II. UNE OUVERTURE ÉCONOMIQUE A PAS COMPTÉS
Soumise à des contraintes naturelles fortes, l'économie syrienne a subi de plus, ces dernières années, une conjoncture particulièrement difficile. Si les signes d'une embellie se laissent aujourd'hui entrevoir -notamment grâce à la hausse du cours du pétrole-, la vigueur de cette orientation plus favorable dépend de réformes structurelles dont la mise en place est restée, jusqu'à présent, prudente.
A. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE CONTRAIGNANT
1. Un potentiel contrasté
Pays désertique pour plus de la moitié de son territoire, la Syrie supporte des contraintes fortes, au premier rang desquelles la rareté de l'eau. Certes, elle dispose de gisements de pétrole, mais elle peut difficilement fonder son développement sur une ressource dont les réserves sont limitées.
a) Une contrainte forte : l'eau
L'inégale répartition des pluies et leur irrégularité constituent un facteur de vulnérabilité évident, alors même que les besoins en eau n'ont cessé de croître. En effet, même s'il tend à se ralentir aujourd'hui, l'accroissement annuel de la population -de l'ordre de 3,5 %- a longtemps figuré parmi les taux les plus élevés du monde. Estimée à 16,5 millions d'habitants, la population syrienne devrait dépasser 20 millions à l'horizon 2005. A ressources constantes, la disponibilité en eau passerait entre 1995 et 2005 de 1 300 m3 par habitant sur une année à 1 000 m3, niveau en dessous duquel l'eau, d'après les experts, constitue une entrave au développement.
L'urbanisation influe, par ailleurs, sur les modes de consommation et tend à accroître la demande en eau. Les villes -comme Damas et Alep qui comptent chacune quelque 3 millions d'habitants- connaissent des problèmes récurrents d'approvisionnement, liés en particulier à l'épuisement progressif des nappes phréatiques. Cet été, la distribution d'eau à Damas n'était assurée que pendant trois heures.
En outre, l'agriculture occupe encore près de 30 % de la population active et représente 30 % du revenu national (l'orge, le blé et le coton, base d'une industrie textile importante, constituent les principales productions). Elle absorbe près de 80 % des besoins en eau du pays. Dans ces conditions, l'économie dans son ensemble apparaît largement tributaire de l'eau et les sécheresses enregistrées ces trois dernières années ont largement pesé sur la croissance.
C'est pourquoi les autorités syriennes ont cherché à utiliser le mieux possible les ressources des trois principaux bassins hydrologiques dont dispose le pays.
Les cours de l'Euphrate et de deux de ses affluents, le Khabour et le Balik, ont été utilisés grâce à la mise en place de plusieurs barrages.
La construction, en 1975, du barrage de Taqba a notamment permis la création d'un lac de retenue de 640 km2, le lac Assad. Ces différentes installations permettent l'irrigation de quelque 200 000 hectares de terres. 3 ( * )
Le Tigre (dont les Syriens ont décidé d'utiliser plusieurs milliards de m3 d'eau pour irriguer ce qui fut l'une des régions agricoles les plus riches de l'Antiquité) et l'Oronte constituent les deux autres bassins hydrologiques indispensables au développement de l'agriculture.
Trois décennies d'investissements continus ont porté leurs fruits : au terme du 8 ème plan (1994-1998), le pays dispose, d'après les estimations gouvernementales, d'une capacité de stockage de 17 milliards de m3 et la superficie des terres irriguées s'élève à 1,3 millions d'hectares. Le pays est parvenu, comme l'a indiqué le premier ministre à votre délégation, à l'autosuffisance dans plusieurs secteurs tels que les céréales, les fruits et légumes.
Cependant, la Syrie n'est que la " puissance aval " des fleuves lui fournissant l'essentiel de ses ressources : l'Oronte vient du Liban et se jette en Turquie ; surtout, l'Euphrate et le Tigre ont leur source en Turquie. Cette situation, source de contentieux entre la Syrie et ses voisins, demeure un facteur de vulnérabilité pour l'économie du pays.
Sans doute, certaines adaptations techniques permettraient-elles d'améliorer les conditions d'utilisation actuelles des ressources en eau (de 20 à 60 % de l'eau seraient perdus en raison de la vétusté des canalisations ou de l'évaporation due au non recouvrement des canaux en zone désertique). Une révision de la politique de tarification pourrait également favoriser certaines économies ; elle paraît cependant exclue : la garantie d'une eau à bon marché constitue en effet un élément indéniable du soutien apporté par le monde rural au pouvoir.
b) Un atout fragile : le pétrole
Peu prodigue en eau, la nature s'est montrée plus généreuse en dotant les sous-sols de réserves d'hydrocarbures. Un oléoduc relie les gisements situés aux confins orientaux du territoire (à la frontière avec la Turquie et l'Irak), aux raffineries de Homs et Banyas et au port de Tartous. La production a connu un développement rapide : elle assure 15 % du produit intérieur brut et plus de la moitié des recettes d'exportation .
Cependant, la durée d'exploitation des gisements ne devrait pas dépasser une dizaine d'années . Après un pic de 610 000 barils/jour en 1995, la production décline lentement (560 000 barils/jour en 1999). C'est pourquoi les autorités privilégient désormais deux axes d'action :
- le développement des champs déjà exploités, grâce à l'apport de capitaux et de technologies nouvelles dont seules les grandes compagnies internationales disposent ;
- la substitution du pétrole par le gaz, afin notamment de réserver à l'exportation le fuel actuellement brûlé dans les centrales thermiques.
* 3 Ces informations sont redevables à l'étude " Le Moyen-Orient et l'eau ", A. Dulait et F. Thual, Centre de réflexion et d'étude sur les problèmes internationaux (CRESPI), juin 2000.