E. LA LONGUE INERTIE DU GOUVERNEMENT FACE A CES GRAVES DYSFONCTIONNEMENTS

Devant les graves dysfonctionnements qui viennent d'être rappelés, le gouvernement n'a pas réagi ou a réagi avec retard. Cette réalité est d'autant plus étonnante que la question corse faisait l'objet d'un suivi interministériel spécifique : le gouvernement ne pouvait pas manquer d'être informé. Il a cependant laissé carte blanche à son représentant dans l'île, en dépit de l'accumulation de signes avant coureurs qui ont conduit à la désolante affaire des paillotes.

1. Une gestion interministérielle du dossier corse

Le Premier ministre a souhaité qu'il n'y ait pas de « Monsieur ou Madame Corse au sein du Gouvernement ».

Comme il a été rapporté à la commission par un haut fonctionnaire, « l'ambition était de ne pas faire de la Corse un dossier policier. Jusqu'à présent ou trop longtemps, on a géré la Corse à partir du ministère de l'intérieur, et pour être plus précis, à partir des renseignements généraux. Or, il se trouve que la politique qui était conduite concernait toutes les administrations de l'Etat ».

Aussi, le dossier corse a-t-il été géré à Matignon même, en liaison avec les différents départements ministériels intéressés.

a) Un suivi du dossier corse par l'Hôtel Matignon

Après l'assassinat du préfet Erignac, la situation en Corse qui était auparavant régulièrement traitée lors des réunions hebdomadaires des directeurs de cabinets, a fait l'objet de réunions spécifiques de ces derniers, à périodicité bi-mensuelle en 1998 puis mensuelle en 1999. Participaient à ces réunions, sous la présidence du directeur de cabinet du Premier ministre, les directeurs de cabinet des ministres régaliens et financiers ainsi que ceux des ministres intéressés par l'ordre du jour de la réunion.

La Corse a également fait l'objet de 27 réunions interministérielles , dont aucune n'a traité directement des questions de sécurité, à l'exception de quatre d'entre elles concernant la création du pôle économique et financier du tribunal de grande instance de Bastia. Une réunion du Conseil de sécurité intérieure s'est tenue le 9 mars 1998 sur le même thème.

Le préfet Bonnet a assisté à certaines de ces réunions. Il a notamment participé, le 14 mai 1998, à la réunion de directeurs de cabinet au cours de laquelle a été évoqué la création du GPS.

Les ministres régaliens en charge de la sécurité et de la justice ont été réunis à trois reprises de manière informelle, les 19 février et 28 juillet 1998 ainsi que le 27 avril 1999.

Par ailleurs, les questions de sécurité en Corse pouvaient être abordées lors de l'entrevue accordée chaque mardi par le Premier ministre au ministre de l'intérieur.

RÉUNIONS RELATIVES A LA CORSE TENUES A MATIGNON

I - LES RÉUNIONS DE DIRECTEURS DE CABINET

OBJET : SITUATION EN CORSE

Participants : sous la présidence du directeur de cabinet du Premier ministre : directeurs de cabinet des ministres de l'intérieur, de la justice, de la défense, de l'économie, des finances et de l'industrie, du secrétaire d'Etat au budget,

et, en tant que de besoin, des ministres de l'agriculture et de la pêche, de l'équipement, des transports et du logement, de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de l'emploi et de la solidarité, de la culture et de la communication, de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Dates :

- En 1998 : une fois tous les quinze jours :

* Les 16 février, 23 février, 2 mars, 16 mars, 30 mars, 20 avril, 4 mai, 14 mai, 18 mai, 22 juin, 6 juillet, 20 juillet, 31 août, 14 septembre, 28 septembre, 13 octobre, 26 octobre, 9 novembre, 23 novembre, 7 décembre, 21 décembre

- En 1999 : une fois par mois

* les 11 janvier, 8 février, 1 er mars, 12 avril, 3 mai, 7 juin, 5 juillet, 1 er septembre, 11 octobre

II - LES RÉUNIONS INTERMINISTÉRIELLES

(sur un total de 27 réunions ayant traité des questions corses)

OBJET : LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Participants : Cabinet du Premier ministre, secrétariat général du Gouvernement, ministères de la justice, de l'intérieur et de l'économie, des finances et de l'industrie et secrétariat d'Etat au budget,

et pour certaines, secrétariat d'Etat à l'outre-mer ou ministère des relations avec le Parlement.

Dates : 12 février, 19 février, 26 mars et 14 mai 1998

III - RÉUNION DU CONSEIL DE SECURITE INTERIEURE

Date : 9 mars 1998

OBJET : CRÉATION D'UN PÔLE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER A BASTIA ET SITUATION EN CORSE

Participants : sous la présidence du Premier ministre : garde des sceaux, ministre de la justice, ministres de l'intérieur, de la défense, de l'économie, des finances et de l'industrie, de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, de l'équipement, des transports et du logement, de l'agriculture et de la pêche, de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, de l'emploi et de la solidarité, de l'aménagement du territoire et de l'environnement et ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.

IV - REUNIONS INFORMELLES DE MINISTRES

Dates : 19 février 1998, 28 juillet 1998, 27 avril 1999

Participants : le Premier ministre, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense et, pour les deux premières, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

b) Des relations personnelles et permanentes du préfet Bonnet avec les conseillers ministériels

Le préfet Bonnet était en contact avec différents cabinets ministériels et administrations en fonction des sujets traités, mais il entretenait des relations constantes avec les cabinets du Premier ministre et du ministre de l'intérieur, au sein desquels il disposait de correspondants privilégiés.

(1) Les conseillers du Premier ministre

Au sein du cabinet du Premier ministre, chaque conseiller traitait des questions corses relevant de son domaine de compétence, mais le préfet Bonnet avait pour correspondante privilégiée Mme Clotilde Valter, conseiller technique en charge de l'intérieur, qui assure le suivi interministériel du dossier corse, sous l'autorité de M. Alain Christnacht, responsable d'un pôle englobant les affaires intérieures.

Mme Valter avait un contact téléphonique régulier avec le préfet Bonnet, en moyenne, selon elle, « deux à trois fois par semaine ». Son rôle était de préparer les réunions de directeurs de cabinet et d'assurer le suivi des décisions en résultant.

M. Christnacht a indiqué avoir eu des contacts téléphoniques avec le préfet « au plus une fois par semaine », principalement avant les réunions de directeurs de cabinet et souvent avant l'entretien hebdomadaire du ministre de l'intérieur avec le Premier ministre.

Mme Valter a déclaré avoir rencontré le préfet à Matignon avec M. Christnacht, en moyenne une fois par mois en 1998 et seulement deux fois en 1999, à savoir, le 9 février et dans l'après-midi du 27 avril, après le début de l'affaire des paillotes.

A l'occasion de ces visites aux conseillers, le préfet s'entretenait généralement avec le directeur de cabinet, M. Olivier Schrameck, qui a indiqué l'avoir rencontré personnellement neuf fois, et le 9 février pour la dernière fois.

Quelques réunions ont été organisées à Matignon avec le préfet, en présence des directeurs de cabinet des ministres régaliens.

Mme Valter s'est rendue, selon elle, deux fois à Ajaccio, la première fois, le 9 février 1998, pour accompagner le Premier ministre après l'assassinat du préfet Erignac, et la deuxième fois, le 29 avril 1999, pour y évaluer la situation. A cette dernière occasion, des réunions ont été tenues à la préfecture avec les chefs des différents services, dont les services de sécurité.

(2) Le cabinet du ministre de l'intérieur

Au cabinet du ministre de l'intérieur, le correspondant privilégié du préfet Bonnet était M. Philippe Barret, chargé de la gestion interministérielle du dossier corse pour le ministère de l'intérieur. Il a indiqué à la commission avoir entretenu des relations téléphoniques « presque quotidiennes » avec le préfet et l'avoir rencontré une vingtaine de fois, « soit en tête-à-tête, soit en présence du directeur de cabinet ou de son adjoint, soit auprès du ministre ». Il participait aux réunions de directeurs de cabinet organisées à Matignon et aux diverses réunions interministérielles. Il a accompagné Clotilde Valter en Corse le 29 avril 1999.

L'actuel directeur adjoint du cabinet, M. Patrice Bergougnoux suivait particulièrement les questions de sécurité et dit avoir eu plusieurs contacts par mois avec le préfet qui était également en relations régulières avec les directeurs de cabinet successifs, M. Jean-Pierre Duport, puis M. Charles Barbeau.

c) Des rencontres ministérielles fréquentes avec le préfet Bonnet

Le préfet Bonnet a rencontré personnellement le Premier ministre, Lionel Jospin, trois fois à Matignon, entre le 2 mars 1998 et le 9 février 1999. Le 14 septembre 1998, le Premier ministre a réuni le préfet et le procureur général Legras à la suite des différends qui avaient opposé publiquement les deux hommes. Au cours de leur dernière entrevue, le 9 février 1998, le préfet Bonnet a affirmé au Premier ministre qu'il n'avait pas mené d'enquête parallèle sur l'assassinat du préfet Erignac.

Le préfet Bonnet a été en contacts plus fréquents avec le ministre de l'intérieur, M. Jean-Pierre Chevènement, remplacé au dernier trimestre 1998 par M. Jean-Jack Queyranne, ministre par intérim. Il a ainsi rencontré personnellement l'un ou l'autre une vingtaine de fois comme en témoigne le tableau ci après. Il a indiqué avoir également rencontré par deux fois le garde des sceaux.

Entrevues accordées par le Premier ministre
au préfet Bonnet à Matignon

- le 2 mars 1998

- le 14 septembre 1998 (avec le procureur général Legras)

- le 9 février 1999 (sur l'enquête parallèle)

Réunions et entrevues du ministre de l'intérieur
avec le préfet Bonnet

1998 Mercredi 11 février à 12 heures

Vendredi 13 février : déplacement en Corse

Lundi 2 mars à 9 heures (suivi d'une réunion Corse à 10 heures)

Lundi 9 mars : réunion de préfets.

Mardi 21 avril à 19 heures

Jeudi 14 mai à 10 heures

Vendredi 12 juin à 12 heures

Jeudi 2 juillet : réunion de préfets

Jeudi 23 juillet à 15 heures

Mercredi 26 août à 16 heures 30.

Rencontres avec le ministre par intérim :

Jeudi 10 septembre à 10 heures

Vendredi 11 septembre : réunion de préfets

Jeudi 8 octobre : déplacement en Corse

Mardi 13 octobre

Vendredi 30 octobre

Vendredi 11 décembre : réunion de préfets

1999 14 et 15 janvier : déplacement en Corse

Mardi 9 février à 19 heures 30.

Lundi 15 février : réunion de préfets

Vendredi 26 février

Vendredi 26 mars : réunion de préfets

Mardi 27 avril à 10 heures.

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