3) développer l'hygiène du travail en France, complément et partenaire indispensable de la médecine du travail
a) rôle et mission de l'hygiène du travail
Selon la définition du Bureau International du Travail
(BIT), l'hygiène du travail est la science et l'art de détecter,
d'évaluer et de maîtriser les nuisances et les facteurs de
l'environnement professionnel qui peuvent altérer la santé et le
bien-être des travailleurs et des membres de la communauté.
L'objectif de la médecine et de l'hygiène du travail est donc le
même : protéger la santé et le bien-être de
toute personne qui travaille, mais les approches sont différentes et
parfaitement complémentaires, comme l'illustre la figure ci-dessous.
L'hygiène du travail se concentre sur l'environnement professionnel pour
en appréhender tous les risques potentiels et la médecine du
travail s'occupe du travailleur et des effets potentiels de ses conditions de
travail sur sa santé. Les connaissances et les compétences
nécessaires à l'exercice de ces deux professions relèvent
de sciences fondamentalement différentes, et ne peuvent être
maîtrisées par une seule personne. En d'autres termes, le tandem
médecin-hygiéniste est un binôme incontournable pour
gérer correctement les risques professionnels chroniques.
(figure)
Dans l'équipe pluridisciplinaire de santé au travail, l'hygiéniste du travail occupe une place privilégiée. En effet, il est le partenaire indispensable du médecin du travail et le partenaire naturel de l'ingénieur de sécurité, puisque son analyse des risques potentiels n'exclut pas les risques aigus, c'est-à-dire les risques d'accidents.
b) le modèle français
Le développement relativement important de la
médecine du travail en France après la deuxième guerre
mondiale ne s'est pas accompagné d'un développement
parallèle de l'hygiène du travail. Cela a conduit à la
situation que nous connaissons aujourd'hui et qui n'est pas adéquate.
Les connaissances et compétences nécessaires à
détecter, évaluer et maîtriser les risques de
l'environnement professionnel sont fragmentées et
disséminées parmi plusieurs acteurs de la prévention
(ingénieurs de sécurité, médecins du travail,
inspecteurs des CRAM, experts et spécialistes de tous horizons).
Impossible dans une telle situation d'appliquer les principes de
l'hygiène du travail et d'intégrer de manière
cohérente toutes les connaissances nécessaires relatives au
travail et à son environnement pour protéger adéquatement
les travailleurs.
Il ne sera pas possible de donner un nouveau rôle au médecin du
travail (cf. 2) ci-dessus sans développer l'hygiène du travail.
Cela d'une part pour décharger le médecin de toutes les
tâches qui lui incombent réglementairement et qui relèvent
de l'hygiène du travail (cf. II-C-2) : attestation et fiche
d'exposition, exposition actuelle et ancienne, etc., et d'autre part pour
renforcer son rôle et sa place dans le système de
prévention.
Il est bien évident que toutes les difficultés signalées
au point b) ci-dessus ne seront pas aplanies grâce à
l'hygiène du travail ; elles seront en revanche plus faciles à
vaincre si le médecin peut compter sur un partenaire compétent et
si chacun joue le rôle qui lui revient véritablement.
c) les moyens à mettre en oeuvre
- prise de conscience du besoin
Il est primordial que les pouvoirs publics prennent
conscience de ce
déficit grave en professionnels de l'hygiène du travail
. Pour
cela, tous les acteurs sociaux devraient être concernés, et les
sociétés et associations professionnelles des acteurs en place
(médecins du travail, ergonomes, ingénieurs de
sécurité, psychologues du travail, infirmiers de santé au
travail, etc...) devraient jouer un rôle moteur pour montrer que, dans
les nécessaires équipes pluridisciplinaires de gestion des
risques professionnels, un des acteurs principaux fait cruellement
défaut.
Bien sûr, certaines professions qui assument partiellement quelques
tâches d'hygiène du travail risquent de se sentir menacées,
mais l'exemple international et la tendance générale d'une
meilleure reconnaissance de toutes les professions de prévention
devraient les rassurer. Il est frappant, à ce sujet, de constater que
les nouvelles générations de médecins du travail
ressentent de plus en plus cruellement l'absence de ce partenaire qui leur est
indispensable.
- formation
Il faut donc former ces spécialistes en hygiène du travail et
créer ou adapter, dans les universités, les structures
adéquates sur des modèles de formation existants ou sur ce qui se
fait ailleurs. Il existe d'ailleurs des recommandations internationales de
l'OMS à ce sujet. Une uniformisation des professions à
l'échelle internationale favorisera leur reconnaissance et leur
développement.
- rôle des structures existantes
L'INRS est certainement l'institution française la mieux à
même d'organiser et de promouvoir l'hygiène du travail sur le plan
scientifique et sur le plan pratique.
La notion d'hygiène du travail
et la nécessité de mieux l'intégrer dans les
stratégies préventives font déjà partie de ses
préoccupations ; reste une mission politique claire à lui
confier. Il existe bien d'autres structures (CNRS, INSERM, CEA, etc...)
où l'hygiène du travail pourrait mieux trouver sa place en tant
que telle et y être développée. Il existe une
société française des hygiénistes du travail
(SOFHYT) qui ne regroupe à l'heure actuelle qu'une poignée de
personnes, représentantes pour la plupart des grandes entreprises. Cette
société, qui appartient à l'Association internationale
d'hygiène du travail (regroupant plus de 20.000 professionnels),
illustre le besoin dans ce domaine et l'amorce de cette tendance internationale
irréversible vers une hygiène du travail forte et reconnue.