2. Des conflits de personnes
Au-delà même des problèmes de structure et d'organisation, les questions de personnes éclairent aussi une part non négligeable des dysfonctionnements des services de sécurité en Corse.
Votre commission n'a pas eu besoin de recourir à des confrontations : de leur propre chef, nombre de personnalités entendues lors des auditions ont choisi de se placer en opposition les unes par rapport aux autres. Les appréciations de caractère personnel n'ont pas manqué. Elles ont parfois revêtu un caractère violent. Elles témoignent sans nul doute de susceptibilités, de rivalités à la mesure des lourdes responsabilités dont sont chargés la plupart des acteurs de la politique de sécurité sur l'île.
Parmi les différentes personnalités entendues par votre commission, trois figures se distinguent particulièrement, ne serait-ce que parce que les autres personnes convoquées ont eu tendance à se situer par rapport à elles. MM. Bonnet, Bruguière et Marion, malgré des caractères et des tempéraments bien différents, ont ce point commun de ne laisser indifférent personne. Ce sont de fortes personnalités pourvues d'un solide amour-propre.
Les relations qu'ils entretiennent avec leur environnement portent la marque de ces tempéraments : elles présentent soit le caractère de l'emprise, soit celui du conflit lorsqu'une résistance leur est opposée.
L'emprise peut-elle aller jusqu'à la manipulation ? Certains propos pourraient le laisser croire : ainsi la note de la gendarmerie sur le juge Thiel a été transmise au contrôleur général Marion qui en aurait fait deux photocopies « dont une destinée au juge Thiel pour lui montrer ce que les gendarmes pensaient du juge, et la seconde destinée au juge Bruguière pour lui signaler que même les gendarmes pensaient que Thiel était mauvais. »
Dans l'isolement du Palais Lantivy, face à l'hostilité d'une partie de la classe politique corse, le préfet Bonnet s'entoure d'une poignée d'hommes entièrement dévoués. Ce dévouement, il le suscite non seulement par ses qualités intellectuelles mais aussi par le sentiment qu'il inspire à son équipe d'appartenir au dernier noyau des vrais serviteurs de la République.
Le repli sur ce dernier cercle ne va pas sans un certain caractère d'exclusivité dans la relation humaine. Le lien noué avec le colonel Mazères paraît à cet égard exemplaire. Ainsi le préfet Bonnet fait du commandant de légion son seul interlocuteur, y compris pour les questions relatives au département de Corse-du-Sud traitée en principe avec le commandant de groupement. Une relation très privilégiée se noue dès lors entre les deux hommes.