2.3.2. LA MÉDECINE PRÉDICTIVE
Depuis
une dizaine d'années l'accélération de la connaissance des
gènes impliqués dans les maladies héréditaires a
permis la mise au point de nombreux tests génétiques.
L'apparition de la technologie des biopuces va amplifier ce
phénomène en favorisant la diffusion massive de tests
bientôt peu coûteux et d'utilisation facile.
Les tests génétiques ont pour caractéristique de
réaliser, notamment chez des sujets à risque, un diagnostic avant
toute apparition de symptôme : on parle de tests prédictifs
puisqu'ils permettent de prédire une maladie potentielle.
Leur multiplication risque de poser de sérieux problèmes et devra
nécessairement s'accompagner de précautions, à prendre
dans trois domaines principaux.
2.3.2.1. Précautions pour l'analyse des résultats
Les
réponses fournies par les tests génétiques ne peuvent
,
compte tenu notamment de la complexité des gènes, de leur
interaction et de l'influence sur eux de l'environnement,
être
catégoriques
.
Certaines mutations génétiques décelées par
des tests ont des conséquences médicales très claires.
Ainsi, la polypose adénomateuse familiale, responsable de 1 % des
cancers colorectaux, est systématiquement corrélée
à une altération du gène APC, gène suppresseur des
tumeurs, situé sur le bras long du chromosome 5. Cette mutation
provoque toujours la formation de polypes intestinaux, l'évolution de
l'un de ces polypes au moins vers le cancer étant inéluctable.
En revanche, de nombreux autres diagnostics sont moins clairs. En effet,
les techniques de détection de mutation sont fiables en
elles-mêmes si elles sont pratiquées correctement. Mais, souvent,
elles ne permettent pas d'examiner la totalité du gène :
certaines mutations peuvent alors échapper à l'investigation.
Dans le cas des formes héréditaires de prédisposition au
cancer du sein (5 à 8 % des cancers), les deux gènes
impliqués (BRCA 1 sur le chromosome 17 et BRCA 2 sur le
chromosome 13) sont très longs, et ne peuvent être, en
l'état actuel de la science, totalement explorés. De plus
l'analyse ne porte que sur la région codante de cette portion d'ADN et
non sur les régions régulatrices du gène, dont les
lésions éventuelles ne peuvent être détectées.
Le résultat d'un test portant sur les gènes BRCA 1 et
BRCA 2 peut donc être :
- soit négatif : aucune mutation n'est décelée mais
elles ne sont pas toutes décelables...
- soit positif : une mutation est décelée mais elle ne signe
qu'une prédisposition à la maladie, celle-ci pouvant ne jamais
apparaître...
De nombreux autres tests ne permettent de diagnostiquer qu'une
prédisposition à la maladie : c'est le cas, par exemple, du
syndrome de Huntington ou du syndrome de Lynch (HNPCC :
hereditary non
polyposis colon cancer
) qui concerne 2 à 5 % des cancers
colorectaux et que les mutations des gènes MSH 2, MSH 6,
MLH 1, PMS 1 ou PMS 2 peuvent éventuellement provoquer.
Enfin, il faut toujours garder à l'esprit que les gènes
interagissent avec l'environnement, qui peut faire s'exprimer ou non les
prédispositions génétiques. On sait notamment combien le
mode de vie compte dans des maladies telles que le cancer.
2.3.2.2. Évaluation de l'utilité thérapeutique des tests
L'utilité thérapeutique du diagnostic est
avérée lorsqu'existe un traitement médical ou chirurgical.
Cet intérêt apparaît clairement pour certaines maladies
monogéniques pouvant bénéficier d'un traitement
médical simple (l'hémochromatose familiale ou la fièvre
méditerranéenne familiale).
Dans d'autres cas une solution chirurgicale est envisageable : pour la
polypose adénomateuse familiale dont l'évolution
cancéreuse est, ainsi qu'on l'a vu, inéluctable, une colectomie
totale est préconisée avec un bon pronostic vital.
De même, le syndrome de néoplasie endocrinienne multiple,
détecté grâce à une mutations du gène RET sur
le chromosome 10 et qui se traduit par des cancers de la thyroïde et
des parathyroïdes, peut être évité par un acte
chirurgical préventif.
La recherche de mutations génétiques a également un
intérêt incontestable dans le domaine de la
prévention :
- elle évite certains dépistages astreignants et
pénibles : les enfants des familles à risque chez qui aucune
mutation du gène APC n'a été détectée ne
sont pas soumis à des coloscopies répétées ;
- elle permet de mettre en place, chez les individus dont les mutations
génétiques signent la prédisposition à une maladie,
des examens préventifs fréquents qui permettent de déceler
une tumeur dès le début du processus de cancérisation et
d'accroître ainsi considérablement l'efficacité d'un acte
chirurgical. On peut citer le cas du cancer du sein ou de la prostate.
Toutefois, en dehors des cas précités de polypose
adénomateuse familiale ou de néoplasie endocrinienne, il faut se
garder de tout acte chirurgical préventif non justifié par la
découverte réelle d'une tumeur à l'occasion d'un examen de
dépistage : aux États-Unis, un test commercial de
détection des mutations du gène BRCA 1,
réalisé sur simple prise de sang, est proposé par
Affymetrix.
Nombreuses sont les femmes américaines qui ont passé ce test,
mais, hormis la connaissance de leur risque important de contracter ce cancer,
il n'est pas possible de prévoir, si elles le développeront (et
quand), s'il affectera le sein ou l'ovaire, sa gravité et sa
curabilité, etc.
Ceci entraîne chez les familles considérées à risque
des comportements psychologiques de détresse, de confusion et même
une exérèse des ovaires et une mastectomie double,
pratiquées " à titre préventif " chez des femmes
en bonne santé, qui n'auraient peut-être jamais, malgré la
présence du gène, développé de cancer.
En revanche, dans bien d'autres cas, les tests génétiques
n'ont qu'une fonction d'information, car aucune solution, préventive ou
curative, médicale ou chirurgicale n'existe. Leur rôle est alors
de lever le doute ou d'informer sur les risques de transmission du handicap aux
enfants.
C'est le cas de certains cancers : le syndrome de Li et Fraumeni, par
exemple, lié à une mutation rare du gène P 53 et qui
induit un risque élevé de développement de plusieurs
tumeurs de localisation variées.
C'est également le cas de quelques handicaps monogéniques rares
(certaines surdités ou cécités) et de maladies
monogéniques relativement fréquentes : myopathies,
chorée de Huntington
92(
*
)
; dans le cas de cette
dernière, les tests prédictifs montrent toutes leurs
limites : lorsqu'une personne est porteuse de la mutation
génétique de la chorée de Huntington, elle n'a aucune
certitude de développer la maladie mais elle a celle, en revanche, de ne
pouvoir disposer d'aucun traitement si la pathologie apparaît... Dans de
tels cas, un test génétique peut avoir des conséquences
psychologiques, personnelles ou familiales catastrophiques.
Il est indispensable de veiller à ce que ces tests ne soient pas
disponibles dans n'importe quelles conditions sur le marché et
d'organiser une prise en charge médicale et psychologique
.
La Fédération mondiale de neurologie et l'Association
Internationale Huntington ont émis des recommandations
précises : le test ne peut être réalisé que
chez un adulte à haut risque (frère, soeur, enfant d'un malade et
éventuellement petit-enfant, neveu ou nièce). La demande doit
être faite en toute liberté et en-dehors de toute pression. La
personne à risque doit avoir reçu toutes les informations
nécessaires et, avant de prendre la décision définitive de
passer le test, consulter des neurologues, généticiens et
psychologues. En cas de résultat défavorable un suivi
médico-psychologique peut être mis en place si la personne le
souhaite.
2.3.2.3. Préserver le droit de ne pas savoir et celui de ne pas faire connaître
" Le droit à " l'intimité
génétique " -la
genetic privacy
- va être l'une
des plus grosses revendications du prochain siècle ; dans l'agenda
politique et social de la plupart des pays, elle occupera la place qui fut
celle de la question des droits de l'homme et des droits civiques au
siècle dernier. À mesure que le nombre de victimes de diverses
formes de discrimination génétique augmentera, les gens vont
s'organiser afin que cette information génétique soit sous leur
propre contrôle, et non exploitée par n'importe quelle
institution. "
93(
*
)
La principale précaution à prendre en médecine
prédictive est de faire en sorte qu'aucune pression ne soit
exercée sur les personnes à risque pour qu'elles réalisent
des tests génétiques, et que la diffusion des résultats
des tests soit contrôlée : elle peut avoir des
répercussions sur la famille, le travail et dans le domaine des
assurances.
Il faut bien peser les
conséquences des tests
génétiques dans une famille
.
Si le test d'un membre d'une famille à risque ne révèle
pas de prédisposition à une maladie héréditaire,
les problèmes ne sont pas tous résolus pour autant. Certaines
études montrent que ceux qui ne sont pas porteurs d'un gène
muté rencontrent parmi les leurs des difficultés d'un autre
ordre : d'une part, la " maladie " demeure dans la famille et,
d'autre part, le hasard génétique qui épargne les uns et
affecte les autres est mal vécu.
Si le test révèle une prédisposition à une maladie
de nombreux problèmes se posent :
" Quelles sont les conséquences pour les individus de la
connaissance qu'ils portent un mauvais gène ? Cette connaissance
est-elle de nature à rendre le regard accusateur sur ses parents ou sur
son lignage ? À écraser le désir d'enfant sous un
sentiment de culpabilité ou sous un désir de
normativité ? Enfin, au sein du couple, quel peut être le
potentiel destructeur de la responsabilité d'un des parents dans la
transmission, à un enfant gravement atteint, d'un gène d'une
maladie dominante ?
Voilà quelques questions dont on peut faire
l'économie. "
94(
*
)
Enfin, l'information génétique n'est pas personnelle : une
personne indiquant à ses proches qu'elle est porteuse d'une mutation
génétique peut faire naître le doute dans l'esprit de ses
enfants aussi bien que de ses parents. Une telle information peut donc avoir
des répercussions graves sur les membres de la famille, à titre
personnel mais aussi, éventuellement, à titre professionnel et
dans le domaine des assurances si des règles de protection ne sont pas
clairement définies.
On peut craindre qu'à moyen terme, lorsque l'usage des tests
génétiques sera plus répandu, les entreprises ne
pratiquent une
sélection à
l'embauche
,
éliminant de certains postes les personnes atteintes d'une
prédisposition génétique défavorable.
Cette pratique discriminatoire peut être présentée dans un
premier temps comme un élément de médecine
préventive. En France, l'Institut national de la recherche et de la
sécurité pour la prévention des accidents du travail et
des maladies professionnelles a consacré un rapport à " la
médecine prédictive appliquée au travail ". Ces
travaux ont été approuvés tant par le Comité
consultatif national d'éthique que par le Conseil national du patronat
français et se situent dans un cadre préventif
précis : déterminer les bases biologiques et
génétiques de prédisposition à certaines
affections, pour éviter aux personnes qui en seraient porteuses
d'être exposées à un risque supplémentaire dans un
environnement professionnel éventuellement pathogène.
Il est impossible que les employeurs n'aient pas la tentation d'utiliser ces
tests dans d'autres buts. Dans un souci de rentabilité, ils chercheront
à améliorer l'adéquation entre l'employé et
l'emploi et surtout lutter contre une perte de productivité liée
à une susceptibilité anormale d'un employé à telle
ou telle maladie.
Une telle dérive, socialement inadmissible, se produira
inévitablement si la loi ne fixe pas des interdits.
Aux États-Unis, la discrimination génétique est
déjà très répandue. Jeremy RIFKIN, dans son
récent ouvrage " Le siècle biotech : le commerce des
gènes dans le meilleur des mondes "
95(
*
)
évoque deux
études ; la première, réalisée par
L. GELLER à Harward en 1996 montre que la discrimination
génétique est utilisée par les employeurs, les compagnies
d'assurance, les écoles et les agences d'adoption. Dans l'autre
enquête, il était demandé à des directeurs de
ressources humaines et des chefs d'entreprise s'ils utiliseraient les tests
génétiques quand ceux-ci seraient moins coûteux et plus
répandus ; beaucoup ont répondu par l'affirmative,
précisant que cela leur permettrait de mieux planifier les embauches et
l'avancement...
Dans le
domaine des assurances
, les problèmes de
sélections génétiques sont inégaux selon les pays
considérés et les risques couverts.
Aux États-Unis la situation est très
hétérogène. Près de la moitié des
États ont voté des lois interdisant la discrimination
génétique sur le lieu de travail, pour l'assurance maladie ou
d'autres types d'assurances. Mais, selon les États, ces interdictions
sont plus ou moins étendues et ne couvrent pas les mêmes champs.
Leur portée est donc relative. Le Congrès américain
dispose de plusieurs projets de loi sur la discrimination
génétique mais ils n'aboutissent pas car ils se heurtent
notamment aux intérêts des assureurs qui ont clairement
indiqué :
" Nous nous battons pour que les assurances aient
accès à toute l'information médicale existante, sans
distinction entre le dossier médical classique et l'information
génétique "
96(
*
)
Au Japon, l'Association japonaise de l'Assurance-Vie a présenté
en 1997 un rapport sur la nécessité de communiquer aux compagnies
d'assurance-vie lors de la signature d'un contrat les informations
génétiques de l'intéressé, si celui-ci en a
connaissance, concernant les risques d'une maladie spécifique. Ce
rapport n'a pas force contraignante mais reflète l'attitude des
compagnies face à l'utilisation des données
génétiques.
En Europe, le Royaume-Uni occupe une place particulière. Le Gouvernement
a décidé d'accepter les règles du jeu fixées par
l'ABI (Association of British Insurers), dans le secteur de l'assurance-vie.
Celles-ci se résument ainsi :
- quelle que soit la couverture du contrat, l'assureur ne peut obliger son
client à se soumettre à des tests génétiques ;
- un client qui a effectué des tests génétiques a
pour obligation de communiquer les résultats à son assureur avant
la signature de tout nouveau contrat ;
- jusqu'à 100 000 livres de couverture, soit
approximativement un million de francs, l'assureur ne peut pas utiliser les
résultats ;
- au-delà de ce montant, l'assureur est libre d'en tenir compte ou
non : en cas de prédisposition à une maladie grave, il peut
augmenter la prime d'assurance ou refuser d'assurer son client.
Les autres pays d'Europe se classent en non-interventionnistes (Allemagne,
Italie, Espagne et Portugal) et prohibitionnistes (Autriche, Norvège,
Suède, Belgique, Pays-Bas et France).
En France, la Fédération française des
sociétés d'assurance (FFSA) a décidé en mars 1999,
à l'unanimité de sa commission exécutive, de renouveler
pour une période de cinq ans l'engagement pris en 1994. Les assureurs se
sont donc engagés
" à ne pas tenir compte des
résultats de l'étude génétique des
caractéristiques d'un candidat à l'assurance, même si
ceux-ci leur sont apportés par l'assuré lui-même "
et à ne poser
" aucune question relative aux tests
génétiques et à leurs résultats dans les
questionnaires de risques "
. Ils ne demanderont pas à leurs
clients de se soumettre à des tests génétiques avant de
souscrire une assurance-vie et ne réclameront pas les résultats
de tests éventuellement réalisés auparavant.
Pendant ce moratoire,
il est indispensable que des règles
précises soient fixées par le législateur français,
particulièrement à l'occasion de la révision de la loi sur
la bioéthique de N° 94-654 du 29 juillet 1994
.
Il faut par ailleurs distinguer les conséquences d'une discrimination
génétique par les assurances en fonction des risques couverts.
- Dans le domaine de
l'assurance-vie
, des assureurs peuvent avoir
la tentation d'utiliser des informations génétiques.
Ils se protégeraient ainsi du risque
" d'antisélection " ou " sélection
adverse " : si un client est protégé par le
" droit au mensonge " l'évaluation du risque par l'assureur
est faussée. En effet, si quelqu'un, au vu des résultats d'un
test génétique, découvre qu'il court un risque de
décès prématuré, il peut, en cachant ces
résultats à l'assureur, contracter une assurance d'un montant
considérable, faussant ainsi les calculs de l'assureur.
Cet argument est discutable car dans de nombreux cas, les
prédispositions génétiques à une maladie ne
conduisent pas, heureusement, au développement de la pathologie. Dans ce
cas si la majorité de ceux qui ont une prédisposition
prouvée prend une assurance-vie surdimensionnée, les assurances
ne courent qu'un seul risque : celui de voir leur bénéfice
s'accroître...
En tout état de cause, dans le domaine de l'assurance-vie, il est
indispensable d'aboutir rapidement à la rédaction de directives
européennes garantissant la non-discrimination génétique
tout en plaçant l'ensemble des assureurs européens dans la
même situation afin de ne pas fausser les règles de la concurrence.
C'est dans cet esprit que se situe la convention de bioéthique
européenne qui vise, à terme, à protéger les
citoyens des quarante et un États membres du Conseil de l'Europe contre
" les applications abusives des progrès biologiques et
médicaux ". Cette convention, élaborée en 1994,
entrera en vigueur le 1
er
décembre 1999 car elle vient
d'être ratifiée par un cinquième pays, le Danemark, en
août 1999 (la lenteur de sa ratification souligne la difficulté
qu'éprouvent les pays européens à prendre des positions de
principe communes sur les résultats des tests génétiques
personnels et l'usage scientifique de l'embryon humain).
En ce qui concerne la génétique, cette convention interdit toute
forme de discrimination à l'encontre d'une personne en raison de son
patrimoine héréditaire et n'autorise les tests prédictifs
de maladie génétique qu'à de strictes fins
médicales.
- Dans le domaine de l'
assurance maladie
, la situation est
très différente si l'on se place dans un système
privé ou public.
Aux États-Unis la discrimination génétique pourrait avoir
des conséquences graves si les assurances privées refusent de
couvrir le risque maladie et invalidité des personnes dont les tests
génétiques sont négatifs, laissant sans assurance ceux qui
en ont le plus besoin.
Dans une telle situation, on peut même craindre que nombre de personnes
renoncent à passer des tests génétiques, même s'ils
sont recommandés par leur médecin, simplement pour ne pas risquer
de perdre leur contrat d'assurance ou de payer une très forte surprime.
Dans les pays où la solidarité sociale est organisée par
l'État, le problème est beaucoup moins grave.
En Grande-Bretagne, la Nuffield Foundation sur la bioéthique a
rappelé, en 1993, qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter tant
que l'assurance santé dépendait principalement du secteur public.
En France, le système de sécurité sociale constitue la
meilleure garantie contre l'exclusion de ceux qui ont des
prédispositions génétiques inquiétantes. En effet,
seule une assurance maladie universelle, non discriminante par essence,
permettra de conserver une réelle solidarité
.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le sujet
de ce rapport, génomique et informatique, sous des titres et des
approches comme des présentations différentes, a fait
récemment l'objet de deux publications importantes ; l'une est due
au Conseil économique et social sous le titre
: " La
France au défi des biotechnologies : quels enjeux pour
l'avenir "
adoptée le 7 juillet 1999. L'autre a pour
origine l'Académie des Sciences avec comme titre
" Développement et applications de la génomique.
L'après-génome "
, présenté à la
presse le 8 septembre 1999.
Il me semble que ces trois rapports se complètent plus qu'ils ne se
répètent, soit par la volonté du Conseil économique
et social d'embrasser plusieurs domaines marqués par les
biotechnologies, de l'humain à l'agriculture en passant par
l'alimentation, avec une attention particulière aux aspects
" éthiques " de ce défi, soit par l'ampleur et le haut
niveau scientifique de celui de l'Académie des Sciences auxquels les
notes personnelles de participants prestigieux donnent une valeur
inédite par leur pertinence.
Tenter d'en faire un résumé serait déplacé dans ce
rapport demandé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques. En présenter quelques-unes des
conclusions sans développer le cheminement intellectuel comme
scientifique ou technique les altéreraient trop.
Le rapport que m'a confié l'Office permet de poursuivre le but principal
de cette délégation : mettre à la disposition des
parlementaires les éléments de connaissance et de
compréhension d'évolutions prévisibles d'une
société, dans laquelle ils ont cette responsabilité
spécifique qu'ils ne peuvent transférer à nul autre,
contribuer à ce que la loi soit dite.
Les recommandations que je me permets de suggérer sont, me semble-t-il,
une façon efficace de fournir des arguments, des éléments
de réflexion et de proposition, au législateur.
LES RECOMMANDATIONS
POUR LA RECHERCHE |
||
I. Au niveau des structures |
||
|
Renforcer les partenariats public-privé en les structurant dans deux directions : |
|
|
- |
La collaboration des chercheurs publics avec les grands groupes pharmaceutiques ; |
|
- |
La collaboration des chercheurs publics avec les petites entreprises de biotechnologies (qui ont souvent elles-mêmes noué des liens avec les groupes) ; |
|
Le partenariat public-privé trouve tout son sens dans le processus de découverte de nouveaux médicaments : compte tenu de l'investissement (3 milliards de francs) et du temps (12 ans) nécessaire pour la mise au point d'une nouvelle molécule thérapeutique, les grands groupes pharmaceutiques , dont aucun ne représente plus de 5 % du marché mondial, procèdent actuellement à une externalisation de leur recherche (près d' un tiers du budget de recherche-développement en moyenne, contre 4 % en 1994) et ont besoin de nombreux partenaires. |
|
|
Valoriser la recherche publique, inciter les chercheurs
à
créer des entreprises ou à exercer des fonctions de consultant
auprès des entreprises innovantes, ces consultations devant se situer un
contexte de transparence. Il convient, au minimum, d'inciter les chercheurs
à réfléchir aux débouchés éventuels
de leurs résultats en terme de produits.
Utile dans de nombreux
secteurs scientifiques, cette valorisation de la recherche publique est
indispensable dans le domaine de la génomique
.
|
|
|
Favoriser les réseaux composés de partenaires publics et privés (nationaux et internationaux), sur le modèle notamment du réseau Génoplante . |
|
|
|
|
II. Au niveau des orientations |
||
|
Affiner
la connaissance de l'ADN (zones non codantes, épissage,
régulation génétique, microsatellites...) et des
protéines (la
protéomique
) ; développer la
recherche en
biologie structurale
;
|
|
|
Favoriser la recherche et le développement des biopuces en France dans deux directions : la synthèse in situ et la détection des hybrides. |
|
|
|
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POUR L'INDUSTRIE |
||
I. Le tissu industriel |
||
|
Aider les start-up de biotechnologie en intensifiant les efforts réalisés depuis 1998 dans le domaine du capital-risque et en multipliant les bio-incubateurs ; |
|
|
Favoriser le développement des biopôles, organiser la sélection des meilleurs et leur coopération . Dresser un inventaire exhaustif des atouts de chaque région dans le domaine de la génomique en recourant systématiquement à des experts internationaux afin que la labellisation " biopôle " soit reconnue à l'étranger. |
|
|
|
|
II. Les brevets |
||
|
Mettre en place à l'Institut national de la propriété industrielle une cellule de réflexion, à laquelle participeraient des responsables des entreprises de génomique, afin d' étudier les conséquences de la création du SNP 97( * ) Consortium en avril 1999 et de réorienter éventuellement la stratégie de brevetabilité de l'information génétique . |
|
|
|
|
POUR LA SOCIÉTÉ |
||
I. La formation professionnelle |
||
|
Les biologistes : |
|
|
- |
développer l'enseignement de la biologie du XXIe siècle ; |
|
- |
Encourager l'enseignement de cette discipline dans les universités situées près des biopôles ; instituer une option " informatique " dans tous les cursus de biologie ; créer des écoles doctorales proposant des spécialisation en génomique, biotechnologie et bio-informatique. |
|
|
|
|
Les médecins et les pharmaciens : |
|
|
- |
Enseigner la génomique dès le deuxième cycle ; rapprocher le DES de génétique (médecins) et le DES de biologie médicale (pharmaciens) en instituant des enseignements communs ; |
|
- |
Créer un troisième cycle de recherche sur le médicament, ouvert aux pharmaciens, aux médecins et aux biologistes ; |
|
- |
Proposer des " sessions de génomique " aux médecins et pharmaciens dans le cadre de la formation continue. |
|
|
|
|
Les bio-informaticiens : |
|
|
- |
Essayer
de
combler le besoin urgent de bio-informaticiens
en faisant
connaître aux informaticiens français l'intérêt de la
bio-informatique et en leur offrant dans un premier temps des
formations
courtes en biologie
; à plus long terme, permettre aux
scientifiques d'acquérir des compétences informatiques de bon
niveau et de proposer un modèle de formation " biologie
moléculaire " dans les enseignements d'informatique afin de
faciliter le dialogue entre le domaine du vivant et celui de l'ordinateur.
|
|
|
|
|
Les citoyens |
|
|
|
Créer une seconde école de l'ADN , par exemple à la Cité des Sciences et de l'Industrie ; |
|
|
Créer un parc à thème ludique et pédagogique, " GÉNOSCOPIA "... ? |
|
|
|
|
|
|
II. Dans le domaine de la médecine prédictive |
||
|
Veiller à ce que les tests de diagnostic génétique ne soient pas disponibles dans n'importe quelles conditions et organiser une prise en charge médicale et psychologique des individus ; |
|
|
Préserver le
droit de ne pas savoir et celui de ne
pas
faire connaître
:
|
|
|
|
|
* *
*
Les
progrès de la biologie modifient et enrichissent notre
compréhension des mécanismes de la vie ainsi que les modes de
production d'un grand nombre de domaines : agriculture, élevage,
agro-alimentaire, environnement et santé. Les domaines de la
santé humaine et de la médecine sont ceux qui
bénéficient le plus rapidement et profondément des apports
scientifiques et technologiques nouveaux.
La France doit prendre en compte cet état de fait et mobiliser ses
moyens pour que sa contribution à l'enrichissement de la connaissance
soit majeure et pour bénéficier aussi, à travers ses
industries, du fruit de ces progrès technologiques.
L'origine des progrès dans les sciences de la vie et de la santé
humaine tient à la maîtrise des connaissances de la
génétique et de ses outils que sont la génomique, la
protéomique, la bio-informatique. Dans le domaine de la recherche
médicale, celui de la recherche des thérapeutiques
médicamenteuses tire un plein avantage de la maîtrise de ces
outils. La France, pour des raisons qui tiennent à une perception
tardive de l'importance des enjeux, à un affaiblissement notoire de son
industrie pharmaceutique, à des efforts insuffisants de formation des
chercheurs dans ce domaine, doit maintenant faire l'effort de revenir dans le
jeu.
Plusieurs rapports sont produits sur l'importance du sujet et toutes les
recommandations convergent pour inciter les responsables politiques à
mobiliser des moyens massifs sur les programmes de recherche, le transfert des
connaissances, l'incitation à la création d'activités
nouvelles dans le domaine des biotechnologies et plus particulièrement
dans celui des technologies médicales et du médicament.
Elle
doit se lancer sans plus attendre dans la phase post-génomique : la
protéomique.
La France a su, dans son histoire, mobiliser ses moyens pour participer
pleinement aux enjeux scientifiques, techniques et industriels que
représentaient, au cours de ce siècle, l'énergie et la
vitesse. Les grands programmes de transport, de maîtrise de
l'énergie, de l'aéronautique et de l'aérospatiale ont
montré que la recherche, l'industrie et le pouvoir politique savaient,
quand il le fallait, se mobiliser sur les grands enjeux. Ceux des sciences de
la vie sont de même importance. Au sein de ce vaste domaine, ceux de la
santé et de la thérapeutique vont occuper une place majeure dans
nos sociétés. Les responsables politiques, à tous les
niveaux, doivent faire l'effort de compréhension du domaine et se
mobiliser pour doter notre pays des moyens de la recherche en génomique,
en protéomique et en bio-informatique. C'est un domaine prioritaire. La
formation des étudiants, des enseignants et des chercheurs doit prendre
cette priorité et cette urgence en compte.
EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE
L'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
s'est réuni le mercredi 13 octobre 1999 pour examiner le rapport de
M. Franck SÉRUSCLAT, sénateur.
M. Henri REVOL, président, sénateur, a remercié le
rapporteur pour la qualité des informations fournies aux membres de
l'Office sur la génomique et les biotechnologies, domaines qui
méritent qu'on leur porte un vif intérêt tant pour les
partenariats qu'ils induisent entre la recherche publique et la recherche
privée, que pour les créations d'entreprises qu'ils peuvent
susciter.
M. Jean-Yves LE DÉAUT, premier vice-président,
député, a souligné les liens qui existent désormais
entre la génomique et l'informatique. Il a rappelé les
priorités de la recherche française, fixées par le
Comité interministériel de la recherche scientifique et
technologique (CIRST) dans un sens favorable aux sciences du vivant. Il a
insisté sur la nécessité de maintenir les efforts
budgétaires en faveur de la génomique et de la
post-génomique. Rappelant l'excellence des travaux de l'Institut
national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), il a
exprimé le souhait que, dans un biopôle au moins, la collaboration
entre la biologie et l'informatique soit le résultat d'une
démarche des informaticiens en direction des biologistes et non
l'inverse.
Mme Michèle RIVASI, députée, a évoqué
l'opportunité d'une pluridisciplinarité plus ouverte, ne se
limitant pas à une coopération des biologistes et des
informaticiens. Elle a mis en lumière l'urgente nécessité
de prendre des mesures limitant l'accès aux résultats des tests
génétiques, afin notamment que les assureurs ou les employeurs ne
puissent pas en avoir connaissance.
À l'issue du débat, le rapport a été adopté
à l'unanimité et sa publication autorisée.
" RÉFLEXIONS POUR L'AVENIR : CONSULTATION DANS UN CABINET
MÉDICAL EN 2010 "
RÉFLEXIONS POUR L'AVENIR :
CONSULTATION DANS UN CABINET MÉDICAL EN 2010
Faut-il proposer une charte " éthique " ?
Le recours à des médicaments génomiques
entraîne-t-il des comportements nouveaux du médecin envers le
malade ? Faut-il proposer une charte " éthique ", sous
réserve de préciser le sens de ce terme, au prétexte
d'usage de copies conformes, chimiques et inertes, des composants du
génome humain ?
Dans la mesure où ils ne sont que des produits chimiques corrigeant des
déviances génétiques, comblant l'absence totale ou
partielle d'un gène manquant, chimiquement déterminé, le
médecin devrait-il avoir un comportement particulier envers celui auquel
il apporte ses soins ? Ce médicament génétique a
comme objet d'éviter la survenue ou d'effacer les effets d'un trouble
génique détecté par comparaison entre un génome
normal obtenu par décryptage portant sur les cellules somatiques
à l'exception des cellules germinales, autrement dit ne corrigeant que
les causes d'une maladie vécue sans intention d'en protéger une
descendance ?
Mais peut-on être assuré de n'intervenir que sur eux, de
maîtriser le parcours du virus vecteur, d'éviter une
déviance aboutissant à un chromosome terminal ?
Cette hypothèse contraint-elle à une charte différente du
serment d'Hippocrate ? Le respect du code de bonne conduite et la notion
de responsabilité sans cause ne sont-ils pas les garants d'un juste
exercice professionnel comme du respect des autres commandements en
vigueur ? Les pratiques thérapeutiques comme les actes chirurgicaux
ne sont-elles pas sujets à risques ?
L'objectif de ce rapport n'était pas la prise en compte de ces
questions : éventuellement, elles pourraient être le sujet
d'un nouveau rapport consacré aux " Sciences de la Vie et Droits de
l'Homme ". Il trouverait une partie de son sujet dans des réponses
à apporter aux préoccupations du Comité national
d'éthique qui souhaite que soient clairement distingués :
" - les diagnostics présymptomatiques qui permettent de mettre
en évidence l'existence d'une anormalité génétique
avant les manifestations cliniques qui peuvent en résulter ; il
s'agit souvent d'une maladie monogénique ; dans certains cas, une
action préventive et curative peut être proposée ;
dans d'autres pas (maladie d'Huntington) ;
- les diagnostics génétiques qui ont pour objet d'évaluer
le risque pour la descendance de l'individu testé, soit dans le cas
d'une famille " à risques " [...], soit dans le cas d'une
population plus particulièrement disposée à une affection
déterminée ;
- les diagnostics probabilistes de prédisposition à une
maladie grave qui ont pour objectif d'évaluer chez un individu le risque
de survenue de l'affection en comparaison de ce risque dans la population
générale "
98(
*
)
.
Lors de la conférence mondiale sur la science, à Budapest, du
26 juin au 1
er
juillet 1999, les interventions de
G. KURUDJIAN, directeur de la division de l'éthique des sciences et
des technologies comme de F. MAYOR, directeur général de
l'UNESCO, ont donné le sentiment que le respect de la déontologie
entourant les comportements professionnels, y compris demain le recours
à la thérapie génique, protège efficacement et le
médecin et le malade lors de leur rencontre professionnelle. Au cours de
cette conférence, et notamment du débat sur
" le possible
et l'acceptable -la science face à l'éthique ",
les
risques majeurs soulignés par les intervenants ne paraissent pas devoir
entrer dans une pratique ordinaire de la vie médicale, sauf
peut-être :
- les possibilités d'utilisation abusive de l'information
génétique sur les individus que peut détenir un
médecin ;
- l'acceptation de la modification thérapeutique des lignées
germinales ;
- la connaissance du gène de l'origine d'une maladie permettant aux
médecins de pratiquer le dépistage chez le foetus ou chez
l'enfant ou l'adulte, qui crée des possibilités, donc des
responsabilités nouvelles.
Mais ces réponses font partie des engagements normaux de tout
médecin et n'appellent pas une charte " éthique "
particulière.
Des risques nouveaux
Le recours à cette thérapeutique génétique n'est
pas exempte de surprises, voire même de risques, auxquels le
médecin devra prêter attention :
- des effets secondaires, comme en thérapie ordinaire, peuvent se
manifester ; le médicament étant une substance à
action physiologique ce risque devrait être plus rare et moins
spectaculaire ;
- une parfaite connaissance des effets d'un gène sera difficile
à acquérir. Le gène responsable d'une maladie et
identifié comme tel, peut, par combinaison d'effets avec d'autres
gènes, avoir un effet protecteur envers d'autres maladies. Ainsi, la
drépanocytose s'accompagne d'une protection contre le paludisme et un
diabète non insulino-dépendant s'accompagne d'une
résistance aux famines séculaires.
Donc, si on répare un gène, il faudra surveiller l'apparition
d'effets, différents de ceux provoqués par la
chimiothérapie conventionnelle où cette surveillance n'est pas
nécessaire :
- l'incapacité d'être certain que le vecteur traitant ne
touchera que les cellules cibles laisse possible des modifications de
gène dans toutes les cellules y compris les cellules gonosomiques
(c'est-à-dire porteuses de spermatozoïdes ou d'ovocytes) et de
transmettre la mutation à l'ensemble de l'organisme ou même
à la descendance. Ces mutations ont des effets inconnus : aucun
effet ou effet tumoral voire même de mutation de l'espèce.
Un exemple : agir sur les blastes serait faire bénéficier
d'un traitement plus efficace contre la mucoviscidose et plus définitif,
mais les blastes, cellules à division rapide, peuvent se
révéler oncogènes ; intervenir sur les cellules
gonosomiques des parents pour éradiquer la mucoviscidose sera une
tentation, mais sans certitude de ne pas provoquer des mutations inattendues.
- À l'étape zygotique (jusqu'à la morula par
exemple), un diagnostic génétique est possible, les tentatives
d'intervention pour corriger peuvent donner des mutations viables pas
forcément décelables et n'étant pas sûr de leur
devenir, avec le risque de créer des mutants viables donnant naissance
à un être humain ayant un génome anormal.
- L'homme est capable de créer des lignées de souris
hypersécrétantes en hormone de croissance qui leur donne des
muscles sans commune mesure avec les souris ordinaire. On peut envisager de
faire de même sur l'être humain pour créer des
" super-sportifs ".
Ces diverses perspectives, et bien d'autres, invitent à confier la
surveillance de la thérapie génique à des
pharmacologues-cliniciens, mais aussi à des
généticiens ; on ne doit pas compter sur une simple
surveillance clinique et biochimique, elle doit être aussi morphologique
et de l'ADN. On ne peut se contenter de l'observation des individus
traités : il faut s'intéresser à leur descendance.
Le matériel technique en 2010 :
Depuis plus de 150 ans, le médecin utilise la seringue de Pravaz,
depuis moins longtemps le stéthoscope a remplacé l'écoute
à l'oreille collée sur une serviette blanche dans le silence de
l'entourage, les appareils de radio pour scopies pulmonaires plus ou moins
douteuses ont totalement disparu après avoir fait quelques ravages parmi
les médecins utilisateurs et parfois les malades examinés. Les
classiques indications des analyses du sang avec leurs kyrielles de mises en
évidence et dosages dépassant depuis longtemps les banales
glycémies, urémies ou numérations globulaires et autres
signes caractéristiques de maladies restent utiles bien que moins
nécessaires.
Les développements des techniques modernes ont, au cours des
années, contribué au perfectionnement du diagnostic :
internet, intranet, lecteurs de CD-ROM et de disquette, analyse sur goutte de
sang ou d'urine, ordinateur et logiciels d'aide à la décision. Le
praticien dispose d'aides techniques qui quelquefois lui font oublier de
prendre le temps d'examiner son malade ; il fait, trop vite, recours et
confiance à l'ECSG, l'échographie, le scanner, la RMN...
Depuis quelques années, les lecteurs de génomes ou parties de
génomes sont entrés dans tous les cabinets médicaux :
ils permettent la découverte de la moindre altération, voire de
l'absence totale de certains gènes. La lecture nécessite une
formation plus délicate, plus élaborée que celle des
radioscopies classiques toujours utiles. Des laboratoires
spécialisés en analyse génétique permettent une
étude détaillée des risques décelables,
étude suggérée par le médecin traitant demandeur.
Des interrogations angoissantes
La connaissance de chaque gène, c'est-à-dire ce qu'il produit et
ce qu'il régit, devra faire partie de celle du médecin ;
pourra-t-il, seul, reconnaître sur un gène la déficience
d'une protéine, ou toutes autres causes d'une maladie ou devra-t-il
demander une analyse à des laboratoires spécialisés comme
il le fait déjà pour les composantes chimiques du sang ?
Après avoir appris à lire une radioscopie, une radiographie,
pourra-t-il lire une cartographie du génome humain ? Des
spécialistes pour chaque chromosome, capables de déceler les
causes d'une déficience seront-il les recours ?
" Lorsque les chercheurs auront trouvé et décodé
(" séquencé ") le gène responsable de telle
maladie et ce qui l'active ou la désactive, les médecins
devraient être en mesure de traiter la maladie en remplaçant
certaines des cellules " défectueuses " du malade par d'autres
dans lesquelles le gène visé sera sain... Encore embryonnaire, la
thérapie génique est coûteuse et ne réussit pas
toujours. Les gènes modifiés ne sont pas transmis aux enfants
du patient. Cependant la modification des gènes dans les ovules et
les spermatozoïdes (cellules germinales) d'un couple pourrait
éviter à leurs enfants d'être atteints d'une maladie
héréditaire dont l'un des parents ou les deux seraient porteurs.
Cette manipulation des cellules terminales est actuellement interdite chez
l'homme dans la plupart des pays... L'acceptation de la modification
thérapeutique germinale chez les êtres humains n'est-elle qu'une
question de temps après une période tabou initiale, comme ce fut
le cas pour la fécondation
in vitro
?
La connaissance du gène à l'origine d'une maladie permet aux
médecins de pratiquer le dépistage chez le foetus -ou chez
l'enfant ou l'adulte- pour déterminer si celui-ci en a
hérité. Mais quelle mesure faut-il alors prendre ? Certains
maladies héréditaires ne se manifestent pas avant l'âge
mûr. D'autres comme la mucoviscidose, ont des effets dès la
naissance. Faut-il interrompre la grossesse ? Dans la négative,
faut-il dire à l'enfant qu'il est atteindre de la maladie même si
celle-ci est incurable ? Les compagnies d'assurance ou les employeurs
doivent-ils avoir accès à l'information génétique
de leurs clients ou de leurs salariés ? Si l'interruption de
grossesse paraît justifiée en cas de mucoviscidose, qu'en est-il
de l'hémophilie ? Et que faut-il faire si une maladie
héréditaire est liée à une caractéristique
désirable telle que la créativité artistique ? Qui
décide de ces questions ? Où faut-il tracer la limite et
quelles garanties faut-il mettre en place ? "
99(
*
)
On peut supposer qu'une consultation hospitalière de cardiologie se
déroulerait ainsi en 2005-2010
100(
*
)
:
Jacques, 30 ans, dont le père est décédé
brutalement à l'âge de 38 ans, décide d'aller à
la consultation hospitalière spécialisée, lui a-t-on dit,
dans la recherche des causes de mort subite.
Depuis une dizaine d'année la cardiologie a
bénéficié des progrès de la génétique
moléculaire permettant la compréhension des bases
moléculaires comme l'identification des gènes morbides
impliqués dans les arythmies et cardiopathies héréditaires
et susceptibles d'être à l'origine de mort subite. Des consignes
de vie et même une thérapeutique peuvent être
envisagées. L'interrogatoire médical de Jacques suggère
l'hypothèse d'un syndrome de QTnt-long congénital dans lequel
3 gènes codant des canaux ioniques sont impliqués :
KvLQT 1 (gène majeur) HERG et SCN 5A, respectivement
logés sur les chromosomes 11, 7 et 3.
Un génotypage en cardiologie mérite d'être envisagé
pour vérifier s'il présente des anomalies à l'ECG et/ou
à l'échographie cardiaque et/ou des épisodes de syncope.
L'avancée des connaissances et surtout le développement des
biopuces permettent, dans le cadre de cette consultation cardiologique, de
définir le statut de Jacques en terme, notamment, de risques de mort
subite et même de risques d'accidents coronariens.
Jacques ayant donné son consentement, l'analyse génétique
sera réalisée dans le cadre d'un bilan de départ, devant
tout signe clinique évocateur.
Un prélèvement de sang est effectué et envoyé au
laboratoire hospitalier d'analyses génétiques pour en extraire
l'ADN suivi de l'étude d'une batterie de gènes identifiés
comme responsables ou modulateurs d'une pathologie héréditaire
cardiaque. Une ou plusieurs biopuces permettront l'étude des
gènes impliqués dans la myocardite hypertrophique. L'analyse,
entièrement robotisée, demandera moins d'une heure, alors
qu'avant il fallait plusieurs semaines ; Jacques peut revenir dans
48 heures. Il quitte le service avec un peu d'angoisse.
Les résultats, sans être tout à fait rassurants, ne sont
cependant pas trop alarmants.
Le gène majeur KvLQT 1 est normal ; les deux autres, HERG et
SCN 5A présentant des altérations, et avec les
données révélées par l'étude familiale,
invitent à la mise en oeuvre d'une thérapeutique
atténuée, accompagnée d'un suivi médical
régulier. Une prescription adaptée de bêtabloquants, dont
l'effet bénéfique est connu depuis 1991, sera le seul traitement
préventif.
Une visite médicale en 2010
a été récemment
décrite dans une revue scientifique américaine
101(
*
)
" John, un diplômé de l'enseignement secondaire
âgé de 23 ans, [...] est en bonne santé mais fume un
paquet de cigarettes par jour depuis six ans. Assisté d'un programme
informatique interactif qui prend en compte les antécédents
familiaux de John, son médecin note qu'il existe, du côté
paternel, d'importants antécédents d'infarctus du myocarde et que
le père de John est décédé à l'âge de
48 ans.
Pour obtenir des informations plus précises concernant ses propres
risques de contracter une maladie coronarienne et autres maladies dans le
futur, John accepte d'envisager une série de tests
génétiques disponibles en 2010.
Après avoir consulté un programme informatique interactif qui
explique les bénéfices et les risques de tels tests, John accepte
(et signe la déclaration de consentement éclairé) de subir
15 tests génétiques qui fournissent des informations sur le
risque de maladies pour lesquelles il existe des stratégies
préventives. Il s'oppose, par contre, aux 10 tests
supplémentaires concernant des troubles pour lesquels aucune
intervention préventive, validée cliniquement, n'est encore
disponible.
Un prélèvement d'ADN réalisé au niveau de la joue
à l'aide d'un écouvillon, est envoyé pour analyse et les
résultats sont retournés dans un délai d'une
semaine.
RÉSULTATS DES TESTS GÉNÉTIQUES CHEZ UN PATIENT HYPOTHÉTIQUE, EN 2010 |
||||||
Condition |
Gènes concernés* |
Risque
|
Risque pendant la
|
|||
Risque réduit :
|
HPC1,
HPC2, HPC3
|
0.4
|
7
|
|||
Risque élevé :
|
APOB,
CETP
|
2.5
|
70
|
|||
* |
HPC1, HPC2, HPC3 |
sont les trois gènes pour le cancer de la prostate héréditaire. |
||||
|
APOE |
est le gène pour l'apoliproprotéine E. |
||||
|
FAD3 et XAD |
sont des gènes hypothétiques pour la démence d'Alzheimer familiale. |
||||
|
APOB |
est le gène pour l'apolipoprotéine B |
||||
|
CETP |
est le gène pour la protéine de transfert des esters du cholestérol. |
||||
|
FCC4 |
est le gène hypothétique pour le cancer du colon familial. |
||||
|
APC |
est le gène pour polypose adénomateuse colique. |
||||
|
NAT2 |
est le gène pour le N-acétyltransférase 2. |
La
consultation suivante avec le médecin et une infirmière
spécialisée en génétique porte sur les conditions
pour lesquelles le risque de John diffère considérablement (par
un facteur de plus de deux) par rapport à la population
générale. Comme la plupart des patients, ce dernier est
intéressé, à la fois, par son risque relatif et son risque
absolu.
John est heureux d'apprendre que les tests génétiques ne donnent
pas toujours de mauvaises nouvelles ; ses risques de développer un
cancer de la prostate ou une maladie d'Alzheimer sont réduits
étant donné qu'il porte des variantes à faible risque de
plusieurs gènes dont on connaît le rôle dans ces maladies en
2010.
Cependant, John est inquiet quant aux arguments en faveur de ses risques accrus
de contracter une maladie coronarienne, un cancer du colon et un cancer des
poumons. Confronté à la réalité de ses propres
données génétiques, il arrive à ce moment crucial
où il comprend qu'un changement dans son comportement en matière
de santé, tout au long de sa vie et basé sur la réduction
des risques spécifiques, est possible. Et il y a beaucoup à
offrir. D'ici à l'an 2010, le domaine de la pharmacogénomique se
sera développé et un traitement médicamenteux
prophylactique basé sur la connaissance de John sur ses propres
données génétiques peut être prescrit de
façon précise permettant de réduire son taux de
cholestérol et son risque de maladie coronarienne à des niveaux
acceptables. Son risque de cancer du colon peut être traité en
démarrant un programme basé sur une coloscopie annuelle à
partir de l'âge de 45 ans, ce qui est dans son cas une
manière rentable de prévenir un cancer du colon. Le risque
important de développer un cancer des
poumons lui apporte la
motivation principale de rejoindre un groupe de soutien composé de
personnes exposées à un risque génétique
élevé de complications graves dues au tabagisme et il
arrête de fumer avec succès.
Les perspectives d'une médecine préventive individualisée
basée sur la génétique sont particulièrement
passionnantes, car elle pourrait apporter une profonde contribution à la
santé humaine.
Cependant, pour réaliser un tel projet, des protections efficaces contre
le mauvais usage des informations génétiques doivent être
en place. Par ailleurs, un autre challenge critique, sera qu'un nombre plus
important de médecins, infirmières et autres dispensateurs de
soins devront bien connaître le domaine émergent de la
médecine génétique. "
Toutefois, l'utilisation des tests génétiques mérite
réflexion et précaution.
" - |
les tests génétiques ne sont et ne seront qu'une arme diagnostique de plus. Ils devront être utilisés en fonction des demandes des patients et des possibilités thérapeutiques ; |
- |
les tests génétiques posent et poseront des problèmes sociaux et éthiques majeurs (qui ne sont pas tous forcément nouveaux mais qui prennent là une sérieuse ampleur) ; |
- |
les tests génétiques seront d'autant plus mal utilisés qu'il y aura moins de politique de santé publique et d'éducation sanitaire. " 102( * ) |
GLOSSAIRE GLOSSAIRE
Acides aminés : |
Molécules constituant les protéines. Il en existe
vingt (Alanine, Arginine, Asparagine, Acide aspartique, Cystéine, Acide
glutamique, Glutamine, Glycine, Histidine, Isoleucine, Leucine, Lysine,
Méthionine, Phénylalanine, Proline, Sérine,
Thréonine, Tryptophane, Tyrosine, Valine).
|
Acides nucléiques : |
Macromolécules biologiques, supports de l'information héréditaire, ils portent les gènes. Il en existe deux types selon la nature du sucre qui rendre dans leur constitution :l'ADN (constituant des chromosomes) et l'ARN. Ils sont caractérisés par la succession -séquence- de nucléotides. |
ADN (acide désoxyribonucléique) : |
Molécule enroulée et repliée sur
elle-même, composant des chromosomes. Elle est composée de deux
brins complémentaires, en vrille l'un autour de l'autre. Chaque brin est
une chaîne de nucléotides. Brique élémentaire de
l'ADN, un nucléotide est composé de trois molécules :
un sucre simple, un groupement phosphate et une des quatre bases azotées
que sont l'adénine, la guanine, la cytosine et la thymine (A, G, C et T).
|
Anticorps : |
Complexe de protéines produites par certaines cellules du sang (globules blancs) et dont la double fonction consiste, d'une part, à reconnaître et à fixer toute molécule " antigène " produite par un corps étranger, d'autre part, à activer d'autres cellules participant à la défense de l'organisme. |
ARN (acide ribonucléique) : |
Molécule très proche de l'ADN mais contenant le plus souvent un seul brin, formée d'un squelette phosphate et sucre ribose, le long duquel sont attachées des bases -adénine, ou cytosine, ou guanine, ou uracile- en séquence linéaire. |
ARNm (ARN messager) : |
Molécule d'ARN dont le rôle consiste à transmettre la séquence des bases d'un brin de molécule ADN, donc son code génétique, à la machinerie cellulaire qui fabrique les protéines. |
Apoptose : |
Dite aussi " mort programmée de la cellule ". Elle correspond à une sorte de mort douce de la cellule par implosion, qui ne cause pas de dommages à son environnement, contrairement à la nécrose, mort violente par explosion de la cellule. Le dérèglement de l'apoptose peut conduire à l'immortalisation des cellules normalement destinées à mourir, induisant ainsi la formation de tumeurs cancéreuses. |
Base : |
Molécule chimique azotée qui rentre dans la composition des nucléotides de l'ADN (adénine, guanine, cytosine et thymine) ou des ribonucléotides de l'ARN (adénine, guanine, cytosine et uracile). |
Chromosomes : |
Structures visibles lors de la division cellulaire, les chromosomes portent et transmettent les caractères héréditaires. Composés d'ADN et de protéines, ils portent les gènes. Chez les organismes eucaryotes (être vivants dont les cellules sont pourvues de noyaux), ils sont présents dans le noyau des cellules sous forme de paires homologues, chaque chromosome existant en deux exemplaires. L'espèce humaine en possède 23 paires par cellules. Les cellules sexuelles ne contiennent qu'un exemplaire de chaque paire. |
Gènes : |
Segments d'ADN portés par les chromosomes, ils conservent et transmettent les caractères héréditaires. Un gène est un élément d'information ; caractérisé par l'ordre dans lequel s'enchaînent les bases nucléiques, contenant les instructions nécessaires à la production dans la cellule d'un type précis de protéine. On dit qu'un gène " code " (pour) une protéine. Chez l'homme on évalue à près de 100 000 le nombre de gènes. |
Génome : |
Ensemble des gènes d'un organisme. Le génome d'une cellule est formé de tout l'ADN qu'elle contient. |
Molécule : |
La plus petite partie d'une substance chimique qui peut exister de manière indépendante ; les molécules sont composées d'atomes. |
Nucléotide : |
Motif de base de l'ADN comportant trois éléments chimiques : une des quatre bases azotées (A, C, G ou T), un sucre, le désoxyribose, et un groupement phosphate. Dans l'ARN le sucre est le ribose et la base qui remplace la thymine (T) est l'uracile (U). |
Oncogène : |
Type de gène impliqué directement ou indirectement dans la croissance et la division cellulaire et dont une mutation peut mener, en concertation avec d'autres oncogènes également mutés, au cancer. |
Plasmide : |
Petite molécule d'ADN circulaire qui se réplique indépendamment du chromosome principal de la bactérie. |
PCR ou RPC (" polymerase chain reaction ") : |
Amplification exponentielle d'une séquence d'ADN réalisée in vitro à l'aide d'une enzyme et de deux " amorces " délimitant les bornes de la séquence à amplifier. |
Protéine : |
Molécule complexe dont le squelette est formé par l'enchaînement d'acides aminés, et pouvant avoir des fonctions aussi variées que la catalyse (enzymes), la reconnaissance d'agents étrangers (anticorps) ou le transport d'énergie (globine associée au fer dans l'hémoglobine). |
Recombinant : |
Terme caractérisant une molécule d'ADN hybride formée à partir d'au moins deux fragments n'ayant pas la même origine, provenant soit de deux espèces différentes d'organismes, soit de deux fragments du même chromosome qui n'étaient pas adjacents à l'origine. |
Rétrovirus : |
Virus dont le génome est formé d'ARN et dont l'action particulière consiste à utiliser une enzyme forçant la cellule hôte à créer de l'ADN viral. Cet ADN viral sera alors capable de pénétrer dans le noyau de la cellule infectée et de s'intégrer aux chromosomes. Le virus du SIDA est un rétrovirus. |
Virus : |
Particule formée de matériel génétique entouré d'un manteau protéo-lipidique et programmé pour se multiplier à l'intérieur et aux dépens d'un hôte, bactérie ou cellule. On distingue les " virus à ADN ", dont le génome est formé d'ADN (les adénovirus en sont une espèce particulière), et les " virus à ARN ", dont le génome est formé d'ARN (les rétrovirus en sont un exemple). |
ANNEXES : ANNEXES :
- Annexe n° I : |
Le problème du financement des nouvelles thérapies. Gilles JOHANET. |
- Annexe n° II : |
La vaccination par ADN nu. Rapport de la mission pour la science et la technologie de l'Ambassade de France aux États-Unis. Septembre 1999. |
- Annexe n° III : |
Réflexions de lecture du rapporteur : les dérapages possibles au cours de l'existence. |
- Annexe n° IV : |
Entretiens du rapporteur. |
- Annexe n° V : |
Lettre de saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques |
ANNEXE
N° I
ANNEXE N° I
LE PROBLÈME DU FINANCEMENT DES NOUVELLES THÉRAPIES
LE PROBLÈME DU
FINANCEMENT DES NOUVELLES THÉRAPIES
Intervention de M. Gilles JOHANET, directeur
général de la Caisse nationale d'assurance maladie, au colloque
sur :
" Les conséquences de l'évolution des sciences
biomédicales. Enjeux de santé et réponses
politiques "
, organisé par le rapporteur le vendredi
12 mars 1999 au Palais du Luxembourg
103(
*
)
.
2005 est la date convenue de l'achèvement du déchiffrage des
séquences du génome humain et de l'identification des 50 à
80 000 gènes qui le constituent. Nous allons assister à
l'irruption dans le système de soins de la médecine
génétique, actuellement encore discrète sinon modeste.
Nous aurons ainsi une connaissance des quelque 5 000 maladies
monogéniques et nous pourrons identifier les gènes
impliqués dans les maladies d'origine polygénique. Ce sera
l'avènement de cette fameuse médecine prédictive que nous
annonçaient Jacques RUFFIER et Jean DAUSSET, avec un champ immense de
possibilités diagnostiques et de thérapies géniques.
Cette innovation pose des problèmes d'ordre financier pour les
différentes activités génétiques qui s'ouvrent
à nous :
En ce qui concerne les pathologies courantes, le diagnostic
génétique introduit un risque de " trop-plein " :
pathologies courantes, bénéficiaires nombreux, il y a donc un
marché avec des entreprises qui l'ont déjà investi puisque
nous voyons arriver des kits de diagnostics génétiques. Cela pose
deux problèmes, celui des indications assurant la prise en charge et
celui de la qualité.
Pour l'autre segment de l'activité génétique
concernant cette fois les pathologies orphelines, il est clair que le
défi naît, au contraire, d'un vide potentiel de la recherche. Se
posent alors les questions, d'une part d'un financement spécifique de
cette recherche, du transfert et de l'activité quotidienne, et d'autre
part de l'information et du contrôle de la qualité.
À la réflexion, il me semble qu'appliqués à cette
innovation majeure qu'est la médecine génétique, les
risques liés à l'extension du champ des soins et à leur
financement sont entièrement confondus avec les risques que nous courons
à poursuivre avec le système de soins actuel.
On peut distinguer quatre risques potentiels :
Premièrement, des dépenses considérables liées
à un non-choix: on assiste à un financement de l'innovation sans
redéploiement ; le maître-mot de la politique
française est depuis le 4 octobre 1945 " toujours en plus, jamais
à la place ".
Deuxièmement, des dépenses dont l'utilité médicale
serait " variable ", c'est-à-dire un trop-plein de tests,
a
fortiori
de thérapies, inappropriés dans leur essence comme
dans leur destination.
Troisième risque, des dépenses dont la mise en oeuvre
s'opérerait avec des inégalités considérables
d'accès :
Inégalités d'ordre médical, liées à la
pathologie elle-même une fraction non négligeable des
5 000 maladies génétiques sont des maladies orphelines
pour lesquelles la population potentiellement bénéficiaire est
extrêmement étroite. Or une demande faible dans notre
marché des soins est une demande inexistante.
Inégalité d'ordre social, fondée sur les
critères classiques, producteurs d'inégalité croissante
dans notre système de soins, ou créée par un autre facteur
de discrimination de la population qui est l'inégalité du savoir
(où sont les bonnes équipes, qui est vraiment efficient ?).
Quatrième risque encouru : une mise en oeuvre de ces nouvelles
pratiques sans contrôle suffisant de la qualité.
Face à ces risques, il me semble que l'on peut se poser cinq questions:
Premièrement, sommes-nous capables d'édicter des normes ?
Des normes de sécurité et de fiabilité des
produits : on sait en général le faire, même si c'est
parfois tardif
Des normes d'indication: qui doit être bénéficiaire
ou non de la prise en charge, sachant que dans ce domaine, les coûts sont
tels que cette prise en charge est un discriminant quasi absolu ?
Des normes d'agrément, de référencement des
laboratoires, voire des centres de soins, ce qui a été introduit
par les lois bio-éthiques.
Des normes de qualité. A l'heure actuelle, s'agissant des
laboratoires, les normes de qualité ne sont financées et
prévues que par le programme Biomed qui est un programme
européen ; la France a considéré jusqu'ici qu'elle
pouvait se dispenser de toute action dans ce domaine. Ce programme ne porte que
sur quatre pathologies -qui certes concernent un nombre important de patients,
puisqu'il y a la mucoviscidose, la myopathie de Duchenne, etc.-, alors qu'il
existe 5 000 maladies monogéniques. De surcroît, le
programme Biomed n'a pas
a priori
vocation à être
éternel. En définitive, sommes-nous capables d'instaurer une
transparence, condition d'une réelle qualité ?
Deuxième question : sommes-nous capables de rendre cette
transparence opposable ?
Sommes-nous capables, si nous instaurons des normes d'agrément et de
référencement, de ne pas financer les centres qui ne sont pas
agréés, ce qui serait dans nos pratiques assez innovant ?
Sommes-nous capables, si nous posons des indications de prise en charge, de les
respecter ? Quand je dis " nous ", je pense bien entendu
à l'assurance maladie mais aussi aux professionnels de la santé.
Troisième grande et capitale question : sommes-nous capables
d'assurer le financement de cette activité nouvelle par
redéploiement ?
Le déremboursement de produits inutiles, et il est heureux de ce point
de vue-là -et de ce point de vue-là seulement- que nous ayons un
vaste choix, est certainement l'une des clés du progrès
médical et social.
Quatrième question : en élargissant quelque peu, peut-on
imaginer et accepter des modes de financement et d'organisation
différenciés ?
S'agissant de la médecine génétique appliquée aux
pathologies courantes pour lesquelles il existe déjà une offre
prise en compte par le marché, s'agissant des actes et des diagnostics
stabilisés à moyen terme, il me semble tout à fait
possible de financer ces activités à l'acte.
S'agissant en revanche des activités liées aux pathologies
orphelines, le mode de financement actuel par dotation globale, avec une
intégration des laboratoires concernés dans les centres
hospitalo-universitaires, est parfaitement inapproprié. Ces laboratoires
étant spécialisés, ils ont une vocation et une
attractivité nationales ; un financement sur la base
d'établissements voire même de régions, ne peut
manifestement prendre en compte qu'imparfaitement cette réalité.
Sommes-nous par conséquent capables de différencier deux modes de
financement avec, pour les pathologies rares, un réseau national
constitué de laboratoires référencés et
bénéficiant d'un financement spécifique ?
Enfin, j'ai proposé trois principes d'action pour épouser la
modernité dans ce domaine : la transparence, la
sélectivité, la coresponsabilité. Peut-on imposer ces
trois principes d'action à la médecine génétique
seule, tout en continuant d'en exonérer le reste des activités de
soins ?
ANNEXE
n° II
ANNEXE n° II
AMBASSADE DE FRANCE AUX ÉTATS-UNIS
MISSION POUR LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE
LA VACCINATION PAR " ADN NU "
LA VACCINATION PAR
ADN NU
Septembre 1999
Rapport de synthèse de la Mission aux États-Unis des
Professeur Patrice DEBRÉ, professeur d'immunologie, Hôpital
Pitié-Salpêtrière, Paris ;
Dr Bernard CHARLEY, directeur de recherche INRA, Jouy-en-Josas ;
Dr Lucyna COVA, directeur de recherche, INSERM, Lyon
Accompagnés de : |
- Stéphane ROY, attaché pour la science et la technologie (San Francisco) ; |
|
- Wahid BAKOUCHE, attaché pour la science et la technologie (Washington). |
Préambule
Ce rapport présente les résultats d'une mission effectuée
en juin 1999 sur la vaccination par " ADN nu " dans le cadre d'une
action de veille en Recherche et Développement dans le domaine des
biotechnologies aux États-Unis. Elle rassemble le contenu d'une
série d'entretiens réalisés en Californie et dans la
région de Washington. Dans certains cas, les données ont
été complétées par des informations issues de
documents.
Elle présente les récents développements sur le
thème de la recherche sur la vaccination à " ADN nu "
en analysant la situation d'un point de vue scientifique tout en essayant de
faire le point sur la stratégie des entreprises de biotechnologies et
leurs interactions avec le monde académique.
Cette mission s'est rendue dans les laboratoires suivants : Chiron
Corporation, Emeryville, Californie ; Dynavax Technologies Corp.,
Berkeley, Californie ; Center for Comparative Medicine, University of
California à Davis, Californie ; Vical, San Diego, Californie; et
Agricultural Research Center, United States Department of Agriculture,
Beltsville, Maryland.
INTRODUCTION
I. STRUCTURES VISITÉES
1. Chiron Corporation.
2. Dynavax Technologies Corporation
3. Center for Comparative Medicine, University of California à Davis
4. Vical Inc.
5 Agricultural Research Service, USDA
6 Maxygen
II. APPRÉCIATION DE LA SITUATION AUX ÉTATS-UNIS
1. Optimisme des interlocuteurs
2. Approche thérapeutique ou préventive
3. Essais cliniques chez l'être humain
4. Importance de l'approche vétérinaire
III. DÉFIS À RELEVER
1. Augmentation de la réponse immunitaire
2. Ciblage des cellules cibles
3. Aspects réglementaires
IV. STRATÉGIE DES ENTREPRISES DE BIOTECHNOLOGIE
1. Nombre limité de sociétés de biotechnologies
2. Vical et ses partenaires
3. Approche de Chiron
V. CONCLUSIONS
INTRODUCTION
Le marché de l'immunothérapie et de la vaccinologie est devenu
très compétitif et très vaste dans la diversité des
maladies ciblées (cancer, maladies infectieuses,
neurodégénératives...). Les sociétés de
biotechnologie et les grands groupes pharmaceutiques cherchent à
produire des vaccins plus efficaces. D'ores et déjà, de nouvelles
technologies permettent :
1. de développer de nouvelles méthodes de
préparation ;
2. d'envisager de nouvelles cibles et
3. d'administrer ces vaccins différemment.
Le principe de la vaccination par " ADN nu " date d'une
découverte inattendue faite en 1989 et publiée dans
Science
104(
*
)
. Une simple
administration de plasmides contenant des séquences d'ADN codant pour
des protéines permettait la pénétration de l'ADN dans les
tissus et résultait en son expression in situ. L'expression d'une
protéine étrangère codée par de l'ADN
injecté dans les cellules d'un tissu a provoqué une
réponse immunitaire. Cette nouvelle propriété a
très vite semblé offrir de grandes opportunités pour les
vaccins thérapeutiques ou prophylactiques et révolutionner la
vaccinologie aux États-Unis.
Dans le cadre de son action de veille dans le secteur des biotechnologies, la
Mission pour la Science et Technologie aux États-Unis a choisi le
thème de la vaccination par " ADN nu ". Faisant appel à
des experts français, cette étude a pour objet de mieux faire
connaître la situation américaine, de déterminer ses
tendances en recherche et développement et d'analyser la
faisabilité de cette approche en vaccinologie.
Dans cette optique, cette mission d'étude a consisté à la
visite de centres de recherche privés ou académiques,
différents par leurs centres d'intérêts, leurs
préoccupations et leur degré d'implication. Cette note est le
résultat d'entretiens avec des Chief Executive Officer (CEO), des Chief
Scientific Officer (CSO), des Directeurs de recherche et des Professeurs
d'Université.
Dans un premier temps, nous présentons les différents
laboratoires choisis et visités, puis nous analysons la situation aux
États-Unis à la fois sur le plan scientifique et
stratégique avant de donner quelques éléments sur le
paysage des sociétés de biotechnologies impliquées dans
cette approche.
I. STRUCTURES VISITÉES
1. Chiron Corporation.
Personnes rencontrées :
Margaret A. LIU, MD, vice-président, Vaccines and Gene Therapy
Research ;
Jeffrey B. ULMER, Ph. D., Director, Vaccines Research ;
John J. DONNELLY, Ph. D., Director, Vaccine Research.
Société de biotechnologie de grande importance, Chiron a
été fondée en mai 1981 à Emeryville, à
proximité des Universités de Californie à Berkeley (UCB)
et à San Francisco (UCSF) par William RUTTER et son ancien
élève Edward PENHOET. Devenue publique en 1983, Chiron multiplie
les accords de coopération en recherche et développement pour
pouvoir croître. C'est en 1988 qu'a lieu l'identification du virus de
l'hépatite C. Cette découverte ouvre la voie à la
fabrication de tests et à la réalisation de vaccins et de
traitements. Après de multiples rachats (Cetus en 1991, etc.),
l'entreprise devient très vite un groupe biomédical à
l'expertise reconnue. Chiron emploie environ 7000 personnes dont
1 500 sur le site d'Emeryville. Implantée sur l'ensemble des
États-Unis et de part le monde, Chiron a pour ambition d'être la
première entreprise de biotechnologie dont la création de
produits transformera la pratique de la médecine. En 1998, ses
bénéfices se sont montés à 220 millions de
dollars.
Chiron est actif dans trois grands secteurs de l'industrie de la
santé : les diagnostics, les vaccins et les biothérapies. La
recherche et développement de Chiron se concentre sur la thérapie
génique, les vaccins, la génomique et la découverte de
nouvelles molécules thérapeutiques.
Chiron a clairement misé sur l'approche d'immunisation par " ADN
nu " dans le cadre de sa politique de R&D en vaccinologie. Les
recherches dans ce domaine portent essentiellement sur les différentes
modalités de cette technologie :
- mécanismes fondamentaux, présentation antigénique,
intégration de l'ADN ;
- ciblage de l'antigène aux cellules dendritiques (recrutement
à l'aide de chimiokines) ;
- tentatives pour éviter la dégradation de l'ADN (digestion
par nucléase) ;
- approche par électro-incorporation in vivo pour en augmenter
l'intégration cellulaire.
Cette compagnie se focalise sur deux applications essentielles : le VIH
(virus de l'immunodéficience humaine) et l'hépatite C. Un
groupe d'une quinzaine de personnes travaille aujourd'hui sur le sujet de la
vaccination par " ADN nu ".
2. Dynavax Technologies Corporation
Personnes rencontrées
:
Dino DINA, M.D., President & Chief Executive Officer ;
Joseph EIDEN Jr., M.D., Ph. D., Vice President, Research and
development ;
Gary VANNEST, Ph. D.
Dynavax a été fondée en 1997 par les Professeurs Eyal RAZ
et Dennis CARSON de l'Université de Californie à San Diego en
association avec le Professeur Lawrence LICHTENSTEIN du John Hopkins School of
Medicine à Baltimore (Maryland). Les docteurs CARSON et RAZ sont les
co-découvreurs des séquences immunostimulatrices qui forment la
base de la technologie développée par Dynavax. Dynavax est une
société privée qui ne possède pas encore de
revenus. Elle emploie 22 personnes et finance la recherche de 9 chercheurs
à l'université de Californie à San Diego.
Ce groupe qui avait parié sur l'utilisation de la vaccination par
" ADN nu " (5 brevets déposés), en particulier
dans ses applications pour l'asthme et l'allergie, s'est aujourd'hui reconverti
vraisemblablement à cause des prises de brevets par les autres
compagnies de biotechnologies, de l'absence d'applications à très
court terme et des aspects réglementaires encore inexplorés.
Dynavax a choisi de s'intéresser aux séquences d'ADN
immunostimulatrices (ISS) en tant qu'adjuvant.
Dynavax espère pouvoir avoir deux de ses candidats de séquences
immunostimulatrices en phase I d'essais cliniques en 1999.
3. Center for Comparative Medicine, University of California à
Davis
Personnes rencontrées
:
Steve W. BARTHOLD, DVM, Ph. D., Professeur Directeur ;
Paul L. UCIW, Ph. D., Associate Professor ;
Gary RHODES, Ph. D. Associate Professor ;
Philippe LENA, Ph. D., Assistant Research.
Au cours de cette journée, une table ronde avait été
organisée et les personnes suivantes sont intervenues :
Professeurs Murray GARDNER, Marta MARTHAS, Peter BARRY, Chris MILLER et
Mike McCHESNEY.
Le Center for Comparative Medicine (CCM) est un centre de recherche et
d'enseignement spécialisé dans l'étude de la
pathogénie des maladies infectieuses communes aux animaux et aux
humains. Le CCM regroupe 13 chercheurs choisis à l'école de
médecine et à l'école vétérinaire. Le CCM
veut développer une activité de recherche intégrée
au modèle animal entier. De ce fait, le CCM jouxte le " California
Regional Primate Research Center " (CRPRC), centre de primatologie unique
au monde et se trouve a proximité du " Targeted Genomics
Laboratory " (TGL). Le TGL a pour but de créer et maintenir une
collection de souris transgéniques, utilisées pour étudier
l'origine génétique et le développement de certaines
maladies. Le CCM est né de la volonté d'un groupe de chercheurs
dans la perspective de regrouper la thématique de la pathogénie
des maladies infectieuses pour générer des collaborations et des
projets de recherche communs et de devenir un centre d'excellence de la
recherche en biologie intégrée à l'animal entier.
Le programme de vaccination par " ADN nu " a débuté en
1995 avec l'arrivée de Gary RHODES, ancien employé de Vical.
Cette visite a permis de noter plusieurs applications des vaccins par
" ADN nu " notamment pour des applications vétérinaires
dans le domaine du FIV
105(
*
)
et
du SIV
106(
*
)
. Les
résultats (éventuellement encourageants pour le FIV)
nécessitent cependant largement d'être complétés
avant que l'on puisse en tirer de réelles données, notamment sur
l'avantage de cette technique par rapport aux vaccinations classiques en
matière d'efficacité. On a eu l'impression que même au sein
de cette structure universitaire importante, qui possède un des plus
grand centre des primates (CRPRC), les équipes impliquées dans le
développement du vaccin par " ADN nu " sont petites et les
résultats obtenus, bien qu'encourageants, n'ont pas permis une
démonstration claire. Ces travaux ne reflètent pas de
manière complète les progrès réalisés dans
ce domaine aux États-Unis. A titre d'exemple, les travaux
présentés sur la vaccination des macaques contre le SIV montrent
un échec de cette approche au niveau prophylactique, c'est-à-dire
des difficultés d'induire une immunisation. Ceci est en contradiction
avec les résultats récemment publiés dans Nature Medicine
par la prestigieuse équipe de Harriet Robinson (Emory University,
Atlanta) qui a montré que le vaccin par " ADN nu " induit une
immunité cellulaire protectrice contre le SIV dans ce modèle. Il
est donc très difficile d'évaluer les progrès de recherche
sur le vaccin à " ADN nu " en se basant sur les travaux de
Davis.
4. Vical Inc.
Personnes rencontrées
:
Jon A. NORMAN, Ph. D., Vice-President. Research ;
Robert H. ZAUGG, Ph. D., Vice-President, Business Development ;
Marston MANTHROPE, Ph. D., Executive Director, Cell Biology ;
Seth D. GOLDBLUM, Director, Corporate Development ;
Carl J. WHEELER, Ph. D., Director Chemistry.
Vical a été fondée en 1987 pour travailler en recherche et
développement dans le domaine de la chimie des lipides. C'est en 1989
que leurs travaux les ont conduit à découvrir que l'ADN nu
injecté pouvait avoir un effet immunologique et qu'ils ont
déposé un brevet. Devenue publique en 1993, Vical continue
à collaborer avec de grands groupes pharmaceutiques pour l'utilisation
de la vaccination à " ADN nu " à usage
thérapeutique. En 1998, Vical avait des revenus de 8 millions de
dollars et enregistrait toutefois une perte de 7,5 millions de dollars. La
compagnie emploie 101 personnes au premier trimestre de l'année
1999.
Cette compagnie est certainement une des plus avancées dans le domaine.
Elle a donné en licence le brevet de la technologie de l'immunisation
par " ADN nu " pour la majeure partie des pathologies pouvant
être évoquées. A l'heure actuelle, les protocoles
concernent d'une part des essais en matière de vaccination
anti-paludéenne en corrélation avec le Naval Research Institute
à Washington, d'autre part des essais expérimentaux dans le
modèle murin pour déterminer les meilleurs modèles
expérimentaux d'infection. Vical a par contre conservé en
développement propre l'utilisation des séquences d'ADN pour une
approche d'immunothérapie du cancer. Vical a ainsi 3 produits en
essais cliniques: allovactin 7 (phase III), leuvectin (phase II)
et vaxid (phase I).
Vical conserve aussi une activité de recherche fondamentale dans deux
domaines liés à l'injection d'ADN nu. D'une part, elle se
concentre sur la délivrance de protéines thérapeutiques
à partir d'injection de gène nu, d'autre part elle se focalise
sur les processus de transfert de gènes en thérapie
génique.
5. Immunology and Disease Resistance Laboratory, Agricultural Research
Service, USDA
Personnes rencontrées
:
Joan LUNNEY, Research Leader ;
Mark JENKINS, LPSI ;
Kang Duk CHOI, LPSI ;
John and Rose HAMMOND, PSI.
Les chercheurs rencontrés travaillent sur plusieurs maladies animales
contre lesquelles ils élaborent actuellement des stratégies de
vaccination par ADN : maladies parasitaires et virales des poules, des
bovins, du porc. En matière de vaccination contre les parasites
protozoaires, des essais sont en cours contre la cryptosporidiose bovine et
contre les coccidioses aviaires : utilisation d'ADN administré chez
les bovins par voie intramusculaire ou intra-mammaire
(" gene-gun ")-, injection d'ADN autour des ganglions associés
à la glande mammaire (Mark JENKINS). Chez la poule, vaccination ADN par
voie intramusculaire avec un gène du parasite, en association avec un
plasmide codant pour l'IL-15 aviaire (Kang Duk CHOI). Chez le porc, des
essais de vaccination sont en cours contre une herpès-virose (maladie
d'Aujeszky), ou contre la toxoplasmose, avec de nouveau association de
plasmides codant pour un antigène, et de plasmides codant pour des
cytokines porcines (J. LUNNEY).
Nous avons aussi rencontré, en marge de la vaccination par ADN, des
chercheurs travaillant sur l'utilisation de plantes recombinantes comme
vecteurs de vaccins (J. et R. HAMMOND).
6. Maxygen
Personne rencontrée
:
Russell J. HOWARD, Ph. D., President et CEO.
Maxygen est une entreprise privée fondée en 1997 comme spin-off
de Glaxo Wellcome (Oxford, Angleterre) et d'Affymax (Santa Clara, Californie)
par Alejandro ZAFFARONI, Russell HOWARD, Isaac STEINER et Pim STEMMER. Ce
dernier, ancien employé d'Affymax, a développé le
" DNA shuffling " qui constitue la base de la technologie
proposée par Maxygen. Le " DNA shuffling " est une approche
nouvelle basée sur le " brassage " d'ADN de la même
famille pour créer de nouveaux épitopes qui pourraient être
particulièrement intéressants pour des nouveaux vaccins. Il est
intéressant de noter que Robert WHALEN
107(
*
)
vient tout juste de rejoindre Maxygen
pour utiliser cette approche technologique et développer de nouveaux
vaccins par " ADN nu " avec comme objectif d'augmenter la
réponse immunitaire.
II. APPRÉCIATION DE LA SITUATION AUX ÉTATS-UNIS
À partir de ces structures visitées (ce qui ne constitue qu'un
échantillon des recherches et applications industrielles en cours aux
États-Unis), il apparaît clairement que la stratégie de la
vaccination par " ADN nu " représente une approche qui, en
10 ans seulement, a mobilisé et mobilise toujours nombre
d'équipes académiques et de structures industrielles. A titre
d'illustration, le Keystone Symposium sur " DNA vaccines : immune
responses, mechanisms and manipulating antigene processing " a
regroupé plus de 300 personnes.
1. Optimisme des interlocuteurs
Le fait qu'une entreprise de la taille de Chiron investisse une part importante
de ses efforts en vaccinologie sur la vaccination par " ADN nu ", et
de surcroît ait recruté toute l'ancienne équipe de Margaret
LIU chez Merck (Jeffrey ULMER et John DONNELLY) est à lui seul la preuve
que les principaux intervenants industriels dans ce domaine " croient " en son
succès. Le même enthousiasme par rapport à la vaccination
par " ADN nu " se retrouve bien évidemment chez Vical.
Les doutes principaux tiennent cependant aux délais importants requis
avant le stade de l'application: une entreprise de petite taille comme Dynavax
a de ce point de vue fait l'analyse qu'elle ne pouvait pas se lancer, pour des
raisons scientifiques (méthode encore faiblement efficace) et par
conséquent financières, dans des recherches à long terme
sur la vaccination par " ADN nu ". C'est pour cette raison qu'elle a
choisi une approche à plus court terme sur l'effet immuno-adjuvant des
plasmides eux-mêmes, et leur utilisation potentielle pour lutter contre
les allergies.
La plupart des interlocuteurs ont aussi tempéré leur optimisme
sur les chances de succès de cette approche, en faisant le constat que
la transposition des bons résultats, obtenus (et publiés) chez la
souris, à d'autres espèces animales, y compris les primates,
posait des problèmes : il est admis par tous que le pouvoir
immunogène des vaccins par " ADN nu " actuellement en cours
d'étude est inférieur à celui des vaccins classiques. Il
est par conséquent essentiel d'augmenter cette
immunogénicité, par plusieurs approches (voies d'immunisation;
méthodes d'injection; association ADN puis rappel par la
protéine ; électroporation in vivo ; effet adjuvant de
l'ADN lui-même, des séquences ISS ou CpG ; formulation de
l'ADN avec des adjuvants classiques; encapsulation de l'ADN, administration de
l'ADN par des vecteurs; utilisation de cytokines à effet adjuvant
co-administrées sous forme d'ADN...).
2. Approche thérapeutique ou préventive
L'approche vaccinale (préventive) est la plus classique et est surtout
appliquée à la recherche de vaccins anti-infectieux chez l'homme
et l'animal. Toutes les étiologies infectieuses sont
concernées : virus, bactéries, parasites. Son
efficacité protectrice contre différents pathogènes a
été clairement démontrée dans différents
modèles animaux. Bien que la protection obtenue ne soit pas
supérieure à celle induite par les vaccins recombinants, les
vaccins à " ADN nu " ont de nombreux avantages. Parmi les
atouts principaux de ces vaccins on peut citer :
- synthèse permanente d'antigène dans les cellules qui
permet une stimulation constante du système immunitaire ;
- induction d'une réponse non seulement humorale mais aussi
cellulaire ;
- modulation facile des vecteurs à base d'ADN, ce qui est
particulièrement intéressant dans le cas d'émergence des
variants d'échappement ;
- faible coût, car la préparation d'ADN est peu
onéreuse, et l'immunisation par "ADN nu" nécessite peu
d'injections évitant de lourdes et coûteuses procédures de
synthèse et de purification des protéines ;
- facilité de stockage (pas besoin de
réfrigération) ; cette approche vaccinale apparaît
comme particulièrement pertinente pour les pays en voie de
développement.
L'efficacité thérapeutique du vaccin à " ADN
nu " est moins bien documentée. Outre les perspectives
anti-tumorales pour lesquelles une autre mission d'étude est
prévue, des approches thérapeutiques par utilisation de l'ADN
sont en cours d'étude. Un des avantages essentiels du vaccin
génétique comme nouvel outil thérapeutique pour les sujets
atteints d'infection chroniques est l'induction d'une réponse cellulaire
via les molécules du CNOE de classe I. C'est un atout majeur par
exemple pour le traitement des hépatites B chroniques, car les CTL
induits par l'injection d'ADN nu peuvent reconnaître et lyser les
cellules hépatiques infectées. L'approche thérapeutique
est utilisée également pour le traitement d'allergie et de
l'asthme par injection d'oligodéoxynucléotides (ODN)
immunostimulants (exemple ODN de 22 nucléotides) seuls ou
conjugués chimiquement avec l'allergène (Dynavax). D'autres
possibilités d'utilisation thérapeutique de l'ADN concernent
l'injection intra-tumorale de plasmides codant pour l'IL-2 et pour une
molécule HLA de classe I (essais phase III chez l'homme), ou
l'injection répétée de plasmides codant pour
l'érythropoïétine chez le chien âgé (Vical).
3. Essais cliniques chez l'être humain
Les premiers essais cliniques chez les humains utilisant la vaccination par
" ADN nu " ont été effectués par
PowderJect
108(
*
)
en
collaboration avec Glaxo Wellcome, pour la prophylaxie de
l'hépatite B.
Les résultats prometteurs de protection efficace obtenus
récemment pour différents virus (influenza, VIH, HTLV I,
HBV, Ebola, Cytomegalovirus, HTLV, rage...) dans différents
modèles animaux ont été à la base des premiers
essais de vaccination par " ADN nu " chez l'homme. Plusieurs essais
de vaccination par " ADN nu " sont conduits actuellement chez des
volontaires aux États-Unis; Influenza (John Hopkins University,
Baltimore, Maryland), malaria (en collaboration avec le Capitaine Steve HOFFMAN
de l'U.S. Naval Medical Research Center (Bethesda, Maryland) et Pasteur
Mérieux Connaught), hépatite B (University of Cincinnati,
Ohio), VIH (University of Pennsylvania à Philadelphie en collaboration
avec Merck et Vical), Herpès (University of Washington à
Seattle)... Ce qui montre l'intérêt des autorités
américaines pour cette approche.
4. Importance de l'approche vétérinaire
La facilité de préparation de l'ADN, le faible coût de sa
production, l'absence de danger et sa stabilité à la
température, expliquent que de nombreuses expérimentations aient
été menées chez les animaux domestiques, espèces
cibles directes des vaccins ADN. Ces essais concernent toutes les
espèces animales domestiques (truites, oiseaux, mammifères) et
tous les pathogènes importants. Les structures académiques de
recherche visitées (UC Davis et USDA à Beltsville) ont des
programmes de recherche sur la vaccination par ADN chez les animaux
domestiques, chaque équipe travaillant sur " sa " maladie
" préférée ". On retrouve les mêmes
tendances que dans les essais sur animal de laboratoire, sur primates ou chez
l'homme : besoin d'augmenter l'immunogénicité, par exemple
par l'emploi simultané de plasmides codant pour des cytokines (IL-15
chez le poulet contre la coccidiose; plasmides codant pour diverses cytokines
chez le porc contre la toxoplasmose ou contre une herpèsvirose du
porc) ; recherche des voies optimales d'administration. Un accent
particulier est mis sur la possibilité de vacciner le jeune animal
(vaccination néonatale), en présence d'anticorps maternels, ce
qui représente un net avantage de la vaccination par " ADN
nu " par rapport aux vaccins classiques protéiques (UC Davis).
La situation des applications vétérinaires de la vaccination par
" ADN nu " est marquée au niveau industriel par le fait que la
société Vical a signé avec la société
Mérial (fusion des activités Santé animale de
Rhône-Mérieux et Merck) un accord d'exclusivité
limité dans le temps, au cours duquel Mérial évalue les
domaines d'application. Au terme de cette période, Mérial devra
définir les maladies et les espèces animales pour lesquels il
aura l'exclusivité de l'exploitation du brevet Vical.
III. DÉFIS À RELEVER
1. Augmentation de la réponse immunitaire
Le besoin évident d'accroître l'immunogénicité des
vaccins ADN se traduit en termes de pistes de recherche par :
- variations autour de la voie d'administration (sous cutanée,
intramusculaire, mucosale) et méthode d'injection (seringue,
systèmes sous pression avec l'exemple de Bioject ; par le
" gene gun " avec l'exemple de PowderJect® System) ;
- différentes présentations de l'ADN (en association avec
des microparticules, des acides gras; vecteur réplicatif type
alphavirus; association avec des adjuvants classiques (alun) ...) ;
- effets adjuvants de cytokines co-injectées sous forme plasmidique
(notamment GM-CSF en essai chez l'homme et les animaux domestiques) ;
- association vaccin " ADN nu " et rappel par l'antigène
protéique ;
- modification des séquences immunostimulantes du plasmide
lui-même ou injection simultanée d'oligonucléotides.
2. Ciblage des cellules-cibles
Le constat qu'une part importante de l'ADN injecté est perdu,
dégradé par des macrophages résidents, et donc ne
transfecte pas suffisamment de cellules justifie la recherche de moyens
susceptibles d'augmenter in vivo la transfection des cellules musculaires
(injection intramusculaire) : utilisation d'un système à
usage unique d'injection et électroporation in vivo (Chiron).
3. Aspects réglementaires
Personne rencontrée
:
Imran KHAN, Ph D., Bio-Trends International, Inc., Research Leader.
En médecine vétérinaire, le correspondant de Biotrends
International comme ceux de Vical en relation avec Mérial
considèrent qu'il n'y aura pas de frein majeur à l'utilisation de
l'ADN en vaccination des animaux, à certaines conditions: absence de
marqueur de résistance aux antibiotiques à l'exception du
marqueur kanamycine ; absence de diffusion du plasmide injecté,
dans les organes génitaux, le liquide séminal; absence
d'insertion dans la lignée germinale.
En médecine humaine, les essais effectués par Vical ont
donné lieu à une approche soigneusement évaluée
avant de soumettre le protocole expérimental à la FDA (Federal
Drug Administration).
IV. STRATÉGIE DES ENTREPRISES DE BIOTECHNOLOGIE
1. Nombre limité de sociétés de biotechnologies
Le nombre de sociétés de biotechnologies impliquées dans
la recherche et développement en vaccination par " ADN nu "
est assez limité. Outre les sociétés visitées, il
est intéressant de noter que PowderJect Vaccine Inc., a une
activité très importante dans ce domaine en utilisant sa
plate-forme technologique d'injection PowderJect®. Ainsi au mois de
janvier 1999, PowderJect et Glaxo Wellcome (Oxford, Angleterre) ont
étendu leur collaboration sur la vaccination par " ADN nu "
pour l'hépatite B, le VIH, des maladies infectieuses et certains
cancers. Cette extension de la collaboration fait suite aux premiers
résultats prometteurs des tests cliniques pour le vaccin de
l'hépatite B. Il semble aussi que la compétition soit
croissante dans le domaine de la vaccination par " ADN nu ". En
effet, de nombreuses sociétés de biotechnologies (Chiron, Vical,
Merck, PowderJect...) sont activement impliquées dans l'application de
cette approche et le domaine est couvert par des prises des brevets.
Compte tenu que le domaine de vaccination par " ADN nu " dans
l'état actuel est largement couvert par des brevets et que le
développement de nouvelles approches requière un investissement
important en recherche, on comprend que des start-up, comme Dynavax et
Apollon
109(
*
)
, ne soient pas
très compétitives et préfèrent changer
d'orientation. Par contre, on note simultanément l'implication d'autres
petites compagnies de biotechnologie dans le domaine du vaccin à
" ADN nu ", mais qui proposent des stratégies très
différentes. C'est le cas par exemple de Maxygen qui veut commercialiser
la technique de " DNA shuffling ".
Enfin, il est intéressant de noter qu'au cours de ces entretiens, les
différents acteurs impliqués dans la R&D sur la vaccination
par " ADN nu " aux États-Unis ont été
très souvent " débauchés " par
différentes compagnies qui se sont offertes ainsi une expertise. Ainsi
Dino DINA, CEO et Président de Dynavax, était au préalable
employé par Chiron Corporation depuis 1982 où il a dirigé
le département Vaccins. Il a été remplacé par
Margaret LIU qui est à l'origine de l'alliance de Merk et de Vical.
Enfin, le passage de Gary RHODES (Professeur à UC Davis) de Vical au
milieu académique a permis le démarrage de cette activité
sur le campus.
2. Vical et ses partenaires
Vical a compris très tôt l'intérêt du
développement de la vaccination par " ADN nu ". Très
rapidement Vical a couvert par les brevets la vaccination par ADN pour les
différents virus (VHB, VIH, Influenza...), bactéries, parasites
et cancer.
Vical a ensuite accordé des licences à de grand groupes
pharmaceutiques pour l'utilisation de sa technologie d'immunisation par
" ADN nu ". Dès 1991, Merck Research Laboratories a obtenu une
licence pour utiliser cette approche dans le traitement des maladies
infectieuses (pour HBV, HIV et HCV), et une stratégie similaire a
été adoptée pour Pasteur Mérieux Connaught.
Mérial (à l'époque Rhône Mérieux) a obtenu la
licence de cette technologie pour des applications vétérinaires
en 1995. En 1997, Merck a repris une licence pour les maladies
cardio-vasculaires et Rhône-Poulenc Rorer pour les maladies
neurodégénératives. Tout dernièrement, en 1999,
Pfizer vient de donner en licence la technique de délivrance des
gènes pour des applications en santé animale
110(
*
)
.
Un accord de " cross-licensing " a été signé
entre Dynavax et Vical au début de l'année 1998 donnant
l'accès aux technologies respectives des deux partenaires. Ainsi,
Dynavax a accès à certains brevets qui couvrent l'immunisation
par ADN dans le domaine des maladies de l'asthme et de l'allergie. En retour
Vical obtient l'accès à la technologie développée
par Dynavax pour l'immunostimulation de certaines séquences d'ADN pour
utiliser dans le domaine des maladies infectieuses et du cancer.
Enfin, Vical garde uniquement la mise au point des vaccins pour les
thérapies du cancer.
3. Approche de Chiron
La situation de Chiron est différente car cette très importante
société de biotechnologie a beaucoup investi dans le vaccin
à " ADN nu " contre HIV et l'hépatite C. Chiron a
" débauché " de Merck d'abord Margaret LIU et ensuite
toute son équipe avec des chercheurs de très haut niveau comme
Jeffrey ULMER et John DONNELY qui sont une référence dans le
domaine d'immunisation génétique. Cependant, comme la licence est
détenue par Merck, le problème de rachat va être
posé au moment de la commercialisation du vaccin.
Sous la houlette de Margaret LIU, Chiron a donc très nettement
concentré ses efforts sur l'aspect technologique de la vaccination
à " ADN nu ". De l'avis même de nos interlocuteurs, une
telle approche est nécessaire pour d'une part augmenter
l'efficacité de l'immunisation et d'autre part contourner les brevets
déposés par Vical qui semblent verrouiller le marché. Le
but est de résoudre les problèmes technologiques afin d'utiliser
cette approche vaccinologique pour différentes maladies.
IV. CONCLUSIONS
Cette mission a permis de montrer l'intérêt de cette technologie
et son développement dans l'industrie des biotechnologies. Tous les
interlocuteurs s'accordent à dire que la vaccination à " ADN
nu " a de nombreux avantages dont la possibilité de
prédire/combattre les changements observés dans les souches de
nombreux agents infectieux et de présenter les antigènes sous
leur forme native, la stabilité de la réponse immunitaire, la
simplicité de production en utilisant des procédés de
fermentation bactérienne, et la lutte contre l'immunosénescence
(activité développée par Pharmadigm Inc).
Cependant, cette méthode demande encore à être
comparée aux vaccins traditionnels, étudiés en
matière de stratégie vaccinale (technique " prime
boost ") et des recherches dans le domaine fondamental avant de pouvoir
clairement définir sa place et son avenir en vaccinologie
présentative et/ou thérapeutique.
Cette mission a aussi permis d'apprécier l'intérêt et
l'enthousiasme des sociétés de biotechnologies pour la
vaccination par " ADN nu ". Le domaine est très largement
couvert par les brevets ce qui rend difficile l'émergence de start-up,
à l'exception de celles qui proposent des approches
méthodologiques innovantes. L'immunisation par " ADN nu " est
considérée aux États-Unis comme une approche d'avenir qui
est en train de révolutionner la vaccinologie et l'immunothérapie
comme l'attestent des publications dans les journaux de très haut niveau
et des nombreux essais chez l'homme. L'appréciation de la recherche dans
le domaine fondamental est difficile en se basant sur les structures
académiques visitées et devrait être
complétée par la visite des laboratoires de pointe sur la
côte Est.
ANNEXE N° III
ANNEXE N° III
Réflexions de lecture du rapporteur :
Réflexions de lecture du rapporteur :
LES DÉRAPAGES POSSIBLES AU COURS DE L'EXISTENCE
LES DÉRAPAGES
POSSIBLES AU COURS DE L'EXISTENCE
De
génération en génération, les informations
contenues dans le noyau, 2x23 chromosomes pour chacun de nous, sont les
copies de celles que possédaient notre ancêtre, l'
Homo
sapiens
sapiens
, modifiées lors des recopiages, au fil des
divisions cellulaires, en mal souvent, en bien exceptionnellement.
Au cours de la vie de chacun, le patrimoine génétique initial
assure les renouvellements nécessaires aux remplacements des cellules
qui disparaissent normalement, qu'il s'agisse des cellules de la peau comme de
tous nos organes sauf en ce qui concerne le muscle cardiaque et le cerveau. Ces
deux organes, essentiels à la vie, ne bénéficient pas de
ces possibilités de renouvellement : leur usure provient de
l'apparition, dans la cellule, de facteurs capables d'engager l'apotpose
cellulaire.
Il est reconnu et admis que si des cellules germinales (blastes) sexuelles,
(début de la lignée ovocytaire ou au début de la
lignée des spermatozoïdes) subissent une altération du
génome, cela peut donner une mutation ou une maladie transmise
génétiquement (trisomie 21)
Si ces cellules sont des cellules germinales d'une lignée à
renouvellement rapide (derme, lymphoblastes), la mutation va créer une
maladie à retentissement important puisqu'un seul blaste malade sera le
" père " de nombreuses cellules matures après multiples
division (cancers cutanés, leucémies). Ce système de
renouvellement continue est destiné à pallier une usure naturelle
(peau).
Si ces cellules sont des cellules très différenciées
à renouvellement faible ou nul (neurones myocardiocytes), le plus
souvent cela aboutit à la mort de la cellule et à la
dégénérescence progressive de l'organe ; si cette
destruction ou cette erreur de retranscription du génome touche la
partie codant le mécanisme de division cellulaire (mécanisme
inhibé dans l'exemple du neurone et du coeur), le réveil de ces
mécanismes peut provoquer la naissance d'une tumeur (cancer)
constitué d'une masse de filles de cette cellule qui n'aurait jamais
dû retrouver la capacité de se diviser.
L'apoptose est due à l'exécution du message de leur mort que
contiennent des cellules essentielles à la vie. C'est probablement une
partie du génome qui est réprimée (cachée à
la rNa transcriptase pendant la vie cellulaire) : à un moment
donné, il va être exprimé donnant naissance à des
protéines toxiques entraînant l'autodestruction de la cellule.
L'apoptose est un phénomène cellulaire autonome, ce n'est pas une
attaque extérieure de la cellule. Elle serait donc autoprogrammée
pour se détruire.
Il y une organisation duale des données génétiques. Ce
sont les allèles : un gène de prédisposition à
une longue vie (gène du centenaire) serait aussi porteur d'une
prédisposition à l'infarctus du myocarde vers 40 ans. Lequel
sera dominant ? et pourquoi ? Les conditions de vie
contribuaient-elles à la victoire de l'un ou de l'autre ?
Même si la réalité n'est pas aussi simple , il n'en reste
pas moins que des transformations passagères, plus ou moins durable,
peuvent devenir transmissibles et rompre, modifier l'équilibre
initial ; des maladies peuvent apparaître sans pour autant
être automatiquement transmissibles.
" Un pourcentage élevé du potentiel
génétique humain reste silencieux. L'expression des gènes
est régulée de façon physiologique en réponse
à des facteurs externes (condition de nutrition, stress variés,
infection virales etc.) ou internes (mutations, actions hormonales) lors de
processus tumoraux ou au cours du vieillissement.
Que sait-on de l'organisation du noyau, des compartiments nucléaires
où s'activent ou bien se répriment les gènes, se maturent
les ARN, s'assemblent les ribosomes, s'organisent l'import et l'export des ARN
et des protéines ? Ces questions relevant de l'architecture du
noyau vont devenir de plus en plus essentielles.
La cellule contient des horloges internes (cyclines et protéines kinases
qui régulent le cycle cellulaire, les télomères qui
régulent le nombre de cycles, des programmes d'apoptose et de
vieillissement, qui régulent la survie cellulaire).
Connaître la fonction des gènes est une tâche de grande
ampleur et d'importance, car cette connaissance constitue la base d'une
physiologie intégrée. On sait que les grandes fonctions de base
et les machineries cellulaires sont conservées de la levure de
bière à l'homme ". (D'après M. YANIC et
A. SENTENAC Rapport Académie des Sciences).
Une autre source de modification se produit lors de l'appariement des
chromosomes d'origine maternelle et d'origine paternelle, intervenant
18 heures après la fécondation et aboutissant à la
formation du zygote ; nous avons tous la même quantité de
" livres " dont le sujet est imposé à tous :
contribuer à la naissance d'un être humain complet. Mais chacun
des parents n'apporte pas exactement le même texte sur le même
sujet ; par exemple le père donne la recette des yeux bleus, la
mère peut être sans projet ou apporter celle des yeux marrons,
recette dominante qui s'imposera aux yeux bleus. Pour avoir les yeux bleus, il
faut soit que les parents aient tous deux la recette des yeux bleus, soit que
la mère n'ait pas de recette ou porte une recette illisible.
Enfin la " consommation constante " des protéines finalement
éliminées après usage sous forme d'urée, exige leur
fabrication également constante : au cours de celle-ci des
incidents, des erreurs peuvent apparaître ; comme dans le
fonctionnement d'une automobile se dégrade par usures ; des
incidents, des accidents, des maladies, non transmissibles, peuvent, chez les
êtres vivants, se manifester au cours d'une existence.
1. Comme chacun, dans un dictionnaire, en connaissance des 26 lettres
alphabétiques, peut lire les mots utiles au langage des hommes entre
eux, comprendre le sens de chacun d'entre eux, selon sa place dans une phrase,
dans des ouvrages ou dans des discours, les généticiens,
suffisamment expérimentés, peuvent lire dans ce dictionnaire
humain, le génome, à condition d'avoir la connaissance des
24 lettres
111(
*
)
de notre
alphabet d'humain. Leurs places, leurs présences sur les gènes
.donnent un sens, un rôle, une activité particulière aux
comportements de chacun de nous, avec une particularité
essentielle : chaque bibliothèque est propre à chacun,
même chez des jumeaux parfaits.
Malgré cette diversité certaine entre les individus, les
être humains ne reproduisent que des êtres humains se ressemblant
alors que dans le règne végétal et animal les
différences aboutissent à des espèces qui, entre elles, de
l'arbre majestueux au pissenlit ou à la violette, de
l'éléphant au virus du SIDA, paraissent ne pas avoir un
génome initiateur commun, différent ,bien évidemment,
entre celui du règne végétal celui du règne animal.
2. La composition des éléments constitutifs de l'être
humain, l'ADN comme de tous les constituants des cellules humaines, est
connue ; leur origine est soit la chimie minérale soit la chimie
organique. Tout ce que les hommes créent, manipulent, reste cependant
inerte et sans avenir propre comme ces mêmes substances le sont dans le
corps humain. Les généticiens-biologistes ne savent pas les
" mettre en vie ", ne savent pas comment ces mêmes substances
accourent dès la naissance chez les êtres vivants comme dans le
règne végétal et leur permettent de croître puis de
mourir
" Qu'est-ce que la vie ? Ce problème s'est posé
à l'homme depuis des millénaires, et malgré les immenses
progrès de la biologie, le statut du vivant, reste, quoi qu'on en pense,
toujours aussi incertain : les tentatives de réduction de
l'organisme au physico-chimique laissent toujours un résidu
inexplicable, tandis que les définitions du vivant hésitent entre
la tautologie et l'irrationnel. L'étude du vivant, contrairement aux
autres sciences, ne peut se passer de l'idée de finalité... Ni la
finalité théologique ni la réduction de la vie à la
matière, ni les théories vitalistes n'apportent une
réponse satisfaisante à l'énigme de la finalité
biologique. Quant à l'explication du rôle du hasard, même
associé à la sélection naturelle, une analyse probabiliste
sérieuse montre qu'elle se heurte à des difficultés
insurmontables.
Le fait que la vie soit compréhensible reste donc
incompréhensible. C'est une leçon d'humilité pour la
raison, mais n'empêche pas la biologie de fonctionner et de
progresser "
112(
*
)
.
Les hommes d'aujourd'hui restent pantois, le souffle coupé par
l'émotion, la surprise en découvrant cette merveille
d'organisation minutieuse, astucieuse dans ses moindres détails qui
permet à l'homme d'assurer les fonctions multiples et diverses de son
esprit, de son corps, de tous ses organes ; ils en découvrent, en
même temps les fragilités et les possibilités de
remédier à des conséquences qui peuvent être
désastreuses. Ils s'interrogent sur son origine et craignent de n'en
point trouver une explication satisfaisante. Les uns se réfugient dans
la tranquillité d'un créateur omnipuissant, omniscient, d'autres
acceptent une évolution depuis l'apparition de la première
cellule dans la soupe originelle après le big-bang ; ils s'appuient
sur les étapes connues depuis l'
Homo
erectus
jusqu'à l'
Homo
sapiens sapiens
ou sur les
évolutions des plantes comme les angiospermes
ANNEXE
N° IV
ANNEXE N° IV
ENTRETIENS DU RAPPORTEUR ET PARTICIPATION À DES COLLOQUES
ENTRETIENS DU RAPPORTEUR
ET PARTICIPATION À DES COLLOQUES
Le rapporteur a été reçu, le 15 juin 1999 par M. Claude ALLÈGRE, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et le 29 juin 1999, par M. Bernard KOUCHNER, secrétaire d'État à la Santé.
24/09/1998 |
Centre de recherche de Synthélabo à
Bagneux.
Visite organisée par le Syndicat national de l'industrie
pharmaceutique :
|
06/10/1998 |
- M. F. Sauer, directeur exécutif de l'EMEA (European Agency for the Evaluation of Medicinal Products). |
12/10/1998 |
" Les inventions biotechnologiques : protection et exploitation ". Colloque organisé par l'Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois en collaboration avec l'Académie de droit européen de Trèves. |
13/10/1998 |
" Publique et privée, quelles conditions pour une recherche commune ? ". Cercle institutionnel Rhône-Poulenc Rorer. |
16/10/1998 |
" Les médicaments de demain ". Colloque organisé par le Conseil de l'ordre des pharmaciens. |
25/11/1998 |
- M. F. Meyer, directeur général de la recherche. Rhône-Poulenc Rorer. |
27/11/1998 |
" Économie-santé " IVe forum international de la gestion de la santé organisé par le groupe " Les Échos ". |
10/12/1998 |
- Dr O. Amédée-Manesme, directeur des affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales. Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. |
15/12/1998 |
Petit
déjeuner de presse :
|
16/12/1998 |
- Pr J.-L . Salzmann, professeur des universités, praticien hospitalier à l'UFR-SMBH de Bobigny ; co-fondateur de la société Génopoïétic. |
21 et 22/01/1999 |
Déplacement à Lyon :
|
27/01/1999 |
- M. B. Tocqué, président directeur général de la société ExonHit Therapeutics. |
10/02/1999 |
- Dr F. Thomas, société Bioserve. |
11/02/1999 |
Déplacement à Strasbourg :
|
17/02/1999 |
- Mme G. Berger, directrice du département bio-ingénierie au ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. |
09/03/1999 |
- Pr. A. Revol, professeur émérite à l'université Lyon I, biologiste honoraire des hôpitaux de Lyon. |
11/03/1999 |
Réunion à l'Académie des sciences pour l'étude du pré-rapport " Développement et applications de la génomique - L'après-génome ", sous la présidence du professeur François Gros, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. |
12/03/1999 |
Colloque
organisé par le rapporteur au Palais du Luxembourg sur : " Les
conséquences de l'évolution des sciences
biomédicales : enjeux de santé et réponse
politiques " avec la participation de :
|
16/03/1999 |
- Dr P.-H. Gouyon, professeur de génétique à l'université de Paris-Sud-Orsay. |
19/03/1999 |
Visite du Génopôle d'Évry :
|
28/03 au 02/04/1999 |
Déplacement aux États-Unis : |
|
Boston :
|
|
Philadelphie :
|
|
San
Francisco :
|
16/04/1999 |
Déplacement à Grenoble :
|
05/05/1999 |
- Pr. D. Strosberg, vice président de la
Société Hybrigenics et vice-président de l'association
France Bio-Tech ;
|
18/05/1999 |
- Pr. B.-P. Roques, membre de l'Académie des sciences, directeur de l'unité de pharmacochimie moléculaire et structurale (Paris V). |
03/06/1999 |
Déplacement à Lille :
|
01/07/1999 |
- M. Capdeville, président de la Fédération nationale des syndicats pharmaceutiques. |
01/07/1999 |
- M. J.-R. Fourtou, président directeur
général de Rhône-Poulenc
|
|
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ANNEXE n° V : Lettre de saisine de l'Office
ANNEXE n° V : Lettre de saisine de
l'Office