LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DURCIR LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI
L'Assemblée nationale a profondément
modifié le
projet de loi, souvent contre l'avis du Gouvernement :
- elle a refusé les amendements du Sénat abaissant de dix
à cinq ans les peines d'emprisonnement pour les délits de
corruption active de fonctionnaires étrangers ; elle a en effet
considéré qu'il était nécessaire, aux termes de la
convention de l'O.C.D.E, que les peines prévues pour la corruption
d'agents publics étrangers soient identiques aux peines prévues
pour la corruption d'agents publics nationaux ;
- l'Assemblée nationale a refusé l'amendement du
Sénat centralisant à Paris les poursuites en matière de
corruption d'agents étrangers ; son rapporteur a observé
qu'une telle centralisation était rendue inutile par la mise en place
progressive de pôles économiques et financiers ;
- l'Assemblée nationale a refusé l'amendement du
Sénat limitant la liste des peines pouvant être infligées
aux personnes morales en matière de corruption d'agents étrangers.
Par ailleurs, l'Assemblée a apporté des modifications
substantielles au dispositif proposé par le Gouvernement, contre l'avis
de celui-ci.
C'est ainsi qu'elle a modifié de manière sensible la
définition du délit de corruption
(pour les agents publics
nationaux comme pour les agents publics étrangers). Actuellement, les
articles du code pénal relatifs à la corruption punissent le fait
de proposer
sans droit
des offres, promesses ou dons pour qu'un
fonctionnaire accomplisse un acte. L'Assemblée nationale a
supprimé l'expression "
sans droit
". En outre, elle a remis en
cause la conception actuelle du délit de corruption. Ce délit
n'est constitué que lorsque le pacte de corruption est antérieur
aux actes d'exécution. Il faut qu'il y ait une sollicitation
préalable à l'acte pour que le délit soit
constitué. L'Assemblée a voulu contrer cette
interprétation en rajoutant l'expression "
à tout
moment
" dans la définition du délit de corruption.
Sur proposition du rapporteur de la commission des lois, M. Jacky Darne,
l'Assemblée nationale a également modifié l'article 2 du
projet de loi relatif à la non-rétroactivité. Le texte
présenté par le gouvernement et accepté par le
Sénat prévoyait que les nouveaux délits ne
s'appliqueraient pas aux sommes versées à l'occasion de contrats
signés antérieurement à l'entrée en vigueur des
conventions. Le Sénat a complété cet article pour
prévoir que l'entrée en vigueur mentionnée était
l'entrée en vigueur sur le territoire de la République et non
l'entrée en vigueur au sens de la convention de l'O.C.D.E.
L'Assemblée nationale a décidé que cette clause de
non-rétroactivité ne serait valable que si les sommes devant
être versées à des agents publics étrangers dans le
cadre de contrats signés antérieurement à l'entrée
en vigueur des conventions étaient
déclarées à
l'administration fiscale
dans l'année suivant l'entrée en
vigueur des nouvelles incriminations.
Enfin, l'Assemblée nationale a modifié l'article 39-2 bis du code
général des impôts relatif à la
déductibilité fiscale des commissions versées. Cet article
inséré dans le Code général des impôts lors
de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 1997 du 29
décembre 1997, que le projet de loi initial ne tendait pas à
modifier, supprime la déductibilité "
pour les contrats
conclus au cours d'exercices ouverts à compter de l'entrée en
vigueur de la Convention
" de l'O.C.D.E. L'Assemblée nationale
a décidé, sur proposition de son rapporteur, de
prévoir
la suppression de la déductibilité le jour de l'entrée en
vigueur de la Convention
, afin d'éviter que le versement de
certaines commissions continue à donner lieu à déduction
pendant quelques mois alors même qu'il serait pénalement
punissable. L'amendement adopté par l'Assemblée nationale
supprime la déductibilité dès l'entrée en vigueur
de la Convention pour l'ensemble des commissions et versements,
qu'ils
soient effectués dans le cadre de contrats signés
antérieurement à l'entrée en vigueur de la Convention ou
dans le cadre de contrats signés postérieurement à
l'entrée en vigueur de cette Convention.
L'esprit du texte est donc sérieusement modifié après son
passage par l'Assemblée nationale.