II. LA PROPOSITION DE LOI MARQUE L'ABOUTISSEMENT D'UNE LONGUE RÉFLEXION
A. LES PREMIÈRES PROPOSITIONS
La
proposition, formulée
le 21 juillet 1993
par le
Médiateur de la République
, de permettre au juge des tutelles
d'autoriser un majeur en tutelle à voter, a reçu un
avis
favorable de principe du ministère de la
Justice
le
5 novembre 1993 confirmé les 23 février 1996 et 16
février 1998, lequel a suggéré toutefois un
complément pour inscrire expressément
l'inéligibilité de ces personnes dans le code électoral.
La proposition du Médiateur de la République avait
été précédée, quelques jours auparavant, par
le dépôt de la
proposition de loi
précitée de
notre collègue
M. Claude Huriet
.
Cette proposition de loi tendait à une nouvelle rédaction de
l'article L. 5 du code électoral, pour permettre le vote des
personnes concernées, après autorisation du juge.
Sur proposition de la commission des Lois et de son rapporteur, notre
regretté collègue M. Bernard Laurent
4(
*
)
,
le Sénat avait
adopté, le 8 décembre 1993
,
cette proposition de
loi
, après l'avoir complétée par un nouvel article
L. 44-1 du code électoral afin d'établir explicitement
l'inéligibilité de ces personnes à toutes les
élections.
Cependant, la commission des Lois de l'Assemblée nationale devait
ensuite conclure au rejet de cette proposition de loi, en exprimant des doutes
sur la possibilité, pour un majeur en tutelle, d'exercer en toute
connaissance de cause ses droits de citoyen.
Ce texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de
l'Assemblée nationale.
Il est permis cependant de s'interroger sur la pertinence d'une telle position,
puisque précisément l'article 501 du code civil permet
déjà au juge d'individualiser le régime applicable aux
majeurs en tutelle, au profit des personnes dont le handicap n'a pas
altéré toute faculté de discernement.
Une personne reconnue capable de se marier ou de conclure un contrat de travail
peut-elle être considérée sans appel comme dépourvue
de la faculté de jugement nécessaire pour voter ?
On pourra cependant noter que le texte adopté par le Sénat en
1993 n'inscrivait pas formellement la procédure de relèvement de
l'incapacité électorale dans le cadre de l'article 501 du code
civil. L'inéligibilité, établie par la loi ordinaire
(nouvel article L. 44-1 du code électoral), n'aurait, de ce fait,
pas été étendue aux scrutins pour lesquels le
régime d'éligibilité doit être fixé par une
loi organique, selon les articles 6 et 25 de la Constitution (élections
présidentielle, législatives et sénatoriales).
Pour tenir compte de cette difficulté, nos collègues
MM. Jacques Pelletier, Paul Girod, Bernard Joly et André
Boyer
avaient présenté un dispositif plus complet -et
similaires aux propositions de loi organique et ordinaire de M. Jacques
Pelletier- au moyen d'
amendements
aux projets de loi organique et
simple relatifs à la limitation du cumul des mandats électoraux
et des fonctions et à leurs conditions d'exercice
, lors de leur
examen en
première lecture
les 28 et 29 octobre 1998.
Au cours de la discussion, M. le président Jacques Larché,
rapporteur de la commission des Lois, avait fait valoir que si les amendements
tendaient "
à apporter une réponse à un
véritable problème
", il convenait, dans le cadre de
l'examen de ces projets, de
" se consacrer uniquement aux dispositions
ayant trait à (leur) question principale
".
Ces amendements ont été retirés
après qu'il
eut indiqué que la commission rapporterait dans les meilleurs
délais d'éventuelles propositions de loi reprenant ces
amendements.
Tel est précisément l'objet des propositions de loi,
déposées le 2 février 1999 par notre collègue
M. Jacques Pelletier.
B. LA PROPOSITION DE LOI : UN TRAITEMENT COMPLET DE LA QUESTION
La
proposition de loi tend à compléter l'article L. 5 du code
électoral pour assortir le principe de non inscription des majeurs en
tutelle sur une liste électorale d'une
possibilité reconnue au
juge des tutelles d'autoriser, dans le cadre fixé par l'article 501 du
code civil, certaines de ces personnes à voter
.
Le régime civil personnalisé de protection des majeurs en
tutelle serait donc étendu au droit électoral.
Cette proposition de loi aménagerait aussi les articles du code
électoral fixant les inéligibilités applicables aux
élections locales (municipales, cantonales et régionales), pour
maintenir expressément l'inéligibilité des personnes en
tutelle qui résulte actuellement du fait qu'elles ne peuvent s'inscrire
sur une liste électorale
.
Par ailleurs, la proposition de loi organique traiterait de la même
manière les dispositions concernant les inéligibilités des
parlementaires nationaux et européens, ainsi que celles du
président de la République, puisqu'elles relèvent du
domaine de la loi organique
5(
*
)
.
Cette proposition de loi organique constitue donc un complément
indispensable de la proposition de loi pour maintenir dans tous les cas les
inéligibilités applicables aux majeurs en tutelle.