III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ÉTENDRE AU DOMAINE ÉLECTORAL LE RÉGIME JURIDIQUE PERSONNALISÉ DES MAJEURS EN TUTELLE
Votre
commission des Lois n'a pu que constater
le contraste entre,
d'une
part, l'article 501 du code civil
prévoyant un régime
juridique personnalisé des majeurs en tutelle, permettant au juge de les
autoriser à accomplir, soit seuls, soit avec l'assistance du tuteur,
certains actes parfois importants
et, d'autre part, l'article L. 5 du code
électoral
s'opposant, en toutes circonstances, à l'exercice
du droit de vote par les mêmes personnes.
Il apparaît préférable, tout en confirmant le principe de
l'incapacité, y compris pour le
droit de vote, d'étendre
à ce droit la possibilité de personnalisation au profit des
personnes qui ne sont pas dépourvues de discernement (tout en maintenant
les inéligibilités qui leur sont applicables).
Cette extension permettrait de supprimer ce qui peut être ressenti comme
une source d'exclusion par des personnes dont le handicap pour accomplir
certains actes de la vie quotidienne n'affecte pas pour autant la
capacité de jugement.
Sans doute pourrait-on s'interroger sur l'opportunité de confier
à un magistrat le pouvoir de prendre une décision sur le droit de
vote d'une personne, les règles d'admission paraissant plutôt
devoir être établies de manière objective par le code
électoral.
En réalité, les dispositions proposées se limiteraient
à étendre au droit électoral le large pouvoir
d'appréciation sur la capacité des personnes, déjà
reconnu au juge des tutelles par le code civil.
On remarquera d'ailleurs que les tribunaux sont d'ores et déjà
compétents pour statuer sur la capacité électorale d'une
personne, dans le cadre fixé par la loi, par exemple en
prononçant des peines complémentaires d'interdiction du droit de
vote et d'inéligibilité.
En tout état de cause, ces dispositions seraient indispensables à
une personnalisation du régime de la tutelle, le code électoral
ne pouvant pas distinguer les personnes dotées de discernement de celles
qui ne le sont pas.
Il convient cependant d'apporter au code électoral les
aménagements nécessaires pour que l'autorisation de voter n'ait
pas pour conséquence de rendre éligible un majeur sous tutelle.
Comme le relevait en effet M. Bernard Laurent dans son rapport
précité sur la proposition de loi de M. Claude Huriet,
"
on ne peut concevoir qu'un majeur protégé devienne
titulaire d'un mandat électif et puisse valablement engager la
collectivité, alors qu'à titre personnel, il ne serait pas
jugé capable de pourvoir lui-même à l'ensemble de ses
propres intérêts
".
L'acte consistant à participer au choix des représentants
d'une collectivité ou de la Nation n'est évidemment pas de
même nature que celui d'assurer soi-même les charges de la
représentation.
Enfin, reste posée la question de savoir s'il ne serait pas
préférable, plutôt que d'examiner ponctuellement cette
question, de l'étudier dans le cadre d'un projet de loi, révisant
les régimes de protection des majeurs, comme a semblé l'envisager
Mme Elisabeth Guigou, ministre de la Justice, lorsqu'elle a donné au
Médiateur de la République, le 16 février 1998, son accord
de principe sur sa proposition.
Mais, outre une incertitude concernant le calendrier de dépôt et
d'examen par le Parlement de ce projet de réforme d'ensemble, il
apparaît que celui-ci relèverait d'une loi simple, alors que les
propositions de notre collègue M. Jacques Pelletier comprennent
aussi, pour être complètes, des dispositions de nature organique.
Votre commission des Lois a donc approuvé, dans ses principes, la
présente proposition de loi, en apportant à sa rédaction
les quelques aménagements exposés ci-après.