N° 44

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 novembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne , le Gouvernement de la République italienne , le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord , portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes),

Par M. Jean-Guy BRANGER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ;
MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel,
Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat :
487 (1998-1999).


Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention signée le 9 septembre 1998 à Farnborough entre la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni et portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR).

La convention a pour objet de donner à l'OCCAR, régie par un arrangement administratif depuis sa naissance le 12 novembre 1996, une personnalité juridique et de véritables moyens d'accomplir la mission que lui ont assigné les quatre pays fondateurs : améliorer l'efficacité de la conduite des programmes d'armement en coopération.

" Du fait de leur importance croissante, ces programmes en coopération ne doivent pas rester en dehors de l'effort demandé pour la réduction des coûts. Or cette coopération tiraillée entre particularismes et égoïsmes nationaux est aujourd'hui trop coûteuse et son efficacité insuffisante : la répartition des investissements n'a pas toujours su éviter les duplications et la recherche d'un accord s'est trop souvent faite au détriment de la maîtrise des coûts et des délais globaux. Il est donc nécessaire de disposer d'outils pour rendre la coopération plus efficace. "

Ce constat très sévère, dressé par la Délégation générale pour l'armement, suffit à résumer la raison d'être et les ambitions de la création de l'OCCAR par les quatre premiers pays européens en matière d'armement.

Alors que la perspective, souvent évoquée, d'une agence européenne de l'armement paraît encore lointaine, l'OCCAR constitue la première tentative concrète d'approfondissement et de rationalisation de la coopération européenne sur les programmes d'armement.

Organisation internationale disposant, de par la convention du 9 septembre 1998, d'une personnalité juridique propre, elle devrait avoir la capacité de conduire, selon des principes nouveaux, ces programmes d'armement en coopération.

Mais au-delà de cet objectif, le lancement de l'OCCAR s'inscrit bien entendu dans la perspective plus vaste de la construction d'une Europe de la défense. Le volet politique et militaire consistant, dans le prolongement du Conseil européen de Cologne du printemps 1999, à doter l'Union européenne de capacités militaires et d'organes de décision, doit nécessairement être complété par une politique de l'armement comportant de multiples aspects : la consolidation d'une base industrielle et technologique européenne par la constitution de groupes industriels de défense de dimension européenne, la coordination et la concertation des Etats pour adapter leurs modes d'intervention à ce nouveau paysage industriel et enfin une accentuation et une amélioration de la coopération sur les programmes d'armement.

Après avoir effectué un bref historique destiné à replacer l'OCCAR dans les débats relatifs à la construction d'une Europe de l'armement, votre rapporteur analysera les principales caractéristiques et les bénéfices que l'on peut attendre de cette nouvelle organisation.

I. L'OCCAR : UN PAS IMPORTANT DANS L'ÉDIFICATION D'UNE EUROPE DE L'ARMEMENT

Si les restructurations des industries de défense tendent à réorganiser l'offre d'armement en Europe, pour consolider une base technologique et industrielle compétitive, l'édification d'une Europe de l'armement passe également par une rationalisation de la demande et une coopération entre Etats pour développer et acquérir des équipements communs.

Cette coopération en matière d'armement constitue une préoccupation ancienne qui a déjà donné lieu à de nombreuses réalisations ponctuelles, bilatérales ou plurilatérales, mais dont la généralisation à l'échelon européen demeure encore un objectif lointain. En effet, sur le plan institutionnel, seules quelques avancées très limitées ont été opérées dans le cadre de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO). Elles demeurent aujourd'hui trop insuffisantes pour crédibiliser, à une échéance raisonnable, la perspective de la mise en place d'une agence européenne d'armement, évoquée par le traité de Maastricht.

Dans ce contexte, la création par les quatre principaux producteurs d'armement européens de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) constitue un pas très important ouvrant la voie à de futurs progrès pour la conduite de programmes d'armement dans un cadre européen.

A. POURQUOI UNE COOPÉRATION DES ETATS EUROPÉENS EN MATIÈRE D'ARMEMENT ?

Il ne paraît pas inutile de rappeler les principales motivations justifiant une coopération accrue des Etats européens en matière d'armement. Elles sont tout autant financières, militaires et industrielles que politiques. Elles concourent au constat dressé par le livre blanc sur la défense selon lequel " aucun programme majeur futur ne semble pouvoir échapper à la logique de la coopération ".

1. Les impératifs financiers

La coopération en matière d'armement apparaît en tout premier lieu comme un moyen de réduire la contradiction entre les coûts de plus en plus élevés des matériels et la réduction des budget militaires.

A l'heure où la recherche de la supériorité militaire passe bien moins par le nombre que par la sophistication et l'avance technologique des équipements, ceux-ci deviennent nécessairement beaucoup plus coûteux et leur réalisation dépasse bien souvent les capacités financières d'un Etat seul.

Cette considération s'impose surtout pour la recherche et le développement , qui prend une part croissante dans le poids financier des programmes . Elle constitue en effet un coût fixe, dont la répercussion dans le coût unitaire des matériels est d'autant plus forte que les séries sont limitées. L'intérêt de la coopération réside donc dans le partage du coût de recherche et de développement et dans son amortissement sur un nombre plus élevé de matériels. Le même raisonnement peut s'appliquer à d'autres charges fixes, comme les coûts administratifs ou ceux de commercialisation.

La coopération peut donc, du moins en théorie, réduire les coûts d'acquisition pour les rendre compatibles avec des budgets militaires en réduction très sensible depuis la fin de la guerre froide.

2. Les justifications militaires

Les justifications militaires de la coopération dans les programmes d'armement résultent de la convergence des besoins opérationnels des différentes armées européennes et de la nécessité de disposer de matériels " interopérables " pour les opérations menées dans un cadre multinational sous un commandement intégré, qui tendent aujourd'hui à devenir la norme.

Une telle coordination est depuis longtemps mise en oeuvre par l'OTAN, au sein de la conférence des directeurs nationaux d'armement, qui définit les conditions de standardisation et d'intéropérabilité auxquelles les équipements des pays de l'Alliance doivent satisfaire. Elle débouche logiquement sur des coopérations en matière de recherche ou de réalisation de matériels.

Elle s'impose a fortiori dans le cadre d'une identité européenne de sécurité et de défense, qui passe par la constitution de capacités européennes propres.

3. Les facteurs industriels

La mise en oeuvre d'une coopération sur les programmes d'armement constitue un facteur potentiel d'accroissement de la compétitivité des industries de défense.

En effet, en demeurant confrontée au seul marché domestique, par définition étroit et d'autre part orienté par des demandes bien spécifiques des forces armées nationales, chaque industrie nationale court le risque d'un affaiblissement continu et d'une perte de compétitivité. Le recours à la coopération permet au contraire de bénéficier des perspectives d'accès à un marché beaucoup plus vaste, d'optimiser les investissements pour la recherche et la fabrication, d'améliorer la compétitivité et de renforcer la capacité d'exportation.

La coopération européenne sur les programmes d'armement concourt donc à la consolidation d'une base industrielle et technologique de défense en Europe.

4. Les raisons politiques

Au-delà des coopérations ponctuelles sur un programme donné, entre deux ou trois pays, rarement davantage, la généralisation de politiques d'armement communes à plusieurs pays paraît de nature à favoriser l'émergence d'une future politique européenne d'armement . Une telle politique est bien évidemment l'un des volets essentiels d'une politique européenne de défense, puisqu'elle viserait à doter l'Europe des capacités technologiques et industrielles nécessaires à l'affirmation de son autonomie stratégique.

L'accélération des restructurations industrielles dans le secteur de la défense en Europe, qui paraît pour l'heure obéir à des logiques essentiellement économiques, ne rend que plus nécessaire la constitution, en parallèle, d'instances politiques de coopération entre Etats capables d'organiser à l'échelon européen la demande en matériels militaires, face à une offre désormais beaucoup plus concentrée.

Dans ce contexte, on observera que la lettre d'intention sur la restructuration des industries européennes de défense, signée le 6 juillet 1998 par les ministres de la défense de l'Allemagne, de l'Espagne, de la France, de l'Italie, du Royaume-Uni et de la Suède, témoigne de la volonté des six principaux pays européens producteurs d'armement de s'adapter et de s'organiser afin de continuer à exercer, parfois conjointement, les droits qu'ils souhaitent conserver en tant qu'autorité régalienne dans leurs relations sur leur territoire avec des entreprises de défense.

Cette lettre d'intention devrait se traduire par un accord intergouvernemental qui traitera de la sécurité des approvisionnements, des procédures d'exportation intracommunautaires, de la sécurité des informations et des droits de propriété intellectuelle. Elle vise également à mieux harmoniser les besoins opérationnels et surtout à conduire des Etats à conjuguer leurs contributions en matière de recherche et de développement, afin d'en optimiser leurs effets sur l'industrie de défense européenne.

Bien que se situant à un niveau différent, l' institutionnalisation de la coopération en matière de programmes d'armement participe du même esprit.

B. L'EUROPE DE L'ARMEMENT : DES RÉALISATIONS TRÈS MODESTES POUR UN PROJET AMBITIEUX

Objectif souvent proclamé, la construction d'une Europe de l'armement ne peut aujourd'hui s'appuyer que sur des réalisations modestes :

- l'unique forum européen spécialisé dans les questions d'armement, le Groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO), qui rassemble 13 pays européens de l'OTAN ,

- un organe de coopération créé en 1996, l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO), organe subsidiaire de l'UEO dont le champ d'action se limite aux programmes de recherche mais qui, disposant de la personnalité juridique, peut passer des contrats.

C'est à partir de ce cadre institutionnel encore peu développé que sont engagées les réflexions sur une future Agence européenne de l'armement.

1. Le Groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO)

Les premières tentatives de coordination institutionnelle de l'armement en Europe remontent à 1953, avec l'instauration par la France, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg de FINBEL, organisation chargée de coordonner la politique d'armement terrestre, qui deviendra FINABEL en 1956 lors de l'arrivée de l'Allemagne. Le Royaume-Uni rejoindra en 1972 cette organisation qui ne visait pas à promouvoir les programmes en coopération mais à influer en amont, par le biais de recommandations non obligatoires , sur la définition des besoins opérationnels. Quelques années plus tard, en 1968, était créé dans le cadre de l'OTAN un Eurogroupe constitué de certains pays européens de l'Alliance, à l'exception notable de la France. Destiné à coordonner les politiques des pays européens en vue d'une certaine standardisation des matériels, l'Eurogroupe a également favorisé l'acquisition d'équipements américains par les pays européens, induisant de ce fait un certain déséquilibre dans la relation transatlantique.

Le souci d'élaborer un instrument plus authentiquement européen s'est traduit en 1976 par la création du Groupe européen indépendant de programmes (GEIP) , auquel cette fois-ci la France a participé. Le GEIP comportait notamment dans ses objectifs le maintien d'une base technologique et industrielle de défense solide en Europe. Il a toutefois fallu attendre la fin des années 1980 pour que le GEIP engage une coopération concrète avec le programme EUCLID, programme commun de recherche technologique à des fins militaires.

En 1993, le GEIP était transféré à l'UEO et devenait le Groupe armement de l'Europe occidentale (GAEO) . Le GAEO comprend aujourd'hui 13 membres de plein droit (les pays européens de l'Alliance atlantique sauf l'Islande et les trois nouveaux pays adhérents) et 3 observateurs : la Suède, la Finlande et l'Autriche.

Les pays membres du GAEO

Pays

Situation dans le GAEO

Situation dans l'UEO

Situation dans l'OTAN

Allemagne

Plein droit

Plein droit

Membre

Belgique

Plein droit

Plein droit

Membre

Espagne

Plein droit

Plein droit

Membre

France

Plein droit

Plein droit

Membre

Grèce

Plein droit

Plein droit

Membre

Italie

Plein droit

Plein droit

Membre

Luxembourg

Plein droit

Plein droit

Membre

Pays-Bas

Plein droit

Plein droit

Membre

Portugal

Plein droit

Plein droit

Membre

Royaume-Uni

Plein droit

Plein droit

Membre

Danemark

Plein droit

Observateur

Membre

Norvège

Plein droit

Membre associé

Membre

Turquie

Plein droit

Membre associé

Membre

Autriche

Observateur

Non membre

Non membre

Finlande

Observateur

Non membre

Non membre

Suède

Observateur

Non membre

Non membre

Le GAEO a repris les principaux objectifs du GEIP : favoriser une utilisation plus efficace des ressources grâce à une meilleure harmonisation des besoins opérationnels, à la standardisation et à l'interopérabilité des équipements, rechercher l'ouverture des marchés nationaux à la concurrence européenne, préserver et renforcer une base technologique et industrielle de défense, élargir et animer la coopération en matière de recherche et de développement.

Il se réunit au niveau des ministres de la défense et des directeurs nationaux d'armement et comporte trois commissions relatives au développement de programmes d'équipement en commun, à la recherche et à la technologie et aux grandes orientations de politique commune en matière d'économie de défense. En outre, depuis 1998, un groupe d'experts nationaux est chargé d'identifier les tâches et les étapes à franchir pour mettre en place une Agence européenne d'armement.

Fonctionnant sur la base de l'unanimité, le GAEO apparaît ainsi essentiellement comme une enceinte où se discutent les principes directeurs pour la construction d'une Europe de l'armement.

2. L'organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO)

La volonté des pays du GAEO de renforcer le rôle de leur cellule chargée des activités de recherche et de technologie les a conduit en novembre 1996 à en demander le transfert à l'UEO.

Cette cellule est donc devenue l' Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO) , organisme subsidiaire de l'UEO doté de la personnalité juridique , de l'autonomie structurelle, administrative, contractuelle, financière et comptable.

L'OAEO comprend un comité de direction, composé de représentants de chacun des 13 pays du GAEO (en principe les directeurs nationaux d'armement) et un organe exécutif , structure transnationale intégrée, chargé en particulier de la passation des contrats. Les décisions sont prises à l'unanimité. Le budget de l'OAEO est divisé entre une partie administrative , qui couvre, sur la base d'une clé de répartition entre pays membres, les coûts de fonctionnement interne, et une partie opérationnelle correspondant au financement des activités conduites par l'organe exécutif. Pour chaque activité, un arrangement définit le partage des coûts opérationnels entre les pays concernés par le partenariat.

Les activités de l'OAEO sont pour le moment limitées à la passation de contrats dans le domaine de la recherche et de la technologie dans le cadre du programme EUCLID. Elles demeurent extrêmement réduites, la part des programmes gérés par l'OAEO ne représentant, pour la France, que 3 % des programmes de recherche et de développement menés en coopération, soit 0,5 % seulement de l'ensemble de l'effort français de recherche et de développement .

Bien que souvent présentée comme l'élément précurseur d'une future Agence européenne d'armement, par extension de son champ d'activité à des secteurs autres que la recherche, notamment l'acquisition ou la réalisation d'équipements, l'OAEO souffre de multiples handicaps .

Comprenant 3 pays non membres de plein droit de l'UEO, son statut d'agence subsidiaire de l'UEO est juridiquement contesté. Par ailleurs, certaines difficultés surgissent en raison de divergences des pays membres sur la clé de répartition des coûts administratifs et sur les principes d'acquisition, le Royaume-Uni étant notamment réticent à accepter le principe d'une préférence européenne au détriment du jeu de la libre concurrence.

3. L'objectif de création d'une Agence européenne de l'armement

La coopération européenne en matière d'armement constitue un élément majeur de l'émergence d'une identité européenne de sécurité et de défense. La perspective de la création d'une Agence européenne d'armement a été clairement évoquée dans le traité de Maastricht et dans la déclaration des pays membres de l'UEO qui lui est associée.

Des réflexions ont été engagées dans le cadre d'un groupe ad hoc du GAEO. Elles semblent s'orienter vers une démarche progressive , dans un cadre souple, par apport successif d'un certain nombre de " briques " existantes ou à créer. La première étape serait vraisemblablement l'intégration de la cellule recherche de l'OAEO. Le transfert d'activités d'acquisition serait envisagé à moyen terme, en commençant par une mise en commun des achats " sur étagères ", la conduite de programmes intégrés n'intervenant que lors d'une étape ultime.

Un tel processus ne peut qu'être lent et suppose que soient surmontées les divergences entre pays européens , particulièrement entre les grands pays producteurs d'armement, globalement favorables à un regroupement de l'offre et de la demande, et les pays ne disposant pas d'une industrie d'armement significative, désireux de préserver la liberté de leurs approvisionnements.

Ces blocages ont en grande partie été à l'origine, sur une initiative franco-allemande, de la création de l'OCCAR en 1996.

C. LA CRÉATION DE L'OCCAR : L'ÉMERGENCE D'UNE " COOPÉRATION RENFORCÉE " ENTRE LES QUATRE PRINCIPAUX PRODUCTEURS EUROPÉENS D'ARMEMENT

En créant l'OCCAR en 1996, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie ont voulu tout autant mettre en place un instrument de rationalisation de la conduite des programmes en coopération que franchir une étape significative dans la politique européenne d'armement par un élargissement de son champ d'action à la conduite de programmes, dans un cadre limité, dans un premier temps, à quatre pays.

1. La création de l'OCCAR et ses objectifs

L'initiative de la création de l'OCCAR revient à la France et à l'Allemagne qui ont décidé lors du sommet bilatéral de décembre 1993 de mettre sur pied une structure d'armement commune destinée à améliorer l'efficacité de la conduite de leurs programmes en coopération et d'avancer dans la construction d'une Europe de l'armement.

Lors du sommet franco-allemand de Baden-Baden , en décembre 1995, ce projet était affiné et cinq principes étaient arrêtés :

- conduite des programmes d'armement avec le meilleur rapport coût-efficacité ;

- préparation commune du futur ;

- amélioration de la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense franco-allemande ;

- globalisation du juste retour industriel sur plusieurs programmes et plusieurs années ;

- ouverture de cette structure à d'autres pays acceptant les principes précédents et participant à un programme significatif.

Dans les mois qui suivirent, en vertu du dernier principe ci-dessus, le Royaume-Uni et l' Italie rejoignirent l'initiative franco-allemande, et un accord (arrangement administratif) créant l'OCCAR fut signé le 12 novembre 1996 à Strasbourg par les ministres de la défense des quatre pays.

Les quatre pays membres de l'OCCAR représentent à eux seuls 80 % de la production européenne d'armement .

2. Un long cheminement vers la personnalité juridique

Conscients que l'efficacité de l'OCCAR reposerait largement sur une personnalité juridique lui permettant par exemple de passer directement des contrats ou de recevoir des engagements financiers des Etats , les quatre membres fondateurs ont entrepris dès le début de 1997 les démarches susceptibles de doter l'OCCAR de cette personnalité juridique.

Deux voies ont été envisagées : l'obtention du statut d'organe subsidiaire de l'UEO ou un traité sui generis.

La priorité avait été donnée au rattachement de l'OCCAR à l'UEO, mais après plus d'une année de discussions, il a fallu dresser un constat d'échec lorsque, à Bruxelles le 11 novembre 1997, les ambassadeurs des pays membres de l'UEO n'ont pas trouvé le consensus nécessaire. Le principal opposant à s'être exprimé à été l' Espagne qui conditionnait son accord à une modification des principes de Baden-Baden, notamment celui relatif au juste retour globalisé, ce que les membres de l'OCCAR ne pouvaient accepter sauf à dénaturer radicalement le sens profond de leur démarche.

A l'issue de cet échec, la voie du traité sui generis a été suivie dès le mois de décembre 1997 et a abouti à la signature de la convention le 9 septembre 1998 à Farnborough. Tout au long de cette démarche les quatre membres fondateurs de l'OCCAR ont oeuvré de façon solidaire.

Cette période d'hésitation sur le statut de l'OCCAR a néanmoins été mise à profit pour préparer la mise en place définitive de l'organisation .

L'OCCAR, dont le siège central a été établi à Bonn, a intégré depuis sa création les programmes franco-allemands Tigre, Hot, Roland, Milan et Brevel, le programme franco-germano-britannique Cobra et le programme franco-italien FSAF. La rationalisation des bureaux responsables de ces programmes a été engagée.

Concernant les règles relatives à la gestion des programmes, les nations de l'OCCAR constituent un référentiel de règles de gestion inspirées des meilleures méthodes.

Dans le domaine des acquisitions notamment, les quatre pays se sont mis d'accord sur des principes forts et structurants, totalement nouveaux par rapport aux pratiques traditionnelles de la coopération (mise en concurrence systématique dans tous les pays européens, extension à la concurrence extra-européenne en cas de réciprocité effective, abandon du juste retour industriel programme par programme...).

L' obtention de la personnalité juridique , conditionnée par la ratification par les quatre pays membres, de la convention du 9 septembre 1998, constitue cependant l' étape décisive qui doit permettre à l'OCCAR de prendre en charge en toute autonomie la conduite de programmes d'armement.

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