CHAPITRE IV
DE LA CRÉATION DE DEUX DÉPARTEMENTS À LA
RÉUNION
Par coordination avec son amendement de suppression de l'article 38, seul article figurant dans ce chapitre, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à la suppression de cette division et de son intitulé.
Article 38
Création de deux
départements
à la Réunion
Cet
article prévoit la création, au plus tard le
1
er
janvier 2002, de deux départements à la
Réunion.
Les conditions de la création de ces deux nouveaux départements,
appelés à se substituer à l'unique département
actuel, sont renvoyées à une loi ultérieure.
Est toutefois précisée la répartition des communes entre
les deux futurs départements, qui serait la suivante
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*
)
:
- d'une part, La Possession, le Port, Saint-Denis, Sainte-Rose, Sainte-Marie,
Sainte-Suzanne, Saint-André, Bras-Panon, Saint-Benoît, Plaine des
Palmistes et Salazie ;
- d'autre part, les Trois Bassins, Saint-Paul, l'Etang Salé, Saint-Leu,
les Avirons, Saint-Louis, Cilaos, Entre-Deux, Le Tampon, Saint-Pierre, Petite
Ile, Saint-Joseph et Saint-Philippe.
Cette répartition aboutirait à deux départements de
population sensiblement équivalente (environ 350 000 habitants
chacun), l'un dans la partie nord-est de l'île et l'autre, dans la partie
sud-ouest.
Certains élus demandent depuis longtemps la création d'un second
département dans la partie sud de l'île. Ils font en effet valoir
le déséquilibre croissant de développement entre le nord
et le sud (où le taux de chômage est sensiblement plus
élevé), ainsi que les inconvénients liés à
la centralisation des services publics dans le nord, notamment en termes de
difficultés de déplacement. Selon eux, la création de ce
second département permettrait de remédier à ces
déséquilibres en instaurant un second pôle de
développement dans le sud qui aurait un effet d'entraînement
direct et indirect sur l'ensemble de l'économie ; elle se
justifierait donc notamment par des préoccupations d'aménagement
du territoire.
Cependant, cette position est loin de faire l'unanimité et le projet de
bidépartementalisation est actuellement l'objet d'une vive
polémique à la Réunion.
Certes, une majorité des parlementaires de l'île se sont
prononcés en faveur de la création d'un second
département, mais les deux assemblées élues au suffrage
universel, le conseil général, comme le conseil régional,
ont émis au mois de mars dernier un avis défavorable sur
l'avant-projet de loi présenté par le Gouvernement ; ils ont
en outre rejeté des amendements prévoyant la création de
deux départements selon d'autres modalités.
Or, une telle réforme ne devrait être envisagée que si elle
rencontrait l'accord des élus réunionnais, ainsi que l'a
d'ailleurs souligné M. Jacques Chirac, Président de la
République. Celui-ci ne s'est pas montré hostile au principe de
la création d'un deuxième département ; il a
toutefois déclaré qu'"
il appartiendra aux élus
réunionnais de se prononcer
"
38(
*
)
.
Au demeurant, il est quelque peu paradoxal que
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, se soit prévalu, au cours de son audition devant votre
commission des Lois, d'un accord quasi-unanime des parlementaires de la
Réunion pour justifier la bidépartementalisation, sans tenir
compte des avis exprimés par les autres élus de l'île,
alors qu'au contraire à Mayotte, le Gouvernement a défendu
l'" accord sur l'avenir de Mayotte " approuvé par une grande
majorité des conseillers généraux et municipaux mais
rejeté par les parlementaires de l'île.
D'autre part, cette réforme ne devrait pas non plus être
envisagée sans l'adhésion de la population locale, dont
l'article 39 du présent projet de loi prévoit d'ailleurs la
consultation sur d'éventuels projets de réforme statutaire,
s'agissant des régions d'outre-mer monodépartementales.
Or, la population réunionnaise, consultée par deux sondages, a
montré sa vive hostilité au projet de
bidépartementalisation : selon un sondage IPSOS
réalisé en juillet 1999, 57 % des Réunionnais y
seraient "
plutôt opposés car il s'agit d'une
réforme inutile et coûteuse
" alors que selon un autre
sondage effectué par l'institut Louis Harris en
février 2000, 32 % seulement des Réunionnais seraient
favorables à la création d'un second département.
Par ailleurs, plusieurs organisations socioprofessionnelles ont
également exprimé des réserves sur ce projet. En effet,
leurs représentants doutent qu'elle puisse constituer un moteur de
développement et créer des emplois. Au demeurant, force est de
constater qu'une réforme administrative telle que la
bidépartementalisation ne saurait constituer à elle seule une
réponse au problème majeur que connaît actuellement la
Réunion, à savoir la situation de l'emploi, alors même
qu'elle aura un coût important pour les finances publiques.
En outre, selon certaines informations communiquées à votre
rapporteur, le Conseil d'Etat se serait interrogé sur la
constitutionnalité d'une modification géographique du contour
d'une assemblée (le conseil général) contre la
volonté politique de ses membres, eu égard au principe de libre
administration des collectivités locales posé par
l'article 72 de la Constitution.
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un
amendement de suppression de l'article 38
du projet de loi.