C. UNE MODIFICATION DU FONDS NATIONAL POUR LE DÉVELOPPEMENT DU SPORT (FNDS)
1. Les recettes du FNDS, une évolution ambiguë
L'article 31 bis adopté par l'Assemblée nationale
à la suite de la présentation d'un amendement du Gouvernement
tend à instituer un prélèvement sur les droits de
retransmission télévisées des manifestations sportives.
Votre commission a proposé la suppression de ce dispositif dont il
convient ici, après avoir rappelé la nature et l'évolution
des recettes affectées au FNDS, de rappeler les grands traits.
Les recettes du fonds sont évaluées dans le projet de loi de
finances 2000 à 1.014 millions de francs.
On rappelle qu'elles avaient été évalués dans le
projet de loi de finances initiale pour 1998 à la même somme
après le vote d'un amendement majorant le prélèvement sur
la Française des jeux qui s'était accompagné d'une
réestimation des recettes de 98 millions de francs par rapport au projet
initial du Gouvernement. En exécution, les recettes ont
été plus dynamiques que prévu atteignant 1.069,1 millions
de francs. Du coup, les recettes de 1999 devraient elles-mêmes
dépasser le montant prévu en loi de finances initiale qui
était également de 1.014 millions. Les prévisions
initiales pour 2000 en tiennent compte. En effet, le maintien de la
prévision de recettes au même niveau qu'en 1999 doit être
apprécié en considérant la disparition de tout
provisionnement au titre du versement de
l'excédent du produit de la
taxe sur les débits de boisson et sur les dépenses
d'indemnisation
supprimée dans le présent projet de loi et
dont le produit devait atteindre 33 millions de francs en 1999 et la chute
du prélèvement sur le PMU.
A structures inchangées, les
ressources du FNDS auraient progressé de 3,4 % par rapport à
1999
.
Les recettes théoriques du fonds se répartissaient en cinq
catégories.
Le fonds reçoit d'abord une partie du
produit du
prélèvement sur les sommes engagées au pari mutuel sur les
hippodromes et hors les hippodromes
. Le taux de prélèvement
ainsi affecté au FNDS est de 0,1 % dont l'estimation dans les divers
projets de loi de finances initiales de 1997 à 1999 avait
été inchangé à 32 millions de francs diminuerait
sensiblement en 2000 pour s'établir à 18 millions.
L'excédent du produit de la taxe spéciale sur les
débits de boissons et sur les dépenses d'indemnisation
était évalué à 33 millions de francs, sans
modification depuis 1996. Il disparaît en 2000.
Le fonds est censé bénéficier d'autres recettes,
mais ni la ligne
"remboursement des avances consenties aux associations
sportives"
ni celles relatives aux
recettes diverses et
accidentelles
ne font l'objet d'une évaluation en loi de finances
initiale.
En conséquence,
le produit du prélèvement sur les
sommes misées sur les jeux exploités en France
métropolitaine par la Française des jeux
représente la
quasi-totalité des recettes du fonds. La "rentrée" qui s'est
élevée à 999,6 millions de francs en 1998 est
estimée à 996 millions en 2000.
Les prévisions de recettes donnaient lieu traditionnellement à
une certaine surévaluation.
La modification de l'assiette des ressources du fonds adoptée en 1994
qui avait toutefois permis d'enrayer un phénomène continu de
baisse des recettes du FNDS et une volonté de réalisme
budgétaire ont permis de corriger cette situation.
Le prélèvement uniforme sur les produits de la Française
des jeux qui a été alors mis en place a permis de lisser les
évolutions contradictoires des enjeux portant sur les diverses
catégories de jeux gérés par elle.
Mais, la progression des ressources est venue, elle, de l'alourdissement des
prélèvements opérés sur les jeux
gérés par la Française des jeux.
L'aggravation du prélèvement affecté au FNDS qui se
traduit par une hausse des prélèvements obligatoires ne va
toutefois pas sans poser de problèmes.
La question est ainsi de savoir si, face à une évolution de
l'assiette du prélèvement qui serait défavorable, une
augmentation du taux du prélèvement sur la Française des
jeux pourrait constituer une solution pour garantir le financement du FNDS.
Cette question est particulièrement complexe et, pour y apporter une
réponse catégorique, il serait sans doute nécessaire de
conduire un audit de la Française des jeux qui n'est pas l'objet de ce
rapport.
En posant l'hypothèse que le taux de retour pour les joueurs des sommes
misées, actuellement de 57 %, est une condition au succès
des jeux, il faudrait alors déterminer si les frais de gestion
(5,1 milliards de francs dont 2,9 milliards attribués aux
courtiers et détaillants) pourraient être réduits afin de
dégager des marges pour accroître le prélèvement au
profit du FNDS.
Mais, il faudrait aussi s'interroger sur les perspectives mêmes du
chiffre d'affaires de la Française des jeux dont la tendance à un
développement certain quoiqu'irrégulier pourrait être
sérieusement perturbée si les règles du marché
unique européen devaient s'appliquer au domaine des jeux d'argent.
Sans procéder à une telle investigation force est de
reconnaître que le niveau du prélèvement effectué au
bénéfice du fonds résulte, en l'état des choses,
d'un arbitrage portant sur les recettes de l'Etat. Le total des recettes que
celui-ci tire de la Française des jeux s'élève en effet
à quelque 10,8 milliards de francs. Il faut en effet ajouter au
prélèvement au profit du FNDS (996 millions et 9,2 % du
total), le dividende payé à l'Etat (7,2 milliards et
66,7 % du total) et les recettes que celui-ci encaisse au titre de
l'imposition des entreprises (24,1 % des 10,8 milliards correspondant
aux prélèvements cumulés de l'Etat).
Dans ces conditions, si une certaine marge semble ainsi exister pour, le cas
échéant, abonder les recettes du fonds en provenance de la
Française des jeux, sa mobilisation suppose qu'en contrepartie du
relèvement du prélèvement affecté au fonds, l'Etat
accepte une diminution de ses recettes fiscales et non fiscales. Or, une telle
acceptation est évidemment loin d'être garantie.
Comme la création du FNDS a été motivée par le
souci d'assurer au sport les recettes nécessaires à son
développement cette incertitude rend
par conséquent
légitime de poser la question de la diversification des ressources du
fonds.
2. Des missions essentielles dont l'accomplissement appelle des réorganisations profondes
Votre
rapporteur a eu l'honneur de présenter à la commission les
principales conclusions d'un travail de contrôle et d'évaluation
du FNDS effectuée conjointement avec le rapporteur spécial
chargé du budget de la jeunesse et des sports.
Ayant pris acte des efforts du ministère de la jeunesse et des sports
pour améliorer la gestion budgétaire du FNDS malgré la
persistance d'anomalies, au terme desquelles 67,4 millions de francs de
recettes figuraient toujours en trésorerie du compte en 1999, alors
même que les crédits correspondant avaient été
définitivement annulés, ce rapport a été l'occasion
de constater l'attachement du monde sportif au partenariat
développé dans le cadre du FNDS. Mais, il a permis de dresser les
constats suivants qui sont moins favorables.
La procédure de répartition des crédits du FNDS est lourde
et complexe. La multiplication des structures intermédiaires sportives
(CDOS, CROS, comités départementaux, ligues) aboutissant à
une " perte en ligne " très importante. Seulement 53 %
des crédits de la part régionale du FNDS vont aux clubs.
Aucune priorité n'est affichée pour l'utilisation des
crédits du FNDS, celui-ci finançant à la fois le sport de
haut-niveau, le sport de masse, les investissements de l'Etat et les autres
équipements sportifs. L'absence de priorités se traduit,
concernant la part régionale, par un effet de " saupoudrage "
qui permet difficilement de juger de la pertinence des subventions.
Il existe une confusion quasi-totale entre le FNDS et le budget, nombre
d'actions étant financées tantôt sur le FNDS, tantôt
sur le budget, parfois sur les deux si bien que le FNDS apparaît
davantage comme une réserve de crédits, mobilisable en fonction
de besoins contingents, notamment la préparation des jeux olympiques ou
de la Coupe du Monde de football, et non d'un programme précis de
développement du sport.
Le contrôle des subventions accordées par le FNDS reste lacunaire.
S'agissant de la part régionale du FNDS, l'action de l'Etat semble
entièrement déconnectée de celle menée par les
collectivités locales, pourtant premiers financeurs du sport. Par
ailleurs, le recoupement entre les subventions versées sur la part
nationale et celles versées sur la part régionale du FNDS n'est
pas effectué, si bien qu'un double financement des mêmes actions
est possible.
Concernant le sport de haut-niveau, le ministère de la jeunesse et des
sports n'est pas toujours en mesure d'intervenir pour régulariser les
situations défectueuses des fédérations. Les sanctions
adviennent très tardivement, de peur de mettre en difficulté des
fédérations dont le nombre de licenciés est important. Par
ailleurs, les conventions d'objectifs sont des documents trop vagues pour
servir de base au contrôle de la dépense publique et
prévenir les situations difficiles.
Le rapport contenait donc 6 propositions :
- améliorer la transparence de gestion du FNDS : le conseil de
gestion devrait être davantage qu'une " chambre
d'enregistrement " et les critères de sélection des
programmes à financer devraient être clairement indiqués.
Le ministère de la jeunesse et des sports devra préciser les
critères d'octroi des crédits pour le sport de haut-niveau et les
équipements sportifs ;
- identifier les besoins du sport et mettre en place un programme de
financement pluriannuel. Il est en particulier nécessaire de mettre un
terme au " saupoudrage " des crédits de la part
régionale ;
- réintégrer dans le budget général les actions qui
incombent directement à l'Etat, notamment l'entretien des
équipements qui lui appartiennent ;
- regrouper les crédits de même nature au sein du budget d'une
part et au sein du FNDS d'autre part. Il n'est pas logique, par exemple, que le
sport de haut-niveau soit financé à la fois sur le FNDS et sur le
budget ;
- inciter le mouvement sportif à simplifier ses structures et à
prendre davantage de responsabilités. La simplification des structures
tant sportives (CROS, CDOS, ligues, comités) qu'administratives
(services déconcentrés de la jeunesse et des sports) permettrait
des économies d'échelle et un meilleur contrôle des
crédits ;
- rendre les contrôles plus efficaces. Le ministère de la jeunesse
et des sports ne doit pas craindre de contrôler
régulièrement l'emploi des fonds publics par les
fédérations sportives. Il doit améliorer le contenu et la
présentation des conventions d'objectifs, afin de savoir
précisément comment sont utilisées les subventions qu'il
accorde.
Il ne s'agit donc pas de supprimer le FNDS mais de conférer à
sa gestion plus de rigueur et d'efficacité en la situant dans le cadre
d'une politique du sport qui doit être redéfinie et dont les
moyens méritent d'être optimisés et accrus.
3. L'augmentation et la diversification des recettes du FNDS
C'est
dans ce contexte que doivent être appréciées les
différentes mesures entreprises pour abonder les recettes du FNDS.
Afin de conforter les recettes du fonds, plusieurs initiatives ont en effet
été prises.
La première d'entre elles a consisté à affecter au FNDS
les bénéfices du Comité français d'organisation de
la Coupe du Monde de football, soit près de 300 millions de francs. Ils
sont supposés abonder en 2000 les crédits du FNDS, sur des lignes
spécifiques dénommées " Fernand Sastre ". La
convention signée entre l'Etat et la Fédération
française de football précise en ce sens qu'un conseil
spécifique, créé par arrêté et composé
de représentants de l'Etat, du Comité national olympique et
sportif français, et de la Fédération française de
football, sera chargé de gérer ce fond. L'examen de ce dispositif
devrait intervenir à l'occasion du projet de loi de finances
rectificative.
La seconde initiative a consisté à créer un
prélèvement de 5 % sur les droits de retransmission
télévisée des manifestations sportives, à compter
du 1
er
juillet 2000. Tous les organismes qui percevront des droits
pour des événements sportifs nationaux, fédérations
et organisateurs privés, devront cotiser à ce fonds, qui devrait
être doté de 75 millions de francs environ en 2000 et entre
150 et 180 millions de francs en 2001.
L'instauration de ce prélèvement introduit un principe de partage
d'une part limitée du chiffre d'affaires des disciplines sportives.
L'explosion des droits de retransmission de certaines manifestations sportives
ne bénéficie qu'à certaines disciplines sportives
très médiatiques, notamment le football, le dernier contrat
signé par la Ligue nationale de football avec Canal + et TPS portant sur
8,1 milliards de francs pour 4 ans. La moyenne annuelle des droits de
retransmission télévisée pour le football au cours des
quatre prochaines années est évaluée à
2,92 milliards de francs, contre environ 1,35 milliards en 1999.
Pour l'année 1999, le montant des contrats concernant les autres sports
est réparti de la manière suivante :
Sport |
Evénements |
Montants pour 1999
|
tennis |
Roland-Garros, Bercy, Coupe Davis, Fed Cup |
250 |
rugby |
Championnat, Coupe de France, Equipe de Frnace |
142 |
formule 1 |
Grand Prix, essais |
150 |
cyclisme |
Tour de France, classique |
100 |
patinage artistique |
(fédération) |
17 |
basket |
(fédération) |
15 |
athlétisme |
Meetings privés |
10 |
Source : Ministère de la jeunesse et des
sports
Le total des contrats conclu avec les fédérations sportives est
évalué à 2,826 milliards de francs en 1999, mais
devrait augmenter au cours des prochaines années à travers les
droits d'image sur Internet et les droits sur les produits audiovisuels
dérivés notamment.
Le total des contrats avec les fédérations et les organisateurs
privés est quant à lui estimé à
3,634 milliards de francs, mais ce montant est largement
sous-estimé, car le ministère de la jeunesse et des sports ne
connaît pas les montants des contrats signés par de nombreux
organisateurs privés.
Le prélèvement de 5 % permettrait de redistribuer une partie
de ces droits, afin de faire profiter l'ensemble du mouvement sportif de ces
ressources. Le dispositif vise donc à limiter le décalage
croissant entre les " sports riches " (football, tennis, rugby,
cyclisme pour l'essentiel) et les autres sports, ainsi qu'à redistribuer
une partie de l'argent du sport professionnel vers des clubs amateurs souvent
pauvrement dotés.
Que penser de ces initiatives et tout d'abord de l'instauration d'un
prélèvement sur les droits de retransmission
télévisée ?
Dans son principe, le partage qu'elle instaure ne saurait qu'être
approuvé.
Votre rapporteur est certes conscient que la mesure qui anticipe le vote de la
loi sur l'organisation et la promotion des activités sportives, -ce qui
est normal si l'on en croit l'ordonnance organique du 2 janvier 1959- a
été introduite de façon quelque peu
hétérodoxe par amendement du gouvernement lors de l'examen du
projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.
Mais, cette hâte peut se justifier par une volonté d'application
rapide.
Il est évidemment plus contestable que celle-ci concerne des accords
déjà conclus mais des avenants sont sans doute possible.
Il est enfin bien vrai que les interventions du FNDS doivent être
profondément repensées. Mais cette exigence qui demandera du
temps ne doit pas être un préalable à l'instauration de ce
prélèvement qui est de nature à conforter la participation
des sports riches au développement de la pratique sportive.
C'est du moins la position de votre rapporteur que n'a pas partagée
votre commission des finances.
Votre rapporteur veut cependant rappeler que le FNDS est un tout et que les
informations selon lesquelles il serait découpé en trois sections
selon le schéma ci-dessous ne laissent pas d'être
inquiétantes du point de vue de la logique même du compte et de
l'efficacité de l'action qu'il est censé soutenir.
Architecture et dotations du Fonds national de
développement pour le sport
pour 2000 et 2001
|
Compte
d'affectation spéciale n° 902-17
|
||
Les différents fonds au sein du FNDS |
FNDS " classique " |
Fonds " Fernand Sastre " |
Fonds " de mutualisation " |
Dotation pour l'année 2000 (en millions de francs) |
1.014 |
300 (*) |
75 (*) |
Dotation estimée pour 2001 (en millions de francs) |
? |
(reliquat) |
150 à 180 (*) |
(*)
estimations
Cette " démultiplication " du FNDS ne permet pas, loin s'en
faut, d'améliorer la cohérence et la lisibilité de
l'emploi des fonds.
Elle va de plus à rebours de la logique de mutualisation qui inspire le
prélèvement nouvellement proposé.
Il faut surtout rappeler qu'il devient urgent d'articuler une vraie
politique du sport et que les recommandations du rapport de votre commission
des finances sur le fonds doivent recevoir des suites concrètes.