2.2. les limites des études sur la transmutation avec Phénix
La
transmutation de noyaux lourds s'opère avec des flux neutroniques de
grande intensité. En réalité, soumis à un flux de
neutrons, ceux-ci réagissent de deux façons. Certains d'entre eux
absorbent purement et simplement un neutron et se transforment en un noyau plus
lourd : c'est le phénomène de la capture. D'autres sont
cassés en divers produits par hypothèse moins lourds : c'est
le phénomène de la fission.
La transmutation s'opère principalement par fission dans le cas de
noyaux lourds, comme les actinides mineurs. En revanche, la transmutation
s'effectue par capture pour les produits de fission à vie longue.
Pour que la fission intervienne, il faut que les neutrons aient une
énergie suffisante. La physique neutronique démontre deux faits
essentiels. Plus les neutrons incidents sont énergétiques et plus
l'on fait de fission et moins l'on fait de capture. Plus les neutrons sont
énergétiques et plus la réaction globale de fission est
rapide.
Implicitement, ces résultats posent la question de la source de neutrons
à utiliser pour les expériences de transmutation. En particulier,
celle-ci doit être assez puissante pour permettre des expériences
pas trop longues à réaliser. Mais il faut aussi que cette source
de neutrons soit d'une puissance modulable afin que l'on puisse traiter
à la fois le cas des actinides mineurs et celui des produits de fission.
Les produits de fission à vie longue sont des éléments
dont les noyaux sont de masse atomique moyenne. Etant eux-mêmes le fruit
de réactions de fission de noyaux lourds, ce sont déjà en
quelque sorte des
" cendres ".
Pour les transmuter, il sera nécessaire de disposer de neutrons
d'énergie intermédiaire entre celle des neutrons rapides et celle
des neutrons dits thermiques ; en d'autres termes, il faudra disposer de
neutrons épithermiques.
Considérant ces résultats, certains auteurs ont proposé
dans le passé d'utiliser pour la transmutation des systèmes
hybrides produisant des neutrons lents. Ceux-ci pourraient servir à la
transmutation des produits de fission. La durée d'exposition aux flux de
neutrons serait allongée pour que l'on parvienne aussi à
transmuter les actinides mineurs.
En réalité, pour le CEA, cette solution est à proscrire.
Un consensus existe dans la communauté scientifique pour recommander
l'usage exclusif des sources de neutrons rapides. Il s'agit au premier chef de
disposer des neutrons rapides pour transmuter rapidement et efficacement les
noyaux lourds des actinides mineurs. Pour casser les produits de fission, il
suffira de ralentir les neutrons rapides, ce que l'on sait faire sans
difficulté.
Après la fermeture de Superphénix, Phénix est
désormais le seul réacteur à neutrons rapides disponible
pour soumettre à des irradiations les actinides mineurs et les produits
de fission et examiner plus avant les caractéristiques des
réactions de transmutation. D'où l'importance extrême de sa
remontée en puissance autorisée récemment et prévue
pour la fin du 1
er
semestre 98 et le caractère
stratégique des programmes d'étude SPIN et CAPRA.
La remontée en puissance de Phénix
L'autorisation de création de Phénix,
réacteur
à neutrons rapides d'une puissance de 250 MWe, provient du décret
du 31 décembre 1969. La première divergence du réacteur
intervient en août 1973, le premier couplage au réseau EDF en
décembre de la même année et la mise en service industriel
en juillet 1974. Pendant la période 1974-1989, Phénix fonctionne
3 800 jours équivalents pleine puissance. L'installation démontre
que le cycle du combustible peut être fermé par recyclage du
plutonium à trois reprises. La surgénération de plutonium
est démontrée, avec un facteur de 1,15. Certains assemblages
combustibles ont pu atteindre 144 000 MWj/t, à comparer avec les 43 000
MWj/t moyens des réacteurs à eau pressurisée. Sur 170 000
crayons de combustibles utilisés, seules 15 ruptures de gaines sont
enregistrées. La première phase d'exploitation de Phénix
est donc un remarquable succès. Une deuxième phase plus difficile
intervient à partir de 1990, phase qui devrait se clore cette
année après que d'importants travaux de modernisation, de
jouvence et d'amélioration de la sûreté ont
été réalisés.
A compter de la mise en évidence en 1989 et en 1990 de baisses de
puissance inexpliquées, l'exploitation de Phénix continue au
ralenti. D'une part l'installation est maintenue en température, en
raison de l'utilisation du sodium comme fluide caloporteur, et d'autre part la
DSIN autorise pour des durées limitées la divergence du
réacteur, la dernière autorisation étant intervenue en
février1997
60(
*
)
.
Le CEA met à profit cette période pour se livrer à des
travaux de jouvence de l'installation, notamment en ce qui concerne les
circuits de refroidissement, les échangeurs et les collecteurs sodium
des générateurs de vapeur. Les systèmes d'arrêt du
réacteur sont également complétés. La tenue au
séisme du bâtiment réacteur est renforcée pour
être conforme aux normes antisismiques révisées depuis la
construction de l'installation. Le bâtiment annexe comprenant les
composants du système d'ultime secours est lui aussi renforcé. Le
CEA met au point une méthode d'inspection in situ et à l'aveugle
des soudures des structures de supportage du coeur.
L'ensemble de ces programmes de modernisation représente une
dépense de 600 millions de F. Début 1998, 350 millions sont
déjà investis.
Le 9 avril 1998, la DSIN autorise la remontée en puissance de
Phénix pour un 50
ème
cycle d'exploitation qui devrait
durer environ 6 mois. A l'issue de ce 50
ème
cycle, un
arrêt d'un an sera observé. L'année 1999 sera
consacrée à la révision décennale
programmée, aux travaux d'inspection des structures du coeur et de
renforcement sismique de la salle des machines et du bâtiment des
générateurs de vapeur.
Le début de l'année 2000 verra le début du
51
ème
cycle d'exploitation. L'installation doit alors
décrire 7 cycles d'exploitation qui se termineront fin 2004. La centrale
Phénix devrait alors être arrêtée
définitivement.