CHAPITRE IV :
LES COMPTES DE PRÊTS À DES ÉTATS
ÉTRANGERS OU LES DIFFICULTÉS DE L'ACTION EXTÉRIEURE DE LA
FRANCE
Estimée à 1.829 millions de francs en
1998, la
charge nette des comptes de prêts s'est transformée en
exécution en une charge limitée à 0,6 milliard
grâce au redressement du solde du compte de prêts du Trésor
à des Etats étrangers pour la consolidation de leurs dettes
envers la France. Pour 1999, un modeste excédent de 86,5 millions
de francs était prévu. Le projet de loi de finances rectificative
le porte à 1.186,5 millions de francs. Celui-ci s'accroîtrait
encore l'an prochain pour s'établir à 1,9 milliard de
francs. Cette évolution contribuerait à compenser la
détérioration du solde des comptes d'affectation
spéciale.
La nomenclature des comptes de prêts ne varierait pas mais, des quatre
comptes, seuls deux sont réellement actifs. En effet, le compte
retraçant la consolidation des avances du Trésor et celui
décrivant les opérations du Fonds de développement
économique et social n'ont plus qu'une existence marginale.
Seuls les comptes de prêts consentis aux Etats étrangers
enregistrent des opérations significatives.
Il existe deux comptes de prêts aux Etats étrangers :
le compte n° 903-07 "Prêts du Trésor à des
Etats étrangers et à l'Agence française de
développement" ;
le compte n° 903-17 "Prêts à des Etats
étrangers pour la consolidation de dettes envers la France".
Evolution des opérations des comptes de prêts aux Etats étrangers 9( * )
(en millions de francs)
|
1999 |
2000 |
Ecart 2000/1999 |
Compte n° 903-07 |
|
|
|
Recettes |
1.443,5 |
2.675,4 |
+ 1.231,9 |
Dépenses |
208 |
850 |
+ 642 |
Charge nette |
- 1.235,5 |
- 1.825,4 |
- 589,9 |
Compte n° 903-17 |
|
|
|
Recettes : |
3.900 |
3.500 |
- 400 |
Dépenses : |
5.200 |
3.500 |
- 1.700 |
Charge nette |
1.300 |
0 |
- 1.300 |
Totaux : |
|
|
|
Recettes |
5.343,5 |
6.175,4 |
+ 813,9 |
Dépenses |
5.408 |
4.350 |
- 1.058 |
Charge nette |
64,5 |
- 1.825,4 |
- 1.889,9 |
Dans un contexte de gonflement modéré des recettes résultant de la progression des remboursements des prêts aux Etats étrangers, la charge nette des comptes de prêts à l'étranger se réduirait pour s'établir à - 1.825,4 millions de francs et dégager ainsi un fort excédent.
1. Le compte n° 903-07 "Prêts à l'Agence française de développement et à des Etats étrangers"
Ce
compte est l'un des instruments importants de la politique
étrangère de la France.
Il comporte deux chapitres, l'un consacré à regrouper les moyens
des prêts directs du Trésor à des Etats étrangers,
l'autre à alimenter l'Agence française de développement
(AFD)
Le niveau des crédits du compte a été constamment
réduit. En 1995, ils atteignaient 5.925 millions de francs ; ils
ont été réduits à 3.717 millions en 1996 puis
à 2.982,5 millions en 1997 et, enfin, à 2.000 millions
pour 1998. Les crédits inscrits en loi de finances dépendent
désormais pour l'essentiel, des besoins résultant des protocoles
conclus dans le passé. Le délai moyen d'exécution des
protocoles varie en effet entre 4 et 5 ans si bien que les crédits d'une
année ne sont que pour 20 à 25 % d'entre eux
nécessités par les protocoles de l'année courante.
Quelques exceptions interviennent parfois comme le montre l'exemple du
prêt de 2 milliards de francs consenti en 1996 à la Russie
dont le paiement a été réalisé intégralement
l'année de l'engagement.
Depuis 1995, aucune dépense n'avait été
réalisée au profit de la Caisse française de
développement (CFD) et les crédits ouverts ne concernaient que
des opérations de prêts du Trésor à des Etats
étrangers qui correspondent à la politique protocolaire de la
France. En 1999, la situation avait changé du tout au tout, les charges
du compte, en forte régression avec 208 millions de francs contre
2 milliards l'année précédente n'étant plus
destinées qu'à abonder les moyens de l'AFD.
Les prêts du Trésor accordés à l'AFD sont des
ressources de refinancement mixées avec des ressources de marché
pour financer les prêts non-souverains (c'est-à-dire, sans
garantie ou aval de l'Etat) dans les secteurs non marchand ou privés. La
concessionnalité des prêts du Trésor (estimée aux
conditions actuelles de marché et en valeur actuelle à 75 %
du nominal des prêts) est utilisée par l'AFD pour constituer des
provisions au titre du risque supporté par l'établissement pour
ce type d'engagements, qui ne rentre pas dans le périmètre de
consolidation des mesures de traitement de dettes en Club de Paris (qui ne
portent que sur les prêts souverains).
Le statut comptable des prêts du Trésor a été
modifié en 1998.
L'AFD étant un établissement financier soumis à la loi
bancaire, elle est dans l'obligation de se conformer à la
réglementation prudentielle définie par la Commission bancaire.
Dans la perspective de la mise en oeuvre des nouvelles règles relatives
au ratio de division des risques (qui plafonne l'encours d'un risque sur un
seul débiteur à 25 % des fonds propres à compter du
1
er
janvier 1999, contre 40 % antérieurement), l'Etat a
décidé d'augmenter les fonds propres de l'AFD. Cette augmentation
des fonds propres est destinée à desserrer la contrainte
qu'aurait exercé le nouveau ratio de division des risques sur la
capacité future d'engagement de l'AFD, au profit de certaines Etats sur
lesquels ses engagements sont déjà concentrés (Maroc,
Cameroun, notamment). Pour ce faire, l'Etat a décidé de
transformer une partie de l'encours des prêts du Trésor
accordés à l'AFD à partir du CST n° 903-07
chapitre 2 en dette subordonnée, au sens du règlement
n° 90.2 de la Commission bancaire.
Ce règlement autorise en effet, sous certaines conditions, à
comptabiliser en fonds propres des emprunts subordonnés, dans la limite
de 50 % des fonds propres de base. Pour prendre en compte les contraintes
d'éligibilité aux fonds propres, la convention signée
entre l'Etat et l'AFD prévoit de :
- transformer environ 5,8 milliards de francs de prêts du
Trésor existants, correspondant aux tranches mobilisées par l'AFD
entre 1990 et 1997 inclus, après avoir réaménagé
globalement l'échéancier sur 20 ans dont 10 ans de
différé ;
- de rendre subordonnées toutes les nouvelles tranches de
prêts à compter du 1
er
janvier 1998. Sur ces nouvelles
bases, les fonds propres de référence de l'AFD ont
été portés à peu près un peu plus de 20
milliards de francs en 1998, ce qui permet d'augmenter le plafond d'un risque
individuel à 5 milliards de francs par débiteur.
Au 31 décembre 1998, la situation du chapitre 2 du compte n° 903.07
s'établissait comme suit.
Encours des prêts au 1.1.98 |
16.603.950.482,47 |
Remise de dette (-) |
1.563.071,92 |
Remboursements en capital 1998 (-) |
239.646.020,65 |
Tirages auprès du Trésor (+) |
500.000.000,00 |
Encours des prêts au 31 décembre 1998 |
12.862.741.389,90 |
Pour
2000, les autorisations de signature (plafond maximal d'engagement de l'AFD au
titre de cette ressource) sont estimées à 900 millions de francs
Les crédits ouverts au titre de la loi de finances en découlent
et sont de 350 millions de francs.
Mais, c'est surtout à la réduction des volumes des protocoles
signés dans le passé au titre des prêts directs du
Trésor que correspond celle des crédits ouverts.
Les protocoles conclus par la France avec des Etats étrangers comportent
un volet dons et un volet prêts que retrace le compte. Les prêts
consentis à ce titre ont beaucoup chuté. Ils atteignaient
3,439 milliards en 1995 et 4,583 milliards en 1996. Ils
n'étaient plus que de 1,684 milliard en 1997 et en
1,783 milliard en 1998.
La pratique protocolaire s'inscrit désormais dans le cadre de la
nouvelle procédure RPE (réserve pays émergents). Elle
concentre les interventions sur une quinzaine de pays.
La baisse du niveau de soutien de la France au monde en développement
réalisé à partir du compte est patente
.
Cette baisse ne résulte pas seulement d'orientations librement
choisies.
Elle provient également des "règles de consensus"
de l'OCDE qui imposent des contraintes renforcées à
l'intervention économique en faveur des pays en développement.
Celles-ci se traduisent par le renforcement de l'obligation de réserver
une fraction de l'intervention à des dons purs et simples - la part de
l'élément "don" devant être de 35 % dans les cas
ordinaires et de 50 % lorsque sont concernés les pays les moins
avancés- et par l'exclusion du champ des interventions de secteurs
considérés comme justiciables de financements privés tels
que les télécommunications.
L'encours des prêts sur protocole s'élevait fin 1998 à
44,5 milliards de francs, les plus gros débiteurs étant le
Maroc (5 milliards), l'Indonésie (6,5 milliards), la Chine
(5,9 milliards), l'Inde et l'Egypte (5 milliards).
Une question se pose : les perspectives de remboursements des prêts
du Trésor retenues pour évaluer les recettes du compte traduisent
sans doute une nette amélioration par rapport aux estimations pour 1998
et 1999. Au regard de l'évolution de la situation internationale, il
n'est pas acquis que l'assainissement des encours réalisé dans le
passé puisse justifier cette prévision. Les perspectives
concernant la situation économique des débiteurs sont en effet
très défavorables.
Une dernière observation concerne les opérations de l'Agence
française de développement.
Le déroulement des projets soutenus par l'AFD prend du temps. Les
projets s'étalent sur plusieurs années et sont soumis à
des conditions suspensives qu'il s'agisse des projets publics ou parapublics
pour lesquels l'agence consent des prêts à conditions
concessionnelles ou des projets du secteur privé soutenus à des
conditions de marché raisonnables.
Un meilleur suivi des projets s'impose, comme notre collègue, rapporteur
spécial de la coopération a périodiquement l'occasion de
le souligner.
2. Le compte de prêts du trésor à des Etats étrangers pour la consolidation de dettes envers la France (n° 903-17)
L'objet
et le financement du compte
Le compte n° 903-17 est l'un des instruments budgétaires de
prise en charge des impayés constatés sur des crédits
accordés à des Etats étrangers, soit au titre des grands
contrats, soit dans le cadre de la politique d'aide au développement.
Il assure ainsi le refinancement par l'Etat, des créances les plus
compromises, mais son intervention est subordonnée à la
conclusion d'un accord en "Club de Paris" avec le pays défaillant qui
est subordonné à l'agrément du fonds monétaire
international.
Concrètement, il retrace, en dépenses, les versements
effectués par le Trésor en vue d'honorer, à la place du
pays emprunteur, les échéances :
- d'un prêt précédemment accordé par le
Trésor ou l'AFD ;
- d'un prêt de refinancement précédemment
accordé par Natexis pour le compte de l'Etat ou du Trésor.
En contrepartie de la prise en charge des échéances ainsi
consolidées, le Trésor constate une créance sur le pays
emprunteur, créance dont les modalités de remboursement sont
adaptées à la situation du débiteur (délai de
grâce de 5 ans, taux d'intérêt réduit). Les
remboursements en capital viennent alors en recettes du compte
n° 903-17, tandis que les intérêts alimentent le budget
général.
Evolution récente : le poids de la crise de l'endettement
Le compte n'est véritablement actif que depuis 1985, date à
laquelle il a été décidé de mettre progressivement
fin à la procédure de refinancement de la BFCE. Il s'agissait
ainsi d'assurer effectivement la budgétisation des créances
compromises au lieu de les faire porter par un intermédiaire agissant
pour le compte de l'Etat.
Le tableau suivant retrace l'évolution des recettes et des
dépenses du compte.
(en millions de francs)
|
DEPENSES |
RECETTES |
||
CST 903-17 |
LFI |
Exécution |
LFI |
Exécution |
1990 |
7.650 |
7.646 |
500 |
660 |
1991 |
9.000 |
9.006 |
500 |
732 |
1992 |
9.000 |
9.000 |
600 |
1.024 |
1993 |
11.383 |
5.883 |
1.000 |
535 |
1994 |
9.000 |
6.935 |
1.000 |
313 |
1995 |
10.000 |
2.079 |
1.250 |
768 |
1996 |
3.000 |
3.507 |
1.300 |
2.914,5 |
1997 |
1.000 |
3.672,2 |
1.600 |
2.793,9 |
1998 |
4.000 |
2.161 |
2.400 |
1.962 |
Alors
que de 1990 à 1992, les dépenses effectuées
correspondaient aux crédits autorisés en loi de finances
initiale, les dépenses sont devenues très inférieures aux
prévisions entre 1993 et 1995. Cette décélération
brutale des dépenses était le résultat :
d'une part, des pays sortis de la crise de la dette, qui avaient
respecté leurs engagements envers leurs créanciers
(Brésil, Maroc, Mexique et les pays d'Asie du sud-est) ;
d'autre part, des pays dont, à l'inverse, la viabilité
financière demeurait insuffisante et qui n'avaient pas obtenu un accord
avec le FMI, préalable nécessaire pour le
réaménagement de la dette en Club de Paris (Madagascar, Nigeria,
Soudan et Zaïre).
L'exécution en 1995 (2.079 millions de francs), très
nettement inférieure aux prévisions, s'était
expliquée par le faible nombre de pays passés en Club de Paris
10(
*
)
.
Le projet de loi de finances pour 1997 avait tiré les
conséquences de cette évolution et fixé à
1 milliard de francs le montant des crédits du compte, des reports
importants étant disponibles.
En conséquence, la charge nette se trouvait ainsi annulée et le
compte devait dégager un excédent de 600 millions de francs).
Mais une inversion de tendance s'est produite en 1996
.
Les crédits ouverts en 1996 s'élevaient à
3 milliards. La consommation de crédits s'est montée
à 3.507 millions de francs. Elle a été permise par un
report de crédits de 3.446,4 millions de francs de l'exercice 1995
sur l'exercice 1996. Au terme de cette dernière année, le report
de crédits s'est élevé à 2.939,4 millions de
francs. Ils devaient être entièrement mobilisés pour
financer les dépenses effectuées en 1997 qui, avec
4 milliards ont, largement excédé, les crédits
ouverts en loi de finances (1 milliard de francs).
L'absence de crédits reportables en 1998 a nécessité
d'ajuster les dotations aux besoins réels estimés alors à
4 milliards de francs
. Ces besoins correspondaient à des
accords déjà conclus et à des accords bilatéraux en
cours de négociation (Bosnie, Cameroun, Congo, Gabon,
Côte-d'Ivoire...).
En outre, le montant des besoins pour 1998 ayant été
réestimé pour être porté à 5,8 milliards
de francs, un abondement de crédits est intervenu en loi de finances
rectificative à hauteur de 1,3 milliard.
En fait, les dépenses ont été moins élevées
que prévu. Il en est allé de même des recettes mais
l'écart a été sur ce point plus modeste. Les
crédits reportés en 1999 s'élevant ainsi fin 1998 à
3,437 milliards de francs.
L'estimation des dépenses réelles de 1999 et 2000 est à
l'évidence délicate. L'effet des diverses annulations des dettes
consenties à de nombreux pays, en particulier l'annulation consentie aux
Etats victimes du cyclone " Mitch " et des pays les plus pauvres,
devrait se poursuivre et alléger les dépenses du compte. Un tel
scénario qui en revanche pèse sur ses recettes devrait se
reproduire en 2000. Les prévisions concernant les opérations du
compte en témoignent avec une réduction des crédits de
1,7 milliard de francs et une réduction des recettes de 400
millions de francs. Mais, au-delà des aléas ponctuels liés
aux dates de passage en Club de Paris, votre rapporteur constate qu'à
l'avenir, la décroissance des charges du compte sera sans doute
extrêmement progressive du fait de la situation de nombre de pays
à revenus intermédiaires, ou des problèmes aujourd'hui
posés par certains Etats potentiellement riches, mais au comportement de
paiement incertain.