B) MENER UNE POLITIQUE DE PRÉCAUTION VIS-À-VIS DES AUTRES FIBRES
De nombreux produits de substitution à l'amiante sont
actuellement disponibles sur le marché. Ils peuvent être de nature
fibreuse ou non fibreuse. La meilleure précaution consisterait, lorsque
cela est réalisable, à remplacer l'amiante par des produits non
fibreux, type plâtres spéciaux. Ces produits ne sont cependant pas
adaptés à toutes les situations et il faudra donc, dans de
nombreux cas, remplacer les produits amiantés par des produits fibreux.
Nous nous limiterons ici aux fibres artificielles, sans aborder les
conséquences sur la santé des autres produits.
La nocivité de l'amiante étant liée pour une grande part
à son aspect fibreux ("effet fibre"),
on peut légitimement
s'interroger sur la nocivité potentielle des fibres de substitution.
Les facteurs de toxicité décisifs de l'amiante sont la dose
inhalée, la dimension géométrique des fibres et leur
durabilité dans l'organisme (biopersistance). Des études
scientifiques sur ces facteurs de toxicité ont été
menées sur les fibres de substitution. La réponse est encore loin
d'être claire et il sera nécessaire de poursuivre plus avant les
recherches. Cependant, mis à part certaines fibres céramiques, le
problème semble être beaucoup moins préoccupant pour les
autres fibres. A titre de précaution, certaines mesures pourraient
cependant d'ores et déjà être prises pour éviter
l'émergence d'un problème similaire à celui de l'amiante.
1) les différentes fibres synthétiques de substitution, leur utilisation et leur production
a) les différentes fibres et leur utilisation
Parmi les fibres de substitution les plus couramment
utilisées figurent les laines de verre, les laines de roche, les laines
de laitier, les filaments et microfibres de verre, et les fibres
céramiques réfractaires : elles font partie de la
catégorie des fibres minérales vitreuses artificielles. Ce sont
des fibres synthétiques (à la différence de l'amiante),
inorganiques et non siliceuses.
A l'heure actuelle, on produit plus de 70 variétés de fibres
synthétiques inorganiques, qui sont utilisées dans plus de 35.000
applications différentes. Il faut bien noter qu'à la
différence de l'amiante, produit naturel de notre sol, les fibres de
substitution sont fabriqués artificiellement et qu'il est facile d'en
changer la structure (longueur, diamètre) ou la composition chimique. Ce
point est d'importance dans la mise en place d'une politique de
précaution.
Les fibres vitreuses artificielles sont produites à partir d'un
matériau en fusion (roche, laitier, argile de kaolin, ou combinaisons de
silicium et d'oxyde d'aluminium), ce qui différencie beaucoup leur
production de celle des fibres d'amiante. Trois méthodes principales
sont utilisées pour produire les fibres à partir du
matériau en fusion :
- étirage mécanique de fils extrudés du
matériau en fusion (cas de la production de fibres de verre en filament
continu)
- soufflage de gouttelettes ou de filaments des matériaux en fusion
dans des jets de vapeur, ou d'air chaud ou dans une flamme,
- atténuation de gouttelettes fondues liquides par centrifugation.
Les fibres de verre en filament continu sont utilisées pour renforcer le
ciment, les plastiques et les matériaux résineux, dans les
produits à base de papier ou de cuivre, dans les produits textiles et
dans les produits d'isolation électrique. Elles représentent 10
à 15 % de la production totale des fibres vitreuses
synthétiques.
Les laines de roche, de verre et de laitier sont principalement
utilisées en isolation thermique et acoustique : protection contre le
feu, carreaux et panneaux acoustiques pour plafonds, conduites d'air
conditionné et de ventilation. Elles représentent plus de
80 % de la production totale des fibres vitreuses synthétiques.
Les fibres céramiques réfractaires sont utilisées pour
l'isolation à haute température des fourneaux et des fours. Elles
représentent moins de 1 % de la production.
b) la production de ces différentes fibres
Les valeurs limites d'exposition (valeurs moyennes sur huit
heures) recommandées par le ministère des Affaires sociales pour
les fibres de substitution ont été abaissées, depuis le
1er janvier 1997, à
1 f/ml pour les laines de verre, de roche et de
laitier
et à
0, 6 f/ml pour les fibres céramiques
réfractaires
. Ce ne sont pas des valeurs réglementées
mais de simples recommandations.
Il est donc important, au-delà de ces recommandations, de
connaître les valeurs réelles d'exposition sur les lieux de
travail. Cependant, il est bien difficile d'apprécier
l'empoussièrement réel car des mesures n'ont été
réalisées dans les entreprises que depuis une vingtaine
d'années.
Dans les usines de production, la concentration des fibres dans l'air augmente
lorsque le diamètre moyen de la fibre en cours de production diminue.
Les concentrations moyennes enregistrées sur les lieux de travail sont
comprises entre 0,003 et 0,5 f/ml pour la production de filaments continus,
entre 0,01 et 2 f/ml pour la laine d'isolation (la plupart des valeurs
étant inférieures à 1 f/ml) et entre 0,05 et 10 f/ml pour
les fibres céramiques réfractaires et les microfibres à
usage spécial.
S'agissant des utilisateurs de ces fibres, il convient de distinguer les
ouvriers de la production des travailleurs de l'utilisation finale du produit
(poseurs de rouleaux ou de panneaux de laines de verre ou de roche, notamment).
Bien qu'on ait détecté quelques taux élevés, les
taux sont généralement inférieurs à 1 f/ml pendant
la phase de production. En revanche, les taux d'exposition des travailleurs de
l'utilisation finale du produit sont moins bien connus. Si les données
concernant la pose de matériaux neufs montrent des niveaux
dépassant peu ceux de la production, les émissions
d'aérosols à partir des interventions sur des matériaux
anciens (donc plus friables) n'ont pas fait l'objet d'évaluations
systématiques. Or, il y a un risque potentiel d'exposition plus
important en l'absence d'une part de mesures de contrôle
atmosphérique et d'autre part d'une formation appropriée de ces
travailleurs. On retrouve la même difficulté que pour l'amiante :
la difficulté d'appliquer et de contrôler le respect de valeurs
limites dans le secteur 3 et dans les activités de bricolage.
S'agissant des bâtiments publics et des maisons, les mesures
effectuées ont été très peu nombreuses. On peut
cependant s'attendre à des valeurs comprises entre 0,1 f/l et 1 f/l.