II. L'ASSEMBLÉE NATIONALE A CONFIRMÉ LA TRANSGRESSION D'UN ENGAGEMENT ET UNE RÉGLEMENTATION EXCESSIVE DE LA LIBERTÉ DE CANDIDATURE
Pour l'essentiel, l'Assemblée nationale a repris, le 30 mars 2000, son texte de première lecture, en portant toutefois le seuil d'application du mode de scrutin proportionnel pour les élections municipales à 2.500 habitants, au lieu de 2.000 habitants dans sa rédaction de première lecture.
A. LA MODIFICATION DU MODE DE SCRUTIN MUNICIPAL
L'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture,
abaissé à 2.500 le nombre d'habitants d'une commune à
partir duquel serait appliqué le mode de scrutin proportionnel avec
attribution d'une prime majoritaire
, au lieu de 2.000 habitants selon
le texte qu'elle avait adopté en première lecture
(
article 1
er
A du projet de loi
).
Ce seuil est actuellement fixé à 3.500 habitants.
Votre rapporteur exposera ci-après (voir commentaire de
l'article 1
er
A) les raisons de caractère
essentiellement technique qui ont conduit les députés à
assouplir quelque peu leur position sur ce point (en particulier, accès
à la propagande officielle et obligation de présenter des listes
complètes dans les communes de 2.500 à 3.500 habitants).
Cette modulation écarterait du champ d'extension de la
représentation proportionnelle, par rapport au texte adopté par
l'Assemblée nationale en première lecture, 876 communes
où vivent près de 2 millions d'habitants.
Il n'en demeurerait pas moins que l'abaissement aux communes de 2.500
à 3.500 habitants du mode de scrutin applicable dans les communes plus
peuplées concernerait 1.048 communes et 5,13 % de la population,
qui seraient privées du droit de panachage dont elles disposent depuis
la loi municipale du 5 avril 1884.
Plus fondamentalement, il s'agirait toujours d'une modification du mode de
scrutin municipal
contraire à l'engagement formel du Premier
ministre
de ne pas faire de la parité un prétexte à
une modification des modes de scrutin.
Cette modification mélangerait inutilement deux débats, l'un sur
la parité et l'autre sur un mode de scrutin et
a fait obstacle
à la recherche du consensus qui aurait été souhaitable sur
le premier de ces sujets.
Votre rapporteur souligne enfin que la disposition adoptée par
l'Assemblée nationale ajouterait, dans les communes entre 2.500 et
3.500 habitants, à l'obligation de parité, un bouleversement
supplémentaire du régime électoral municipal à
moins d'un an du renouvellement des conseils municipaux.
B. UNE ATTEINTE À LA LIBERTÉ DE CANDIDATURE
Comme
en première lecture, l'Assemblée nationale a alourdi le
dispositif initial du Gouvernement, approuvé par le Sénat en
première lecture, qui prévoyait des listes paritaires mais sans
contrainte supplémentaire concernant la place respective des femmes et
des hommes sur les listes.
Pour les scrutins de liste à deux tours
(élections
municipales dans les communes d'au moins 2.500 habitants,
régionales, à l'Assemblée de Corse et cantonales à
Saint Pierre et Miquelon)
la parité serait exigée par groupes
entiers de six candidats
dans l'ordre de présentation de la liste
(
articles 1
er
, 3, 4, 6 et 7 du projet de loi
).
Pour les
scrutins de liste à un tour
(élections
sénatoriales et européennes) chaque liste devrait être
composée alternativement d'un candidat de chaque sexe
(
articles 2 et 5 du projet de loi
).
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a pris l'initiative de
prévoir que les listes de candidats au
Conseil supérieur des
Français de l'étranger
devraient comporter 50 % de
candidats de chaque sexe, dans les circonscriptions comptant au moins trois
sièges à pourvoir (
article 2 bis du projet de
loi
).
La
composition en alternance
des listes pour l'élection des
membres des assemblées territoriales de
Wallis-et-Futuna
et la
Nouvelle-Calédonie
serait imposée (
articles 2 et 3 du
projet de loi organique
).
En revanche, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a
supprimé, pour l'assemblée territoriale de la
Polynésie
française
seulement, cette obligation de composition
alternée,
ne maintenant que l'obligation d'un
nombre
égal de candidats de chaque sexe
à une unité
près
(
article 1
er
du projet de loi
organique
).
Votre rapporteur a déjà exposé que ces dispositions
apporteraient une
contrainte démesurée par rapport à
l'objectif d'égal accès
, les scrutins de ces dernières
années démontrant l'émergence d'une réelle
dynamique en l'absence de toute législation.
L'exigence d'un nombre égal de candidats de chaque sexe (à une
unité près) paraît nécessaire au
développement de ce mouvement, sans qu'il soit pour cela indispensable
d'ajouter des contraintes excessives au regard de la
liberté de
candidature, dont le principe doit être concilié avec celui
d'égal accès
.
Votre commission des Lois s'est d'ailleurs interrogée sur la question de
savoir si les adjonctions de l'Assemblée nationale n'allaient pas
au-delà de l'autorisation constitutionnelle de favoriser (et non
d'imposer)
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
et fonctions.
Les députés, confirmant le dispositif du projet de loi initial
concernant la modulation du financement public des partis politiques en
fonction de l'écart entre la proportion des candidats de chaque sexe aux
élections législatives, n'ont cependant pas retenu la disposition
complémentaire adoptée par le Sénat en première
lecture, excluant la pénalisation lorsque l'écart entre les
élus de chaque sexe est inférieure à 2 % (
article
12 du projet de loi
).
M. le président Bernard Roman, rapporteur de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale, s'est déclaré
"
attaché à un dispositif qui ne prend en compte que ce
qui dépend directement des formations politiques
" et a
considéré que "
les résultats aux élections
relèvent toujours de l'imprévisible "
2(
*
)
.
Votre rapporteur observe que
se sont les partis, non les électeurs,
qui désignent leurs candidats dans chaque circonscription
et que les
chances d'une formation politique de l'emporter dans une circonscription, tout
en restant aléatoires par définition, peuvent faire l'objet d'une
certaine évaluation par ces derniers.
Surtout, l'aménagement adopté par le Sénat, qui maintient
comme
principe
la pénalisation en fonction de
l'écart entre les
candidats
, a simplement prévu
un complément
dans le seul cas d'un parti qui aurait, en
définitive, atteint l'objectif de parité en termes
d'
élus
.
L'Assemblée nationale a rétabli les dispositions
étrangères au projet de loi, dont elle avait pris l'initiative en
première lecture et que le Sénat avait disjointes, concernant
la démission d'office du conseiller général pour cause
d'inéligibilité
et
l'éligibilité au conseil
consultatif d'une commune associée
(
articles 14 et 15 du projet
de loi
).
Elle a même ajouté un autre " cavalier ", concernant la
procédure de
démission d'office du conseiller
général pour cause d'incompatibilité
(
article 14 bis du projet de loi).
Enfin, les députés ont confirmé l'entrée en vigueur
des deux textes lors du renouvellement des assemblées concernées
(
article 13 du projet de loi et article 4 du projet de loi organique
).