Un projet dont la finalité et le coût doivent être précisés
La
modularité de l'avant-projet de démonstrateur nourri par le CEA,
le CNRS et EDF, au sein du groupement Gédéon, semble un choix
adapté à la nouveauté de l'installation. Ainsi pourront
être identifiées les questions à résoudre et
peut-être même les coûts pourront-ils être
estimés.
Mais la question de la taille du démonstrateur semble en elle-même
capitale. En tout état de cause, on ne peut donc tenir la dimension
d'une installation comme celle du démonstrateur projeté comme
allant de soi. Il s'agit en effet de construire, au final, l'équivalent
en puissance à peu de choses près du réacteur à
neutrons rapides Phénix auquel viendra s'ajouter un
accélérateur lourd.
Sur le plan financier, une coopération européenne voire
internationale est actuellement recherchée et sera peut-être
trouvée, facilitant le financement d'un équipement ambitieux.
Mais l'accélérateur linéaire, à lui seul,
représente un investissement dont la rentabilité doit être
établie. Certains auteurs indiquent que le coût de
l'accélérateur avec les lignes de transfert, les alimentations et
les protections biologiques pourrait être trois fois plus
élevé que celui du système sous-critique
67(
*
)
. Rappelons, pour fixer les
idées, qu'il s'agit au bas mot de fournir un courant de proton
d'intensité minimale de 10 à 15 mA. Lors de l'audition
organisée par M. C. Birraux, dans le cadre de la préparation de
son rapport de mars 1997
68(
*
)
, M.
Rubbia affirmait :
" l'accélérateur est un des
éléments les plus innovants de l'amplificateur
d'énergie "
. On ne saurait le démentir : aucun
accélérateur n'est actuellement capable de fournir un tel
faisceau de protons. Le mieux que l'on sait faire est d'atteindre 1mA pour 590
MeV (cyclotron de l'institut Paul Scherrer de Zurich) ou 1 mA pour 800 MeV
(accélérateur linéaire de Los Alamos).
S'agissant par ailleurs des coûts globaux d'investissement et de
fonctionnement des réacteurs hybrides, les évaluations
publiées ou annoncées varient - à projets comparables -
dans des proportions si considérables que l'on ne peut que douter de
leur vraisemblance.
L'amplificateur d'énergie proposé par C. Rubbia a fait l'objet
d'études chiffrées par son promoteur et par l'IEPE de Grenoble.
Selon le CERN, le coût d'investissement atteindrait 7417 F par kWh. Selon
l'IEPE, ce coût serait de 8165 F par kWh, à comparer à
l'estimation donnée par la même source pour un REP
69(
*
)
. Les coûts du kWh produit
seraient du même ordre que pour les REP, aux alentours de 16 cts/kWh,
toute chose égale par ailleurs. Le CEA écrit quant à
lui :
" on conçoit mal pourquoi on ferait l'effort
(considérable) de développer ces systèmes très
complexes, sans avoir clairement identifié un créneau où
ils ont des chances de se révéler significativement
supérieurs aux réacteurs critiques modernes, REP ou RNR.
Aujourd'hui, il ne semble pas que ce créneau puisse être la
production économique et sûre
d'électricité
"
70(
*
)
.
La version à neutrons rapides de l'amplificateur d'énergie de C.
Rubbia, de plus petite taille et qui pourrait voir le jour dans les cinq ans,
aurait un coût de 850 millions à 1,7 milliard de F
71(
*
)
.
En réalité, il s'agit avant toute chose de déterminer quel
est l'objectif poursuivi. S'agit-il de concevoir un démonstrateur de
réacteur hybride électrogène - auquel cas l'investissement
risquerait d'être très élevé - ? Au contraire
envisage-t-on d'élaborer une machine spécialisée dans la
destruction des déchets - alors le coût, sans être
négligeable, serait davantage compatible avec les budgets des organismes
concernés - ?
L'option retenue par la France semble être celle du démonstrateur
d'incinération de déchets. Mais, même dans ce cas, la
question de sa puissance reste à régler. Si les
spécialistes semblent s'accorder sur une puissance minimale d'une
centaine de mégawatts, il convient de déterminer une puissance
permettant de maîtriser les développements technologiques dont on
sait qu'ils ne sont pas linéaires.
La réflexion sur la finalité et les dimensions du
démonstrateur de réacteur hybride est d'autant plus capitale que
de très nombreux problèmes, fort importants, restent à
examiner.