B. DES FRAGILITÉS SUBSISTENT
La
complexité du droit de redevances, ses exigences sont une source
permanente de vulnérabilité.
A ce propos, l'on avait l'an dernier vivement déplorer que le rapport
transmis au Parlement puisse contenir des données de fait contestables.
Il faut citer à ce propos les conclusions du commissaire du gouvernement
du Conseil d'Etat relatives à l'évaluation des coûts de
l'école nationale de l'aviation civile pris en compte pour calculer le
taux de la RSTCA.
"
On peut cependant éprouver davantage de doute sur une question
qui se situe en réalité en amont de l'existence ou non d'une
erreur manifeste, celle de la manière dont est justifiée la prise
en compte des dépenses de formation et notamment du coût de
fonctionnement de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC).
Sans doute le ministre explique-t-il de manière convaincante que cette
école sert en particulier à former les techniciens du
contrôle aérien.
Mais on peut s'étonner, avec le syndicat requérant, que la
quote-part financée par les compagnies à travers la RSTCA soit de
57,2 % alors que cette école forme aussi des pilotes et des
ingénieurs aéronautiques.
Les doutes que l'on éprouve à ce sujet s'accroissent en outre
lorsque l'on relève le caractère évolutif, et en
réalité contradictoire des explications fournies sur le calcul de
ce taux.
Dans le document de la DGAC présentant sa comptabilité
analytique, on peut lire, p. 40, que la répartition des coûts
d'administration générale de l'ENAC " est effectuée
au prorata de coûts opérationnels de la DGAC ". Or une telle
clé est étrangère à la nature des personnels
formés par l'ENAC, le seul critère pertinent conduisant à
distinguer, parmi les agents qui bénéficient de ces formations,
selon qu'ils sont liés ou non au contrôle aérien et, plus
précisément, qu'ils concourent ou non aux missions que la
redevance litigieuse a pour objet de financer.
Conscient sans doute de cette faiblesse, le ministre avance une autre
explication dans son dernier mémoire, en indiquant que le taux de
57,2 % résulte d'un calcul qui tient compte, d'une part de la
proportion des élèves qui suivent les formations
intéressant le contrôle aérien, d'autre part du coût
relatif des différentes formations.
Mais outre qu'il est pour le moins fâcheux que les indications
données au Parlement dans le document que nous avons mentionné
à l'instant soient radicalement différentes
, l'administration
-pourtant invitée à le faire par une mesure d'instruction
prescrite par votre 8° sous-section- ne nous paraît pas avoir
justifié que cette nouvelle explication permettait de rendre compte d'un
taux aussi élevé ".
Il reste à vérifier que ces difficultés aient
été résolues.
Quant aux autres facteurs de vulnérabilité des redevances qui
persistent, il y a lieu d'évoquer sommairement les questions
suivantes.
Il n'est d'abord pas certain que les règles posées pour
encadrer la prise en compte des
investissements et études
pour le
calcul des taux de redevances soient entièrement respectées.
Si elles paraissent l'être s'agissant des investissements directement
financés par le BAAC, c'est plus douteux s'agissant des investissements
et études effectués par Eurocontrol dans la mesure où la
DGAC a pris le parti d'incorporer aux coûts de la navigation
aérienne la totalité de sa contribution annuelle à
Eurocontrol. Il faudrait alors s'assurer que les appels à contribution
de cette organisation tiennent elles-mêmes compte des recommandations de
l'OACI.
S'agissant du calcul des intérêts
, la règle de
l'OACI est contestable en ce que l'application du taux d'intérêt
ne tient pas compte du niveau d'autofinancement des immobilisations,
étant uniforme quelque soit le mode de financement -sur emprunt ou sur
ressources propres- de l'investissement.
Or, en cas d'autofinancement sur ressources tirées des redevances, le
choix d'appliquer cette règle revient à faire supporter deux fois
le coût financier d'opportunité des investissements aux redevables
des redevances.
S'agissant du fonctionnement du " mécanisme
correcteur ", il conviendrait sans doute d'améliorer le
système en affectant aux sommes qu'il concerne un taux
d'intérêt représentatif du coût d'opportunité
que l'immobilisation de ces montants suppose.
S'agissant des
créances impayées,
par leur
intégration dans la base de calcul des coûts de la navigation
aérienne, l'administration choisit de prélever auprès des
"
bons
payeurs
" des sommes représentatives, par
définition, de coûts qui ne leur sont pas imputables. Autrement
dit, une partie, certes minime, du tarif des redevances apparaît, non pas
comme la contrepartie d'un service rendu aux redevables, mais bien comme la
conséquence d'un mécanisme de solidarité collective entre
les usagers. Cette option, qui n'apparaît pas conforme aux principes de
calcul des redevances rappelées par le juge administratif, pourrait
constituer, pour l'administration, un élément désincitatif
à un recouvrement diligent de créances auprès des mauvais
payeurs.
Elle devrait être abandonnée.
Trois conséquences nocives résultent de la complexité du
système des redevances :
elle pose d'abord un problème de compréhension aux redevables
qui nuit à l'acceptation des redevances ;
elle suppose des arbitrages parfois contestables qui entretiennent le doute et
la suspicion ;
elle s'accompagne de transferts peu transparents entre administrations.
Mais, surtout le régime encadrant les redevances a engendré un
redoutable problème de financement du budget annexe.