hui à nos deux pays de faire fructifier ce legs et de poursuivre leur rapprochement. L'ouverture démocratique, économique et diplomatique de la Syrie, si elle se concrétise, permettrait certainement de progresser dans cette voie.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de la séance du mercredi 25 octobre 2000.
A la suite de l'exposé de M. Serge Vinçon, M. André Dulait a relevé que les positions très favorables au changement exprimées devant la délégation par le ministre syrien du Plan, sont demeurées très isolées. Il est revenu en outre sur l'étroitesse des liens tissés par la Syrie avec le Liban, en évoquant l'intensité des flux commerciaux entre les deux pays. Enfin, il a noté que, même si les relations entre la Syrie et la Turquie se sont récemment apaisées, Damas reste préoccupée par le rapprochement entre les autorités turques et israéliennes, ainsi que par les projets turcs d'aménagement de l'Euphrate.
M. André Boyer, après avoir souligné que les voies de pénétration commerciale vers la Syrie passaient traditionnellement par le port de Beyrouth, dont les infrastructures avaient beaucoup souffert de la guerre, s'est interrogé sur l'organisation actuelle des échanges entre la Syrie et le reste du monde. M. Serge Vinçon a précisé à cet égard que si le Liban reste une porte d'accès vers la Syrie, les autorités de Damas ont favorisé le développement de deux grands ports sur le territoire syrien, à Lattaquié et Tartous.
A M. Paul Masson qui l'interrogeait sur les manifestations de la présence française en Syrie, M. Serge Vinçon, après avoir souligné les marques d'intérêt pour la France rencontrées par la délégation pendant son déplacement, a rappelé que le français est la deuxième langue étrangère pratiquée en Syrie. Il a souligné l'importance de nos institutions culturelles et le rôle du lycée français de Damas dans la formation des élites syriennes. Enfin, il a observé que la France est devenue en 1999 le premier partenaire économique de la Syrie. Il a également précisé, à l'intention de M. Hubert Durand-Chastel, qu'à la suite de la visite du Président de la République à Damas en 1996, les autorités syriennes ont libéré un terrain, occupé auparavant par l'armée, afin de permettre la construction de nouveaux locaux pour le lycée français. Il a regretté à cet égard que les travaux, sous la responsabilité de la partie française, n'aient pas encore commencé.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur la position syrienne face au retrait des forces israéliennes du sud du Liban. Il a également demandé des précisions sur les relations entre la Syrie et le Hezbollah. M. Serge Vinçon a indiqué que la Syrie aurait souhaité que le retrait israélien intervienne dans le cadre d'un accord de paix global. Il a ajouté que les interlocuteurs de la délégation n'avaient pas souhaité s'exprimer sur les rapports entre la Syrie et le Hezbollah. Il a ajouté que la transformation de ce mouvement libanais comme force politique classique pouvait être remise en cause par l'aggravation de la situation actuelle au Proche-Orient.
Enfin, M. Serge Vinçon a indiqué à M. Christian de La Malène que le nationalisme arabe, dont la Syrie était historiquement l'un des plus ardents promoteurs, ne trouvait pas réellement de traduction pratique, compte tenu, notamment, des relations très distantes entre Damas et Bagdad.
La commission a alors autorisé la publication de cette communication sous forme de rapport d'information .
ANNEXE -
PROGRAMME DE
LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE
EN SYRIE
MERCREDI 13 SEPTEMBRE |
|
11 h 30 |
Entretien à l'Assemblée du Peuple avec le groupe d'amitié France-Syrie |
13 h |
Entretien avec le Général Moustapha TLASS, Vice-Premier Ministre et Ministre de la Défense |
14 h |
Déjeuner avec les agents du service de coopération réunis en séminaire |
16 h |
Départ pour une visite du Golan |
20 h 30 |
Départ pour le village de Maaloula - cérémonie liée à la fête de la Sainte-Croix Dîner offert par M. Dahdouh, Député, Président du groupe d'amitié France-Syrie à l'Assemblée du Peuple |
JEUDI 14 SEPTEMBRE |
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9 h 00 |
Entretien avec M. Mustafa MIRO, Premier ministre |
10 h 00 |
Entretien avec M. Rateb CHALLAH, Président de la Fédération des Chambres de Commerce et d'Industrie |
11 h 00 |
Entretien avec M. Adnan OMRAN, Ministre de l'Information |
12 h 00 |
Entretien avec M. Hassan RICHE, Ministre de l'Enseignement supérieur |
14 h 00 |
Déjeuner à la résidence avec la Vice-Ministre des Affaires étrangères, Mlle Siba Nasser |
VENDREDI 15 SEPTEMBRE |
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9 h 00-12 h 00 |
Entretiens avec les responsables français chargés de la coopération culturelle - Centre Culturel français |
Visite de l'Institut Français d'Etudes Arabes (IFEAD) et de l'Institut Français d'Archéologie du Proche-Orient (IFAPO) Visite du Centre de ressources sur la France contemporaine Visite du terrain de la future école française de Damas |
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12 h 30 |
Visite du Consulat - Entretien avec Mme la Consule |
* * * ALEP |
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20 h 00 |
Entretien avec M. Issam ZAIM, Ministre du Plan |
21 h 00 |
Dîner au " Club d'Alep " avec le Vice-Président du Parlement et Mme Abdallah Moussall |
SAMEDI 16 SEPTEMBRE |
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10 h 00 |
Entretien avec M. Omer Sabbagh, économiste |
11 h 30 |
Visite de l'Agence culturelle, de la Chancellerie détachée et de l'Ecole française |
* * * DAMAS |
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20 h 00 |
Entretien avec M. QADDOURA, Président du Conseil du Peuple |
La disparition d'Hafez al-Assad qui avait présidé aux destinées de la Syrie pendant trente ans et l'avènement de son fils, Bachar, à la tête de l'Etat annoncent-ils une ère de changement ?
Le présent rapport, établi à la suite du déplacement d'une délégation de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées en Syrie, du 12 au 17 septembre 2000, s'interroge sur les orientations politiques et économiques du nouveau pouvoir, ainsi que sur les inflexions que pourrait connaître la politique étrangère de ce pays. Il réunit notamment les éléments susceptibles de permettre une meilleure compréhension de la position de la Syrie face à la récente exacerbation de la tension dans la région.
* 1 Source : P. Rondot, la Syrie, Presses Universitaires de France, 1998.
* 2 H. Batatu, Syria's Peasantry, Princeton University Press.
* 3 Ces informations sont redevables à l'étude " Le Moyen-Orient et l'eau ", A. Dulait et F. Thual, Centre de réflexion et d'étude sur les problèmes internationaux (CRESPI), juin 2000.