Le Mox dans les réacteurs de 1 450 MWe : un problème analogue à celui des réacteurs 1 300 MWe

Les réacteurs du palier N4 sont équipés d'un schéma de grappes renforcé. Des marges importantes existent en conséquence pour l'arrêt en cas d'accident de refroidissement. L'ajout de grappes supplémentaires permettrait de répondre à la question. Le palier N4 se présente en conséquence de façon voisine de celle du palier P4-P'4.

Le Mox et l'EPR : une question stratégique

Le réacteur du futur EPR peut-il servir à recycler en masse le plutonium issu du retraitement ? Telle est la question fondamentale pour les 50 prochaines années du nucléaire sur laquelle il convient de se pencher en détail.

Il importe en particulier de savoir si de nouvelles tranches - en l'occurrence des EPR -, venant en supplément du parc actuel, pourraient contribuer à la consommation du plutonium issu du retraitement.

Si l'on considère l'avenir à plus long terme, il s'agit aussi de déterminer si les tranches venant en renouvellement des premiers réacteurs du palier CP0 pourraient modifier l'équilibre du cycle du combustible.

La définition du réacteur européen à eau pressurisée du futur a commencé en 1992. NPI, filiale commune de Framatome et de Siemens créée en 1989 en assume la maîtrise. Les principales dates de la progression de ce projet sont les suivantes. A la fin 1993, un document relatif aux concepts de sûreté retenus est adressé aux autorités de sûreté françaises et allemandes. En 1994, le groupe permanent réacteur étudie le document correspondant. Une lettre cosignée par les autorités de sûreté française et allemande manifeste l'approbation pour les orientations initiales. La conception de base " Basic Design " commence alors. Les études sont terminées en juin 1997. Le rapport résultant intitulé " Basic Design Report " est déposé en octobre 1997 auprès des autorités de sûreté en octobre 1997. L'année 1998 est employée à l'optimisation des conditions d'exploitation du futur réacteur, notamment sur le plan des coûts.

Ce réacteur évolutionnaire 41( * ) devrait avoir une puissance de 1 525 MWe, encore qu'on étudie à l'heure actuelle dans quelles conditions celle-ci pourrait être portée à 1 700 - 1750 MWe. La durée de vie de l'îlot nucléaire devrait être portée à 60 ans contre 40 ans initialement prévus pour les réacteurs actuels. Le premier objectif est celui de l'augmentation de la sûreté par rapport à celle déjà remarquable des réacteurs actuels les plus avancés. Parmi les dispositifs devant y conduire, figurent le renforcement de l'enceinte, l'introduction d'un système de refroidissement dédié par aspersion, des systèmes de dépressurisation, des recombineurs catalytiques d'hydrogène et un dispositif étanche de récupération du corium. Un deuxième objectif est celui d'accroître la simplicité d'exploitation. Elle sera obtenue grâce à une amélioration de la fiabilité des composants, un fonctionnement et une maintenance facilités, une réduction des marges d'erreur humaine et une radioprotection meilleure 42( * ) .

Au plan de son architecture technique, l'EPR serait relativement proche du réacteur N4. A ce titre, le circuit primaire principal comprendrait 4 boucles comprenant chacune un générateur de vapeur et un système de pompes associées. Les réserves d'eau seraient accrues pour des motifs de sûreté. Le coeur comprendrait 245 assemblages combustibles contre 205 pour le réacteur N4.

La question du recyclage du plutonium, fondamentale pour l'étude de l'aval du cycle, est à l'heure actuelle en cours d'approfondissement. La version de base de l'EPR permet le monorecyclage du plutonium au taux de 50 % dans des gestions de 18 mois. La teneur moyenne en plutonium est de 11 %. Le vecteur isotopique correspond à un combustible uranium déchargé à 60 000 MWj/t. Fort opportunément et d'une certaine manière en contrepartie, les systèmes de l'EPR sont conçus pour utiliser du bore enrichi en bore 10.

Cette option apporte une souplesse importante vis-à-vis de l'utilisation du Mox. En conséquence, pour aller au-delà de 50 % d'assemblages Mox, seules quelques modifications mineures devraient être apportées aux systèmes de la chaudière.

Vos Rapporteurs ont pu obtenir des précisions supplémentaires de Framatome, sur les études en cours relatives à un recyclage accru du plutonium dans l'EPR, à propos duquel les études CAPRA menées sur Superphénix auraient été fort utiles. Le tableau suivant récapitule les différentes possibilités qui devraient être offertes par ce réacteur du futur.

Tableau 19 : l'EPR et le recyclage du plutonium - performances attendues

EPR

% d'assemblages

de Mox

teneur moyenne en plutonium

durée

des cycles

taux d'épuisement

de décharge

nombre de crayons par assemblage

rapport

de modération

version de base

50 %

11 %

18 mois

60 000 MWj/t

" 17x17 "

2

version

à l'étude

100 %

11 %

18 mois

60 000 MWj/t

" 17x17 "-36

2,2

Les études en cours montrent qu'un arbitrage sera vraisemblablement nécessaire entre l'augmentation de puissance, telle qu'elle est projetée, et le passage à 100 % de Mox dans le réacteur.

Pour passer à 100 % d'assemblages Mox, il faudra en effet utiliser des assemblages à rapport de modération légèrement accru. Ceci sera obtenu par suppression de 36 crayons combustible de l'assemblage standard de l'assemblage standard 17x17. Ainsi que l'écrit Framatome : " l'utilisation de ces assemblages efface en partie la perte d'efficacité que subissent le bore et les grappes de contrôle dans un coeur Mox par rapport à un coeur UO2. La possibilité d'enrichir le bore en bore 10 vient encore augmenter l'efficacité de ce moyen de contrôle. Le résultat est que vis-à-vis du contrôle de la réactivité, le coeur 100 % Mox n'est pas plus pénalisant qu'un coeur 50 % Mox. Par ailleurs, l'introduction de 36 trous d'eau par suppression des crayons combustible correspondant a pour conséquence une augmentation de la puissance linéique, ce qui se traduit par une perte de marges sur le coeur. Cela est acceptable pour le niveau de puissance actuel de l'EPR, mais ne permettrait vraisemblablement pas une augmentation de 15 % de puissance envisagé aujourd'hui . La pénalité pourrait être de l'ordre de 5 %, pour des coeurs 100 % Mox. "

Un autre arbitrage devrait par ailleurs être effectué entre le passage à 100 % Mox et la durée de vie de la cuve, qui devrait en tout état de cause être diminué par la présence accrue d'assemblages Mox.

Il reste que l'EPR moxé permettrait, ainsi que le montre le tableau ci-après, une consommation nette de plutonium, avec toutefois comme conséquence un accroissement des quantités produites d'actinides mineurs (américium, neptunium et curium), ce qui accroît les difficultés du stockage à long terme.

Tableau 20 : estimation des consommations ou des productions de plutonium et d'actinides dans l'EPR, suivant ses versions 43( * )

type d'EPR

EPR - UO2 - 60 GWj/t

EPR -50 % Mox - 60 GWj/t

EPR - 100 % Mox - 60 GWj/t

Plutonium total (kg/Twhe)

+ 26,4

- 24,8

- 67,5

Américium (kg/Twhe)

+ 0,8

+ 3,7

+ 4,8

Neptunium (kg/Twhe)

+ 2,1

+ 1,1

+ 0,3

Curium (Kg/Twhe)

+ 0,4

+ 2,5

+ 4,0

En première approximation, on peut considérer qu'une tranche EPR moxé à 100 % serait susceptible de consommer environ 3 tonnes de plutonium par an.