LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RÉTABLIR LE TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
INSISTER SUR L'IMPORTANCE D'UNE RÉPRESSION EFFICACE, DISSUASIVE ET PROPORTIONNÉE DE LA CORRUPTION
Au terme
de la première lecture, votre commission constate que seuls ses
amendements rédactionnels et de précision ont retenu l'attention
de l'Assemblée nationale, les modifications de fond ayant toutes
été écartées.
Votre commission souhaiterait pourtant convaincre l'Assemblée nationale
du bien fondé des amendements adoptés par le Sénat en
première lecture.
En ce qui concerne les peines applicables aux nouveaux délits que tend
à créer le projet de loi, il est incontestable que l'adoption des
amendements du Sénat aurait pour conséquence que les
délits de corruption d'agents publics étrangers seraient punis
moins lourdement que les délits de corruption d'agents publics nationaux
ou d'agents publics appartenant aux Etats membres de l'Union européenne.
Cependant, il faut constater que
tous les pays ayant transposé la
convention de l'O.C.D.E. ont prévu des peines d'emprisonnement
inférieures à celles qui prévalent en France en
matière de corruption d'agents publics nationaux.
Certes, la
convention de l'O.C.D.E. prévoit que chaque pays doit prévoir un
éventail de sanctions en matière de corruption d'agents publics
étrangers
comparable
à celui qui existe en matière
de corruption d'agents publics nationaux. Il est toutefois possible de noter
que " comparable " ne signifie pas " identique ". Surtout,
cette convention prévoit également
l'équivalence
fonctionnelle
entre les sanctions mises en oeuvre par les Etats signataires
de la Convention.
Votre commission propose donc à nouveau de ramener de dix à cinq
ans les peines d'emprisonnement prévues en matière de corruption
d'agents publics étrangers et de magistrats étrangers.
De la même manière, votre commission propose à nouveau
de
réduire la liste des peines applicables aux personnes morales
.
En effet, nombre d'Etats signataires de la Convention de l'O.C.D.E. ne
connaissent pas la responsabilité pénale des personnes morales.
Dans ces conditions, il ne paraît pas choquant que la France, tout en
prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales,
conformément à son droit interne, écarte l'application de
certaines peines, telles que la fermeture d'établissements.
Votre commission souhaite surtout insister sur l'intérêt d'une
centralisation des affaires de corruption internationale au tribunal de
Paris
. Il est indispensable qu'une cohérence existe en
matière d'action publique dans un domaine extrêmement sensible.
Rappelons qu'une procédure engagée à tort, même
conclue par un non-lieu, pourrait causer un préjudice
considérable à l'entreprise mise en cause.
L'instauration d'une compétence de la juridiction parisienne concurrente
de celle de la juridiction territorialement compétente n'a en aucun cas
pour objectif d'affaiblir la répression. Elle doit favoriser
l'unité de la politique d'action publique et permettre à des
magistrats très spécialisés en matière
financière de connaître de ces questions.
L'Assemblée nationale a écarté cette proposition, son
rapporteur invoquant, pour ce faire, deux arguments principaux. Il a en premier
lieu insisté sur la création en cours de pôles
économiques et financiers, observant que "
la plupart des
juridictions spécialisées susceptibles de connaître des
affaires de corruption internationale bénéficieront donc d'une
assistance technique leur permettant de traiter avec efficacité ces
dossiers "
. En second lieu, le rapporteur a fait valoir qu'en
pratique, le tribunal de Paris serait de fait compétent pour un grand
nombre d'affaires, compte tenu de la localisation des sièges sociaux des
entreprises impliquées dans le commerce international.
Votre commission estime qu'aucun des deux arguments avancés n'est
décisif. Elle accepterait bien volontiers que les affaires de corruption
internationale soient confiées à
quelques pôles
spécialisés
. Toutefois, il existe aujourd'hui quatre
pôles et le Gouvernement envisage de porter ce nombre à une
dizaine. Il propose pourtant de confier les affaires de corruption
internationale à une juridiction spécialisée par cour
d'appel, c'est-à-dire à
35 juridictions
, ce qui
paraît
excessif pour assurer une pleine cohérence de l'action
publique sur le territoire de la République
. Il serait possible de
confier les affaires de corruption internationale à quelques pôles
disposant d'une compétence géographique étendue. En
matière administrative, il existe actuellement six cours administratives
d'appel et un tel système pourrait parfaitement être
appliqué en matière judiciaire pour les affaires de corruption
dans le commerce international.
Par ailleurs, s'il est exact que la juridiction parisienne sera le plus souvent
compétente, ne serait-il pas logique de prévoir une
compétence de droit de cette juridiction ?
Votre commission a décidé de rétablir le principe d'une
compétence concurrente de la juridiction parisienne et des juridictions
territorialement compétentes.